Quand l’auteur de « La Barbarie douce »
parle de Cadenet dans le Lubéron, c’est d’une nation dont il est question, en
tous cas ses riches descriptions peuvent s’appliquer par exemple à l’évolution
de mon village, Le Pin, dans le bas Dauphiné, telle que je l’ai perçue de mon enfance
à ma vieillesse, bien que l’auteur eut relevé qu’il y aurait pas loin d’ici un terme
imprononçable.
Comme il a fustigé le sabir éducation nationale mimant celui
de l’entreprise, il se garde d’employer les mots savants de la sociologie, sans
entamer la rigueur de son approche.
Depuis les vocables employés dans les documents du Parc du
Lubéron, ceux de la crèche « Lou calinous », dans les mots de
l’animateur jeunesse, ou ceux du directeur de la maison de retraite, la
préciosité de la communication accuse la fracture entre les professionnels-de-la-profession
et ceux qu’ils regardent de haut en abusant du terme « citoyens » qui
s’est dilué dans tant de sauces.
Son essai de près de 600 pages se lit comme un roman.
L’étude chaleureuse débute au « Bar des boules »,
témoin des chambardements d’une communauté. Elle remonte l’histoire d’un pays
de vanniers et de paysans et interroge la transmission des mémoires.
Le village qui a toujours voté communiste et entretient un
solide anticléricalisme depuis les temps où les vaudois réfugiés et persécutés
au XVI° siècle s’y sont installés, a connu l’arrivée des soixantehuitards, puis
des citadins.
A travers une centaine d’entretiens avec des « cultureux »,
des enseignants, des pompiers, des chasseurs, des enfants de harkis, des
touristes, des riches étrangers, des « déglingués », des prêtres dont
celui qui « a fait le don de son foie à l’église », des anciens et
des nouveaux, il retrace le basculement d’une civilisation.
«En un quart de
siècle, Cadenet est entré tant bien que mal dans un nouveau monde où s’est
effacée son ancienne identité. On peut y voir à juste titre un phénomène
d’urbanisation et de modernisation qui a libéré les individus des contraintes pesant
sur les anciennes communautés d’appartenance, la fin d’un monde clos et
« du chauvinisme de clocher ». Pour autant, cette évolution s’est
payée d’une dissolution du lien collectif entrainant l’individualisme vers les
horizons d’une « postmodernité » problématique ».
Dans ce village devenu « bourg dans une zone
périurbaine », les autochtones de plus en plus minoritaires sont
nostalgiques. Ce sentiment est nourri de quelques images désormais factices qui conviennent aux nouveaux arrivants pressés
et aux touristes.
Des fois même les citadins qui se croient... libres (et je ne m'exclus pas de cette catégorie) se disent que le cauchemar absolu est de déambuler tout en étant touriste/spectateur de sa propre vie...
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