jeudi 11 mai 2023

Séductrices, prostituées. Serge Legat.

Concernant l’image des femmes dans l’art : après les vierges, saintes, ou mères vertueuses, https://blog-de-guy.blogspot.com/2023/04/vierge-sainte-mere-serge-legat.html 
étaient présentées des femmes de petite vertu par le conférencier devant les amis du Musée de Grenoble. 
De l’antiquité au monde chrétien s’est enracinée l’idée de la nature diabolique des descendantes d’Eve, parmi 1001 péchés possibles répertoriés en listes canoniques : luxure et curiosité, commérage. « Les Effets de l'intempérance » Jan Steen, la morale protestante dénonce la mauvaise mère assoupie qui ne s’occupe pas de ses enfants : l’un « donne des roses au cochon », l‘autre lui dérobe sa bourse, laissant présager un avenir de mendicité (béquille et clochette), alors qu’une domestique propose du vin au perroquet.
Le symboliste Giovanni Segantini, qui a perdu sa mère à cinq ans, représente « Les mauvaises mères » exposées à la souffrance pour n’avoir pas voulu d’enfants.
« L'Allégorie de la Chasteté »
de Lorenzo Lotto figure sur le couvercle d’un portrait d’une femme inconnue : les satyres dans l’ombre contrastent avec la pluie lumineuse de fleurs déversée par un putto sur la blanche dame.
Dans un autre double tableau, l’« Allégorie du vice et de la vertu » recouvrait le portrait d’un évêque.
Chez le même Lotto, « Vénus et Cupidon », le jet d’urine à travers la couronne souhaite la fertilité.
Face à « La Femme Adultère », le christ adresse à la foule excitée ses plus belles paroles : « Que celui qui n’a jamais pêché lui jette la première pierre ».
« Jésus chez Simon le pharisien »
  Rubens. Marie Madeleine, la pécheresse repentie, celle qui va oindre les pieds du christ, et les essuyer avec ses cheveux, sera une de ses premières disciples à le voir après sa résurrection, elle synthétise plusieurs personnages.
Le christ appelé auprès de son père n’est plus de ce monde, alors
Fra Angelico peint : « Noli me tangere » (« ne me touche pas ») pour la cellule du couvent San Marco à Florence . Elle l’avait pris pour un jardinier.
Elle avait extériorisé sa douleur dans le « Retable d'Issenheim » consacré à saint Antoine de Matthias Grünewald. 

https://blog-de-guy.blogspot.com/2021/09/musee-unterlinden-colmar.html
Charles Le Brun tenté par le baroque présente « Sainte Marie-Madeleine renonçant aux vanités du monde ».
La poignante « Madeleine pénitente » de Donatello garde de belles mains pour prier. Artemisia Gentileschi, Le Caravage et 
Valentin de Boulogne
ont célébré « Judith », femme forte.  
 https://blog-de-guy.blogspot.com/2019/11/artemisia-jean-seroy.html
Le Titien
 : « Sextus Tarquin viole Lucrèce ». La vertueuse se suicidera pour laver l’honneur de son père et de son mari. Cet évènement mettant en cause la monarchie, la République romaine adviendra.
« L’Entremetteuse »
de Johannes Vermeer du genre « bordeeltjes » (bordel) décrit les amours tarifés 
comme « Société dans la salle de Sophie à Vienne » de Josef Engelhart. 
Toulouse Lautrec pour l’établissement de la rue des moulins 
ou Picasso pour les demoiselles de la rue d’Avignon à Barcelone 
ou Manet et son Olympia ont multiplié les chefs d’œuvres sur ce thème. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2017/12/moderne-olympia-catherine-meurisse.html.
A Saint Lazare, hôpital-prison, Pablo Picasso saisit cette femme assise au fichu blanc signalant sa syphilis, « La Mélancolie ». 
« Marion coûtait cher. 
Pour lui payer sa nuit,
Il avait dépensé sa dernière pistole » Musset
Le tableau de Gervex « Rolla » aurait pu s’intituler « La destructrice » puisque la lumineuse endormie a provoqué la ruine de Rolla qui va se suicider.
« Nana »
d’Edouard Manet peinte deux ans avant le roman de Zola avait fait scandale à cause du corset. 
« Une vraie frimousse de margot, trempée dans du lait, une peau veloutée de pêche, un nez drôle, un bec rose, des quinquets luisants auxquels les hommes avaient envie d’allumer leur pipe. Son tas de cheveux blonds, couleur d’avoine fraîche, semblait lui avoir jeté de la poudre d’or sur les tempes, des taches de rousseur, qui lui mettaient là une couronne de soleil. Ah ! une jolie pépée, comme disaient les Lorilleux, une morveuse qu’on aurait encore dû moucher et dont les grosses épaules avaient les rondeurs pleines, l’odeur mûre d’une femme faite.»
« Le réveil de la conscience » de Hunt le préraphaélite de la période victorienne, où la jeune fille, aux allures de Marie-Madeleine, échappe à l’emprise de l’homme comme l’oiseau échappe au chat, me semble bien mièvre et moralisateur, même épluché dans le détail pour compter les bagues aux doigts de la jeune femme, sauf  à l’annulaire.

mercredi 10 mai 2023

Larochefoucault-en-Angoumois.

Notre séjour à Royan / Saujon se termine ce matin et une fois nos adieux faits à notre hôte, nous partons vers de nouvelles aventures.  Après un arrêt dans la zone industrielle de Cognac pour nous accorder un petite déjeuner dans un « Patapain » luxueux et confortable, nous passons Cognac et Saintes pour atteindre  LAROCHEFOUCAULT-EN-ANGOUMOIS choisi comme étape sur la route de Limoges.
Nous posons la voiture à l’ombre de Saint Cybard  sans omettre de placer le disque bleu. Ensuite nous cherchons un bar pour nous désaltérer mais nous essuyons plusieurs refus car l’heure de servir des repas approche.
Avec gentillesse,  le « Patio » nous accueille dans sa charmante cour intérieure en forme de cloître surmonté d’une galerie couverte et dallée de gros blocs de pierre. Comme menus, la maison ne sert que des salades. Lorsque nous la  traversons pour aller régler nos consommations, nous apercevons un joli salon occupé par un Pleyel et  débouchons dans une librairie où nous engageons la conversation avec le propriétaire, conversation portant tout d’abord sur les difficultés à rénover cette demeure ayant appartenu à Jean Herauld de Gourville (Louis XV) ami de Fouquet.
De nombreux problèmes se présentèrent pour sa restauration concernant le bétonnage, les eaux  de pluie mal dirigées et autres inconvénients pas toujours prévisibles lors de ce type de chantier. Nous échangeons  aussi sur l’écologie et notre siècle  avec des opinions parfois  divergentes  mais instructives  et étayées. Voilà encore une rencontre fortuite et riche  avec une figure intéressante ….
Nous nous acheminons vers le château dont l’apparence défensive incontestable se manifeste dans les hautes tours rondes les mâchicoulis et le donjon, ainsi que les murailles le pont levis et les douves : il date du Moyen âge.
- Lorsque nous pénétrons à l’intérieur, nous entrons dans une cour Renaissance italienne caractérisée par des galeries à arcades sur trois niveaux, rez-de-chaussée compris,
et un grand escalier à vis  au  noyau central torsadé recouvert de motifs géométriques.
Il intègre des symboles : apparaissent discrètement la salamandre (François 1er), le hérisson (Louis XII), et 2 dragons l’aspic et le basilic :
*l’aspic est une espèce de dragon qui se bouche les oreilles pour ne pas entendre les chants  susceptibles de le charmer. Il incarne le pécheur qui refuse d'entendre la parole divine. Dans la représentation retenue ici, il se bouche une oreille en la plaquant au sol et obstrue l’autre en y enfonçant sa queue.
*le basilic au venin mortel, ou dragon à tête de coq  est le « roi des serpents », c’est un être hybride, mi-oiseau, mi-serpent, qui représente la mort. Figure de l’Antechrist.
Quant au buste avec une collerette de fou garni de grelots tenant à la main un faucon, on ignore son identité ou sa signification. En haut de cet escalier hélicoïdal se déploient des ogives en forme de palmier

-  Les galeries donnent accès à des salons revêtus de boiseries, avec de magnifiques planchers. Meublés, ils affichent des photos de la famille au XX°siècle.
Un petit boudoir promeut les propriétés lui appartenant à travers des peintures sur les murs et le plafond.
La mère du Duc loge encore dans une petite aile privée du château.
- Un fait tragique déclenche la rénovation de la Chapelle au XX° siècle. A la mort subite du petit François XVII (il y eut beaucoup de François dans cette famille) ses parents entreprennent de modifier cet oratoire.
Conservant les hautes fenêtres et la voute d’ogives sur des colonnes d’inspiration italienne, ils remplacent les vitraux, élèvent une tribune et refont le carrelage du chœur. Partout figurent le portrait et les initiales du jeune défunt  dans ce lieu consacré où il repose aujourd’hui en compagnie de ses parents.
- La visite inclut les bibliothèques et le trésor mais en compagnie obligatoire d’un guide, une asiatique sympa nous prend en charge. Elle nous ouvre les portes derrière lesquelles se cachent  quelque  21 000 volumes qui tapissent les murs des quatre bibliothèques.
La chambre des cartes dispose de quelques trois cents plans et estampes représentant des vues de villes, de pays ou de continents.  Dans cette salle sont exposées des cartes conçues lors des  campagnes des Larochefoucault visant à être comprises même par des analphabètes.
- Le trésor conserve les archives de la famille, les comptes.
Avec minutie, notre guide extrait une dette contractée par Louis XVI  pour un emprunt dédié à couvrir sa fuite.
Cette salle des papiers desservie par un élégant escalier tournant en bois peut s’apprécier vue d’en haut.
- Nous n’avons plus besoin de guide pour  voir les cuisines et les salles de garde, il suffit de se rendre au sous- sol.
L’artiste Nisa Chevènement a investi les lieux et expose ses sculptures autour de Babel : 
Après les sous-sols, nous grimpons sous les toits. Ici pas de grande découverte architecturale mais une attraction sympathique attend les visiteurs petits et grands. En effet, ils peuvent  s’immerger dans l’histoire et revêtir des costumes d’époque proposés gracieusement au déguisement et prévus dans toutes les tailles. Le lieu résonne de rires et les téléphones s’activent pour prendre des photos souvenirs.
Nous ne pouvons parler de ce monument  sans évoquer les plus prestigieux  représentants des Larochefoucault :
- Bien sûr François VI, auteur des sentences et des maximes
-  mais aussi Louis-Alexandre, député des Etats généraux assassiné à Givors en 1789
-  et François XII, fondateur de l’école des Arts et Métiers, introducteur du vaccin contre la variole en France et cofondateur de la Caisse d’Epargne.

mardi 9 mai 2023

Fraîche. Marguerite Boutrolle.

Sur le thème beaucoup traité de la fin de l’adolescence, une BD pleine de fraîcheur fidèle à la quatrième de couverture : 
«  Frais, fraîche (adj.) :
-  qui a la spontanéité, la candeur de la jeunesse. 
-  Se dit d’une fleur qui a gardé son éclat, qui n’est pas fanée.
-  Se dit d’un aliment qui n’a pas encore subi d’altération. » 
Dans un langage qui distingue chaque génération, la jeune auteure, revient sur cette période de la vie où les velléités d’émancipation passent par bien des conformismes. 
Sans jamais ridiculiser ni embellir les aspirations de cet âge, les incertitudes et la recherche d’une vie qui soit belle sont bien racontées grâce à un graphisme dynamique et un découpage énergique  accordant bien le fond et la forme. 
« Les gens du lycée ont GRAVE des têtes à avoir couché. Genre tous. »

lundi 8 mai 2023

Sur l’Adamant. Nicolas Philibert.

Une fois éprouvée l’intensité de l’interprétation de « La bombe humaine » du groupe Téléphone en introduction, par un des patients suivi par un centre de jour au centre de Paris, de cette heure quarante au bord de l’eau, émane un calme d’autant plus impressionnant que sont perceptibles les tempêtes. 
« Je veux vous parler de l'arme de demain 
Enfantée du monde elle en sera la fin 
Je veux vous parler de moi, de vous 
Je vois à l'intérieur des images, des couleurs 
Qui ne sont pas à moi, qui parfois me font peur
Sensations qui peuvent me rendre fou » 
Le livret d’accompagnement distribué par le cinéma le Méliès montre la modestie du réalisateur parti « voir ailleurs qui je suis », s’appliquant à « énoncer » plutôt qu’à « dénoncer », se gardant de « fétichiser ce lieu atypique » de psychiatrie où se prend le temps de l’écoute. 
« Je suis chargé d'électricité 
Si par malheur au cœur de l'accélérateur 
J'rencontre une particule qui m'mette de sale humeur 
Oh, faudrait pas que j'me laisse aller
Faudrait pas que j'me laisse aller, non
La bombe humaine, tu la tiens dans ta main
Tu as l'détonateur juste à côte du cœur » 
Sans remonter à des explications renvoyant à une situation de voyeur, la caméra respecte les personnes qui s’expriment dans une institution accueillante par la peinture, la musique, la poésie, une implication dans un projet collectif en évolution permanente. 
Une séquence où les patients se prennent réciproquement en photo avec et sans masque révèle les regards.  
« Adamant » signifie diamant.