jeudi 27 juin 2013

Schnock. n°7. Eté 13.



Miou Miou remonte une bretelle de sa robe légère en couverture du trimestriel qui consacre un dossier complet aux « Valseuses » de bientôt quarante ans d’âge.
Souvenir jubilatoire pour une génération, bien que la revue Ecran trouva, lors de sa sortie, ce film de Bertrand Blier « authentiquement nazi, putride comme un abcès mal soigné ».
Le sens de la nuance a-t-il existé ?
 « On est pas bien là ? »
Outre la souvenance de quelques dialogues croustillants, pendant 175 pages nous pouvons nous rappeler la victoire de Noah en 83,  de « Bonne nuit les petits » en 62,  de Gérard Pirès  auteur de « Fantasia chez les ploucs en 1971,  de Bercoff  qui eut son succès sous le nom de Caton en 88 et du critique Angelo Rinaldi « l’as des piques »…
« Mon désespoir ne serait rien si je ne pouvais vous le décrire » Madame de Sévigné.
Et quel plaisir de découvrir une plume alerte : Benjamin Chagall qui pointe des bourdes dans les chansons françaises :
« c’était fin août début juillet » Johnny Hallyday,
et à même la pochette de Carene Cheryl : « Ne raccroches pas. Je t’aime » 
le correcteur orthographique en reste muet !
J’ai appris que Cino Del Duca fut un personnage beaucoup plus complexe que l’image qu’il m’en restait aux couleurs de « Nous deux » :
 « ses anciens camarades du parti communiste trouveront toujours auprès du richissime éditeur qu’il va devenir un travail ou une aide financière »
Dans l’article consacré au tour de France une dernière citation du maître Blondin :
« Anquetil incarnait la partie libre de l’homme, Poulidor sa partie fatale »

mercredi 26 juin 2013

Diégo Rivera et les peintres muralistes.


Christian Loubet nous lit à la fin de sa conférence un extrait d’une déclaration du sous- commandant (j’ai toujours adoré ce grade) Marcos :
« Nous les indigènes ne faisons pas partie du passé mais du futur. Car on regarde vers l’arrière mais on rêve vers l’avant. Nos pieds demeurent dans la glaise de l’histoire mais notre tête aperçoit de lumineux lendemains »
 C’est que d’histoire il en fut question, pas celle d’archives scellées mais s’inscrivant au présent, indissociable du sujet de la soirée aux amis du musée. 
Dès 1906, Murillo professeur à l’académie des beaux arts fait appel au nationalisme des  peintres mexicains contre «  le colonialisme parisien ». Il invente des procédés nouveaux (visions aériennes pleines de courbes), de nouveaux produits (pétro résine).
C’est avant le temps de Pancho Villa et Zapata dont les révoltes commencées en 1911 seront confisquées par Obregón en 1920.
Siqueiros, élève de Murillo participe à la révolution activement puis il rencontre Diégo Rivera à Barcelone avec lequel ils lancent un appel aux artistes d’Amérique, rejoints par Orozco.
« Nous proclamons que lorsqu’on passe d’un ordre décrépit à un ordre neuf, les créateurs de beauté doivent faire tous leurs efforts afin que leur production ait une valeur idéologique pour le peuple. Ainsi le but de l’art qui est actuellement une expression de la masturbation individualiste, sera enfin un art pour tous, d’éducation et de lutte. »
Ils bénéficient de commandes du ministre Vasconcelos.
Rivera  nourri de Giotto exécute une grande fresque : « La création » sur 100 m 2, avec des personnages à la Gauguin.
« Le dîner de capitalistes » occupera 1600 m2 et prendra 4 ans.
Bien d’accord pour fustiger la peinture aristocratique de chevalet, ils vont vers un expressionisme tropical qui réactualise des traditions et se nourri de l’énergie du futurisme.
Le trotskiste Rivera sera traité de « folkloriste » par son comparse le stalinien Siqueiros, allant  lui vers plus d’abstraction.
Lors de leur séjour aux Etats-Unis, ils seront fascinés par la société industrielle, ses immeubles, son dynamisme.  Au temps du « New deal », Roosevelt  leur procure aussi du travail.
Rivera réalise «L’homme à la croisée des chemins » qui avait été refusé par Rockefeller à cause d’une représentation de Trotski, figurait aussi Darwin.
Frida Khalo, sa jeune épouse passionnée, sera au centre d’une fresque distribuant des armes aux paysans et aux prolétaires. Elle qui n’a pu être mère, protège Diégo enfant dans «  Rêve dans le parc d’Alameda ».
Le palais national  sera la Sixtine de Rivera : l’histoire mexicaine avec son versant colonial, révolutionnaire autour de l’aigle et du serpent originels est rappelée.
Le monde indien y figure dans toute sa richesse :
le Quetzalcóatl, serpent à plumes des Toltèques,
le marché Aztèque où une femme tatouée auréolée d’arums reçoit un bras en offrande,
chez les Zapotèques,  au pays de l’or et  de la plume, les prêtres portent des masques de mort,
les artistes Tarasques travaillent le caoutchouc, les teintures,
les voladores Totonaques effectuent 13 cercles  autour de mâts (13X4= 52 semaines),
le maïs est à l’honneur chez les Huastèques, et le sisal et l’agave.
L’origine de ces représentations est citée sur les grisailles en soubassement du  colossal panorama où Cortès n’a pas le beau rôle, les noirs sont marqués au fer rouge, le servage est montré dans toute sa violence. 
Orozco  dans sa « tranchée » guerrière, exprime toute sa noire vigueur.
Le combattant Siqueiros apporte un souffle épique avec sa « Marche de l’humanité », son « Peuple en armes », sa puissante « Nouvelle démocratie », quand il représente la sécurité sociale et son « écho d’un cri » résonne encore.
Ces peintres ont magnifié le collectif dans des rythmes puissants, mis au jour l’héroïsme individuel, rappelé les aspirations du peuple, ses valeurs, ses luttes, dans des cathédrales contemporaines en conviant l’histoire, quand l’avenir se peignait de couleurs vives.

mardi 25 juin 2013

Le démon du soir ou la ménopause héroïque. Florence Cestac.



Dès la première page : « Tumeur bénigne, microkystes calcifiés, opacité tumorale, biopsie mastopathie, tumorectomie », même en bulles, ce vocabulaire n’est pas vraiment hilarant.
Alors quand la sexagénaire, qui a dépassé « le démon de midi » et « d’après midi » depuis deux BD, va se tirer d’affaire après quelques angoisses,et  refaire sa vie avec une énergie décuplée.
Elle quitte son travail, d’autant plus qu’elle elle se sent poussée vers la sortie.
« Je vous rippe les visuels dans le CTP ou je vous les switche ?
Ok ! je vous fais une sortie papier comme d’hab…»
Elle divorce d’un mari éteignoir, se libère de sa fille donneuse de leçons dont elle verra moins mais mieux les enfants. Sa mère qui se prend pour Brigitte Bardot ne la reconnait plus. 
Elle émigre dans les Pyrénées dans une maison qu’elle retape avec des artisans tels qu’ils s’appliquent à se caricaturer, quoique l’un deux est honnête et prévenant, et finit dans les délais…
La mamie boomeur va vivre ses utopies hédonistes qui firent florès dans les années 60, ici ramenées à des bains au soleil et des repas sous les arbres. Les générations suivantes peuvent « prendre les boules » devant ces privilégiés qui ne manquent pas de se poser tellement intelligemment en modèles tellement rigolos.
Elle a cultivé les copines, et « cougard chez les ploucs » se sent heureuse comme un papillon.  
Cet album se lit le temps d’un sourire.
Il va faire un malheur pour les départs à la retraite. Son optimisme passe sans niaiserie avec une dose de vacheries, de dévoilements qui lui font visiblement du bien ; à nous aussi.

lundi 24 juin 2013

Effets secondaires. Steven Sorderbergh.



Nous sommes à New York au pays du roi pognon, dans le milieu des psys, des labos pharmaceutiques, où tout le monde prend ses pilules pour se dessiner un sourire. Mais il y a du sang sur le parquet et les cuisines recèlent des armes de destruction efficaces pour vous faire sursauter, les médias s’emballent et les histoires d’amour, « les histoires d’amour finissent… »
Tout l’intérêt du dernier  film du réalisateur de « Sex mensonges et vidéo » de 1989, est dans les faux semblants que nous nous attendons à gober : alors comme il se doit il ne convient pas de révéler l’issue de ces manipulations dont nous sommes les complices consentants même si la conclusion s’étire pourtant un peu au bout d’une heure quarante. L’actrice Rooney Mara, mystérieuse, fragile, porte le film, l’emmène au-delà d’un divertissement qui ne laissera pourtant aucun souvenir impérissable.

dimanche 23 juin 2013

Un homme. Albin de la Simone.



La poésie ne niche pas seulement dans les éditions confidentielles autoéditées, elle est dans le dernier CD de celui qui a pris le nom de la rivière de son village de Picardie, et dans la pochette élégante qui l’accompagne.
Cette dernière production agréable, permet de patienter en attendant le prochain Souchon, si l’on aime la légèreté, la modestie, les hommes complexes, l’allégresse qui côtoie la gravité, et l’amour qui n’en finit pas des s’inventer.
Sa sensibilité nous réveille bien plus que des  exhortations péremptoires.
« Et toc un coup du ciel, à nouveau la vie est belle
Pour un oui pour un non, tout va bien pour de bon
C'est la crise, c'est la crise qui m'épuise, rien à faire
C'est la crise, c'est la crise, qui s'éternise, on va s'y faire »
Des chansons d’avril prometteuses mais qui se souviennent d’une fin d’hiver incertaine.
« Le poids de mon nom ridicule,
Ce fantôme à particule,
Qui avance quand je recule
J'espère que tout cela va tenir sur mes épaules,
Pas bien gaulées, pas baraquées»
Le nouveau papa parle de son enfant récemment venu au monde.
Sa voix est douce, et l’éloignement des fracas contemporains ne nous fait pas de mal, tout en nous rappelant qu’on peut mourir en plein air.

samedi 22 juin 2013

Mon traître. Sorj Chalandon.



S’il ne m’avait pas été recommandé je serai passé à côté de ce livre important qui va bien au-delà de la guerre en Irlande.
L’ancien journaliste de Libération qui revient en romancier sait de quoi il parle et il nous interroge : depuis le temps des engagements qu’avons nous laissé en chemin ?
Au pays où il trouve « la bière amère, noire, lourde comme un repas d’hiver »
A Belfast : « Ici encore, tout était en dimanche. Avec cet air épais de tourbe et de charbon. L'odeur de Belfast. En hiver, en automne, en été même, lorsque la pluie glace, je ferme les yeux et j'écoute l'odeur de cette ville. Un mélange d'âtre brûlant, de lait pour enfant, de terre, de friture et d'humide. »
Le luthier parisien dont il décrit avec finesse le travail minutieux découvre l’amitié virile dans les pubs et il apporte son aide à la cause des opprimés catholiques :
«  J’avais un goût de briques, un goût de guerre, un goût de tristesse et de colère aussi. J’ai quitté les musiques inutiles pour ne plus jouer que celles de mon nouveau pays. »
Bien que nous sachions d’emblée de quoi il retourne, nous allons au bout des 216 pages avec avidité tant la construction simple est habile et l’écriture acérée sans froideur, délicate et forte.
L’émotion  alimente une réflexion qui ne nous livre pas tous les secrets pour nous laisser face à des interrogations essentielles sur la culpabilité, le mensonge, l’amitié, l’identité, la trahison…

vendredi 21 juin 2013

Fin de l'Occident, naissance du monde. Hervé Kempf.



L’animateur du site Reporterre " le forum de tous ceux qui imaginent le nouveau monde où l’on arrêtera de détruire l’environnement et qui retrouvera l’idéal de la justice", chroniqueur au journal « Le Monde » était invité par la librairie du Square.
Les titres de ses livres dont certains  furent recommandés par Chavez :
« L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie », « Pour sauver la planète, sortez du capitalisme », « Comment les riches détruisent la planète », « La Guerre secrète des OGM », sont évocateurs.
Face aux questions simplistes du président de la Maison de la nature, il devait se montrer plus nuancé que ne l’annoncent ses propres titres en reconnaissant la force de séduction du commerce et récusant la notion de « faute » toujours présente chez les prêcheurs écolos.
Cependant ses appels à des convergences politiques pour aller vers « une décroissance heureuse » sont pollués par des réflexes durables qui sacrifient aux plaisirs de « bons » mots : «  les boas constrictors que doivent avaler les verts comme autant de saucisses de Francfort ».
Le renvoi de Cohn Bendit comme commentateur de foot sur Canal+ parlent peut être à un public de convaincus mais stigmatise un produit qui fut séduisant.
La dénonciation de Rosanvallon pour cause de défunt club Saint Simon peut paraitre anecdotique mais réduit encore le nombre des accessibles à la convergence ; quant au PS n’en parlons pas : reste le PC dont il semble être le seul à ne pas avoir aperçu l’évanouissement.
Visiblement peu au fait des évolutions ni de l’apport de l’auteur de « La société des égaux » qu’il renvoie à une pensée datant de la guerre froide, il n’en maintient pas moins une condamnation hors d’âge. Il fait douter de la dynamique d’un groupe, devant impulser des changements vitaux , qui risque plutôt la régression comme banquise.
Pourtant le regard est renouvelé sur des constats incontestables : 
les disparités existent bien autant à l’intérieur des pays qu’entre la zone Nord et le Sud.
Dans un monde peuplé et riche de ses capacités techniques, les ressources primaires vont se tarir : qui ne le sait ?
Revisitant des cycles historiques longs jusqu’à la révolution industrielle qui a entamé « la grande divergence » après des millénaires de relative égalité énergétique, l’essayiste explique la suprématie occidentale d’alors par le charbon anglais et le coton américain venant après le lin et la laine de proximité.
Il estime que la technique n’existe pas en soi mais dans un rapport social: la science jadis gouvernée par l’état est entrée dans la logique de la libre entreprise (les OGM).
Les remarques concernant des réalités minorées par les médias, bras armés de l’oligarchie économique et politique, illustrées par les 2 millions de manifestants portugais disparaissant derrière Rigide Fardeau, alimentent un optimisme dans l’issue des luttes sociales qui me semble démesuré.
Les manifestations en Turquie amorcées autour d’un parc menacé de destruction ou au Chili autour des droits d’inscription à la fac ne visent pas uniquement à réorienter la croissance au même titre que les opposants à l’aéroport de Notre Dame des Landes.
Bien que depuis quelques jours le pays de Neymar  secoue les cocotiers.
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Dans le Canard de cette semaine :