samedi 29 décembre 2012

Le champ du potier. Andrea Camilleri.



Le gang des méditerranéens des auteurs de polars: Manuel Vázquez Montalbán a écrit des livres policiers où son inspecteur désabusé Pepe Carvalho amateur de cuisine est fortement enraciné dans l’histoire de sa région. Jean Claude Izzo reprit la recette, le héros fatigué de Camilleri s’appelle Montalbano, il travaille et se restaure en Sicile.
« Il changea de chaîne. Un cardinal parlait du caractère sacré de la famille. Pour l'écouter, il y avait au premier rang quelques hommes politiques dont deux divorcés, un qui vivait avec une mineure après avoir abandonné sa femme et ses trois enfants, un quatrième qui entretenait une famille officielle et deux familles officieuses, un cinquième qui ne s'était jamais marié passque tout le monde savait qu'il n'aimait pas les femmes. Tous acquiesçaient gravement aux paroles du cardinal. »
La traduction en français mêlé d’une sorte de provençal ajoute une touche originale à une intrigue policière nonchalante teintée d’humour.
« Dottori, j’étais en train de pinser que peut-être bien qu’il m’aconvient de frapper avec le pied, vu qu’avec la main je ne contrôle jamais. »
Nous voyageons dans un pays de culture.
« La vieille Mafia était maître en sémiologie, à savoir les signes qui servent à communiquer. Tué avec une boule épineuse de figuier de barbarie jetée sur le corps ?
 Nous l’avons fait parce qu’il nous a piqué trop d’épines, trop de déplaisirs.
 Tué avec une pierre dans la bouche ?
Nous l’avons fait parce qu’il parlait trop. »
 La mer désormais rejette des détritus sur les plages, et quelques femmes sublimes ont beau traverser le récit, le temps pèse sur les corps et les âmes.
Et il peut être nécessaire de connaître l’évangile selon Saint Matthieu
« Judas, celui qui l’avait trahi, apprit que Jésus avait été condamné. Il fut alors pris de remords et rapporta les trente pièces d’argent aux chefs des prêtres et aux anciens. Il leur dit : Je suis coupable, j’ai livré un innocent à la mort ! Mais ils lui répondirent : Cela nous est égal ! C’est ton affaire ! Judas jeta l’argent dans le temple et partit ; puis il alla se pendre. Les chefs des prêtres ramassèrent l’argent et dirent : Notre loi ne permet pas de verser cet argent dans le trésor du temple, car c’est le prix du sang. Après s’être mis d’accord, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y établir un cimetière d’étrangers. C’est pourquoi ce champ s’est appelé champ du sang jusqu’à ce jour. »
Le cadavre a été découpé en trente morceaux.

vendredi 28 décembre 2012

Depardieu parti.



Autour des tables de Noël, nous avons évité de parler de Depardieu.
L’écrit, fut-il en ligne, assurant moins de fâcheries en direct, j’y vais de mon couplet.
L’exil d’Obélix n’est pas anodin : les masques se fendillent.
Le roc, bien qu’enveloppé, continuait pour moi à incarner la vitalité d’une jeunesse qui perdurait depuis « Les Valseuses », j’aimais tellement son rire tonitruant.
Mais le dernier épisode, où il joue les offensés du haut de son arrogance de parvenu, ne passe pas.
J’ai transmis le texte de Torreton dont j’avais apprécié les accents théâtraux bienvenus dans cette comédie quelque peu surjouée de toutes parts.
Les Lucchini, Gad Elmaleh qui nient tout droit à ceux qui ne sont pas à l’affiche de porter tout jugement, hérissent mon esprit borné par notre triade républicaine.
Comment ça ? En dessous de tant de clients, de tant de pognon, à moins de cinq dictateurs dans son réseau, ceux qui consentent volontiers à l’impôt n’auraient pas le droit de causer !
Au-delà des brandisseurs intermittents de drapeaux tricolores qui échappent depuis belle lurette à la solidarité envers ceux qui ont contribué à leur fortune, le reflexe de caste qui a saisi bien des artistes m’a surpris et navré.
Le peuple sera-t-il le dernier à devoir payer l’impôt ?
Tous ces « peoples », que n’avaient-ils dénié le droit au clergé de s’exprimer contre le mariage pour tous, alors qu’il ne s’agit pas de mariage religieux mais civil ?
Je n’attends pas de Deneuve qu’elle nous dise ce qu’est la laïcité, elle a bien trop à faire avec sa corporation.
Je fréquente les salles de théâtre, de cinéma, me croyant familier de personnages numérisés rétribués grassement, il est temps de m’apercevoir que la profession d’ « artiste » n’est qu’une variante de publicitaire : Jean Valjean c’était de Victor Hugo, le reste des contrats. 
J’imaginais tant de passion pour accéder à ce métier prestigieux, tant de sacrifices jusqu’à la cour d’honneur du palais des papes, en plein Mistral.
Aujourd’hui, comme dans la chanson interprétée par Tapie,  il devient fréquent que des parents qui auraient voulu «  être un artiste », poussent leur progéniture indifférente sous les projecteurs.
Les spots n’éclairent plus que des brouillards artificiels.
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Dans le Canard de cette semaine:
 

jeudi 27 décembre 2012

Tango n°4. Les fous du sport.



Une photographie de Doisneau, peu connue, il y en a, d’un boxeur effondré dans son coin devant un manager hilare de toute sa bouche édentée ne glorifie pas « le noble art » mais donne une idée du beau magazine consacré au sport à grand renfort de plumes chatoyantes : De Kérangal, Fournel, Delbourg, Le Bris…
Le choix de Doisneau est  par ailleurs significatif de la tonalité essentiellement nostalgique donnée à ces 150 pages sur papier glacé.
Dans ce numéro printemps / été vendu dans les librairies, il est question de rugby bien entendu mais du temps de Bala et des frères Boniface, de foot quand les sangliers sauvages peuplaient les forêts des Ardennes, de Rigoulot « l’homme le plus fort du monde »,  de Robic, « Biquet, Nain jaune, Tête de cuir, Pomme à cidre »…
Sous le regard de Blondin l’inévitable, ce ne peut être qu’agréable pour ma génération, mais hors de notre temps. Quand les rédacteurs s’éloignent du passé, leurs fictions ont des airs démodés.  

mercredi 26 décembre 2012

Montesquieu à La Brède.



Une des figures de l’époque des lumières, Charles Louis de Seconda dit Montesquieu, qui porta un regard  aigu sur la société de son temps avec les « Lettres persanes » et passa à la postérité avec « l’Esprit des lois » fut un propriétaire terrien.
« Il n’est pas une demeure, un champ, une vigne, une touffe d’herbe dans cette région qui n’appartienne pas à Monsieur de Montesquieu ».
Le terme « château » pour désigner bien des bouteilles de Grave alentours,  n’est pas galvaudé ici.
Le bâtiment gothique entouré d’eau avec ses tourelles, bien qu’édifié à la fin du moyen âge, garde un fort air de forteresse adouci à la renaissance. 
"La Nature s'y trouve dans sa robe de chambre et au lever de son lit"
Ses parents  dont il hérite du domaine ont choisi pour parrain à sa naissance en 1689, un mendiant en signe d’humilité.
Le philosophe voyage en Europe et entretient des liens privilégiés avec l’Angleterre.
"Une chose n'est pas juste parce que c'est la loi; mais elle doit être loi parce qu'elle est juste"
Il revend sa charge de magistrat, mais continue à  travailler le droit. Son œuvre principale, qui lui vaut tant d’éloges, demeure par l’idée centrale de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Il est mis à l’index par l’église.
"Il est très surprenant que les richesses des gens de l'Eglise aient commencé par le principe de pauvreté."
Curieux de sciences, il est aussi considéré comme l'un des fondateurs de la  sociologie.
"Il n'est jamais chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé."
Les livres de sa bibliothèque ont été légués aux archives de Bordeaux. Un bel espace qui leur était consacré demeure parmi les pièces du château parcouru avec les explications d’une étudiante slave.
Le syndicat d’initiative du village a inscrit :
"Parlez moi de toute l’Europe, moi je vous parlerais de mon village de la Brède".

mardi 25 décembre 2012

Noël 2012



"Le fleuve où la lueur des astres se réfracte
Semble dallé d’acier et maçonné d’argent ;
Seule une barque est là, qui veille et qui attend,
Les deux avirons pris dans la glace compacte.
Quel ange ou quel héros les empoignant soudain
Dispersera ce vaste hiver à coups de rames
Et conduira la barque en un pays de flammes
Vers les océans d’or des paradis lointains ?
Ou bien doit-elle attendre à tout jamais son maître,
Prisonnière du froid et du grand minuit blanc,
Tandis que des oiseaux libres et flagellant
Les vents, volent, là-haut, vers les printemps à naître ?"
Emile Verhaeren, Les bords de la route

lundi 24 décembre 2012

Ernest et Célestine.



Si les studios qui produisent des films d’animation font en général de l’œil aux adultes, cette adaptation d’une série fameuse de la littérature enfantine se consacre essentiellement aux petits sans les prendre pour des benêts.
L’amitié, thème finalement banal, se noue entre une souris artiste qui n’a pas l’intention de devenir dentiste et un ours gourmand et musicien.
Ils échappent aux conditionnements de leurs univers respectifs et  se construisent une amitié qui n’était pas acquise au départ.
Leur histoire célèbre la tolérance, sans lourdeur, et apporte quelques notations pas seulement amusantes.
Le roi du sucre ne veut pas que son fils consomme ses productions, et sa femme vend des dents de rechange à ses compatriotes dont les dents sont ravagées par les confiseries.
«- Mais Célestine une souris qui vit avec un ours ce n’est pas normal.
- Vous vivez bien avec une ourse.
- Hélas, oui. »
Les tons pastels cultivent le charme de ce récit de fête dialogué par Daniel Pennac tout en simplicité. Son rythme tranquille, nous repose des succès aux effets tapageurs et aux cadences infernales. La neige recouvre les maisons, les rouges-gorges se posent au bord des fenêtres, les personnages s’éclairent à la bougie dont la lumière convient  si bien à l’aquarelle.
Ernestine la souris, ne croit pas aux légendes où les ours sont de grands méchants, mais nous, nous aimons croire à la douce poésie de ce conte.

dimanche 23 décembre 2012

Un casse-noisette. Bouba Landrille Tchouda.



A la sortie  du spectacle « un » Casse noisette, « d’après » le conte d’Hoffmann, « sur la musique » de Tchaïkovski, une adulte se demandait si l’enfant qu’elle accompagnait avait pu tout comprendre : j’en douterais, mais qu’ai-je compris ?
En tous cas notre imaginaire avait de quoi se nourrir.
Porté par la dynamique de la danse et des musiques, je me suis laissé séduire par la cohérence de la représentation sans deviner par exemple où était l’armée de souris dont il est question dans la version originale.
Si d’habitude je ne goûte guère les costumes aux couleurs brillantes, j’ai trouvé qu’ils convenaient tout à fait pour évoquer la nuit magique de Noël dont la noirceur est  pourtant là derrière la porte.
Un bruit de noix qui se brise apporte une note d’humour dans un univers fantasmagorique ponctué par des plumes qui volètent.
J’ai repensé aux enfants tellement sérieux quand ils jouent, avec ce chorégraphe se coltinant « au passage de l’enfance à l’adolescence » quand « les forces du mal »  s’attaquent à l’amour.
Sans aller jusqu’à voir des femmes sous niqab dans les boites glissant sur une séquence de musique arabe, j’ai apprécié les innovations chorégraphiques.
Elles ne sont pas là pour frimer, mais enrichies des traditions, elles tonifient une œuvre patrimoniale qui avait attiré beaucoup de parents soucieux de transmission.
L’intention du natif de la Villeneuve, élevé au hip hop, de « rendre spectaculaire le plus anodin de chaque instant » est palpable, la petite fille dans son rectangle de lumière est émouvante. Les 75 minutes passent très vite.