lundi 21 septembre 2009

Un prophète

Rarement les critiques et les spectateurs n’ont été autant d’accord pour apprécier une œuvre.
Malgré ma tendance à me méfier des unanimités, je me joins aux louanges pour ce film d’Audiard qui met l’esthétique au service de la politique, où une histoire bien racontée transcende le documentaire. 2 H 35 d’intensité. Et ce n’est pas parce que c’est devenu un lieu commun que cela n’est pas vrai : « la prison est l’école du crime ». Le jeune qui arrive pour six ans en centrale, ne sait pas lire, mais n’hésitera pas à tuer. La violence qui fait détourner le regard à plusieurs reprises, éclate dans la conversation, après un café. La candeur se mêle au mépris le plus féroce. La noirceur des destins qui se cognent à tous les murs dans le milieu carcéral, est aussi le fruit des violences de la société, son image exacerbée. Quand l’administration abandonne le pouvoir aux caïds dans ses tôles, est-ce seulement la pénitencière qui est en cause ?

vendredi 18 septembre 2009

Le voyage dans le passé

Quel régal de découvrir un livre aussi vif, sensible profond ! La nouvelle du grand Zweig, encore inédite 80 ans après, était en évidence à la librairie du Square et c’est un bonheur accru d’oublier encore plus vite les coups éditoriaux bling de nos années bling.
« “Te voilà !”, dit-il en venant à sa rencontre les bras ouverts, presque déployés.
“Te voilà”, répéta-t-il et sa voix grimpa dans les aigus, passant de la surprise au ravissement, tandis qu’il embrassait tendrement du regard la silhouette aimée.
“Je craignais tant que tu ne viennes pas !” »

C’est ainsi que commencent ces 100 pages avec cette clarté, cette force.
Un homme et une femme se sont voués un amour idéal et platonique, ils se retrouvent après dix ans de séparation. Sur un thème simple, évident, la subtilité de l’auteur nous rend cette histoire présente, bien que le contexte historique ait pesé sur ces destins. Il n’y a rien de daté dans ce récit nerveux, où la différence des classes sociales n’est pas qu’une tapisserie, où la tragédie vous empoigne doucement.
C’est la vie et quand c’est dit ainsi que c’est beau !
La littérature nous rend plus riche même si Zweig dit que la littérature n’est pas « pas la vie » mais un « moyen d’exaltation de la vie, un moyen d’en saisir le drame de façon plus claire et plus intelligible ». Tout à fait.
Elle lui avait lu ce poème de Verlaine, innocemment.
« Dans le vieux parc solitaire et glacé, Deux formes ont tout à l’heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l’on entend à peine leurs paroles.
Te souvient-il de notre extase ancienne ? Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?
Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ? Toujours vois-tu mon âme en rêve ? -Non.
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible Où nous joignions nos bouches ! -C’est possible.
Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir ! L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles, Et la nuit seule entendit leurs paroles. »
Pour les lecteurs quotidien du blog: je reprends les publications lundi.

jeudi 17 septembre 2009

L’œil du photographe

A travers l’ouvrage de John Szarkowski essayer de « mettre au clair », et jouer avec quelques mots à propos de mes propres prises de vue photographiques.
La chose en elle-même : tout ce qui rentre fait ventre.
Le détail : tout est dans tout.
Le cadrage : le peintre commence par le centre, le photographe par le tour.
Le temps : la géo(le cadrage) est bien plus facile que l’histoire(le temps) qui court toujours !
Le point de vue : c’est moi que je fais la photo, mais elle se tirera de toutes façons.
« Si vos photos ne sont pas bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près » Robert Capa
« L’industrie, faisant irruption dans l’art, en devient la plus mortelle ennemie » Charles Baudelaire
« L’instant décisif » dont parle Cartier Bresson … « à ce moment précis, le flux des formes et des motifs changeants semble avoir atteint un équilibre, ordre et clarté parce que l’image est devenue l’espace d’un instant, une photo »John Szarkowski.

mercredi 16 septembre 2009

J2 : Musée d’ethnologie d’Hanoï

Nous traversons les 7 km, de la vieille ville jusqu’au musée d’ethnologie dans le même effarement qu’hier concernant la circulation, tandis que le compteur du taxi défile jusqu’à 100 000 dongs. Chaleur moite, environ 30°, mais le ciel bleu qui apparaît n’a pas la luminosité blanchâtre d’hier.
Entrée du musée d’ethnologie : 25 000 dongs par personne (1€). Nous commençons la visite par le musée intérieur où une plaque rappelle l’aide apportée par Jacques Chirac. Le musée est d’une grande richesse, les objets proviennent de différentes ethnies, nombreuses et surprenantes dans leur diversité, mais aussi dans leur fonction et représentations universelles.
Citons : les vélos chargés, très chargés de nasses en bambous, l’explication filmée de la fabrication des chapeaux pointus, le mât coupé en deux tant il est haut, les « mobiles » en papier des chamans, les paniers, les sacrifices de buffles filmés , les statues funéraires, les différents vêtements et les mises en situation avec mannequins et vidéos…des jouets d’enfants, des pièges à écureuils entre autres, fourreaux à couteaux…info en français. La poésie tient une place très importante ainsi que le papier. Le rapport à la mort ici semble loin de nos oublis, de nos dénis, de nos hypocrisies occidentales. Cette visite est importante pour mieux comprendre le pays qu’on commence à découvrir.
Une pause s’impose au café du musée, en plein air, avec la bière d’Hanoï (470cl), des nems, des rouleaux de printemps.A l’extérieur, nous visitons des maisons cédées par des familles et installées dans l’enceinte du musée. Se déchausser avant de franchir les seuils des maisons étonnantes des Banhars au toit vertigineux, longue maison de 200 m sur pilotis avec chambrette individuelles, une maison qui a aussi servi d’école et abrite pour l’instant un musée émouvant de vieilles marionnettes ainsi qu’une démonstratrice de broderies si fines que l’on ne voit plus que son tableau aux tons nuancés et dégradés, maisons en pisé…reproduction de tombes avec une enceinte de personnages sculptés naïvement et grossièrement (Jaraï) l’autre avec un toit offrant un abri au cercueil et sous la protection de têtes de buffles. Bois, bambous sous toutes ses formes, pisé, terre battue, paille.
Petit tour à la boutique de commerce équitable. La circulation s’est plutôt amplifiée. C’est un régal de regarder les gens sur les mobylettes, avec des casques semblables par leur forme à ceux des soldats mais agrémentés des signes distinctifs des grandes marques (Burberry, Calvin Klein..) de compter jusqu’à cinq personnes sur le même véhicule, d’admirer l’adresse des conducteurs pour éviter l’obstacle.
Les ramasseur de poubelles s’annoncent avec une clochette et embarquent les ordures avec une petite benne à bras.
Repas au Old Hanoï (Ma May 106) Chemin faisant, nous tombons sous le charme de cartes de vœux en papier découpé, croisons un marché nocturne et manquons presque le restaurant. Bon repas : noddles avec poulet légumes et champignons noirs. Nous prenons rendez-vous pour un cours de cuisine dispensé par le personnel du restau, puis nous rentrons nous coucher.

mardi 15 septembre 2009

Affleurements

Ciel gris sur un morne dimanche,
Le blues est dans mon coeur
Et dans la guitare
Sur C D

Il faut gagner la dernière manche,
S'inventer des douceurs,
Oublier les escarres
Du passé
D.

lundi 14 septembre 2009

Les citronniers

S’étonner une fois encore de la liberté de ton du cinéma israélien pour évoquer l’asservissement des palestiniens. La paranoïa de l’état hébreu est soulignée, sa mauvaise foi et sa bonne conscience barbelées qui élèvent des murs absurdes et néfastes, bien mises en évidence. A partir de faits réels, une histoire où les femmes jouent le meilleur rôle, en évitant les schémas trop manichéens : la femme du ministre va évoluer, la victime d’un pouvoir où les militaires ont la main, vit aussi l’oppression parmi ses frères. Eron Riclis met un peu de sucre dans la citronnade et si le film s’étire un peu vers la fin, le mariage du mélo et de la réflexion politique est réussi.

dimanche 13 septembre 2009

Brocante à Leyment

L’animateur de l’une des plus grandes brocantes de France (20km de stands) adore collectionner les mots qui désignent les amateurs de collections : ainsi celui qui accumule les machines à écrire est mécascriptophile, on peut lui signaler grâce à internet: bicariophile pour celui qui amasse des pichets, bourbouphile pour qui amoncèle des barbotines donc bourboubicariophile pour celui qui thésaurise des "pichets en barbotine" !
Nous avons accru notre colonie de statuettes en régule (un alliage d'étain ou de plomb et d'antimoine). Beaucoup des 70 000 chineurs qui se pressent dans les rues et les champs de ce village de l’Ain proche de Lagnieu arrivent avec leurs caddies, diables, poussettes et repartent avec des trésors. Johnny Hallyday sur la sono, nous sommes bien dans une farfouille, un vide-grenier, et la nostalgie donne à fond. Je me rattrape de mes anciens emballements purificateurs en laissant 1€ pour un « Paris Match » de 1967 qui présente un assaut américain sur la cote 881 : « A peine un trou de viet (sans même la majuscule) est-il conquis et nettoyé, qu’il faut attaquer le suivant à coup de grenades » Il y a les publicités : « Mademoiselle, vous avez une si jolie écriture…Oui monsieur j’ai aussi un vrai stylo à plume : le nouveau Reynolds »