mercredi 8 juin 2022

Copenhague. Benoît Dusart.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble nous a présenté la capitale du Danemark, pour lui, une des plus belles villes d’Europe.
Située sur la voie maritime qui empruntait le détroit de l’Øresund entre la mer Baltique et la mer du Nord, son nom signifie «  port des marchands ».
Un viaduc de 16 km et un tunnel relient la riche citée à l’ancien ennemi héréditaire, la Suède. La population après la chute du mur de Berlin a augmenté rapidement 
pour atteindre 625 000 habitants.
Au moyen-âge la fortune venait du hareng.
Absalon
construisit un château et depuis,  
Stotsholmen, désigne « l’île du pouvoir »
L'église du Saint-Esprit demeure l’édifice le plus ancien.
Depuis 1962, la très ancienne rue Strøget fut la première rue rendue aux piétons.
Le roi Christian IV, contemporain de notre Henri IV, se voulait architecte : La bourse
et sa flèche en forme de spirale, où s'enroulent les queues de quatre dragons, en sont le témoignage
comme le Château de Rosenborg qui recèle de précieuses collections historiques.
La Tour ronde de la même époque, 
destinée à l’observation des astres s'ouvre désormais aux amateurs.
Le personnel de l’arsenal occupaient initialement les maisons parfaitement alignées du quartier de Nyboder
où se remarque le clocher hélicoïdal de L’église de Notre Sauveur.
La maison d’Andersen créateur de La petite sirène se situe 
sur les quais du canal Nyhavn aux photogéniques couleurs.
La célèbre statue fut financée au début du XX° siècle
par l’entreprise Carlsberg sur le site duquel les bâtiments anciens subsistent dans un quartier requalifié.
Amalienborg
au style néoclassique donnant sur une place octogonale bordée de plusieurs palais se distingue par sa garde royale.
La ville avait connu plusieurs incendies et alors qu’elle se voulait neutre lors des guerres napoléoniennes, elle fut bombardée par la Grande Bretagne.
2-5 septembre 1807.
Le XIX° siècle va voir l’effacement des glacis, des fossés, 
des fortifications laissant place à des boulevards arborés, des lieux de distraction : Tivoli.
L’Hôtel de ville récapitule l’histoire de l’architecture
comme l'église de Grundtvig synthèse expressionniste de l'architecture danoise.
Plus près de nous, La station-service de Jacobsen illustre un esprit tourné vers l’innovation.

Ses fauteuils Œuf furent dessinés
pour le Royal SAS hôtel qui ressemble à l’Hôtel de ville de Grenoble.
Plutôt que de s’attabler au Noma, « meilleur restaurant du monde », 
une baraque à frites dans le quartier de Christiania proposera des prix plus abordables.
Dans ce quartier hippie bien d’autres substances se vendent.
La pratique de la petite reine est privilégiée avec 400 kilomètres de pistes cyclables fréquentés par les 2/3 des habitants, le serpent cyclable.
Le pertuis est métamorphosé, les friches reconstruites, les entrepôts réhabilités, où brille  
Le diamant noir extension de la Bibliothèque Royale en granite du Zimbabwe poli en Italie.
Le nouvel Opéra construit sur les anciens docks 
dans le prolongement de la place royale offre, par ses éclairages, des effets magnifiques.
Le Blox multi fonctions enveloppe la rue
et La Royal Arena accueille des évènements sportifs  ou musicaux.
Tietgen
, résidence étudiante dans le quartier Ørestad en arrive à être perturbée par les nombreux visiteurs admiratifs de cette architecture contemporaine qui préserve l’intimité tout en permettant les rencontres : une cuisine pour douze chambres.
Une étoile à huit branches abrite des locaux de l’ONU avec toutes les innovations en termes de sobriété environnementale, elle contribue à l’excellente réputation de la ville.
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Je reprends mes publications lundi 13 juin.

mardi 7 juin 2022

La cage aux cons. Robin Recht & Matthieu Angotti.

Graphisme noir comme un Tardi
pour un scénario bien ficelé comme le pauvre con qui croyait être tombé chez un con. 
Il ne fait plus le malin et doit réviser ses classiques : 
« On a beau dire, un pétard, ça augmente considérablement le potentiel d'autorité d'un homme. » 
La gueule de l’atmosphère plutôt sombre est relevée de dialogues aux petits oignons : 
« - Vous êtes le remplaçant du défunt. A mon service ad libitum.
- Je ne discute jamais avec les types qui pensent en latin. Le latin, c'est un truc de droite. »
 
Le minable se disant poète de gauche se veut prédateur mais trouve pire que lui.Et nous tombons volontiers dans le piège où nous retrouvons nos congénères au bout de ces 150 pages au charme rétro égayées par une ironie bien contemporaine.

lundi 6 juin 2022

Frère et sœur. Arnaud Despléchin.

Alors que j’avais trouvé convaincant Melvil Poupault en écrivain désagréable, et intéressante Marion Cotillard à contre emploi en artiste haineuse, ma voisine de fauteuil m’a convaincu par ses arguments excédés devant tant d’artificiel conformisme. 
Ce film so french se déroule dans le sempiternel milieu tellement sûr de lui qu’aucune identification ne peut s’opérer, surtout quand une haine irréductible est née autour d’une futile querelle de notoriété. 
Les réparties brillantes ne comblent pas le vide, et l’hystérie n'ajoute ni puissance ni profondeur. 
Ces bobos méchants-méchants tiennent le haut du panier des lettres et du théâtre mais sont minables en privé. Leur égo surdimensionné, étourdi d’alcool et autres substances sonne creux. Ces enfants gâtés ne sont pas cool et la conclusion gentille-gentille sous les bougainvilliers finit de bâcler ce faux duel.

dimanche 5 juin 2022

Phèdre ! Jean Racine, François Gremaud.

L’imprimé qui accueille les spectateurs nous dit l’essentiel : le point d’exclamation s’appelait du temps de Racine « point d’admiration » que l’acteur Romain Daroles va magnifiquement illustrer pendant une heure quarante.
La passion de l’auteur pour la tragédie passe parfaitement auprès des spectateurs comme ce fut le cas au festival d’Avignon : 
« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire ». 
Il faut bien au conférencier toute sa joviale énergie pour resituer la généalogie mythologique forcément compliquée des personnages, « Colchide dans les prés, c’est la fin de Médée », et un sens pédagogique certain pour expliquer en alexandrins la poésie du texte «  Alexandrin, Alexandrie, Alexandra… ».
L’humour qui prend ses distances avec tant de ténébreuses affaires met en valeur les tirades les plus sombres à l’émotion renouvelée : 
« C’est moi qui sur ce fils, chaste et respectueux,
Osai jeter un œil profane, incestueux.
Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste ».
 
Nous repartons avec le livret qui contient le texte intégral (!) seul accessoire sur scène ayant permis de convoquer Phèdre sous sa couronne ou Théramène derrière sa barbe, au côté de la méridionale Œnone, face au viril Thésée.
Pour avoir si souvent été rétif aux mises à jour prétentieuses du répertoire ancien,
cette revigorante conférence figure pour moi comme un des meilleurs moments de théâtre de cette saison.  

samedi 4 juin 2022

Proust et ses peintres. Gilbert Croué.

L’aquarelle de John Singer Sargent surprenant « Le peintre Peter Harrison dormant » attendait les amis du musée de Grenoble sur une musique de Fauré, avant deux heures de conférence où se sont croisées musique, peinture et littérature.
L’œuvre de Marcel Proust va au-delà des 15 volumes initiaux d’ « A la recherche du temps perdu » : «  Les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus » 
De Giotto à Picasso, les allusions à une centaine de peintres ne nourrissent pas seulement le portrait du peintre Elstir créé par l’auteur des « Plaisirs et des jours »(1886) comme il en est de Vinteuil en musique et de Bergotte en littérature, mais trouvent des échos dans son écriture. « Ses mots entrecroisés, lissés, mûrement choisis » peuvent s’apparenter à « une matière picturale brillante et passionnante. » 
Alexandre Brun « Vue du Salon Carré au Louvre ». Le chroniqueur mondain s’engage vraiment en littérature après l’arrachement qu’a constitué la mort de sa mère, celle qui l’emmenait au musée après sa grand-mère Weil. Elles l’ont bien guidé dans le temple de la culture républicaine où il fallait savoir distinguer sous les hauts plafonds :
-
« Vénus et les trois Grâces offrant des présents à une jeune fille » de Botticelli. 
« On se souvient d’une atmosphère parce que des jeunes filles y ont souri. »
- Fra Angelico, « Le couronnement de la vierge » 
aux couleurs «crémeuses et comestibles ».
- La spiritualité et l’ambigüité sexuelle du « Saint Jean Baptiste » de Léonard de Vinci.
- « Saint Sébastien » de Mantegna dont les souffrances pouvaient parler au petit garçon asthmatique, confiné pendant des mois dans sa chambre.
Pour le méli mélo des étoffes des « Noces de Cana » de Véronèse
et
« Le silence du sage» de Rembrandt voir dans ce blog : 
La délicatesse de Poussin dans « Le printemps ou le paradis terrestre » lui va bien : 
« Un petit nuage d’une couleur précieuse, pareil à celui qui, bombé au-dessus d’un beau jardin du Poussin, reflète minutieusement comme un nuage d’opéra, plein de chevaux et de chars, quelque apparition de la vie des dieux ».
« L’indifférent »
de Watteau apparaît « Du côté de Guermantes ». 
« … bondissant légèrement, semblait tellement d’une autre espèce que les gens raisonnables en veston et en redingote au milieu desquels il poursuivait comme un fou son rêve extasié, si étranger aux préoccupations de leur vie, si antérieur aux habitudes de leur civilisation, si affranchi des lois de la nature, que c’était quelque chose d’aussi reposant et d’aussi frais que de voir un papillon égaré dans une foule… ».
Chardin et « La Brioche » - non pas la madeleine – 
s’inscrit dans les souvenirs comme un « château fort de délice ».
Proust a traduit l‘original écrivain Ruskin, son prophète, 
peintre «  The stones of Venice », défenseur de Turner aux 20 000 aquarelles,
« La Dogana San Giorgio Citella »
.
La complexité très travaillée de Gustave Moreau « Jupiter et Sémélé »
rappelle les phrases riches, foisonnantes d’un des auteurs majeurs du XX° siècle
et Degas « La répétition » aux compositions décentrées, la dynamique du prix Goncourt.
Tous ceux-ci constituent  son personnage Elstir, quasi anagramme de
Whistler 
auteur de « Symphonie en blanc no 1 »,
avec Monet,dont les touches sur le motif offrent l’évidence de la beauté directement  
«  Régates à Argenteuil », alors que  la littérature réclame plus de temps et de pages.
« La gare Saint Lazare » :« … ces lieux merveilleux que sont les gares, d’où l’on part pour une destination éloignée, sont aussi des lieux tragiques, car si le miracle s’y accomplit grâce auquel les pays qui n’avaient encore d’existence que dans notre pensée vont être ceux au milieu desquels nous vivrons, pour cette raison même il faut renoncer au sortir de la salle d’attente à retrouver tout à l’heure la chambre familière où l’on était il y a un instant encore ».
« Champ de tulipes en Hollande »
de Monnet, convoité par le prince de Polignac et l’héritière des machines Singer, concurrents lors d’une vente,
les rapprocha si bien qu’ils se marièrent par l’intermédiaire de « La comtesse Greffulhe », modèle de madame de Guermantes, peinte par l’ami Paul-César Helleu.
C’est lui qui dessina l’homme de 51 ans sur son lit de mort (1922).
Jacques-Emile Blanche avait réalisé un autre de ses rares portraits lorsqu’il avait 21 ans.
« La Vue de Delft »
de Johannes Vermeer était pour lui le plus beau tableau du monde. 
« C'est ainsi que j'aurais dû écrire. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune.» 
C’est dans « La prisonnière », devant ce tableau, que Bergotte meurt. 
« On l'enterra, mais toute la nuit funèbre, aux vitrines éclairées, ses livres, disposés trois par trois, veillaient comme des anges aux ailes éployées et semblaient, pour celui qui n'était plus, le symbole de sa résurrection.»