jeudi 6 décembre 2012

Plan relief de Grenoble.



La maquette de Grenoble en 1840 du temps où elle était ville de garnison, est exposée au Magasin, musée d’art contemporain. Elle est monumentale: 60m2. 
La maquette de fort Barraux est installée au musée Dauphinois également  jusqu’au 6 janvier.
Ces deux représentations minutieuses figurent parmi les 260 plans reliefs constitués pour des raisons militaires depuis le règne de Louis XV jusqu'à Napoléon III. Pierre Mauroy les avait extirpées des réserves où elles prenaient la poussière.
Les fortifications servirent bien peu.
Des jumelles sont à la disposition des visiteurs mais un bon zoom d’appareil photo est plus efficace pour apprécier la finesse des détails, la beauté de l’ensemble.
Au-delà des courbes de l’Isère et des pentes de la Bastille, la cathédrale Saint André, le couvent de Sainte Marie d’en haut sont des repères immuables et le public se régale de voir les évolutions qui se sont opérées. Pas de trace de la gare qui sera édifiée 12 ans après la maquette.
Au moment où des transformations spectaculaires s’apprêtent, il est bien agréable de poser un regard surplombant, en retrouvant des sensations qui remontent à l’enfance.
« Je craignais trouver à Grenoble ce vilain petit pavé pointu qui à Lyon m’empêchait de marcher. Mais les grenoblois sont des gens d’esprit ; sept de leur rues sont déjà pavées de pierres plates que l’on tire de Fontaine, et dans six ans il n’y aura plus de pavé pointu » Stendhal n’a pas été toujours aussi indulgent avec sa ville ; d’autres citations enrichissent la visite :
 «  Ce que j’aime dans Grenoble c’est qu’elle a la physionomie d’une ville et non d’un grand village comme Reims, Poitiers ou Dijon. Toutes les maisons ont quatre ou cinq étages, quelquefois plus. Cela est incommode et  moins salubre, sans doute mais la première condition de l’architecture est de montrer la puissance. »

mercredi 5 décembre 2012

Bordeaux # 2. Moderne chez les anciens.



Dans le quartier Saint Pierre des mascarons ornent les dessus de portes avec des visages africains qui rappellent discrètement la traite négrière.
De cet âge d’or « ne peut être détaché de l’origine de sa richesse : les denrées coloniales, fruit du travail des esclaves des Antilles et de l’océan indien. »
Au cœur de cette zone touristique, le cinéma d’art et d’essai Utopia est installé dans une ancienne chapelle.
 « C’est Mériadeck ici! » dans le langage local signifiait « c’est le bordel !», c’est qu’il y en avait jadis dans ce quartier pauvre à présent témoin de l’architecture des années 60 à forte teneur en béton qui ne jure pas tant que ça avec la vieille ville qui nettoie ses noires façades. 
Récemment, Rogers, l’architecte qui a conçu Beaubourg, a réalisé le tribunal de grande instance dont chaque salle d’audience semble une ruche derrière la façade transparente.
A la limite du quartier des Chartrons, un entrepôt des denrées coloniales accueille depuis trente ans un musée d’art contemporain CAPC (centre d’arts plastiques contemporains).
Le quartier doit son nom à un couvent des chartreux qui en était le centre, et sa renommée aux négociants Anglais qui apportèrent un air d’outre manche, que Flamands, Irlandais ou russes perpétuèrent. 
La préservation des volumes imposants de l’entrepôt Lainé est le principal attrait du lieu.
Keith Haring est dans l’ascenseur. Buren, Warhol, Barcelo, Boltanski, Combas font partie de l’exposition permanente, mais j’ai regretté leur discrétion face à la rampe de Michel Majerus "If you are dead, so it is" qui occupait provisoirement la nef principale et aurait pu satisfaire les skateurs ailleurs.
Si le quartier des Chartrons est lié au commerce du vin, Bacalan à côté des bassins à flot accueillait les dockers. Son nom n’a rien à voir avec  quelque bacalhau portugaise, mais avec le patronyme d’une famille protestante de la région.
Bien mise en lumière, la base sous marine située au Nord de la ville, que nous n’avons pu visiter, éveille la curiosité. Ce bunker colossal construit en 1941 par 7000 ouvriers, abritait des sous marins allemands sous ses 6 mètres de ciment. Aujourd’hui des galeries y sont installées.
De préférence aux installations froides des institutions vouées à l’art contemporain, l’art brut est pour moi plus immédiat, plus bouleversant.
C’est à Bègles, ancienne banlieue rouge, chez  le vert Mamère,  que nous trouvons notre affaire au musée de la création franche.
Nous sommes dans l’intimité d’une maison du XVIII° où alors Rosemarie Koczÿ exposait. L’abondance de ses dessins intitulés « Je vous tisse un linceul », leur force, le thème des camps de concentration m’ont conduit à abréger ma visite. Je me suis reconstitué avec des œuvres de l’art postal qui parfois crient aussi mais dont la diversité m’a enchanté.

mardi 4 décembre 2012

Les gosses. Carabal.



Une planche de la BD parait chaque semaine dans « Femmes actuelles », depuis 95.
Le trait du papa qui raconte sa vie de famille a beau rappeler Reiser par sa vivacité, c’est la gentillesse qui domine dans ces chroniques tendres qui s’intitulent dans le premier album d’une série de 17 : 
« Et en plus c’est vrai », on n’en doute pas.
C’est la mère harassée que le petit dernier appelle avec insistance pour lui dire : 
« t’es belle maman ! »
Les gosses sont bavards, leurs bons mots naturels, les parents font de leur mieux, c’est reposant.
Et  on ne dit pas « la dépanneuse grosse » ni « la blanche dépanneuse » ni « la voiture de nous » même quand  sa propre voiture est emmenée à la fourrière par une grosse dépanneuse blanche.
« - Hein papa qu’il faut pas dire la mec ?!
- Oui ! Mais s’il te plait laisse-moi écouter les infos !!
- On dit les informations… »

lundi 3 décembre 2012

Sharqiya. Ami Livne.



La terre, l’eau.
Les paroles sont rares, les enjeux élémentaires.
L’état d’Israël a décidé la démolition de misérables cabanes qui abritent deux frères bédouins aux caractères différents et la femme de l’un d’entre eux.
Ils vont se défendre.
La lenteur permet de nous installer du côté de ces hommes dignes, face aux forces dites de l’ordre qui fabriquent du terroriste à la pelle.

dimanche 2 décembre 2012

Arno.



Il a une telle voix que lorsqu’il chante en anglais je suis prêt à faire des efforts pour écouter et je peux aller jusqu’au flamand.
Le plus rauque’n roll des chanteurs de toutes les Wallonie et Biélorussie réunies.
Pour que son interprétation des « Filles du bord de mer » vous transperce, il en faut de la profondeur, et la légèreté d’Adamo qui eut son charme en est toute retournée.
Le natif d’Ostende, là où les chevaux de la mer nous causent depuis leurs brumes, nous régale d’un d’humour qui ne se trouve pas sur toutes les plages rock.

« Tu penses que je suis pas trop petit
Tu penses que je peux être heureux
Tu penses que je vais mourir
Tu penses que je dis des conneries

Et moi je veux nager
Encore une fois avec toi
Et moi je veux nager
Ma femme n'est pas là

Moi j'aime Dieu
Moi je fais ce que je veux
J'adore Hollywood
J'aime l'été à St Tropez

Et moi je veux nager
Encore une fois avec toi
Et moi je veux nager
Ma femme n'est pas là

I wanna swim with you
In the moonlight
Je veux nager, nager avec toi
In the moonlight... »

Rugueux et tendre.
Il parait qu’il a quarante ans de scène derrière lui, alors  je suis bienheureux,  j’ai encore beaucoup à découvrir de cet artiste rare.
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samedi 1 décembre 2012

Un repas en hiver. Hubert Mingarelli.



Appâté par une critique de Libé qui s’était mis à la hauteur du livre, j’en ai acheté deux et je ne me suis pas trompé.
« Tout à l’heure nous avions traversé un village polonais, triste comme une assiette en fer qu’on n’a jamais lavée. »
Implacables destins de trois soldats allemands et d’un jeune juif qu’ils ont capturé dans la forêt en Pologne.
« Nous avions l’habitude, nous savions ce qui nous attendait, et pourtant le froid nous surprenait toujours. On aurait dit qu’il rentrait par les yeux et se répandait partout. Comme de l’eau gelée qui serait passée par deux trous. »
Pour faire fondre la neige, chauffer une soupe tellement attendue, ils vont brûler les chaises, l’étagère, la porte de la resserre où se blottit leur prisonnier.
Nous entrons avec eux dans cette pauvre maison avant leur retour au camp, et nous en ressortons glacés.
« Pourquoi le lieutenant Graaf avait-il besoin de nous rassembler dehors ? Ne craignait-il pas le froid lui aussi ? Ce qu’il avait à nous dire, nous aurions pu aussi bien l’écouter au chaud, debout devant nos lits de camp. Sans doute ne trouvait-il pas assez solennel de nous parler à l’intérieur du gymnase. Il avait fait suspendre une plaque en fer à un poteau téléphonique, et le bruit qu’elle faisait, lorsqu’il frappait dessus, ce tintement sinistre, nous le haïssions plus que le froid qui nous attendait dehors. Nous n’avions pas le choix, nous obéissions à un ordre, mais il en fallait n’empêche du courage pour sortir par un temps pareil. »
La barbarie, et des éclairs d’humanité dans les gestes élémentaires, fumer, creuser une cuillère,  apercevoir un cristal de neige tricoté sur un bonnet.
Je ne vais pas tout recopier, le livre n’a que 130 pages et l’essentiel est dans chacune d’elle.

vendredi 30 novembre 2012

Domination et émancipation.



Le rendez-vous proposé par la villa Gillet, décentralisé à la MC2, portait comme sous-titre : « pour un renouveau de la critique sociale ».
Volontiers disponible pour ce genre de débats type forum de Libé ou de « La République des idées », j’en étais à regretter des approches plus journalistiques, plus percutantes. Je suis moins familier des manières universitaires.
Philippe Corcuff pourtant engagé dans les mouvements sociaux, est resté trop souvent le nez dans ses textes ainsi que Luc Boltanski sociologue et Nancy Fraser philosophe.
Quand Boltanski demande que la sociologie dépasse son rôle d’expertise et renouvelle son langage, il illustre cette remarque par  sa propre prestation, trop guindée, surtout au début.
« Ne parvenant à modifier la réalité ni vers le bas, ni vers le haut, la critique est devenue un genre littéraire parmi d’autres et même une sorte de discipline universitaire »
Les temps sont à la déploration mais la répétition des constats est stérile.
Oui, « l’asymétrie des revenus » entraine l’obéissance et  certes, l’autonomie permettrait de s’arracher aux dominations.
Mais que de difficultés à exprimer les régressions présentes où les victimes des inégalités sont jugées comme des coupables !
 « Le néo libéralisme et l’état-nation en interaction sont au faite de leur puissance et profondément en crise. »
Les positionnements des acteurs politiques se situent autour du libéralisme qui en oublient les critiques vis-à-vis de l’état.
A la tribune leur ancrage libertaire leur interdit de jeter l’émancipation avec les eaux usées du libéralisme.
 « Parce qu’il pousse de plus en plus férocement à marchandiser la nature et la reproduction sociale, le néolibéralisme érode les bases mêmes sur lesquelles repose le capitalisme »
Boltanski caricature des féministes, des « laïcards » qui se retrouvent avec les xénophobes  en se polarisant contre le voile qui serait même la « cause du déséquilibre de la balance des paiements !» Tous des néo cons’. 
Par contre sa vision des « responsables » qui « sont en charge de tout, mais responsable de rien » rejoint le bon sens populaire. Et  les alternatifs qui espéraient en un grand soir sont également bien passifs.
De l’auditorium bien rempli, vint la remarque que l’état providence apporte d’abord ses aides aux banquiers ; alors, nous sortons des généralités.
Et quand l’animateur finit sur le mot  magique qui réunit pratique et théorie : « praxis »,  après avoir insisté sur le verbe émanciper qui ne peut  prendre réalité que sous sa forme pronominale : s’émanciper, là je le suis.
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