mercredi 26 septembre 2018

Epinal #1.

Notre hôte Airbnb claque de chaud et désespère de voir éclater l’orage désiré, son jardin objet de tous ses soins est cramé. A propos, il s’agit bien de noter « air » avant bnb (bed and breakfast) pour cette plateforme bien pratique puisqu’il s’agissait au départ pour les inventeurs du concept de location de proposer matelas pneumatique (airbed) et petit déjeuner quand ils s’étaient aperçu que les hôtels de la ville où ils devaient participer à un colloque étaient complets.
Depuis notre chambre située en bas du quartier « Justice », à 5 minutes à pied du centre historique, nous nous arrêtons à La Plomberie, lieu d’exposition d’art contemporain. Un artiste a déroulé un rouleau de papier dans un projet d’ « auto anthropologie », où tout au long des mois, il a laissé des essais de graphie, cherchant une inspiration, ponctuée de pensées sûrement profondes.
La basilique Saint Maurice se préparait à un mariage avec des bouquets de gypsophiles bordant la travée centrale, des musiciens et des  choristes répétaient.
Les murs de la nef datent du XI° siècle et les bas côtés du XIII°.
Une vierge à la rose qui avait été volée a retrouvé sa place grâce à un « scrupuleux » collectionneur anglais, comme dit le Routard.
L’église à la vocation défensive affirmée, juxtapose les styles rhénan, champenois, bourguignon, sans grande cohérence
 mais une mise au tombeau  de  style bourguignon nous plait bien dans sa naïveté.
La rue du Chapitre à proximité où logeaient des chanoinesses nobles mène aux anciennes fortifications. Les maisons canoniales sont pimpantes.
Ces dames entraient par la porte qui a gardé l’appellation « porte des dames » pour la distinguer du portail des habitants du bourg, les bourgeois.
Les alentours sont en réfection, les placettes promettent d’être accueillantes.
Le nom des rues témoignent d’une ville au riche passé avec la rue des teinturiers, des tisserands, et plus inhabituelles celles des corvées ou du passeur ; la Haie du Loup ne manque pas de poésie comme la rue du Point du jour, du Clair matin ou du Couchant…
Beaucoup d’étals de la joie halle nouvelle sont fermés en ce mois d’août. Nous nous  restaurons à la brasserie « Au bureau » qui ne chôme pas.
Le ciel gris ardoise est photogénique mais pas une goutte ne tombe.

mardi 25 septembre 2018

Je, François Villon. Luigi Critone d’après Jean Teulé.

« Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plutôt de vous merci »
Maudit fut le poète, et pas qu’un peu.
Grâce à  sa langue, il a échappé au gibet qu’avait connu son père et à la mort qu’avait subit sa mère déterrée, finissant en terrine. Les temps étaient difficiles.
Merci à Ferré, Brassens, Souchon de nous avoir transmis ces mots de liberté, d’ironie, qui ont traversé le temps :  
« Où sont ils, Vierge souveraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ? »
Trois tomes parfaitement mis en images sont nécessaires, cadencés par les vers de celui dont le nom est encore incertain comme bien des faits de sa vie.
« Je suis François, cela me pèse
Né à Paris près de Pontoise
Et de la corde d'une toise
Mon cou saura c'que mon cul pèse »
L’image de luron « sans foi ni loi » suscite souvent de la complaisance, pourtant dans le tome deux intitulé : « Bienvenue chez les ignobles », nous touchons à l’abjection, lorsqu’il livre sa bien aimée qui l’a pourtant sauvé, à la bande de malfaiteurs à laquelle il a désiré être intégré.

Son  ecclésiastique protecteur est d’une telle « bienveillance » que le terme semble trop faible.
Familier des plus misérables, il bénéficiera de la grâce des rois et de princes, Charles d’ Orléans, qu’il volera.
 « Prince, je connais tout en somme,
Je connais les bronzés des blêmes,
Je connais  la mort qui tout consomme,
Je connais tout, sauf moi-même. »

lundi 24 septembre 2018

Avant l’aurore. Nathan Nicholovitch.

Ce film choc, présenté il y a trois ans à Cannes, sous le titre plus intrigant : 
« De l’ombre, il y a » est enfin dans les salles. L'affiche, elle aussi, des plus banales, ne laisse pas deviner l'oeuvre exceptionnelle. 
Je notais à l’époque :
« Un travelo à Phnom Penh sauve une petite fille de la prostitution.
Filmé avec une telle intensité qu’on ne sait où finit le documentaire où commence la fiction ; en tous cas ce cinéma là balance un grand coup de chaussure à talons dans le bas du ventre.
L’acteur David D'Ingéo est fascinant.
Les histoires individuelles les plus atypiques, les plus sordides rencontrent les sempiternelles douleurs rouge khmer. La vie persiste et saigne. « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » Aragon »
Suite à des commentaires entendus récemment je ne sais plus si la gamine est sauvée, mais reste le souvenir d’un film hors du commun et celui de l’incarnation de l’intensité par un acteur exceptionnel.

dimanche 23 septembre 2018

Défilé de la biennale de la danse. Lyon 2018.

Le 18°défilé était de retour rue de la Ré, ni tout à fait le même ni tout à fait un autre, comme disait Verlaine dans une formule au féminin.
On ne présente pas Lilian Thuram parrain de cette édition, mais peut être est-il nécessaire de rappeler que la marraine Latifa Ibn Ziaten, est la mère d'une des victimes de Mohamed Merah. Militante ardente pour la paix, elle était parfaitement à sa place dans cette fête.
Si la thématique de la paix me semblait bien convenue, autour d’un consensus trop évident, les variations proposées par les chorégraphes ont été florissantes, quoique de niveaux divers.
Les étranges troupes venues de Villeurbanne menées par Marion Alzieu et Sabouya Sigué dégoulinantes de couleurs dégageaient une force qui les ont placées pour moi au dessus des autres délégations. 
Parmi les chars, il en fallait bien un qui soit d’assaut, mais ils portaient tous de la musique vivante dont les battements élémentaires conviennent mieux à la rue que de subtils bâtons de pluie chuintant de courageux chuchotis.
L’esthétique des armées et celle des bras tendus, les évocations de manifs aux poings levés, comme la profusion des couleurs, se complètent sans se répéter, les costumes bigarrés et les pas varient.
Cette fois encore, je goûte la ferveur des participants et celle des spectateurs lors de cette rencontre trop rare entre les arts et une large population.
La culture est bien un moteur de l’émancipation, je me suis cependant surpris à trouver du combustible pour mon usine à paradoxes.
En magnifiant la geste contestataire, l'esthétisme ne l’imprime-t-elle pas sur papier glacé ? 
Notre camarade Pellissier parlait de manifestants aimant « faire les conscrits » pour nous prémunir de l’ivresse du jeu qui masque le fond des revendications.  Pour avoir joué ce jeu quand des bouquets de primevères étaient apportés aux secrétaires lors de fugaces occupations de l’Inspection académique, je constate aujourd’hui que les manifs toujours plus spectaculaires, n’empêchent pas le fléchissement du nombre de syndiqués.
Dimanche, il faisait beau, c’était bien beau. C’est la seule manif où je suis allé cette année.

samedi 22 septembre 2018

Un ciel rouge, le matin. Paul Lynch.

Whaou !
Deux morts violentes, très violentes, dès les premières pages et pas de répit jusqu’au bout des 285 pages.
Mais ce serait  réduire la force de ce premier livre à s’en tenir à cette comptabilité, car  avec un  style puissant, après avoir été plongé dans la tourbe irlandaise dégoulinante d’eau et de sang, et une traversée épique de l’Atlantique, nous voilà auprès de ceux qui construisent les voies des premiers chemin de fer aux Etats-Unis.
On disait : « prendre le dur » pour dire prendre le train : c’est rien de le dire.
Pour rendre compte de cette écriture palpitante, un extrait d’un des rares moments de grâce, lorsque revient une scène d’enfance,
« C'était un moineau, je crois, mais j'en suis pas bien sûr. On cavalait dans tous les sens, Jim et moi, on riait comme des fous. L'oiseau, il se cognait partout, il a renversé la vaisselle sur l'étagère, et il a foncé droit dans le carreau de la fenêtre, maman criait pour le faire partir, et le père l'a pourchassé, attends un peu, qu'il disait, on va l'avoir, je vous assure, là, doucement, et maman qui braillait, tue-le donc et mets-le dehors. Alors il l'a attrapé dans ses mains, vrai de vrai, il s'est approché pas à pas en respirant à peine et en faisant bien bien attention, et l'oiseau a fini par se rendre, le père l'a pris au creux de ses mains et l'a enveloppé, on voyait dépasser que la tête et le bec. Il l'a emmené dehors et il l'a relâché. »
La traque d’un homme appelle des images de western  et tient tendu le fil de l’attention, même si une efficacité toute anglo-saxonne fait descendre inévitablement les protagonistes dans les mêmes auberges enfumées et parfumées à l’urine.
Mes habitudes frenchies, qui aiment les détours, s’en trouvent déroutées.
Et bien qu’en ces milieux taiseux, les confidences écrites de l’épouse délaissée ou les digressions philosophiques du très méchant de service m’aient semblé artificielles, je n’ai pas boudé mon plaisir.
Une bonne rasade de whisky bien apre conviendrait parfaitement pour accompagner cette histoire forte du XIX° siècle.

vendredi 21 septembre 2018

Coach.

Je fus honoré jadis de l’appellation « maître » par laquelle me désignaient mes élèves.
Le mot sent le précepteur d’ancien régime, l’instituteur instituant,  le tuteur, il est désormais rayé de la carte. La désuète expression, bannie aujourd’hui des salles de classe et des cours de récréation, subsiste pour des adultes parmi les plus transgressifs qui aiment parfois s’accroupir.
Mauvaise fortune également pour le mot « entraîneur », désormais sur le banc, remplacé par « coach » forcément perso et globish. Celui-ci aurait pu regagner vigueur, depuis que Dédé s’est finalement bien débrouillé avec ses stars dont les ego menaçaient notre devise déclinée le temps d’une fête en : « liberté, égalité Mbappé ».
Qu’en est-il de ces mentors, guides et autres chefs ? Comment ça va avec la liberté ?
Quelques papas/mamans, suiveurs de toute directive digitale, s’en voudraient d’entamer la liberté de leur progéniture qui les tyrannise parfois dans un consentement des plus béat.
Triste cire des sourires figés qui ont proscrit depuis longtemps le terme « instruction » dans toute publique acception.
J’aime aller fouiller dans les bassins de décantation où flottent d’autres mots en gras.  
« L’autonomie », tant revendiquée à mesure qu’elle se mettait fil du téléphone à la patte, fait-elle encore illusion dans les prémisses des apprentissages ?
Certain(e) s avaient envisagé l’abandon de l’adjectif « maternelle » pour cette école qui faisait une des fiertés du pays où malgré tout les rares hommes travaillant dans l’éducation sont plutôt là.
Si quelques personnes plus âgées persistent à proclamer « l’insoumission », c’est que celle-ci resterait à compléter, à cette heure avancée du « soir » qui sera « grand » à n’en pas douter : rendez vous à la manif de la semaine prochaine, de la semaine prochaine, de …
Mots fastoches pour un paradoxe de plus qui fait porter aux héritiers, les désirs d’émancipation de leurs aînés, d’autant plus dociles envers les injonctions médiatiques, les conformismes des réseaux, qu'ils ne jurent que par la « Liberté ». Un leurre, lorsque « le bon sens » est devenu une pauvre chose hors du coup.
Je croyais que les « livres » étaient un antidote à ces aveuglements, j’étais aveugle.
Lorsque je vois les rayons de la FNAC envahis de textes de charlatans du développement personnel, au détriment des romans se signalant comme tels, l’irritation est vaine : c’est un fait de société. Et tous ces manuels, ces heures, toutes ces émissions concernant « la Méditation » pour s’autoriser simplement à réfléchir avant d’agir. Comme « La citoyenneté » tant proclamée lorsqu’elle disparaissait, le « Vivre ensemble » n’allant plus de soi, « La réflexion » serait-elle en voie d’extinction comme « La bienveillance » qui a besoin de circulaires ou « La confiance » d’un bouquin de ministre ?
Le culte de l’individualité va avec une perte de substance des personnalités pixélisées qui s’affichent entre deux émoticônes, en sommaires réactions, en reprises de la pensée des autres, ne s’aventurant guère dans la nuance, si peu friande de paradoxes et de contradictions fécondes.

jeudi 20 septembre 2018

Musées Dauphinois et de l’Evêché au mois d’août.

La route qui mène au musée dauphinois prend des airs de sentier du temps des colporteurs, avec fondrières et herbes folles prospérant comme sur bien des trottoirs de la ville.
Cet air d’abandon rehaussé par des tags à profusion, a abimé notre idée de choisir le mois d’août pour jouer les touristes dans notre propre ville et chercher le frais en images.
Les expositions du musée dauphinois concernant « Si on chantait » et « Lesdiguières, le prince oublié », encore affichées à l’entrée, sont fermées. Nous ne manquons pas  de jeter à nouveau un coup d’œil aux « Gens de l’Alpe » présents en permanence.
« Le rêve blanc: l’épopée des sports d’hiver dans les Alpes » restera, elle, parmi les expositions de longue durée.
Bien présentée, elle a vraiment toute sa place dans l’institution quinquagénaire en son écrin patrimonial et sa remarquable chapelle baroque.
Le constat que la montagne est devenue un espace de loisirs est tout aussi banal que les interrogations concernant  l’impact du changement climatique sur le devenir des stations, en particulier en moyenne montagne.
La pédagogie, toujours habile en ces lieux, serait-elle affectée en n’abusant pas forcément d’expressions fortes, telles que « rêve » ou « épopée » appellant des contradictions également outrancières qui iraient chercher du côté de «  cauchemar » et « fiasco » ?
« Grenoble 68, les jeux olympiques qui ont changé l’Isère » rappelle la formidable transformation de la ville dans le domaine culturel, architectural, économique et l’optimisme d’alors.
Les images, les objets, de ces années, paraissent parfois kitsch, éveillant la nostalgie mais aussi l’amertume, face à des choix présents qui accusent un amoindrissement des ambitions pour notre agglomération, le nez plongé dans le guidon.

Sans bourse délier également, au musée de l’ancien évêché nous sommes accueillis, agréablement.
Le sujet de l’exposition temporaire  concernant «  La mystérieuse bague du dauphin Guiges VIII » peut sembler s'adresser à des spécialistes. Bien mis en valeur, l'objet exceptionnel concernera tous les curieux.
Ce joyau médiéval datant du XIV ° siècle, confié par un collectionneur britannique à l’institution  de la rue Très Cloîtres, fournit l’occasion d’évoquer les contes d’Albon et les dauphins du Viennois qui ont donné le nom à notre province.
L’agréable collection permanente s'avère indispensable.