Tome deux de la série "Léon La Came", le titre accrocheur ne déçoit pas.
Le récit baignant dans des couleurs crépusculaires mène au désespoir avec habileté et force en jouant sur les registres de la caricature, du fantastique pour une approche très politique de la marchandisation de notre société jusqu’à des contrées proches d’ Aubenas.
Le héros quelque peu naïf, au départ montreur de marionnettes, va essayer de suivre les préceptes du Manuel du Savoir-Winner : ne dormir que quelques heures, ne pas lésiner sur les pots de vin, mais saura-t-il « tirer parti de ses échecs pour pouvoir repartir du bon pied » une fois qu’il aura chuté ?
La remise au goût du jour de la légende de la bête à "deux groulx" qui fit peur aux populations fait gagner les élections et un parc d’attraction va s’ériger, les produits dérivés du cochon hideux se multiplier. Toute ressemblance… rend la fable noire tout à fait intéressante.
mardi 15 mars 2011
lundi 14 mars 2011
True grit. Ethan Coen et Joël Coen.
Si ce n’avaient été les Coen à la manœuvre, je ne serais pas allé voir ce western de chez west ; à la sortie c’est le plaisir du cinéma éternel des grands espaces photogéniques où pétaradent des archétypes rassurants. Pour ma part je n’ai pas décelé la distance habituelle des réalisateurs avec le genre fondateur d’une Amérique qui tient tellement à ses guns. Le titre signifie « avoir du cran » même si « a grit » est un caillou dans la chaussure.
Quête initiatique comme d’hab’ avec trois personnages tellement différents, condamnés à se supporter, à se compléter, à se sauver.
La jeune fille au chapeau charmant genre « l’Amant » a la langue bien pendue et mène ses machos par le bout du nez, et ce n’est pas conventionnel. Mais peut être que Sarah Palin a aimé.
Quête initiatique comme d’hab’ avec trois personnages tellement différents, condamnés à se supporter, à se compléter, à se sauver.
La jeune fille au chapeau charmant genre « l’Amant » a la langue bien pendue et mène ses machos par le bout du nez, et ce n’est pas conventionnel. Mais peut être que Sarah Palin a aimé.
dimanche 6 mars 2011
Sur la route. Antoine Rigot.
Ce n’est pas « Sur la route » de Kerouac, ni « La route » de McCarthy, ce serait plutôt « Sur le fil » mais un de leur spectacle précédent était « Le fil sous la neige ».
Un acrobate a été victime d’un grave accident ; désormais infirme, il rassemble ses jambes avec ses bras, se remet debout, amorce un premier pas vacillant.
Les spectateurs, assis autour d’un triangle parcouru de barres et de câbles, prennent la mesure de l’exploit d’avancer une jambe après l’autre.
Une jeune femme funambule, Sanja Kosonen, viendra depuis des fils suspendus, le relever quand il tombe, le soutenir jusqu’à ce qu’il grimpe au dessus du sol. Il l’aura lui aussi portée, il aura servi de pont, de protection, d’aide, pour des cabrioles spectaculaires ou des figures inédites sur ces fils de fer qui paraissent si blessants et qui peuvent servir à rebondir pour de furtives envolées.
Cette histoire d’amour est suffisamment forte, élémentaire, qu’il n’était pas forcément utile d’en appeler dans le programme à Antigone, figure de la résistante, ou à Œdipe qui certes a été entravé, mais furent surtout connus pour d’autres représentations.
Un spectacle intense, tendu, délicat et puissant, qui nous rappelle à nos corps, à la volonté nécessaire pour se reconstruire.
………………….
Pendant une petite semaine, il n’y aura pas de nouvelle publication sur ce blog.
Un acrobate a été victime d’un grave accident ; désormais infirme, il rassemble ses jambes avec ses bras, se remet debout, amorce un premier pas vacillant.
Les spectateurs, assis autour d’un triangle parcouru de barres et de câbles, prennent la mesure de l’exploit d’avancer une jambe après l’autre.
Une jeune femme funambule, Sanja Kosonen, viendra depuis des fils suspendus, le relever quand il tombe, le soutenir jusqu’à ce qu’il grimpe au dessus du sol. Il l’aura lui aussi portée, il aura servi de pont, de protection, d’aide, pour des cabrioles spectaculaires ou des figures inédites sur ces fils de fer qui paraissent si blessants et qui peuvent servir à rebondir pour de furtives envolées.
Cette histoire d’amour est suffisamment forte, élémentaire, qu’il n’était pas forcément utile d’en appeler dans le programme à Antigone, figure de la résistante, ou à Œdipe qui certes a été entravé, mais furent surtout connus pour d’autres représentations.
Un spectacle intense, tendu, délicat et puissant, qui nous rappelle à nos corps, à la volonté nécessaire pour se reconstruire.
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Pendant une petite semaine, il n’y aura pas de nouvelle publication sur ce blog.
samedi 5 mars 2011
Nicolas Bouvier dans « Le matricule des anges ».
Dans le mensuel consacré à la littérature contemporaine, sans publicité, l’écrivain voyageur connu surtout pour être l’auteur de « L’usage du monde » occupe la une et une dizaine de pages de la revue. Son livre culte, récit illustré de dessins d’un voyage de la Yougoslavie à l’Afghanistan est une invitation à comprendre, à s’émerveiller.
« On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait. »
Bloqué par la neige à Tabriz en Iran, il écrit pendant des mois, mais l’enveloppe contenant ses feuillets finit à la décharge, il ne retrouvera qu’une phrase amputée:
« neige de novembre qui clôt les bouches et qui nous endort ».
Depuis mon écran, je vois dans ce dévoilement de la fabrique de l’écriture, une image magnifique et le bonheur des couleurs qu’il a depuis rapporté nous ravit.
En Grèce il distingue : « un bleu marin, d’une intense gaité, qui agit sur les nerfs comme de la caféine ».
Sa correspondance est moins solaire mais les commentaires concernant un séjour à Ceylan où il frôle la folie donnent envie d’aller plus loin avec lui.
Dans ce numéro de décembre, Philippe Muray, tellement branché depuis qu’il a disparu, lui qui avait la mode en élégante horreur écrivait : « personne n’est davantage anti-touriste qu’un touriste ». Bouvier, lui, le Suisse, « greffier de l’existence » porte à la « polyphonie du monde une attention fébrile », et va au delà
« On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait. »
Bloqué par la neige à Tabriz en Iran, il écrit pendant des mois, mais l’enveloppe contenant ses feuillets finit à la décharge, il ne retrouvera qu’une phrase amputée:
« neige de novembre qui clôt les bouches et qui nous endort ».
Depuis mon écran, je vois dans ce dévoilement de la fabrique de l’écriture, une image magnifique et le bonheur des couleurs qu’il a depuis rapporté nous ravit.
En Grèce il distingue : « un bleu marin, d’une intense gaité, qui agit sur les nerfs comme de la caféine ».
Sa correspondance est moins solaire mais les commentaires concernant un séjour à Ceylan où il frôle la folie donnent envie d’aller plus loin avec lui.
Dans ce numéro de décembre, Philippe Muray, tellement branché depuis qu’il a disparu, lui qui avait la mode en élégante horreur écrivait : « personne n’est davantage anti-touriste qu’un touriste ». Bouvier, lui, le Suisse, « greffier de l’existence » porte à la « polyphonie du monde une attention fébrile », et va au delà
vendredi 4 mars 2011
Logement. Un débat.
Les affiches « non au bétonnage » ont été recouvertes mais elles ont eu le mérite de secouer quelques politiques assoupis.
Les réseaux se sont un peu agités, un responsable socialiste a pu réagir, certains militants écologistes développer leur réflexion.
J’avais proposé de publier quelques mots du premier mais il n’a pas souhaité apparaître sur ce blog, ainsi persisteront seulement dans les rétines de la plupart les mots sommaires des affiches en question, même si vis-à-vis de certains publics, il a pu évoquer la densification ou des immeubles plus hauts. Mais il n’est pas le seul à préférer l'approbation de ses amis ou leur silence.
Pour avoir fait parvenir des éléments de débat qui pouvaient interpeler « ceux qui s’intéressent à la vie de la commune », je suis passé aux yeux de certains pour un provocateur, un manipulateur, un amateur.
Et pourtant je persiste à croire que les débats les plus riches se déroulent parmi ceux avec lesquels nous sommes en désaccord. On peut alors apprendre, se fortifier, convaincre.
Par contre aucun sectarisme du côté d’un militant écologiste dont j’ai aimé la contradiction dans nos courriers croisés concernant « le dogme de la densification qui sauverait du mitage » dont je suis un adepte.
Il pose par ailleurs des questions essentielles sur les lieux pertinents de décisions assurant une cohérence des aménagements.
Il trouvera j’espère l’espace pour développer ses remarques.
J’extrais quelques lignes où il invite à l’inventivité :
« il faut que nous soyons plus inventifs sur la problématique du logement et nous ne devons pas rechercher que la solution du construire plus sur des espaces pas "encore consommés" en ces périodes de décohabition où sur notre commune les appartements font en moyenne 4 ou 5 pièces alors qu'un ménage moyen est composé de 2,3 individus. Encourageons d'avantage la cohabitation intergénérationnelle et aussi entre séniors, imposons aux promoteurs la construction de logements de plus petites tailles pour attirer des jeunes. Cherchons aussi à construire peut être un peu plus haut à l'emplacement par exemple de tous les commerces en RDC le long de la route de Lyon tout en veillant à la qualité des constructions futures. »
Les réseaux se sont un peu agités, un responsable socialiste a pu réagir, certains militants écologistes développer leur réflexion.
J’avais proposé de publier quelques mots du premier mais il n’a pas souhaité apparaître sur ce blog, ainsi persisteront seulement dans les rétines de la plupart les mots sommaires des affiches en question, même si vis-à-vis de certains publics, il a pu évoquer la densification ou des immeubles plus hauts. Mais il n’est pas le seul à préférer l'approbation de ses amis ou leur silence.
Pour avoir fait parvenir des éléments de débat qui pouvaient interpeler « ceux qui s’intéressent à la vie de la commune », je suis passé aux yeux de certains pour un provocateur, un manipulateur, un amateur.
Et pourtant je persiste à croire que les débats les plus riches se déroulent parmi ceux avec lesquels nous sommes en désaccord. On peut alors apprendre, se fortifier, convaincre.
Par contre aucun sectarisme du côté d’un militant écologiste dont j’ai aimé la contradiction dans nos courriers croisés concernant « le dogme de la densification qui sauverait du mitage » dont je suis un adepte.
Il pose par ailleurs des questions essentielles sur les lieux pertinents de décisions assurant une cohérence des aménagements.
Il trouvera j’espère l’espace pour développer ses remarques.
J’extrais quelques lignes où il invite à l’inventivité :
« il faut que nous soyons plus inventifs sur la problématique du logement et nous ne devons pas rechercher que la solution du construire plus sur des espaces pas "encore consommés" en ces périodes de décohabition où sur notre commune les appartements font en moyenne 4 ou 5 pièces alors qu'un ménage moyen est composé de 2,3 individus. Encourageons d'avantage la cohabitation intergénérationnelle et aussi entre séniors, imposons aux promoteurs la construction de logements de plus petites tailles pour attirer des jeunes. Cherchons aussi à construire peut être un peu plus haut à l'emplacement par exemple de tous les commerces en RDC le long de la route de Lyon tout en veillant à la qualité des constructions futures. »
jeudi 3 mars 2011
Les vanités au XVII° siècle.
C’était au temps de l’effervescence intellectuelle, scientifique, religieuse, le moment aussi du retour sur soi, vers l’essentiel. La méditation sur la destinée débouche sur une seule certitude : la mort. Le savoir devient relatif; lorsque la science se développe, la douleur croît-elle ? L’univers de Ptolémée disparaît, et le passé se redécouvre : il y avait donc un monde avant le christianisme. L’apprentissage du grec n’est plus une hérésie. La complexité amène son lot de scepticisme. L’église qui organisait le savoir est remise en question. Aller contre les dogmes met en lumière la faiblesse de l’homme et sa nature misérable: reste à trembler ou à s’emmitoufler dans les plis du baroque.
Jean Serroy, aux amis du musée, a amené l’Ecclésiaste : "Vanité des vanités, vanité des vanités, tout est vanité." Il lira au cours de la soirée des extraits de poèmes qui accompagneront la présentation de tableaux avec très souvent un crâne en motif principal.
« J’ai vu fondre la neige et ses torrents tarir,
Ces lions rugissants je les ai vu sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir. »
Jean de Sponde
Le monde est illusion, tromperie, leurres, tentations et masques ; la seule constante : la mort.
Les natures mortes portant les symboles de la futilité des activités humaines vont se multiplier : « mémento mori » (souviens-toi que tu mourras). La religion protestante a beau être iconoclaste, ce genre de tableaux se développera dans le nord de l’Europe. Bien que là bas l’art puisse être considéré comme une manifestation de l’orgueil humain (hubris), la bourgeoisie cherchera à séculariser les peintres. Alors qu’en terre catholique où la religion utilisera les toiles pour séduire, édifier les fidèles, les "bambochades" qui reproduisent des scènes populaires s’adaptent au format des poches de selles des voyageurs.
Philippe de Champaigne place une tête de mort aux orbites qui vous engloutissent dans l’obscurité entre une fleur qui commence à faner et un sablier.
Autour d’une reine du ciel monochrome de Yan Van Kessel s’accumulent les symboles des vanités : bannières, livres, sculptures, instrument de musique, du vin…
Le vent passe sur d’autres tableaux et a déréglé les mécaniques, les colliers glissent depuis la table et toujours un crâne plante ses dents dans le livre des connaissances.
Une allégorie de la fortune de Karel Du Jardin magnifie les bulles de savon volatiles qui se retrouvent dans d’autres sujets pour signifier la fragilité. Vivre, c’est mourir : tout s’écoule, se consume. Un artiste peut se représenter à la parade, jusqu’à personnifier le vaniteux, un autre peindre un fumeur, ou un tricheur: l’innocence se perd, la passion est trompeuse et le doute de l’utilité de la transmission du savoir se met en scène. L’amour s’endort sur une boite crânienne. Le rideau s’ouvre sur une jeune fille qui enlève son bouquet de fleurs d’oranger devant un miroir, celui où Madeleine repentie de De La Tour ne verra plus que le reflet d’une veilleuse. Elle a renoncé aux plaisirs du monde comme Saint Jérôme.
« Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le vert de la cire éteindra ses ardeurs,
L’huile de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et les flots se rompront à la rive écumeuse. »
Jean de Sponde
La palette n’a pas soumis la mort, mais les images de ces années lointaines peuvent souligner nos vaines agitations. Bien peu portée à voir au-delà de la prochaine échéance électorale, notre inconscience, en ce siècle pourtant si sachant, nous mène, à la consumation accélérée de notre planète, sans pitié pour nos enfants et leurs petits.
Jean Serroy, aux amis du musée, a amené l’Ecclésiaste : "Vanité des vanités, vanité des vanités, tout est vanité." Il lira au cours de la soirée des extraits de poèmes qui accompagneront la présentation de tableaux avec très souvent un crâne en motif principal.
« J’ai vu fondre la neige et ses torrents tarir,
Ces lions rugissants je les ai vu sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir. »
Jean de Sponde
Le monde est illusion, tromperie, leurres, tentations et masques ; la seule constante : la mort.
Les natures mortes portant les symboles de la futilité des activités humaines vont se multiplier : « mémento mori » (souviens-toi que tu mourras). La religion protestante a beau être iconoclaste, ce genre de tableaux se développera dans le nord de l’Europe. Bien que là bas l’art puisse être considéré comme une manifestation de l’orgueil humain (hubris), la bourgeoisie cherchera à séculariser les peintres. Alors qu’en terre catholique où la religion utilisera les toiles pour séduire, édifier les fidèles, les "bambochades" qui reproduisent des scènes populaires s’adaptent au format des poches de selles des voyageurs.
Philippe de Champaigne place une tête de mort aux orbites qui vous engloutissent dans l’obscurité entre une fleur qui commence à faner et un sablier.
Autour d’une reine du ciel monochrome de Yan Van Kessel s’accumulent les symboles des vanités : bannières, livres, sculptures, instrument de musique, du vin…
Le vent passe sur d’autres tableaux et a déréglé les mécaniques, les colliers glissent depuis la table et toujours un crâne plante ses dents dans le livre des connaissances.
Une allégorie de la fortune de Karel Du Jardin magnifie les bulles de savon volatiles qui se retrouvent dans d’autres sujets pour signifier la fragilité. Vivre, c’est mourir : tout s’écoule, se consume. Un artiste peut se représenter à la parade, jusqu’à personnifier le vaniteux, un autre peindre un fumeur, ou un tricheur: l’innocence se perd, la passion est trompeuse et le doute de l’utilité de la transmission du savoir se met en scène. L’amour s’endort sur une boite crânienne. Le rideau s’ouvre sur une jeune fille qui enlève son bouquet de fleurs d’oranger devant un miroir, celui où Madeleine repentie de De La Tour ne verra plus que le reflet d’une veilleuse. Elle a renoncé aux plaisirs du monde comme Saint Jérôme.
« Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le vert de la cire éteindra ses ardeurs,
L’huile de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et les flots se rompront à la rive écumeuse. »
Jean de Sponde
La palette n’a pas soumis la mort, mais les images de ces années lointaines peuvent souligner nos vaines agitations. Bien peu portée à voir au-delà de la prochaine échéance électorale, notre inconscience, en ce siècle pourtant si sachant, nous mène, à la consumation accélérée de notre planète, sans pitié pour nos enfants et leurs petits.
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