mercredi 9 septembre 2020

Le château de Pupetières.

La destinée de cette ancienne maison forte située sur la commune de Chabons (Isère)au cœur des « terres froides », territoire à l’appellation discutable,  
est étroitement liée à celle du château de Virieu, très proche. 
La propriété de François Henri de Virieu, ancêtre du François Henri présentateur de « L’heure de vérité », qui avait été élu député de la noblesse aux états généraux avait été pillée, quasiment détruite au temps de la grande peur de 1789.
Le père de Stéphanie de Virieu - celle ci fournira à la conférencière un lien entre un riche passé et des préoccupations féministes actuelles - était colonel du régiment de royal-Limousin, il fut tué lors du siège de Lyon en 93. Son fils Aymon décida de la reconstruction des bâtiments,
Lamartine son invité y écrivit « Le vallon » depuis les ruines dominant le val.
« Mon cœur, lassé de tout, même de l'espérance,
N'ira plus de ses vœux importuner le sort ;
Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance,
Un asile d'un jour pour attendre la mort. »
 
90 ans plus tard Anna de Noailles évoque ces paysages qu’elle a également connus : 
« Dans ce vallon tintant de fraîcheur argentine
J’ai mis mes faibles pas dans vos pas, Lamartine,
Et je vais, le cœur grave et le regard penché,
Sur les chemins étroits où vos pieds ont marché.
Le vallon, entre ses coteaux,
Que parfument de molles menthes,
Comme un vase aux parois charmantes
Contient la liquide douceur
De cent petites sources sœurs.
On entend bruire la course
De ces joyeuses, folles sources ! »
C’est Alphonse, le petit fils, qui mènera les travaux; voisin de Mérimée, il confie le projet à l’inévitable Violet Le Duc, père du néo gothique voire précurseur de l’art déco.
«  Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné  » Sa signature, un chat, figure au plafond de l’entrée d’une des tours.
Le chemin de ronde est symbolique, les meurtrières factices en forme de croix de Malte  témoignent de temps chevaleresques d’une famille dont l’origine remonte aux gallo-romains et dont la devise : «Virescit vulnerus virtus, la blessure accroit le courage » était alors une façon d’affirmer ce que l’on nomme aujourd’hui la résilience.
Les miroirs de la grande salle où se réunissait la famille voudraient davantage refléter les âmes que les visages. Les psychés des cabinets de toilette leur sont réservées. La coquetterie était de mise, les parures des dames devaient être différentes au salon de celles de la salle à manger.
Cette pièce n’existait pas au moyen âge, on dressait la table, elle a bénéficié de moins de soins lors de réfection que la bibliothèque sur deux étages pour 45 000 livres, une des plus belle du département.
Au dessus de tapisseries de la manufacture de Beauvais, brique, marbre, fer forgé se côtoient autour d’un escalier peint de fausses tentures. Il mène, à l’étage dit des enfants, où derrière des panneaux de bois, des feuilles de houx découragent les rongeurs qui voudraient s’y installer.
Une chambre a été décorée de diables par Stéphanie.L’artiste s’était occupée de ses neveux, elle ouvrit au village une école pour les filles, « dont le devoir est d’étudier et de s’instruire » après avoir tenu une correspondance avec Monseigneur Dupanloup. Elle va créer jusqu’au soir de ses 88 ans.
Elle a conçu la frise sculptée au dessus de la cheminée qui représente le don d’une source fait par la famille de Virieu aux Chartreux de la Sylve bénite voisine dont on retrouve un panneau de bois ayant appartenu à leur couvent, lui aussi disparu, dans la chapelle du dernier étage.
Un oratoire est installé dans une tour restaurée récemment depuis qu’une expérience scientifique hasardeuse lui eut mis le feu. Les communs terminés en 1865 s’harmonisent bien avec le château,
Les eaux du vaste parc, mettent le bâti en valeur, elles courent, jaillissent, dorment dans les étangs où se reflètent sept tours en poivrière. 
Les plus anciennes sont recouvertes d’enduit alors que les murs de galets impressionnent sous les toits aux 45 modèles de tuiles vernissés. En 2006, Pascal Thomas tourna d’après Agatha Christie, « Le Crime est notre affaire »  avec Catherine Frot et André Dussolier. L’émission des racines et des ailes y posa l’œil de ses caméras.

 

mardi 8 septembre 2020

Le bruit des mots. Germain Huby.

Les mots prennent du poids avec des dessins à la ligne claire et aux couleurs pastels et effectivement, ils font essentiellement du bruit.  Banale source de malentendus, ils sont, bien entendu, à la fois des outils élémentaires de la communication et vecteurs d’incommunicabilité, terribles et insignifiants.
On a envie de déguster chaque scène qui est de la veine occupée par Fabcaro, en moins déjanté http://blog-de-guy.blogspot.com/2020/03/et-si-lamour-cetait-aimer-fabcaro.html
mais on arrive vite au bout des 96 pages car on a envie d’en découvrir de nouvelles.
Ces dialogues brefs et variés telles des pastilles acidulées révèlent avec humour l’absurdité de nos conditions aggravée par les technologies nouvelles: 
« - Mon portable marche pas. Le réseau passe pas ici.
- Et la beauté du paysage, elle passe ?
- J'ai froid ! »
 
Au miroir d’une information en continu: 
«  Nous n’avons pas d’information pour le moment. Mais surtout restez avec nous ! Nous referons le point dans quelques minutes. » 
Quand le chef d’entreprise fait allusion à un employé peu scrupuleux, une dizaine d’auditeurs se sentent visés, et sur une autre planche un fils annonce à son père agriculteur qu’il veut être web designer.
Sur les chantiers, dans la rue, au lit, sur la plage, autour de la table ou au marché, dans les réunions, entre copines, entre père et fille, l’humour rattrape tous les conseils décalés, les surdités, les indifférences, les cruautés avec une pointe de poésie.
« - Papa pourquoi on vit ?
- La question c’est pas pourquoi on vit mais pour quoi en deux mots.
- Alors pour quoi on vit ?
- Tu préfères manger des fraises ou des cailloux ?
- Des fraises !
- Alors voilà, tu vis pour des fraises !
- Mais tu dis toujours que les fraises c’est bourré de saloperies aujourd’hui.
- Ça c’est pourquoi on meurt ma chérie. Mais on en parlera plus tard si tu veux bien. Ça suffit pour ce soir. »

lundi 7 septembre 2020

Kongo. Hadrien La Vapeur Corto Vaclav.

Il aura fallu six ans de préparation pour ce documentaire aux allures de fiction qui suit du côté de Brazzaville,
l’ « apôtre » Médard remis en question après le foudroiement de deux enfants d’une adepte de l’église « Ngunza » (les résistants). 
Les images poétiques rendent compte d’une réalité misérable tout en mettant en scène quelques processus mystérieux de guérison:   
«  désenvoûtement, chasse-diables, protection de parcelle, domination-attirance-maris de nuit, diabète, femmes stériles, folie chronique ». 
Nous plongeons dans une Afrique toujours aussi impénétrable, donc fascinante, où les morts font partie de la vie, l’imaginaire fertilisant le réel quand les sirènes se mettent en bouteille. 
Mais pourquoi le spectateur trouvant ridicule les mitres vaticanes et poussiéreux bien des mythes occidentaux se dispenserait-il d’être critique à propos de la sorcellerie? Cette pratique répandue fait tant de ravages en particulier auprès des enfants martyrisés lorsqu’ils sont dénoncés comme « enfants sorciers » .
Décoloniser sa pensée consiste à ne pas mépriser de tels rites, ce que fait admirablement ce film. Nous pouvons nous autoriser à considérer avec la même exigence, tous les bonimenteurs qui exploitent le désarroi des hommes et des femmes de ce pays. D’un côté on y lit les « écrits du ciel » dans la fumée des bougies et des cigarettes quand s’ouvre sous leurs pieds des carrières où creusent les Chinois.


dimanche 6 septembre 2020

Cet instant. La Grande Sophie.

Depuis que Jean Philippe Smet s’était accaparé les vacances américaines (Holliday), plus grand monde dans la chanson ne donne son nom et prénom, une lettre peut suffire, quand on ne cherche pas à s’allonger comme Sophie Huriaux. 
Elle se hisse « Sur la pointe des pieds » : 
« Quelque chose en vous Me rappelle qui j’ai été Un état un été Perdu dans le passé » 
« Cet instant » donne le titre à ce huitième album, car il est beaucoup question du temps, face au miroir au moment où : 
«  Les autres te font Coucou Derrière la vitre » 
« Tu ne me reconnais pas » :
« Tu regardes au loin Tu regardes un point Perdu dans l’espace Tu cherches une autre. » 
Même si « Nous étions à l’imparfait : 
« Alors le temps Ne nous a pas trahis Encore fidèle Aujourd’hui Nous unit » 
Le passé est composé, « Je t’ai aimé » par « Missive » 
et concernant « Hier » : «J’attendais demain » 
L’interrogation «  Où vont les mots » peut paraître bien banale : 
« Ceux qui nous sauvent Quand tout se sauve » 
Mais qui pourrait renier ce conseil pour « Une vie »?
« Une vie on en a qu’une Toi et moi prenons en soin ». 
Et écoutons des chansons qui une fois réécoutées se bonifient sous des mélodies toniques.

samedi 5 septembre 2020

Une très légère oscillation. Sylvain Tesson.

L’écrivain en vogue a rassemblé les pages de son journal écrit entre 2014 et 2017 sous un titre marquant une certaine incertitude, alors qu’il est costaud, le bougre, dans une introduction prometteuse : 
« Un journal intime est une entreprise de lutte contre le désordre. Sans  lui, comment contenir les hoquets de l'existence ? Toute vie est une  convulsion : une semaine se passe au soleil, une autre dans l'ombre, un  mois dans la paix, un autre sur la crête. » 
Au cours de ces 200 pages qui se lisent facilement, je suis passé par des sentiments divers : j’ai préféré ses découvertes littéraires ou ces descriptions de paysages
«  L’isba s’élève au bord de l’eau. La nuit, la clarté de la lune allaite le lac » 
à ses aphorismes parmi lesquels il convient de faire le tri:
« maquiller de grands mots ses petites pensées ».
J’allais affirmer qu’il n’a pas l’humour toujours léger, et pourtant j’ai apprécié cette blague soviétique:
« Un pessimiste dit : « ça ne peut pas être pire », l’optimiste lui répond : «  Mais si ! » 
Quand on estime que des écrits ou des films ont pris un coup de vieux, on vise à affirmer notre adhésion à la mode actuelle tout en fustigeant nos mémoires courtes, c'est qu'en ces années là, Kurdes et chrétiens d’Orient n’étaient pas oubliés, alors que la terreur islamiste venait jusque sous nos fenêtres. 
L’auteur qui  aime fustiger la modernité illustre son propos avec quelques sourates violentes. Elles viennent appuyer Claude Lévi-Strauss affirmant qu'il n'y a pas d'Islam modéré.
La puissance de son écriture s’éparpille dans ce genre bloc notes écrit en fin de journée, aux allures variées. Il s’amuse à inventer des devises à trois termes et aime ranimer des mots oubliés : "belliqueux" et "mahométans": 
« Lire un livre unique, appliquer la lettre, brûler tout le reste. »
 La sienne : 
«  Fuir dans la montagne, dormir dans les bois, lire peut-être ? »

 

vendredi 4 septembre 2020

Froussards de la République.

J’ose ce jeu de mot approximatif afin de revenir à l’expression de Péguy : « Les hussards noirs de la république» qui désignait les instituteurs. L’expression recouverte de poussière vise à souligner le contraste avec les déclarations en fin de vacances d’un syndicat demandant à ce que « le retour des élèves soit décalé de quelques jours pour que les professeurs puissent se préparer ». C’est faire bien peu de cas de l’intelligence collective des personnels, alors que ceux-ci dans leur ensemble ont fait au mieux pendant la crise Covid. Avec de telles déclarations conjuguées à celles d’une FCPE dans les mêmes tonalités, l’image du service public en est ternie comme avec la grève envisagée à la SNCF alors que tous azimuts pleuvent les milliards; les applaudissements envers ceux qui avaient occupé des postes en « première ligne » lors du pic de la pandémie s’éloignent.  
La rentrée, qui fut, pour l’instit que je fus, le moment de toutes les promesses serait devenue le rendez-vous de toutes les peurs et des calculs politiciens, alors que des petites filles en 2020 envisagent encore de mettre leurs plus beaux atours pour retrouver copines et fournitures neuves, étalonnant à ce moment là leur avancée vers un monde qu’elles ont envie de mieux comprendre. http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/09/rentree.html  
Les enfants ont vraisemblablement prouvé au moment de leur présence en classe en fin d’année scolaire précédente, que la meilleure façon d’éloigner les angoisses était d’affronter le réel, devenant des adeptes des gestes barrière. 
Reste - une paille - à aller à contre courant de ceux qui font de l’appréhension une profession et des inquiétudes, une habitude : inégalités grandissantes, clusters à venir, cours de récréation sévèrement genrées, et point médian inclusif, je m’en voudrais par ailleurs d’être trop clair…
La démagogie baigne tellement notre monde que j’éprouve le besoin de préciser que la valorisation de l’état d’enfance n’implique pas forcément quelque renoncement à l’éducation.
Quand même les mots font peur, « ensauvagement », le déni de réalité s’aggrave. 
Il faut user de vigilance et de persévérance, montrer patte blanche, pour que la mauvaise foi adulte ne vienne trop peser sur ceux qui doivent grandir dans un contexte où il faut s’adapter sans cesse.
Quelques exemples auraient pu faire sourire à une époque, mais je suis inquiet de celui qui écrit sur Facebook que le périmètre où le port du masque est obligatoire à Grenoble serait dessiné en fonction de… la place du consulat d’Algérie, sans être contredit, alors que d’autres en sont à déclarer sans vergogne que la liberté consiste à ne pas porter de masque…
Tout le monde se réclame du « bon sens », soulignant ainsi sa disparition dans les espaces de débats, entre ceux qui demandent plus de consignes et ceux qui regrettent leur précision. Des escouades d’avocats sont là pour démasquer les présumés coupables, débitant par là, à la circulaire, toute responsabilité. Bien que les bonnets d’âne n’aient plus cours depuis des générations, les distributeurs sont à l’affut pour les décerner à tous ceux qui regretteraient le magistère des professeurs. 
L’autorité des « dottore » et des « professore » s’est évanouie depuis que le moindre « pékin » se prend pour l’empereur de Chine avec de surcroit le plus puissant des maîtres du monde s’exprimant comme le plus filou des garnements. 
Pour être pétochard depuis le pensionnat, je n’en apprécie pas moins les mots pour combattre la couardise que je crois déceler chez tant de politiques et que dément  Roosevelt, en 1933 : 

jeudi 3 septembre 2020

lmages d’été 2020 : Grenoble, Le Pin.

A la Galerie du Vent des Cimes jusqu’à fin août Emmanuelle Lemetais exposait ses tableaux aux vives couleurs lui permettant de rebaptiser Notre Dame de Paris, Belle Dame.
 Même si le maquillage est appuyé, Grenoble, Toulouse, Paris en sont toutes pop.
Le musée de Grenoble s’est recentré sur les artistes de la ville au XIX°siècle, 
et si nous retournons faire un tour sur les berges de l’Isère ou du Drac, la peinture de montagne nous emmène loin, au-delà de Paris, de l’Italie, ou des bords du Gange. 
Des tableaux vertigineux sont aussi proposés au Musée Dauphinois dans son exposition qui durera jusqu’en juin 2021, concernant les refuges de haute montagne, passés de la cabane de berger aux hôtels d’altitude. Les dispositifs muséographiques toujours inventifs de l’institution http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/09/musees-dauphinois-et-de-leveche-au-mois.html   
contrastent avec un environnement négligé affichant encore à l’entrée des expositions qui n’ont plus lieu et des informations web incomplètes.
Si Eric Alibert et ses calligraphies Alpines au Musée de l’Ancien Evêché  jusqu’au 15 novembre fait inévitablement penser aux « paysages de montagne et d’eau » de la tradition chinoise, ses chamois, ses oiseaux en mouvement sont magnifiques. Ce lieu nous ravit toujourshttp://blog-de-guy.blogspot.com/2019/10/le-loup-jean-marc-rochette.html.

Au moment de la parution de cet article, Marjo Van Der Lee parmi d’autres céramistes, ne sera plus à la Grange dîmière au Pin, mais se retrouve sur le web, alors que nous ne manquerons pas de revenir chez les Chartreux de la Sylve Bénite.