lundi 25 mai 2015

Cannes cinéphile 2015.

De retour du festival de Cannes avec 34 films dans les poches - sous les yeux - j’essaie de rassembler quelques titres et des correspondances, comme j’ai pu le tenter depuis quelques années.
Si la langue anglaise est déjà hégémonique dans les titres, il convient d’élargir son vocabulaire  pour caractériser quelques « feelgood movies » ou « teen movies», voire nommer « des objets mystérieux prétextes au développement d’un scénario » : des « MacGuffin ». Merci Wikipédia et Hitchcock.
Dans cette fête des images et des mots (« Words and pictures »), la proximité et l’abondance des histoires éteignent des emballements d’un instant ou confirment des préférences.
J’énumère ici des titres pour rendre compte de l’ivresse de ces journées et reviendrai chaque lundi, au moment de leur sortie sur ceux qui seront distribués à Grenoble.
Mon  film favori apparaissait dans la sélection « vision sociale » : « Rendez vous à Atlit ».
Il s’agit de trois sœurs qui reviennent dans la maison familiale en Israël. Dilemmes émouvants avec des actrices en état de grâce, sur fond de rappel historique quand les espoirs de paix s'effaçaient au moment où Yitzhak Rabin fut assassiné (merci correcteur, j'avais mentionné Begin!).
C’est l’année de la sororité (histoire de sœurs) : négative, à cran, avec «  Pauline s’arrache », lumineuse avec « Notre petite sœur » ; l’un est français, l’autre japonais.
Les cinq sœurs de «  Mustang » sont turques, combatives et porteuses d’espoir.
Les bandes de filles, même à Gaza, à l’intérieur d’un salon de coiffure, dans « Dégradé », sont plus fortifiantes que lorsque les garçons s’assemblent auprès d’un « Sleeping giant », ou bien lorsque le silence s’est installé depuis 40 ans entre deux frères « Béliers ».
Si le titre « Les chansons que mes frères m’avaient apprises », exprime le contraire de la déréliction poignante d’une réserve du Dakota, l’espoir vient encore d’une petite indienne.
Alors que dans la forêt bolivienne, une jeune fille de 13 ans déjà enceinte du commandant guérilléro, « Alias Maria » en a plein les bottes, nous pouvons nous assoupir sous les arbres  de « Canopy », une autre jungle du côté de Singapour.
Parmi tant de personnages féminins forts, une se débat pour échapper à un passé douloureux, « Amnésia »,  mais une autre peut participer aussi au massacre familial symbolique au moment de Thanksgiving, «  Krisha », ou sombrer dans la folie, dans « Touch » quand la douleur de perdre un enfant est insupportable. Ce fut d’ailleurs un thème abordé aussi dans « Every thing we loved » et dans quelques autres propositions que nous écartâmes.
Cette année, nous nous retrouvons aux antipodes de certains critiques pourtant assez unanimes à souligner les faiblesses des productions françaises, tout en leur réservant beaucoup de place.
« Trois souvenirs de jeunesse » de Desplechin, ou « A l’ombre des femmes » de Garrel sont de bien moindre intérêt qu’une chronique paysanne dans le Nord du Portugal « Volta a terra », voire « Tabula rasa » où la cuisine indonésienne constitue le thème principal.  Nous pouvons nous sentir tellement plus proches des paysans de la campagne égyptienne, du très réussi « Je suis le peuple », que des nombrils parisiens.
Si la tendresse peut se déceler au fin fond des bas fonds de Phnom Penh,  « De l’ombre il y a », nous en sortons secoués, et  contents d’avoir été baladés entre fiction et documentaire comme ce fut souvent le cas, avec moins d’habileté dans « Taklub » qui décrit  un village de pêcheurs après le passage d’un  typhon aux Philippines.
Les exégètes ont fait la fine bouche pour «  A perfect day » dont nous avons apprécié l’humour au milieu de la guerre dans les Balkans, et pour « Le tout nouveau testament » sous le pouvoir réjouissant de Poelvoorde jouant Dieu, promis à un succès populaire.
Par contre mon regard intéressé par le début du  tant loué « Montains may depart » s’est modifié. Alors que souvent dès les premières images le ton est donné, j’ai eu hâte que le film s’achève, tant je le sentais se dégrader.
Au cours de tant de voyages proposés par les cinéastes, le film « Panama » propose un regard inédit sur la société serbe vue côté jeunes riches, traitant des nouveaux moyens de communication au service de la fornication, mais il est sans âme, mécanique nique. Les trois périodes de « Soleil de plomb », histoires d’amour en Bosnie pouvaient intéresser sur le devenir d’une zone éloignée en ce moment des projecteurs, mais je n’ai pas tout compris. En milieu bien plus couvert, « Nahid », une jeune maman iranienne entre divorce et « mariage temporaire » a bien du mal avec son fils, mais une de ses compatriotes, qui se bat pour organiser un concert international afin que des femmes puissent chanter en solo, dégage une énergie communicative : «  No Land song ».
Dans la fable décapante «  Gaz de France », ou dans la recherche par une paire de « Cow-boys » d’une fille partie en terre de Jihad, nous sommes en plein dans nos préoccupations hexagonales.  Cependant nous pouvons nous sentir également concernés par cet ouvrier qui se meurt au milieu des champs de cannes à sucre en Bolivie, « La tierra y la sombra ». 
Et de l’autre côté du monde, la situation des aborigènes en Australie de « White lies » rappelle d’autres colonisations, les oiseaux d’ « Healing » réparés par des prisonniers qui se réparent ainsi, ressemblent aux nôtres. Ce film généreux mais un peu insistant à mon goût a obtenu le prix Cannes séniors. Dans la compétition « Ecran junior »,  je ne sais ce qu’il adviendra en matière de récompenses de « Words and pictures », genre « cercle des poètes disparus ».  Les palmes et autres récompenses sont tellement multiples que la remise des prix ressemble à l’école des fans ou au collège qui se voudrait tellement bienveillant de la ministre de l’éducation.  
Avec mes compagnons de salles obscures à La Bocca et partageux du pan bagnat dans les files d’attente, nous avons eu l’occasion à de multiples reprises, d’apprécier des acteurs amateurs, mais je pense que Juliette Binoche en prof d’art plastique ( pictures) face à un prof de lettres (words), qui ressemble à Laurent Blanc l’entraineur, attirera des spectateurs.

5 commentaires:

  1. Fantastique! on t'envie beaucoup d'avoir cette chance... Mais attention: ne confonds pas Menahem Begin (affreux faucon) et Itzhak Rabin, celui par qui la paix aurait pu arriver!

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  2. merci de ta lecture attentive, je corrige derechef!

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  3. Si jamais le film n'est pas encore parti, Guy, je te recommande "Caprice" d'Emmanuel Mourret. (orthographe ?)
    Un exemple lumineux de ce que la culture française offre.. de mieux à l'Occident de mon point de vue... américain...
    Un marivaudage délicieux. Parisien, certes, mais la capitale (et ses intellectuels...) n'a pas que du mauvais.
    On dirait à 180° des films de Cannes.
    Sigh. Les époques révolutionnaires ne produisent pas de grand art, Guy.
    C'est un constat..
    Merci pour ton commentaire, quand même.

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    1. Ah ! Tu es bien du même bois que ma copine qui m’offre l’hébergement pour le festival et avec laquelle je ne suis pas d’accord à propos de Mouret, pâle et persistant plagiaire d’un Truffaut que j’ai tant aimé et qu’il contribue à démoder.

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  4. Ah bon ? Pâle et persistant plagiaire de Truffaut ?
    Ta culture cinématographique dépasse la mienne de loin, alors...
    J'avoue avoir honteusement de vagues souvenirs de Truffaut (!!!! mea culpa) dont je ne me délecte pas dans des retrospectives DVD...préférant les films de... Lubitsh qui bat même Truffaut pour le marivaudage. Je crois.
    Pourquoi Truffaut et pas... Rohmer, pendant qu'on y est ?...
    A époque décadente... de petits artistes, hein ?
    N'est pas Lubitsh/Truffaut/Rohmer qui veut...

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