Catherine de Buzon, la conférencière des amis du musée, est un tourbillon d’érudition.
Au Vatican, jadis, les artistes étaient chargés d’assurer la postérité des pontifes, le temps a rendu son verdict : c’est Botticelli (Sixte IV), Michel Ange (Jules II) et Raphaël (Léon X) que nous admirons.
Au moment où le protestantisme frappe à la porte, ces peintres ont plus travaillé pour la gloire du catholicisme que bien des doctrinaires. Bien sûr, il y a des génuflexions suggérées pour rappeler l’autorité du pape, et des reconstructions savoureuses qui remontent aux dieux égyptiens pour légitimer un pouvoir qui fut fort terrestre, on voit aussi des « neveux » du pape qui étaient ses fils. Mais avec ces peintures de commande, c’est l’explosion des corps de Michel Ange célébrant l’homme au cœur de la spiritualité qui me frappe. Nous pouvons reconnaître Dante au milieu des saints, et au-delà des orgueils de ces éminences, il y a eu aussi la volonté de convoquer la fine fleur du XVI ° qui fait vivre jusqu’à nous l’esprit de la renaissance où l’intelligence rencontre la beauté. Désormais, la Renaissance est révolue pour les occupants du Vatican : dans leurs avions ils retournent aux âges les plus obscurs.
jeudi 19 mars 2009
mercredi 18 mars 2009
Machines. Faire classe # 25
Nous avons rêvé révolution avec des couleurs plus cramoisies, mais celle des machines informatiques a emporté le morceau, aussi décisive que celle de Gutenberg. Une formidable mutualisation des connaissances s’annonce possible, en tous cas nos heures en sont reformatées. Il arrive qu’on se laisse surprendre à vouloir passer au feu vert par simple clic, ou taper un de ses codes devant le micro-ondes.
Nous regrettons que les enfants passent trop de temps devant la télé ; les victimes d’addiction aux langages sommaires des play-stations et autres extensions nous inquiètent d’avantage. Certes, ils acquièrent de la dextérité mais elle s’accompagne d’ un rétrécissement des perceptions, des possibilités d’actions. Je ne sangloterai pas sur l’éloignement du réel que procurent ces écrans, moi qui aime tant me fondre dans les livres. Maupassant / Mortal combat : même oubli.
Les récits de science fiction remplacent les hommes par des machines. J’ai la sensation, parfois de devenir machine. Machin. La mémoire de mon « Mac »conforte la fainéantise de la de la mienne de mémoire.
Les raisonnements sortent difficilement du mode binaire. Le Q.C.M. s’impose laissant peu de place à la nuance et puis la correction s’effectue en vitesse.
Le zapping, les taches multiples justement valorisés, cultivés dans les loisirs adolescents présentent quelque intérêt. Que l’école propose justement autre chose et se distingue de la griserie techno ! Les élèves doivent accéder à plus de dextérité intellectuelle par du suivi, de l’approfondissement.
Face aux écrans :
- Avec la même rigueur que dans l’écriture manuscrite, traiter les textes à l’ordinateur.
Le temps pris aux mises en forme ne doit pas empiéter sur la recherche d’une expression écrite plus précise, plus jolie.
- Distinguer le langage texto, de l’écriture de l’école, comme le langage familier se différencie du langage élaboré.
- Profiter de l’impassibilité de la machine pour des soutiens personnalisés.
- Valoriser la vivacité des jeunes, une occasion d’écoute réciproque, preuve de curiosité, d’adaptation à la nouveauté qui rend plus attrayants les apprentissages. Ne pas perdre une occasion de se mettre dans la peau de l’apprenti pour aiguiser ses stratégies d’appreneur.
- Mutualiser les démarches personnelles, les digressions permises, par l’utilisation d’un vidéo projecteur.
L’usage de l’ordinateur se banalise, mais il serait illusoire de penser qu’il offre un outil décisif vers plus de savoirs. Parfois l’inverse se joue quand un élève rétorque : « à quoi bon apprendre, puisque c’est sur internet », il est vrai que lors des manifestations anti-C.P.E. une banderole portait : « A quoi bon travailler pour se retrouver au chômage ». Je me sens bien peu malin avec mes incantations : et si justement le pouvoir résidait dans les savoirs, dans le travail ! Qui le leur fait savoir ?
Dans les premiers pas de « l’informatique pour tous », un engouement naquit pour le langage Logo dont la fortune fut aussi brève que brillante fut sa gloire. Comme une butte témoin dans l’histoire speedée de ce moyen pédagogique, j’en conservai quelques séances pour retrouver les rigueurs d’une programmation, la concrétisation immédiate d’une démarche, pour soulever un peu le couvercle de la boîte noire de ces engins magiques. Nous anticipons en construisant des figures géométriques dont la définition des propriétés va être validée à l’écran.
- Eviter les exercices à trous qui s’effectuent aussi bien à la main.
- Utiliser l’outil pour ce qu’il apporte de particulier : programmation en Logo
- Recherche rapide, tri d’informations. Cartes et vues aériennes
- Recherche d’adresses
- Complément ou amorce de thèmes abordés en classe, actualité à l’usage des enfants.
- Traitement de textes et correcteur orthographique.
Dans un premier temps je me montrai réservé quant à l’usage du correcteur orthographique qui se substituait à la réflexion personnelle et puis il m’apparut au contraire qu’il étayait les recherches. En outre, cette option relativise l’omniscience de l’ordinateur. L’élève a sa part dans le choix. Ce dispositif permet de surmonter bien des difficultés à conduire une autocorrection qui ne soit pas bâclée.
L’école n’ignore pas ce formidable levier d’une révolution en cours : concernant l’information aussi le rapport à l’humain. Après guerre, l’imprimerie à l’école ouvrait la chapelle laïque vers la cité : l’enfant prenait la parole. Que de chemin parcouru avec l’accès au réseau universel ! L’ordinounou, marqueur de la tribu djeun, protège du voisin agressif ou muet. Il cuirasse contre le monde en se disant mondial. Le grand cliquetis où chacun joue sa partition en blogs à la queue leu leu accentue l’illusion de la démocratie. J’ai posé ma bouteille à la mer, elle accostera exceptionnellement. La profusion crée la confusion, difficile de garder les pieds sur terre, sans s’enliser.
En payant de leur personne, les enseignants ont accompagné le mouvement. Leurs capacités d’adaptation n’ont pas été moindres que celles des paysans maintenant exploitants gestionnaires de paysage, hors sol.
Le successeur de l’occupant de l’appartement au-dessus de la classe, ne va pas recracher un cours formaté.
Il ne mutera pas en répétiteur mécanique libéré d’avoir à inventer comme dans ces formations d’aérobic avec moniteur labellisé où le vendeur de méthode n’autorise pas un pas de côté.
"On peut apprendre à un ordinateur à dire: "je t'aime" mais on ne peut pas lui apprendre à aimer." A. Jacquard
Nous regrettons que les enfants passent trop de temps devant la télé ; les victimes d’addiction aux langages sommaires des play-stations et autres extensions nous inquiètent d’avantage. Certes, ils acquièrent de la dextérité mais elle s’accompagne d’ un rétrécissement des perceptions, des possibilités d’actions. Je ne sangloterai pas sur l’éloignement du réel que procurent ces écrans, moi qui aime tant me fondre dans les livres. Maupassant / Mortal combat : même oubli.
Les récits de science fiction remplacent les hommes par des machines. J’ai la sensation, parfois de devenir machine. Machin. La mémoire de mon « Mac »conforte la fainéantise de la de la mienne de mémoire.
Les raisonnements sortent difficilement du mode binaire. Le Q.C.M. s’impose laissant peu de place à la nuance et puis la correction s’effectue en vitesse.
Le zapping, les taches multiples justement valorisés, cultivés dans les loisirs adolescents présentent quelque intérêt. Que l’école propose justement autre chose et se distingue de la griserie techno ! Les élèves doivent accéder à plus de dextérité intellectuelle par du suivi, de l’approfondissement.
Face aux écrans :
- Avec la même rigueur que dans l’écriture manuscrite, traiter les textes à l’ordinateur.
Le temps pris aux mises en forme ne doit pas empiéter sur la recherche d’une expression écrite plus précise, plus jolie.
- Distinguer le langage texto, de l’écriture de l’école, comme le langage familier se différencie du langage élaboré.
- Profiter de l’impassibilité de la machine pour des soutiens personnalisés.
- Valoriser la vivacité des jeunes, une occasion d’écoute réciproque, preuve de curiosité, d’adaptation à la nouveauté qui rend plus attrayants les apprentissages. Ne pas perdre une occasion de se mettre dans la peau de l’apprenti pour aiguiser ses stratégies d’appreneur.
- Mutualiser les démarches personnelles, les digressions permises, par l’utilisation d’un vidéo projecteur.
L’usage de l’ordinateur se banalise, mais il serait illusoire de penser qu’il offre un outil décisif vers plus de savoirs. Parfois l’inverse se joue quand un élève rétorque : « à quoi bon apprendre, puisque c’est sur internet », il est vrai que lors des manifestations anti-C.P.E. une banderole portait : « A quoi bon travailler pour se retrouver au chômage ». Je me sens bien peu malin avec mes incantations : et si justement le pouvoir résidait dans les savoirs, dans le travail ! Qui le leur fait savoir ?
Dans les premiers pas de « l’informatique pour tous », un engouement naquit pour le langage Logo dont la fortune fut aussi brève que brillante fut sa gloire. Comme une butte témoin dans l’histoire speedée de ce moyen pédagogique, j’en conservai quelques séances pour retrouver les rigueurs d’une programmation, la concrétisation immédiate d’une démarche, pour soulever un peu le couvercle de la boîte noire de ces engins magiques. Nous anticipons en construisant des figures géométriques dont la définition des propriétés va être validée à l’écran.
- Eviter les exercices à trous qui s’effectuent aussi bien à la main.
- Utiliser l’outil pour ce qu’il apporte de particulier : programmation en Logo
- Recherche rapide, tri d’informations. Cartes et vues aériennes
- Recherche d’adresses
- Complément ou amorce de thèmes abordés en classe, actualité à l’usage des enfants.
- Traitement de textes et correcteur orthographique.
Dans un premier temps je me montrai réservé quant à l’usage du correcteur orthographique qui se substituait à la réflexion personnelle et puis il m’apparut au contraire qu’il étayait les recherches. En outre, cette option relativise l’omniscience de l’ordinateur. L’élève a sa part dans le choix. Ce dispositif permet de surmonter bien des difficultés à conduire une autocorrection qui ne soit pas bâclée.
L’école n’ignore pas ce formidable levier d’une révolution en cours : concernant l’information aussi le rapport à l’humain. Après guerre, l’imprimerie à l’école ouvrait la chapelle laïque vers la cité : l’enfant prenait la parole. Que de chemin parcouru avec l’accès au réseau universel ! L’ordinounou, marqueur de la tribu djeun, protège du voisin agressif ou muet. Il cuirasse contre le monde en se disant mondial. Le grand cliquetis où chacun joue sa partition en blogs à la queue leu leu accentue l’illusion de la démocratie. J’ai posé ma bouteille à la mer, elle accostera exceptionnellement. La profusion crée la confusion, difficile de garder les pieds sur terre, sans s’enliser.
En payant de leur personne, les enseignants ont accompagné le mouvement. Leurs capacités d’adaptation n’ont pas été moindres que celles des paysans maintenant exploitants gestionnaires de paysage, hors sol.
Le successeur de l’occupant de l’appartement au-dessus de la classe, ne va pas recracher un cours formaté.
Il ne mutera pas en répétiteur mécanique libéré d’avoir à inventer comme dans ces formations d’aérobic avec moniteur labellisé où le vendeur de méthode n’autorise pas un pas de côté.
"On peut apprendre à un ordinateur à dire: "je t'aime" mais on ne peut pas lui apprendre à aimer." A. Jacquard
mardi 17 mars 2009
Soignantes
« Vous avez dit développement durable ? »
Je suis infirmière en gérontologie. Ces vieux sont de vieilles barques à la dérive…
Pas toujours. Quelque fois, une petite brise souffle, une voile se lève, répit de trop courte durée pour notre pessimisme latent. Alors, pour un peu nous nous mettrions à crier dans les chambrées : on le sait, il y a de la vie là-dedans ! Manifestez ! Manifestez !
Nous étions bien embarrassées un samedi à cause d’une petite personne recroquevillée au fond de son lit, alimentée par perfusion, ne parlant pas. Nous avions perdu sa fiche de médicaments : ça tourne trop vite les soignants ! A la porte de la chambre nous nous interrogions. Une voix aigrelette, soudain ! « Cachets roses… Mémantine… un seulement, boîte sur… étagère… haut… blanche. » Dernières paroles de la petite dame emportée par l’épidémie de gastro un mois plus tard.
Parfois, quand je rentre du boulot au petit matin, j’ai à peine le courage d’appuyer sur l’accélérateur ; une fois mon fils m’a retrouvée ronflant dans ma voiture garée de traviole à l’endroit réservé à Mme Lequeue, une pimbêche notoire vivant de commerce nocturne, bien plus profitable que de s’échiner auprès de petits vieux pas bien riches et abandonnés en fin de vie. Ceux du corridor de la mort comme nous les appelons à deux heures du mat, devant cette foutue machine à café qui fait de la rétention de pisse.
- Ouais, éructe Yasmina, en allumant son clope, et ils n’ont rien à attendre du Président pour une remise de peine !
- Toi non plus, tu n’auras pas de remise de peine, la coupe Coline, va donc t’achever dehors, tu nous empestes !
La première fois que j’ai vu la porteuse d’eau, c’était un matin de mars. Elle avançait dans ma direction, haute silhouette penchée en arrière, un peu trébuchante. Elle s’arrêtait tous les dix pas. Elle portait une lourde charge, le corps arc bouté. Je l’ai frôlée, elle n’a pas fait attention à mon véhicule. J’ai ri à cause de l’immense arrosoir qu’elle serrait contre son ventre. J’ai pensé à Cosette et tout ça… Mais cette femme aurait pu être l’ arrière grand-mère de Cosette ! J’ai monté mes neuf étages : l’ascenseur était encore en panne. Mon fils n’avait pas débarrassé la table de la cuisine, l’enfouaré ! J’ai pris un Stillnox. J’ai sombré.
Le lendemain, grasse mat. J’ai lavé les jeans de mon fils, j’ai jeté en tas son linge sec sur son lit pas fait. « J’en ai plein le dos, lui ai-je dit, trouve-toi une copine, du travail et tire-toi de mon herbe ! »
J’ai recroisé ma Cosette. Elle poussait une brouette avec deux bidons dedans. Tiens, que je me suis dit, elle est passée de jardinière à marchande de lait. Ses muscles secs se tendaient sous la peau nue de ses bras tannés. J’aurais pu l’aider mais j’étais claquée : on avait eu trois décès, on avait couru toute la nuit… Cet après midi j’irais me faire une toile. J’adore Catherine Frot, toujours fraîche et rieuse. Elle ne doit pas torcher beaucoup de déments séniles, sa peau est si lisse, sa silhouette impec ! Comme dit Coline, c’est bon de savoir qu’il y a une vie avant la mort !
Cette Cosette sur le retour allait bien quelque part ? Comme j’étais de repos tout le week-end, que mai larguait ses parfums, je me suis levée très tôt pour guetter ma mystérieuse. En zigzaguant elle poussait sa brouette grinçante. Elle a tourné sur l’avenue où ils ont abattu tous les arbres, des platanes centenaires bien agréables pendant les étés torrides. A la place, c’est la mode, ils ont planté des chênes rachitiques, protégés par des corsets de ferraille. Les toutous du quartier devront se contenter des calendes des voitures pour soulager leurs vessies !.
Cosette s’est arrêtée devant le plus misérable des arbustes. Ses feuilles étaient des réductions de feuilles : on aurait dit un sapin de Noël bien après Noël !
Elle s’est massé les côtes et le dos, elle a poussé une plainte rauque : elle parlait.
Je me suis glissée derrière une camionnette, tout près.
« Oui, je sais que tu es mal parti, mais faut pas te décourager. Regarde ce que je t’ai apporté… soixante litres d’eau, tirée de mon puits. J’ai ajouté du purin d’ortie. Bon ça pue mais tu verras, c’est bon pour le rachitisme… Aoh ! T’as encore perdu six feuilles. C’est pas la peine de me mentir, c’est les tiennes, près du grillage. Et pas de vent la nuit dernière. Arrête tes bobards. Au lieu de te laisser aller, pompe, mais pompe donc, espèce de petit con ! Tu ne bouges même pas tes branches, tu restes là, avachi, une vraie guenille. Résiste, prouve que tu existes. Voilà que je me mets à chanter ! Tu me rends folle !
Avec une casserole, elle a vidé l’eau de ses bidons et puis elle a soulevé les bidons pour arroser avec le reste le pied du chêne. J’ai bien vu qu’elle pleurait en repartant avec sa brouette allégée.
Fin mai le protégé de Cosette s’est couvert d’un beau feuillage vernissé. Il était bien le seul. Ses frères avaient crevé les uns après les autres.
J’aurais pu imiter l’entreprise de sauvetage de la vieille femme ! Mais moi, j’ai assez à faire avec mes vieilles branches de la maison de retraite.
Les jardiniers municipaux ne savent peut-être pas que les arbres nouvellement plantés s’arrosent même en hiver ? Ca a fait un raffut de tous les diables ce gaspi des plantations ratées. Articles furibards dans la presse locale, interpellations des écolos au Conseil municipal, les Verts mal à l’aise…
Du bruit… pas d’eau !
Je n’ai jamais revu la fée de l’eau du puits avec purin d’ortie incorporé… Vit-elle toujours ? S’en est-elle retournée au royaume des Sylves ? Désormais, quand un de mes patients refuse de boire, je lui murmure (s’il est cardiaque) ou je lui hurle (s’il est sourd ) « Allez, bois donc, espèce de vieille conne, de vieux con ! »
Ils rigolent, ils boivent.
Marie Treize
Je suis infirmière en gérontologie. Ces vieux sont de vieilles barques à la dérive…
Pas toujours. Quelque fois, une petite brise souffle, une voile se lève, répit de trop courte durée pour notre pessimisme latent. Alors, pour un peu nous nous mettrions à crier dans les chambrées : on le sait, il y a de la vie là-dedans ! Manifestez ! Manifestez !
Nous étions bien embarrassées un samedi à cause d’une petite personne recroquevillée au fond de son lit, alimentée par perfusion, ne parlant pas. Nous avions perdu sa fiche de médicaments : ça tourne trop vite les soignants ! A la porte de la chambre nous nous interrogions. Une voix aigrelette, soudain ! « Cachets roses… Mémantine… un seulement, boîte sur… étagère… haut… blanche. » Dernières paroles de la petite dame emportée par l’épidémie de gastro un mois plus tard.
Parfois, quand je rentre du boulot au petit matin, j’ai à peine le courage d’appuyer sur l’accélérateur ; une fois mon fils m’a retrouvée ronflant dans ma voiture garée de traviole à l’endroit réservé à Mme Lequeue, une pimbêche notoire vivant de commerce nocturne, bien plus profitable que de s’échiner auprès de petits vieux pas bien riches et abandonnés en fin de vie. Ceux du corridor de la mort comme nous les appelons à deux heures du mat, devant cette foutue machine à café qui fait de la rétention de pisse.
- Ouais, éructe Yasmina, en allumant son clope, et ils n’ont rien à attendre du Président pour une remise de peine !
- Toi non plus, tu n’auras pas de remise de peine, la coupe Coline, va donc t’achever dehors, tu nous empestes !
La première fois que j’ai vu la porteuse d’eau, c’était un matin de mars. Elle avançait dans ma direction, haute silhouette penchée en arrière, un peu trébuchante. Elle s’arrêtait tous les dix pas. Elle portait une lourde charge, le corps arc bouté. Je l’ai frôlée, elle n’a pas fait attention à mon véhicule. J’ai ri à cause de l’immense arrosoir qu’elle serrait contre son ventre. J’ai pensé à Cosette et tout ça… Mais cette femme aurait pu être l’ arrière grand-mère de Cosette ! J’ai monté mes neuf étages : l’ascenseur était encore en panne. Mon fils n’avait pas débarrassé la table de la cuisine, l’enfouaré ! J’ai pris un Stillnox. J’ai sombré.
Le lendemain, grasse mat. J’ai lavé les jeans de mon fils, j’ai jeté en tas son linge sec sur son lit pas fait. « J’en ai plein le dos, lui ai-je dit, trouve-toi une copine, du travail et tire-toi de mon herbe ! »
J’ai recroisé ma Cosette. Elle poussait une brouette avec deux bidons dedans. Tiens, que je me suis dit, elle est passée de jardinière à marchande de lait. Ses muscles secs se tendaient sous la peau nue de ses bras tannés. J’aurais pu l’aider mais j’étais claquée : on avait eu trois décès, on avait couru toute la nuit… Cet après midi j’irais me faire une toile. J’adore Catherine Frot, toujours fraîche et rieuse. Elle ne doit pas torcher beaucoup de déments séniles, sa peau est si lisse, sa silhouette impec ! Comme dit Coline, c’est bon de savoir qu’il y a une vie avant la mort !
Cette Cosette sur le retour allait bien quelque part ? Comme j’étais de repos tout le week-end, que mai larguait ses parfums, je me suis levée très tôt pour guetter ma mystérieuse. En zigzaguant elle poussait sa brouette grinçante. Elle a tourné sur l’avenue où ils ont abattu tous les arbres, des platanes centenaires bien agréables pendant les étés torrides. A la place, c’est la mode, ils ont planté des chênes rachitiques, protégés par des corsets de ferraille. Les toutous du quartier devront se contenter des calendes des voitures pour soulager leurs vessies !.
Cosette s’est arrêtée devant le plus misérable des arbustes. Ses feuilles étaient des réductions de feuilles : on aurait dit un sapin de Noël bien après Noël !
Elle s’est massé les côtes et le dos, elle a poussé une plainte rauque : elle parlait.
Je me suis glissée derrière une camionnette, tout près.
« Oui, je sais que tu es mal parti, mais faut pas te décourager. Regarde ce que je t’ai apporté… soixante litres d’eau, tirée de mon puits. J’ai ajouté du purin d’ortie. Bon ça pue mais tu verras, c’est bon pour le rachitisme… Aoh ! T’as encore perdu six feuilles. C’est pas la peine de me mentir, c’est les tiennes, près du grillage. Et pas de vent la nuit dernière. Arrête tes bobards. Au lieu de te laisser aller, pompe, mais pompe donc, espèce de petit con ! Tu ne bouges même pas tes branches, tu restes là, avachi, une vraie guenille. Résiste, prouve que tu existes. Voilà que je me mets à chanter ! Tu me rends folle !
Avec une casserole, elle a vidé l’eau de ses bidons et puis elle a soulevé les bidons pour arroser avec le reste le pied du chêne. J’ai bien vu qu’elle pleurait en repartant avec sa brouette allégée.
Fin mai le protégé de Cosette s’est couvert d’un beau feuillage vernissé. Il était bien le seul. Ses frères avaient crevé les uns après les autres.
J’aurais pu imiter l’entreprise de sauvetage de la vieille femme ! Mais moi, j’ai assez à faire avec mes vieilles branches de la maison de retraite.
Les jardiniers municipaux ne savent peut-être pas que les arbres nouvellement plantés s’arrosent même en hiver ? Ca a fait un raffut de tous les diables ce gaspi des plantations ratées. Articles furibards dans la presse locale, interpellations des écolos au Conseil municipal, les Verts mal à l’aise…
Du bruit… pas d’eau !
Je n’ai jamais revu la fée de l’eau du puits avec purin d’ortie incorporé… Vit-elle toujours ? S’en est-elle retournée au royaume des Sylves ? Désormais, quand un de mes patients refuse de boire, je lui murmure (s’il est cardiaque) ou je lui hurle (s’il est sourd ) « Allez, bois donc, espèce de vieille conne, de vieux con ! »
Ils rigolent, ils boivent.
Marie Treize
lundi 16 mars 2009
Harvey Milk
Les homosexuels ont-ils gagné le droit à l’indifférence ? Le maire de Paris a annoncé son homosexualité et personne n’a été bouleversé… et si c’était une femme ? Entre les rafles dans des bars aux USA, les silences douloureux autour des préférences sexuelles et l’élection d’Harvey Milk, il a fallu des larmes et du sang pour que le terme « gay » s’affirme positivement. Si le temps qui passe apporte pour une fois du bon, c’est que des hommes se sont battus. Harvey Milk a été élu à San Francisco, porteur de la dynamique joyeuse d’une communauté qui sortait des placards dans les belles années 70. Avec Sean Penn, subtil, convaincant, nous apprenons beaucoup des mœurs politiques US. Les marchandages communautaristes ne sont pas vraiment glorieux, mais évitent un portrait trop pastel d’un personnage attachant. Le film de Gus Van Sant n’échappe pas au reproche rituel des fins mielleuses des films américains : dix minutes de trop. Même si les derniers inserts à conserver nous rappellent utilement le devenir des protagonistes de cette histoire qui mêle habilement images d’archives et reconstitution.
dimanche 15 mars 2009
Miossec -Tiersen
Les deux bretons sont passés par Grenoble avant de sortir leur C.D. Une démarche originale, paraît-il, qui m’a permis de découvrir leurs chansons en même temps qu’un public plus averti. J’aurais bien approuvé la dame derrière moi qui reprochait à Miossec de ne pas assez articuler, mais je me souvenais de la réplique de Charlélie Couture à la même critique : « s’il n’y avait pas les gris, comment verrait-on les blancs et les noirs ». C’est surtout Miossec qui chante, accroupi souvent, jouant de son pied de micro, tendu. Son univers est désabusé, fait de fuites, de séparations, mais l’environnement musical très rock est primordial et il m’a bien plu. Le beau mot « fortune de mer » est illustré avec intensité et des bonheurs d’écriture : « seul ce que j’ai perdu m’appartient à jamais » ont satisfait ma curiosité.
samedi 14 mars 2009
Aulas, hélas !
Facile comme une banderole, en l’honneur du président de l’olympique lyonnais qui cherche les baffes.
Après la défaite cinglante de son club, il vient gémir, une fois de plus, sur… l’égalitarisme du foot français qui expliquerait les 5 buts qu’il vient de se prendre au Camp Nou.
Ceux qui cherchaient en vain un libéral par ces temps, qui ne craint pas quand même la manne publique non plus : en voilà un! Mais il faudrait l’informer qu’il paraîtrait qu’il y aurait une crise du capitalisme, et que le modèle oligarque russe à Chelsea ne va peut être pas durer autant que le marché de Voiron.
Beau match à Barcelone. J’aurai peut être moins apprécié la symphonie catalane, si l’OM en avait été le faire valoir, mais la virtuosité, la complicité, l’explosivité à ce point, ça vous fait des feux d’artifice dans cet hiver qui traîne, et ce n’est pas qu’une affaire d’argent. Le Réal n’est pas qualifié. « Glorieuse incertitude du sport », la formule est usée et pourtant le loto sportif a renoncé au rugby car les résultats sont sans surprise, et Aulas n’achètera pas des poteaux rentrants pas plus qu’une compréhension de ce qui nous amène derrière des mains courantes ou sur des gradins inconfortables : l’imprévu justement. Il plombe son club, quand il vient sur le devant de la scène secouer sa sébile, méprisant pour tous ceux qui aiment le foot. C’est justement parce qu’il survole le championnat depuis 10 ans, qu’il n’est pas aimé, trop froid et prévisible. Juhinho le redoutable tireur de coups francs, arbitre le samedi dans l’hexagone ; mercredi à Barcelone, il s’est montré dans des coups pas francs : expulsé !
Ce même mercredi, le « Parisien », une fois encore, révélait les salaires mirobolants de certains joueurs. Comme pour les stars du cinéma, les aficionados pardonnaient souvent ces salaires indécents, mais les temps changent, même si pour Drogba bien des smicards marseillais verseraient leur obole. Makelele, je l’aime bien, mais faut pas pousser et Piquionne, n’est pas Messi. En bundesligua une équipe obscure concurrence le Bayern ; en ligue des champions, Porto est qualifié. Allez Auxerre !
Après la défaite cinglante de son club, il vient gémir, une fois de plus, sur… l’égalitarisme du foot français qui expliquerait les 5 buts qu’il vient de se prendre au Camp Nou.
Ceux qui cherchaient en vain un libéral par ces temps, qui ne craint pas quand même la manne publique non plus : en voilà un! Mais il faudrait l’informer qu’il paraîtrait qu’il y aurait une crise du capitalisme, et que le modèle oligarque russe à Chelsea ne va peut être pas durer autant que le marché de Voiron.
Beau match à Barcelone. J’aurai peut être moins apprécié la symphonie catalane, si l’OM en avait été le faire valoir, mais la virtuosité, la complicité, l’explosivité à ce point, ça vous fait des feux d’artifice dans cet hiver qui traîne, et ce n’est pas qu’une affaire d’argent. Le Réal n’est pas qualifié. « Glorieuse incertitude du sport », la formule est usée et pourtant le loto sportif a renoncé au rugby car les résultats sont sans surprise, et Aulas n’achètera pas des poteaux rentrants pas plus qu’une compréhension de ce qui nous amène derrière des mains courantes ou sur des gradins inconfortables : l’imprévu justement. Il plombe son club, quand il vient sur le devant de la scène secouer sa sébile, méprisant pour tous ceux qui aiment le foot. C’est justement parce qu’il survole le championnat depuis 10 ans, qu’il n’est pas aimé, trop froid et prévisible. Juhinho le redoutable tireur de coups francs, arbitre le samedi dans l’hexagone ; mercredi à Barcelone, il s’est montré dans des coups pas francs : expulsé !
Ce même mercredi, le « Parisien », une fois encore, révélait les salaires mirobolants de certains joueurs. Comme pour les stars du cinéma, les aficionados pardonnaient souvent ces salaires indécents, mais les temps changent, même si pour Drogba bien des smicards marseillais verseraient leur obole. Makelele, je l’aime bien, mais faut pas pousser et Piquionne, n’est pas Messi. En bundesligua une équipe obscure concurrence le Bayern ; en ligue des champions, Porto est qualifié. Allez Auxerre !
vendredi 13 mars 2009
XXI Hiver
Même quand le trimestriel XXI traite de « la France du milieu », nous voyageons en profondeur et empathie, par la grâce de l’écriture et l’originalité des angles choisis pas les rédacteurs.
Aussi bien dans la recherche des successeurs de la mère Denis, à l’occasion de la disparition d’une femme à Toulouse, ou lors du scandale d’une clinique de chirurgie esthétique de Marseille. Et Jourde qui raconte son retour sous les pierres dans le village du Cantal qu’il avait décrit dans « pays perdu ». Une B.D est consacrée aux quatre saisons dans les Landes d’un agriculteur : « Dans les années 80, on disait aux paysans de se faire exploitants. Aujourd’hui on leur dit de redevenir paysans. Le monde agricole est en décalage avec une société plus en plus urbaine qui fait mine de redécouvrir l’agriculture »
Il y a des pages plus brèves, mais percutantes sur la crise financière : « l’endettement immobilier des ménages américains est de 62% dans la décennie 1990/2000 et de 1012% entre 2000 et 2007. » « Un jour il faudra rembourser la dette publique. La France dont la dette est de 1800 milliards d’Euros mobilise actuellement 390 milliards pour sauver ses banques… »
Le portrait d’un financier qui va vivre sa nouvelle vie de moine en HLM dans les quartiers Nord de Marseille est passionnant, et les photographies d’une vallée dangereuse d’Afghanistan pas plus sauvages que ces pages décrivant un coin perdu d’Arizona, ni plus inquiétantes qu’un « meilleur des mondes » dans une commune modèle en Chine. « Ma vie ne fut-elle qu’un rêve ? » se demande celui qui doit liquider l’hôtel Russia en démolition sur la place rouge. Je ne connaissais pas Guidamac, le « seigneur de la guerre français », ce serait un personnage romanesque s’il n’avait fait commerce d’armes en Angola. Le portrait de Gérard Noriel concepteur du musée de l’immigration met en lumière le conservatisme du milieu universitaire mais sa fidélité à son origine ouvrière nous rassure : le monde n’est pas peuplé que de malfaisants
Aussi bien dans la recherche des successeurs de la mère Denis, à l’occasion de la disparition d’une femme à Toulouse, ou lors du scandale d’une clinique de chirurgie esthétique de Marseille. Et Jourde qui raconte son retour sous les pierres dans le village du Cantal qu’il avait décrit dans « pays perdu ». Une B.D est consacrée aux quatre saisons dans les Landes d’un agriculteur : « Dans les années 80, on disait aux paysans de se faire exploitants. Aujourd’hui on leur dit de redevenir paysans. Le monde agricole est en décalage avec une société plus en plus urbaine qui fait mine de redécouvrir l’agriculture »
Il y a des pages plus brèves, mais percutantes sur la crise financière : « l’endettement immobilier des ménages américains est de 62% dans la décennie 1990/2000 et de 1012% entre 2000 et 2007. » « Un jour il faudra rembourser la dette publique. La France dont la dette est de 1800 milliards d’Euros mobilise actuellement 390 milliards pour sauver ses banques… »
Le portrait d’un financier qui va vivre sa nouvelle vie de moine en HLM dans les quartiers Nord de Marseille est passionnant, et les photographies d’une vallée dangereuse d’Afghanistan pas plus sauvages que ces pages décrivant un coin perdu d’Arizona, ni plus inquiétantes qu’un « meilleur des mondes » dans une commune modèle en Chine. « Ma vie ne fut-elle qu’un rêve ? » se demande celui qui doit liquider l’hôtel Russia en démolition sur la place rouge. Je ne connaissais pas Guidamac, le « seigneur de la guerre français », ce serait un personnage romanesque s’il n’avait fait commerce d’armes en Angola. Le portrait de Gérard Noriel concepteur du musée de l’immigration met en lumière le conservatisme du milieu universitaire mais sa fidélité à son origine ouvrière nous rassure : le monde n’est pas peuplé que de malfaisants
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