mercredi 3 juin 2009

Profession des parents et métier de parents . Faire classe # 32

La « transparence » est l’un des maîtres mots de la communication et pourtant des enfants méconnaissent le métier de leurs parents. Cette ignorance me semblait un signe de déficit de maturité.
Il faut constater que les lieux d’activités se sont éloignés des lieux de vie et l’éclatement des statuts participe aux difficultés à se connaître d’une société tout entière. De plus en plus de jobs apparaissent difficilement compréhensibles par les enfants (et par les adultes aussi d'ailleurs). Les salariés soumis aux fonds de pension à l’appétit sans fond, ne connaissent plus leur patron ; les cadres auront besoin de stages pour cultiver le patriotisme d’entreprise, mais où sont les fiertés dans le travail ?
Au moment des choix d’orientation, les représentations des débouchés sont floues et il est de mise désormais de viser un Bac +3 sans préciser la destination. Les filières tournées vers la production sont souvent inadaptées, le temps est à la tertiarisation et là les qualités de réactivité, d’adaptation requises ne sont pas toujours bien cultivées à l’école.
La grande arnaque qui confond démographie scolaire et démocratie scolaire quand les facs ajoutent des zéros à leurs effectifs, va-t-elle se révéler ?
Qui produit en France ? Les métiers aux créations tangibles rejoignent les imagiers obsolètes avec la cocote minute qui sifflait au rebord de la fenêtre. Le chant du coq dérange comme la cloche du village. Cet éloignement de la diversité et des rythmes humains, accompagne le silence des pères - en particulier- à la table familiale. Ceux-ci se sont effacés surtout dans les milieux déjà les plus fragiles : quand on dit famille mono parentale, c’est maman parentale qu’il faut entendre.
« Plus rien ne me semblait dangereux parce que j’étais à vingt pieds du sol, dans les bras de mon père qui, par la seule force de sa volonté, faisait en sorte que rien ne m’arrive ! Rien ne pouvait m’arriver ! » Michel Tremblay.
Gardons nous de généralisations hâtives; en ces années que Ségo traversa, beaucoup d’enfants ont gagné des pères attentifs, présents, ils grandissent du bon côté de la fracture, la sociale facture. Mais souvent la table familiale a disparu, remplacée par un zapping dans le réfrigérateur. Concernant le mobilier, de dévorantes machines ordinatrices gardent trop bien les enfants. Livrés à eux même, ils tombent plus facilement sur le petit prince « taillant une pipe » que sur des sites incontestablement enrichissants. Les relations se tendent, tournent parfois à l’hystérie ; la cellule familiale pèse sur les libertés des enfants d’avantage par amour dévorant que par manque d’investissement. Papa parti, petit perd sous les tonnes de sentiments de maman.
Il faut cesser de croire que l’école fournit toutes les solutions à tous les problèmes en déresponsabilisant les familles. Mais nous avons à aider ces chères têtes (les blondes et les brunes) à s’échafauder une identité dans le monde des grands en complétant les références parentales parfois défaillantes. L'école doit maintenir un lien avec son environnement social et humain.
Le temps d’une scolarité dure trois ou quatre quinquennats. 50% des emplois futurs n’existent pas pour les enfants qui entrent au C.P. , mais ce n’est pas plus mal que l’école s’épargne les urgences de la conjoncture.
De toutes façons le long terme sied mieux à ses rythmes pachydermiques, elle a la possibilité de regarder plus loin que la réalité du moment.
Les défauts d’orientation des jeunes tiennent aussi à cette difficulté à se représenter des professions autres que bateleur télé. Faudra-t-il travailler pour atteindre mon objectif ?
Travail : gros mot à éloigner des oreilles enfantines comme s’il s’agissait de la honte remontant au XIXième siècle des corvées pour enfants !
Il est tentant de considérer l’école comme un sanctuaire; mais les murs sont en carton, les familles et les enseignants débattent avec difficulté. « L’école c’est l’affaire de tous » s’inscrivait en gros sur nos affiches fraternelles quand nous voulions nous mêler aussi de médecine et d’agriculture et d’énergie et de justice… et que tout était politique. Nous souhaitions mieux impliquer les parents dans la vie de l’école pour assurer une meilleure cohérence éducative. Aujourd’hui le consommateur, l’usager demandent des comptes. Le « tout à l’égo » gouverne ; et la politique n’offre plus les moyens pour investir à long terme au moment où le mot « durable » ponctue tous les discours. Que les professeurs des écoles continuent avant tout à être des instituteurs qui instituent, donnent sens à leur travail, et réaffirment que ce sont eux les mieux placés pour choisir leur méthode ! La confiance, en face, est décisive pour laisser s’approcher le monde. Il ne s’agit pas d’aimer tout ce qui est proposé mais en prendre connaissance. Si en maternelle : « la maîtresse a dit » annonce un impératif catégorique, plus tard trop de parents affichent une défiance aux enseignants qui coïncide avec une aversion envers les savoirs.
- L’efficacité se gagne avec des rapports francs et cordiaux. Combien l’hostilité naît des craintes, des manques d’assurance ?
- Dans ma classe, une fiche navette devait être signée toutes les deux semaines par les parents pour attester qu’ils avaient pris connaissance du travail du petit. Cela évitait la vérification laborieuse des signatures sur les cahiers, et permettait de relancer les parents oublieux.
- Recevoir papa, maman en présence du petit non pas entre deux portes mais sereinement après rendez-vous, permet de ne pas perdre de temps. Le respect se conquiert aussi dans la réciprocité.
Même s’il y a des attitudes inédites qui vous scient. Une mère défendait ainsi son fils qui avait traité une surveillante de naine : « Si elle n’arrive pas à assumer son complexe, ce n’est pas mon problème ». Les gens sont petits parfois et les temps sulfuriques.
Le redoublement par exemple ne sera profitable que s’il y a accord de toutes les parties ou au moins une compréhension (pourquoi? et dans quel but?)
L’enfant nous étonne de plus en plus avec des réflexions adultes et les parents Casimir aiment régresser. Mais gardons l’humour, la distance, ne brûlons pas les étapes. Que d’enfants de maternelle invités à être autonomes, une fois devenus étudiants n’ont pas accédé à la maturité !

1 commentaire:

  1. Quatorze ans passés depuis ce billet que je découvre ce matin...
    J'applaudis la volonté d'associer parents et enfants dans l'éducation (et pas l'instruction...) des enfants. Il doit y avoir des moments où enseignants et parents se retrouvent pour parler de la jeune génération, et que ça se passe bien. (Je les ai connus, d'ailleurs.) Pourquoi pas ?
    Mais comme nous vivons dans une société qui épingle ce qui va mal, et l'élit en le sortant du lot, les occasions où ça se passe bien ne font pas... les nouvelles.
    Ce qui me frappe à l'heure actuelle, c'est la manière dont la plupart de mes amis (ne parlons pas de mes ennemis...), pour parler alignent des clichés de... "nouvelles", ou nouvelles opinions. Ils alignent ces clichés sans se demander si ces derniers correspondent à LEUR EXPERIENCE.
    Mes enfants ont 35 ans maintenant, et je me souviens de leurs années d'école, et je me souviens de mon... combat pour préserver les repas ensemble autour de la table, alphabet de la vie familiale ET SOCIALE, à mes yeux, devant la pression de tant... d'ACTIVITES proposées pour les "occuper" en plus de l'école.
    Comme si nous vivions une pression constante à nous "activer", à ne laisser aucun temps... mort ou susceptible de l'être.
    De telles pressions sociales traduisent peut-être une angoisse terrible devant.... la mort ? l'inactivité ? en plus de l'équation dans nos têtes entre l'activité très active et une vie vivante, et digne d'intérêt ?
    Pour la défiance envers les enseignants... comme je le répète, l'école n'est plus au siècle de Jules Ferry, et il y a des parents d'élèves qui disposent d'autant de "savoir" que les enseignants qui dispensent les cours. Le maître ne règne plus en maître sur son domaine, avec les conséquences qu'on peut imaginer pour son autorité dans le grand public. Et cette affaire s'aggrave avec la disqualification croissante du service public, et de l'enseignement comme service public. N'oublions pas que dans la Rome antique républicaine ? les enseignants d'école n'étaient pas très estimés.
    "Gardons l'humour", oui, gardons l'humour encore et toujours, après 14 ans et plus.

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