La marque de fabrique des spectacles de Bartabas est de
mêler théâtre équestre, danse, musique vivante avec cette année, encore plus en
majesté : la peinture, sous des éclairages toujours aussi soignés quand
les animaux splendides émergent de la nuit.
C’est bien la moindre des choses quand les chevaux
s’appellent : Le Tintoret, Soutine, Zurbaran et l’âne Lautrec. Et si dans
cette livraison très espagnole au théâtre des haras d’Annecy, on peut convoquer
les images de Goya, Velasquez, Le Gréco et de Zurbaran qui fut marqué par Le
Caravage, il ne s’agit pas de copie mais de re-création de l’âge d’or dans les
noirs et blancs.
De la même façon, Andrès Martin réinvente le flamenco en commençant à danser
dans le sable noir qui étouffe les bruits, avant de faire crépiter la danse
andalouse, il porte toute notre attention sur des rythmes corporels plus
discrets mais pas moins intenses.
Je ne me dispense pas de reprendre les termes du programme
qui souligne les questions de « l’humanité, de l’animalité, du
divin » en « humain, bourrin, divin » mais la rime distrayante
ne rendrait pas hommage à la richesse de tout ce qui est convoqué pendant une
heure et demie.
L’image des supplices qui peuple nos musées réitérée sur
scène pose la question de la beauté qui ne s’épanouit pas seulement dans des
champs fleuris au printemps, mais éclate aussi dans un corps cambré éclaboussé
de sueur.
Les chants religieux du contre ténor soutenus par théorbes
et cornets sont magnifiques, le tempo qui suscite la sérénité ne parodie pas
une quelconque mystique en se permettant quelques touches d’humour au sein d’un
rituel maitrisé. Dans nos contrées Dieu a du mal à faire ses preuves, ne
subsistent que de beaux accessoires du
temps où il avait semaine sainte et processions sans touristes.
Comme avec d’autres artistes dont on apprécie de retrouver
les accents tout en partageant les hardiesses nouvelles, je savoure toujours le
moment où à la fin le cheval sans cavalier va retrouver l’homme, assis cette
fois au pied de la croix.
Le dressage est encore plus fort sous les apparences de la
liberté.
...........
La photographie qui illustre cet article provient d'Arles,
l'auteur de l'original s'appelle Vanden
Eeckhoudt