jeudi 8 décembre 2016

Kandinsky : les années parisiennes # 2.

Sophie Bernard, commissaire de l’exposition qui se tient jusqu’au 29 janvier 2017 a présenté devant une salle comble des amis du musée de Grenoble, la prolifique dernière décennie de Kandinsky, né en Russie, ayant travaillé en Allemagne et mort en 1944 à Paris à l’âge de 78 ans.
Cet article abordera les éléments non mentionnés dans le compte rendu de la visite archivé sur ce blog, consacré à ce parcours tellement couru présentant une centaine d’œuvres venues de New York, Stockholm, Madrid, Paris, Vézelay...
Né dans la haute bourgeoisie moscovite, Kandinsky commence sa vie d’artiste autour de sa trentième année, après avoir suivi des études d’économie et de droit.
Dès 1911, il  peint « Tableau avec cercle », première toile abstraite, en même temps que ses premiers écrits théoriques « Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier » avant « Point et ligne sur plan ».
Au bout de ses exils russes et allemands, il choisit, avec Nina son épouse, un ancrage à Paris où la critique est pourtant réfractaire à l’abstraction. La capitale des arts est alors un label. Il parvient à dépasser la qualification qui lui est attribuée de peintre « oriental », tant chacun de ses tableaux est unique, vif, vibrionnant, vivifiant. Les galeristes Christian Zervos et Jeanne Bucher vont l’aider.
Il « raconte ses rêves », invente sans cesse, ne s’interdit rien. 
L’incontournable « Développement en brun » ouvre l’exposition, mais « Trübe Lage, Situation morose » peint en 33 est encore plus sombre et mélancolique.
Après le collectif du Bauhaus, c’est  « Chacun pour soi », embryon, nuage, cellule, signe d’un renouveau ; les titres sont désormais en français.
Devenu rapidement « un vrai parisien », dans ces périodes douloureuses, il s’exprime très peu en politique, et se trouve en porte à faux entre l’abstraction géométrique orthogonale et les surréalistes dont les jeux avec le hasard lui sont étrangers.
Ainsi parmi d’autres dilemmes, « Le nœud rouge » sépare deux formes architecturées, loufoques, enfantines entre statique et mouvement.
Et l’identité trouble de la « figure verte » aurait pu éclaircir son ambiguïté entre abstraction et figuration en regard de «  L’acrobate bleu » de Picasso.
Il adopte l’expression « art concret » qu’Hans Arp avait exprimé : 
 « Je trouve qu'un tableau ou une sculpture qui n'ont pas eu d'objet pour modèle sont tout aussi concrets et sensuels qu'une feuille ou une pierre. »
Le polyphonique « Rayé » énergique et bariolé comme un feu d’artifice est dans le prolongement de ses différentes compositions, sans  toutefois constituer une série.
Dans le genre de « Trente » où le multiple se présente sous forme d’inventaire,
«  Bagatelles douces » rappelle les cartouches de l’art égyptien, les arts extra-européens,
les « Morphologies » de Brauner ou la « Composition universelle » de Torrès-Garcia.
Après son « âge d’or » en 39-40, bien qu’il refuse de voir la guerre, il met ses œuvres  à l’abri. Dans ce contexte, le « Bleu de ciel », « pur conte pictural » parait encore plus émouvant.
Il manque de matériel, mais son fantaisiste « Sans titre » de 1940 sait jouer sur les équilibres.
Comme « Une fête intime », solaire, qui  peut évoquer les mobiles de Calder ou les machines de Tinguely.
La ligne est reine dans « Le filet » labyrinthique.
Exposé avec De Staël, le tableau « Communauté » au titre idéaliste présente des tableaux à l’intérieur du tableau.
Le cavalier bleu de ses débuts apparaît dans «  Elan tempéré » pirouette humoristique de sa dernière œuvre achevée. Faut-il aller jusqu’à y voir un autoportrait palette en main ?
Alors qu’une courbe domine une aquarelle et encre de chine encore sur son support, « Sans titre » de 44, résume les tendances fortes de ces années parisiennes où l’infiniment petit rencontre l’infiniment grand, la musique et l’enfance, « … La synthèse de nombreuses expériences des sens » Will Grohmann.
Ses toiles « Mouvement I » et « Accord réciproque », vivants jalons, veillent sur le corps exposé dans son atelier de celui qui « a voulu exprimer le mystérieux par le mystérieux ».
La vie présente a retrouvé, dans la mort, la vie future.
André Breton lui avait écrit en 36 :
« Je n’ai pas eu le temps de vous dire vendredi à quel point je restais sous le charme des œuvres exposées chez Madame Bucher et qui sont faites de la poussière des temps où l’on a été ou où l’on sera encore heureux. »

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