mardi 18 avril 2023

Le chien qui louche. Etienne Davodeau.

« Le chien qui louche » est le titre attribué à une toile découverte dans un grenier qu’une famille du Maine et Loire verrait bien accrochée au Louvre.
Les marchands de meubles en ont eu l’idée depuis que leur sœur est l’amie d’un gardien du Louvre, ce qui permet de confronter les artisans aux artistes et de poser la question irrésolue : qu’est ce qui justifie la présence d’une œuvre plutôt qu’une autre dans un musée?
Davodeau, familier des sujets sociaux penche cette fois du côté de la comédie, voire parfois de la caricature, sans en affecter toutefois le plaisir de lecture. 
Cet album entre dans la jolie galerie des éditions du Louvre où la BD rend hommage au lieu prestigieux désormais en sa pyramide.
« Excusez-moi… Vous pouvez m’indiquer « La Joconde » ? » 
Plutôt que les dessins assez ordinaires à l’exception de ceux croquant les statues, les dialogues révèlent efficacement les lourdeurs des frangins, les complicités des amoureux, les passions d’amateurs d’art, les touristes qui ne font que passer.
Un discours par un membre éminent de « la République du Louvre » situe bien le sujet : 
« Entre ici, Gustave Benion... Avec ton misérable cortège ! Avec ceux qui, comme toi, ont peint sans rencontrer la reconnaissance, et même - ce qui est plus consternant - ... Avec ceux que la gloire et la fortune ont endormis! Entre ici, avec tous les peintres du dimanche... Avec les approximatifs des bords de rivière !... Avec les aquarellistes des galeries marchandes. Avec leurs couchers de soleil trop colorés. Leurs natures mortes trop mortes. Leurs nus qu'on rhabillerait volontiers. Et leurs portraits qui n'en sont pas. Entre ici avec les malhabiles de la peinture à l'huile... Et ceux pour qui la peinture à l'eau, finalement, c'est pas rigolo. Entre ici, Gustave Benion avec ton "chien qui louche"! »

lundi 17 avril 2023

Les Trois Mousquetaires. Martin Bourboulon.

Quand j‘ai demandé à ma néo-collégienne si elle avait repéré de belles images, elle m’a répondu : « J’ai regardé le film ».
 
Excellente réponse, captivée comme son frère, vieux routier du primaire, impatient de voir D’Artagnan rapporter les ferrets à la Reine. 
Au bout des deux heures qui galopent, tout le monde a envie de voir la suite : ce sera Milady en décembre.
Il est bon de revisiter notre patrimoine et réviser l’histoire de France avec des acteurs qui font plaisir : Vincent Cassel, Romain Duris, Pio Marmaï, Eva Green, Louis Garrel, François Civil, Lyna Khoudri.
La garde rapprochée de Louis XIII a la croix plus discrète que celle que nous portions quand nous jouions enfants aux gascons Athos, Portos, Aramis, d’Artagnan, avec nos moustaches dessinées au bouchon noirci à la bougie et nos épées de noisetiers aux pommeaux prélevés sur les boites de cirage de grand-mère. 
Les épées ne sont pas sous cape et quelques notations historiques, des caractères bien dessinés, des vertus de loyauté, de camaraderie, rendent attachant ce moment de divertissement familial. 

dimanche 16 avril 2023

Showgirl. Marlène Saldana Jonathan Drillet.

J’avais trouvé que la silhouette sexy cousue sur la silhouette plantureuse de l’artiste qui débute le show était bienvenue. 
En fait il s’agit de la reprise du graphisme du film « Showgirls » de Paul Verhoeven qui avait obtenu le prix du « pire film de la décennie et du siècle précédent » puis est devenu « culte ».
Au bout d’une heure et demie de théâtre où le kitch au rouge à lèvre débordant est sans cesse interrogé 
« Le bon goût, c’est l’ennemi de la créativité » j’avais manqué de références.   
Mais en me renseignant sur Wikipédia, j’en étais à partager le même sentiment qu’un critique du « Monde » qui après le film, avait écrit : 
« Le vide, même avec la conscience de la vacuité, reste le vide. »
Il s’était repenti quelques années plus tard :
« … la dialectique entre le corps-simulacre, le corps-image, le corps fétichisé, et le corps réel, la biologie… Showgirls parle bien sûr de cela. [...] Quand on regarde les grands films de l'histoire du cinéma, on voit que très peu ont été compris en leur temps. L’art est toujours en avance. » 
Pour ce qui concerne la version théâtrale, je ne l’accompagne plus dans son revirement, même si l’actrice excellente impose avec grâce son corps très dénudé, fière de son poids, comme on a pu déjà le voir chez Fellini avant que les « phobes » n’adjoignent ce suffixe aux gros et aux grosses… de riches.
Les mots sont bien troussés : 
« Dans cette ville branchée sublime chic et classe
Ringarde artificielle vulgaire cheap et crasse
Je l’ai compris dès le début faut devenir une vraie badasse
Sinon tu te fais baiser, bienvenue à Las Vegas. » 
Pourtant dominent chez moi accablement et fatigue quand face au parti pris véhément de ne voir que des ordures qui peupleraient ce monde, il n’y aurait qu’un humour codé, cynique, désespéré, à leur opposer. 
 

samedi 15 avril 2023

Les traversées de Dorothy Parker. Camille Mancy.

Ce livre de 150 pages à propos de la poétesse qui rédigea son inscription mortuaire:
« Excusez-moi pour la poussière » 
a failli « me tomber des mains » tant le personnage principal est pris dès l’entame dans un crépitement d’informations biographiques qu’une exhaustive notice Wikipédia rend bien mieux.
Si les évènements décrits constituent une riche trame dramaturgique, l’émotion n’effleure qu’à de brefs moments, sous un regard trop souvent distancié. La biographe n’a pas les qualités de son modèle à l’humour ravageur, parait-il.
Le romantisme des traversées en paquebot ne transparait pas plus que l’effervescence politique quand la chroniqueuse qui appartint à la rédaction de Vogue, Vanity Fair puis au New Yorker avant d’être dialoguiste s’engage dans la défense de Sacco et Vanzetti. 
« Les étoiles d’Hollywood ne savent de quoi demain sera fait. Leurs origines sont modestes, leurs noms empruntés, leurs convictions suivent le sens du vent. »
La contemporaine d’Hemingway, de Fitzgerald entre Los Angeles, Antibes, New-York justifie le bon titre « traversées », entre les deux guerres, entre deux mondes : celui des salons de l'hôtel Algonquin et les miséreux photographiés par Dorothéa Lange 
Le récit de son passage à Madrid pendant la guerre d’Espagne quand elle débarque en chapeau à fleurs, constitue le meilleur du livre :
« En fait d’interprète, le jeune homme n’a que des rudiments d’anglais, et Dorothy ne saisit que les mots « terre », « eau », « saisons ».

vendredi 14 avril 2023

Extrêmement.

L’image d’un individu qui a « les fils qui se touchent » pour dire les déraisons de l’heure peut rejoindre la banale constatation qu’en politique les extrêmes s’épaulent, se confortent, se touchent parfois.
L’étiquette « extrême droite » collée à tout contradicteur osant rappeler le nombre de policiers blessés, banalise le parti de la famille Le Pen qui en arrive à apparaître à la vue des commentateurs comme le seul bénéficiaire de toutes les péripéties politiques.
Avant de garnir les bancs du Palais Bourbon, le RN s’est installé dans les comportements revendicatifs et dans les têtes, grâce parfois à ses accusateurs. On ne peut oser dire qu’il a gagné dans le domaine de la culture tant les subtilités d’un monde plus éduqué, plus sophistiqué sont à l'opposé de ses objectifs anti-élites, bien que dans ce champ les acteurs du cinéma proclament leur anti fascisme sans intermittence, sans grande efficacité.
Les universitaires sont en tribune, alors que les leçons de l’histoire ne sont pas seulement oubliées des masses mais ignorées, voire niées, pendant que le niveau des passions s’élève  à mesure que celui des connaissances baisse.
Les héritiers des Croix de feu désormais cravatés ont perdu le monopole de l’anti parlementarisme lorsque leurs concurrents NUPES donnent une image déplorable de la représentation nationale. Ils furent complices sur les ronds points, d’où ils ont multiplié les images de guillotine pourtant abolie par Badinter. 
La manifestation de la place de la Concorde du 16 mars 2023 ne ressemblerait-elle pas à celle des ligues factieuses du 6 février 1934 ?
Si 1789 représente pour tout républicain une date sacrée, une évocation par Mélenchon, ne manquant pas de culot, oublie la légitimité républicaine qui différencie un président de la République d’un roi. 
« Le 5 et le 6 octobre 1789 les femmes marchent sur Versailles contre la vie chère. Elles ramènent le roi la reine et le dauphin de force à Paris sous contrôle populaire. Faites mieux le 16 octobre. »
« Le Monde » journal jadis influent, rapporte que des influenceurs d'Internet sont contre la réforme des retraites, sous influence semble-t-il d'une nouvelle pensée unique qui n'a même plus à faire appel à des démographes ou à des obsédés de la dette, comme au temps des épidémiologistes nés dans la nuit, lors de la pandémie.
Le pamphlet «  L’insurrection qui vient » de Coupat a fait saliver bien les journalistes aux regards complaisants envers toute ZAD, ils en conservent la scansion, mais je n’y échappe pas en voyant arriver, s'installer des troubles cultivés, un séparatisme amplifié, des désaccords irréductibles. Je n'échappe pas au jeu des outrances en soulignant des faits minoritaires générateurs de généralisations abusives.  
Les blocages anti-démocratiques sont des entraves au droit de faire grève ou pas.
Quand des étudiants de Science Po affichent sur un mur dit de la honte, le nom de ceux qui s’opposent à ces entraves, je m’insurge contre la timidité des donneurs de leçons habituels.
Théâtreux, chercheurs, étudiants ne se distinguent pas de leurs ennemis en jetant l’opprobre sur les modérés et en approuvant les délateurs balançant ceux qui ont mal voté aux meutes.
Cette toute puissance (verbale) qui veut ignorer les contraintes économiques, financières, diplomatiques, les intérêts divergents d’une société, est du même ordre musclé que les hommes nouveaux promus jadis, au front fier, au poing déterminé, à la mâchoire serrée.
Extrêmes droite et gauche unies, honnissant pareillement l'Europe, se distinguent encore sur leur position à l’égard des étrangers, mais hormis la couleur de l’icône en vue, la même recherche de pureté les guide (voir la traduction du mot "guide" en allemand ou  en italien). 
Une douce police de la pensée  s’essaye, sans conduire à des goulags barbelés, elle sévit à l’intérieur de ces partis. Ils ont la liberté chatouilleuse et entre eux s’excluent, font taire les dissidents, faisant craindre des dérives liberticides au cas où ils accèderaient aux responsabilités. 
Le populisme, la démagogie en mettant la pression sur les élus, détériorent les liens sociaux, hystérisent les débats et conduisent de dangereux farfelus sur les plateaux, voire à incarner la République. Si quelques sages peuvent se rassurer en pensant que ces excès prouvent leur incapacité à gouverner, Trump les détrompe. 
« Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles. » Charles Péguy

jeudi 13 avril 2023

Vierge, sainte, mère. Serge Legat.

En ce 8 mars, le conférencier devant les amis du musée de Grenoble ouvre le cycle consacré à l’image de la femme dans l’art avec le tableau d’autel du florentin, Giotto, la « Maestà di Ognissanti ». La Madone en majesté présente l’enfant qui bénit. « La donna angelica » était apparue au moyen-âge avec maris partis à la guerre ou aux croisades; sa beauté spiritualisée « sacralise le culte de la pureté féminine ».
Andrea di Bartolo
peint une « Vierge d’humilité », assise sur le sol.
Après la terrible peste noire de 1348, le ciel se rapproche de la terre. 
Piero della Francesca  réalise une « Vierge de miséricorde » protectrice.
Sa fresque de la « Madonna del Parto » met en valeur la divine parturiente d’une grande intériorité malgré la théâtralisation.
Bien plus fréquentes, les représentations de l’ « Annonciation » peuvent surprendre, avec la vierge impassible pour l’église San Francesco à Arezzo dans un coin de la fresque de Piero della Francesca, consacrée à l’ « Histoire de la vraie croix ». 
Interrompue dans sa lecture, sa main marque la page.
Elle est effrayée dans  l’ « Annonciation de Recanati» de Lorenzo Lotto  
avec un ange Gabriel impératif ; le chat diabolique s’enfuit.
Marie, la servante du seigneur, savait que son fils mourrait avant elle : 
« La piéta » de Romanino de Brescia.
Pierre et Gilles ont fait poser Lio pour la «  Madone aux sept douleurs » au cœur blessé.
Au cours de l’ « Histoire de sainte Brigitte » commandée à Lorenzo Lotto, la famille Suardi assiste à la  cérémonie de consécration de la religieuse. Le couvent représentait souvent la seule alternative au mariage préservant ainsi le patrimoine familial ; la chasteté étant le degré le plus élevé de la condition féminine.
Tous les couvents n’étaient pas aussi mondains que « Il Parlatorio delle monache di San Zaccaria » par le vidutiste
Francesco Guardi qui inspira Comencini avec un Casanova devant honorer la mère supérieure pour se rendre à un rendez-vous avec une novice.
Artemisia Gentileschi
se représente en « sainte Catherine d'Alexandrie » patronne des écoles de filles et des élèves de philosophie. Elle avait sidéré le César et Auguste Maximin II Daïa lorsqu’elle convertit 50 philosophes païens convoqués pour la faire renoncer à sa foi.
« La légende dorée » de Jacques de Voragine relate que la roue promise à la populaire martyre va se briser, elle sera décapitée.
Son « Mariage mystique » par Le Corrège exprime une grande douceur,
une copie de Gaston Bazille d’après une version de Véronèse figure à l’église de Beaune-la-Rolande où avait péri un des précurseurs des impressionnistes pendant la guerre de 1870. 
« Sainte Agathe » ( Zurbarán), protectrice des nourrices et des fondeurs de cloches, issue elle aussi d’un milieu patricien, garde sa virginité même après un viol rituel.
Au moment où l’Etna  entrait en furie, la foule demanda la suspension de son supplice aux charbons ardents, elle mourra de faim. Amenée  dans un lupanar pour être violée, « Sainte Lucie » clouée au sol par le Saint-Esprit ne pourra être déplacée par mille hommes ni par mille paires de bœufs, ainsi représentée par Lorenzo Lotto.
La tendre et mélancolique « La Vierge et l'Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste » de Botticelli permet d’aborder le rôle des mères
comme le fit aussi Le Caravage où un vrai bébé s’endort dans la douceur et la quiétude lors du «  Repos pendant la Fuite en Égypte » de la sainte famille.
Le bonheur de « Madame Vigée-Le Brun et sa fille Julie » sera provisoire.
« Le berceau » de Berthe Morisot est devenu emblématique ainsi que
« La mère laborieuse » de Chardin,
pendant de son « Bénédicité », marque le triomphe de la vie domestique dans l’espace féminin
respectant tradition et éducation.
Au XVIII° certaines femmes avaient tenu un rôle capital, recevant l’élite intellectuelle dans les salons et avaient modifié leur image ; l’une d’elle, Madame du Deffand s’interrogeait :
« Est-ce que je crois aux fantômes ? Non, mais j’en ai peur. »
Théo Mercier : «  La famille invisible »

mercredi 12 avril 2023

Cordouan

Nous nous réveillons in extrémis à 7h45 et partons pour Royan.
Le brouillard issu de brumes maritimes denses nous enveloppe, nous ne regrettons pas nos vêtements chauds.
Après avoir laissé la voiture face à l’église moderne en béton qui domine la rade, il nous reste suffisamment de temps pour nous offrir un petit déjeuner dans une boulangerie ouverte : tous les commerces ou presque sont encore fermés aux alentours du port de plaisance.
Nous récupérons nos billets au kiosque « la sirène » à 9h 30 avant d’embarquer à 10h15 et démarrer à 10h30.
Les entrées maritimes persistent, toujours aussi compactes, et pendant les 45 minutes de traversée, nous perdons  la côte de vue.
Lorsque que les moteurs ralentissent  enfin, le capitaine nous informe sur les conditions de débarquement, alors que  nous flottons au milieu de nulle part baignés dans  une atmosphère cotonneuse, sans apercevoir la moindre silhouette du phare de Cordouan : 3 contingents de quarante personnes emprunteront l’un après l’autre le véhicule amphibie, le Jules Verne II que nous avons tracté à l’arrière du bateau depuis Royan. Ainsi, il sera plus facile de gérer le flux touristique dans cet espace limité surtout en marée haute et les passagers bénéficieront au mieux de la visite proposée par les gardiens. Tandis que nous attendons la 3ème fournée pour accoster, la brume se décide à se retirer, en nous laissant découvrir le monument, suivant l’ordre chronologique de sa construction ! Se devine d’abord le socle, puis la première partie érigée sous Henri III, peu à peu la 2ème partie datant de Henri IV émerge à son tour  puis tout le phare sort de sa chrysalide. C’est magique !
Le Jules Verne II vient nous charger puis nous  déposer au pied du phare, devant  la poterne en bois à l’entrée de la tour.
Nous sommes accueillis par Benoît, c’est l’un des deux gardiens responsables de ce monument historique : dreadlocks, tatouages maoris sur des jambes et un visage burinés par une vie au large, ce guide pittoresque s’avère très intéressant, passionné par le lieu et la vie qu’il y mène, il joue son rôle de pédagogue avec réussite.
Il nous explique en premier comment sont classés les phares existants : l’enfer, situé en pleine mer, le purgatoire, placé sur une île, et le paradis relié au continent. Cordouan entre dans la catégorie paradis de l’enfer. Ci dessus : le phare de la Jument situé à Ouessant.
Puis il relate l’histoire de l’édifice avec la construction commencée par Louis de Foix s’étendant sur une longue période de 25 ans ; les guerres de religion, les soucis financiers, les problèmes météorologiques, la peste à Bordeaux, tout cela  ralentit les travaux mais le phare est achevé en 1611, et culmine à une hauteur de 37 m, il  devient un symbole monarchique fort, Henri IV s’emploie à son embellissement et agrandissement. 
Il en fait un phare de prestige destiné à impressionner les bateaux étrangers et ainsi à prouver aux puissances maritimes environnantes la stabilité de son royaume après les guerres de religions. Surélevé à  67,5 m au XVII° siècle, ce qui correspond à sa hauteur actuelle,  il expérimente pour la première fois le prototype de lentille à échelon. 
Inventé par  Augustin Fresnel, cette lentille révolutionnaire équipe toutes les côtes et les phares du monde encore aujourd’hui.
Benoît nous entraine au rez-de-chaussée, dans un vestibule plus imposant que les deux petites  chambres latérales côté entrée,  tout en bois bien ciré  occupées autrefois par les gardiens.
En face, un escalier à vis mène à l’appartement du Roi au 1er étage. Malgré son nom, aucun roi n’y mis jamais les pieds, mais deux cheminées, inhabituelles dans un phare, dénotent par leur présence d’un certain luxe. L’une  d’elles est fictive, son existence s’explique par un souci de symétrie. L’autre est  fonctionnelle, elle servit aux gardiens successifs à se chauffer et à cuisiner.
Le dallage en marbre noir et blanc du sol aux dessins géométriques se marie parfaitement à la pierre claire des murs.
Le 2ème étage  est entièrement réservé à la Chapelle Royale. Le plafond me rappelle le Panthéon de Rome avec son oculus, ou encore ces coupoles à caisson de la Renaissance italienne. Mais l’autel, les vitraux de saint Michel entre autre, rendent ce lieu pareil à n’importe quel autre édifice religieux de l’époque.
De forme circulaire contrairement à l’appartement du Roi, de forme carrée, la pièce baigne dans une lumière tamisée. Le dessin du  dallage en marbre coloré noir gris et blanc respecte la géométrie de la chapelle en partant du centre et se déployant  vers l’extérieur.  Le guide attire notre attention sur le buste de Louis de Foix qui mérite sa place en tant que mécène important du phare, car il suppléa aux manques financiers du Roi. Cordouan est le seul phare à abriter une chapelle et un tel luxe d’ornements.  Encore consacrée aujourd’hui, un prêtre  y célébra le mariage d’un marin employé par la compagnie « la sirène » assez récemment. Puis nous continuons pour atteindre la salle des girondins au 3ème étage.
Elle sert de départ à un escalier plus sophistiqué, « une voute rampante hélicoïdale » appuyé sur le pourtour des murs.
Nous voilà donc au 4ème étage, dans la salle du contrepoids et sa machinerie, nous grimpons au 5ème dans la salle des lampes et au 6ème, utilisée comme chambre de veille.En se penchant vers l’intérieur, nous apercevons le rez-de-chaussée par l’oculus qui traverse tous les paliers. Ce puits, reproduit à chaque étage, a permis de monter les matériaux et déverse la lumière.
Enfin, nous sortons sur la coursive extérieure ou chemin de ronde, au pied de la lanterne aux deux couleurs rouge et verte.
De là nous bénéficions d’une vue sur l’océan, des couleurs marines subtiles  sous un ciel de plus en plus ensoleillé ; et la marée qui se retire découvre le chemin constitué de grosses dalles menant jusqu’à la poterne.
Notre gardien passionné nous raccompagne jusqu’à la couronne. Cet anneau en bas de la tour  comprend  des espaces privatifs, 4 chambres, une cuisine des locaux techniques et un groupe électrogène.
Si le phare, monument classé, se visite à la bonne saison, il continue d’être surveillé toute l’année par ses gardiens. Il doit subir des restaurations fréquentes dues aux conditions climatiques. Lors des grains ou simplement du mauvais temps, la pluie bat la façade ouest et rince les pierres calcaires mais côté est le sel se dépose et l’érosion de la pierre apparait très nettement sous forme de trous.
Nous aurions bien trainaillé un peu plus à l’intérieur de l’anneau mais le temps nous presse et l’heure de rendez-vous fixé par le capitaine du bateau approche. Puisque la marée est basse nous empruntons la chaussée dallée encore un peu  immergée délimitée par des piquets.
Les pieds dans l’eau jusqu’aux chevilles nous pataugeons au milieu des  bancs de sable. L’un d’eux est la survivance d’une île végétalisée,  érodée par la tempête et rabotée à une hauteur d’ 1,5 m. C’est agréable de barboter dans l’eau tiède et le sable, à condition d’éviter les coquilles coupantes des huitres à moitié enfoncées.
Le véhicule amphibie nous récupère sur une émergence sableuse ressemblant à une plage entourée d’eau et nous confie rapidement au bateau prudent stationné un peu plus loin. Nous  sortons nos sandwichs pendant une traversée  différente de celle de ce matin, sous le soleil avec des teintes d’été et une vue plus dégagée sur la côte.