vendredi 12 février 2016

Réveil, agenda, rythmes scolaires et trous dans les murs.

Lève tôt.
Dans le genre information anodine, j’avais retenu que d’après un sondage, les républicains américains se levaient plus tôt que les démocrates qui seraient plutôt du soir (grand).  
Si l’on peut constater chaque jour combien la société se droitise, sur ce plan là au moins, la gauche a gagné, auprès des jeunes en particulier. 
Pour renforcer le schéma qui voit des hordes de retraités piétiner avant l’ouverture des grands magasins, je suis de ceux qui grognent sur les retards systématiques dans toute réunion, voire aux spectacles et  me désole des fatigues ostentatoires qui s’affichent sur les bancs effondrés des collèges. Et ce n’est pas le surmenage scolaire qui les met à bas !
Pourtant experts en tous genres, branlant du genre, vont venir au secours de ces pauvres petits, pardon de ces adolescents… je ne sais  quel mot employer quand je vois une enfant de onze ans qualifiée d’ « ado » à la télé, car « enfant » serait péjoratif, quand « jeune » se voit affublé illico d’une capuche.
Stress.
Ainsi dans l’assentiment général des adultes qui n’assument pas leur rôle, fut mise en place, la néfaste refonte des rythmes scolaires qui conjugua la perte d’influence de l’école et de l’état, prolongée par la réforme du collège qui entérine le peu de foi que l’on porte envers l’étude en voulant transformer les formateurs en animateurs. Jeu du Bac pour tous et chômage pour trop.
Ceux qui saturent les emplois du temps de leur progéniture, dénoncent le stress scolaire. Ils rêvent d’école Montessori et frisent Stakhanov hors des murs de la communale. Et côté enseignants dont quelques bribes d’autorité tiendraient aux notes, rencontrant les tendances à monétiser des élèves, il conviendrait que les 13/20 soient simplement un moyen de vérification inscrit dans le processus d’apprentissage : action/correction/action. Pour que l’erreur soit formatrice, il faudrait encore qu’on cesse d’être aux taquets, sur la défensive, à demander sans cesse des comptes. Se « choper une bulle » n’a jamais tué personne.
Adultes.
Quand les majeurs démissionnent, de petits caïds prennent la place et les enfants soumis à des choix prématurés ploient sous la charge psychique.  
Les dysfonctionnants dans les classes attirent toutes les attentions ; les éternels dociles s’y feront. Les grandes personnes malheureuses de leur âge qu’elles camouflent, se taisent, ne colmatent même plus les béances trop voyantes. Pourvu que les élèves soient gardés.
Ah ! Les adulescents gèrent et les politiques les flattent, les profs-parents désemparés parent au plus pressé : au conseil d’administration, les représentants des familles participeront au choix des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires). Alors qu’à une époque les militants parents d’élèves passaient à la politique de la même façon que les syndicalistes étudiants entraient dans la carrière, aujourd’hui les politiques qui ne savent plus après qui courir, ont des clientèles à flatter ; fini le temps des instits barbus qui faisaient la loi à l’assemblée en 81.. Désormais maman a bobo et l’état nounou lui tartine son Nutella, les petits feront dodo quand ils pourront. De quoi en perdre son accent circonspect.
Accents.
Pour avoir réagi au rythme affolant des réseaux sociaux, je suis tombé, où vont de plus en plus mes penchants nostalgiques, du côté des regretteurs du facétieux accent circonflexe qui pourtant me posa problème. Et puis à prendre connaissance des modifications proposées nous pouvons nous apercevoir qu’il s’agit de modifications anodines et datées d’une vingtaine d’années. Merci à « L’instit humeur » au blog  recommandé ci contre.
« Ce n’est pas l’orthographe de nénuphar qui est un problème au collège » François Bayrou.
Petit retour sur un autre temps qui percute le nôtre : Defferre, le mari d’Edmonde Charles-Roux, avait installé FO à la mairie de Marseille contre la CGT à l’époque de la guerre froide, ce syndicat tient désormais les élus dans la deuxième ville de France qui a des écoles dans un si lamentable état que nos débats qualitatifs sont renvoyés par le fond. Mais pourquoi avoir attendu tant de temps pour que ce scandale vienne au jour ? 

jeudi 11 février 2016

Art cinétique 2. Itzhak Goldberg

Avant d’assurer la révision d’une conférence précédente pour l’auditoire des amis du musée de Grenoble,  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/02/les-precurseurs-de-lart-du-mouvement.html
le nouveau conférencier a placé son exposé sous le titre « Idée de mouvement ».
Une annonciation de la Renaissance amorce un récit et si celle-ci ne fait pas de bruit, un mouvement est suggéré, dans « L'Adoration des Rois mages » de Gentille da Fabriano : Gaspard, Melchior et Balthazar sont représentés trois fois.
Avec « La Grève » d ’Adler ou la promenade à Argenteuil de Monet, déplacements il y a, il y aura, par la matière et les touches décomposées, les contours particuliers, surtout chez l’impressionniste.
« La chaîne majestueuse de l’image fixe sur deux dimensions se déroule de Lascaux aux abstraits… » Vasarely
Les chronophotographies de Marey ou de Muybridge, l’australien, serviront les futuristes qui annoncent leur programme dans Le Figaro : « ce qui compte c’est le mouvement ».
La modernité passe par le choix des sujets et pas seulement par le style : motocyclettes et bicyclettes, automobiles, avions… 
Russolo : « Dynamisme d'une automobile »
Combien de tableaux portent dans leur titre : « dynamique » ?
L’art alors évite horizontales et verticales statiques, joue de la simultanéité et du flou artistique, des transparences et des chevauchements ; dans les sculptures, le vide est aussi important que le plein. La science est belle. 
« La femme cueillant des fleurs » de Kupka se déployant comme un éventail a des airs abstraits, elle est moins robotique que « Le nu descendant l’escalier » de Duchamp.
Chez les Delaunay, « Hommage à Blériot », les hélices, objets géométriques parfaits, font vrombir les formes, rythment les couleurs  et chassent les sujets.
Le « Nijinski » de Rodin illustre sa volonté de ne pas penser à la ressemblance mais à la vraisemblance, le mensonge donnera alors l’idée du mouvement.
Calder « Object with Red Discs » n’est pas tombé du ciel, lui qui avait son petit cirque dans des valises,  en vrai, c’est au dessus de la piste que l’espace se transforme avec les prouesses des corps.
L’américain équilibre ses cercles, demi cercles, fait entrer le spectateur dans la danse légère des formes poétiques, les ombres bougent.
Edgar Degas, lui, avait vu « Miss Lala au cirque Fernando ».
«… L’avenir nous réserve le bonheur en la nouvelle beauté plastique mouvante et émouvante. » Victor Vasarely "Vega Nor"
Oui, nous avons beaucoup vu ces images dans les années soixante mais le op’ art qui joue sur l’instabilité des perceptions explorait lui aussi des pistes nouvelles.
Dans l’art cinétique, l'œuvre est animée par des moteurs, comme avec Tinguely,  ingénieur de l’inutile,  « Baluba 3 ».
Après Julio Le Parc et ses « Continuel lumière avec formes en contorsion »,

« La salade entre 2 blocs de granit » d’Anselmo va jouer sur des rythmes plus lents,
et Brancusi avec son «Oiseau dans l'espace » donne à la fois l’objet et l’idée attachée à l’objet : « oiseau vole ».

mercredi 10 février 2016

La terre et l’ombre. Cesar Augusto Arcevedo.

La terra y la sombra.
Une maison aux volets fermés au milieu des champs de canne à sucre boliviens.
Le rythme lent convient bien pour accompagner la fin de vie d’un travailleur épuisé par le travail.
Son père revient l’assister, lui qui est parti loin depuis des années.
Sous ses allures de macho latino, il va à l’encontre du cliché et se fait tout doux avec son ancienne épouse, restée sur ses terres et avec son petit fils qu’il initie aux chants d’oiseaux.
L’entreprise qui emploie aussi cette vieille  femme et sa belle fille est intraitable et surexploite les coupeurs de canne.
Etouffant et fort.

mardi 9 février 2016

Où sont passés les grands jours ? Jim & Alex Tefenkgi.


Est ce que le deuxième volume d’une histoire au titre séduisant sauverait une première partie décevante ? http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/06/ou-sont-passes-les-grands-jours-jim.html
Les amis entrant dans l’âge adulte sont toujours aussi immatures et agaçants. La mort d’un des leurs étant un prétexte qui dure pour justifier en particulier Hugo, le personnage principal, tragiquement puéril.
Il vient de mettre enceinte sa maîtresse et continue d’harceler sa légitime, mère de sa fille. 
L’histoire qui met en scène beaucoup de personnages irresponsables, nous présente des  aspects  dominants de notre société. 
Le jeune papa veut montrer les étoiles à sa fille, comme c’est romantique! Il dégomme alors les ampoules de l’éclairage public au lance-pierres.
Tant d’intensité, sans véritable distance prise pour se maîtriser, avec par exemple la mère d’un âge avancé et ses recherches sur Meetic, est typique de notre humanité, pathétique, hystérique,  où s’affrontent les solitudes  entre deux coups d’affects.
Intéressant, malgré des défauts persistants, un trait conventionnel avec pourtant des notations justes par ci par là qui ne gagnent rien à se placer sous la formule ronflante et banale :
« C’est l’histoire de la vie. La vie plus forte que tout »

lundi 8 février 2016

No land’s song. Ayat Najafi.

Une jeune iranienne compositrice à l’énergie  communicative essaye d’organiser un concert international avec Jeanne Cherhal entre autres, où des femmes chanteraient pour un public mixte.
Mais ce n’est pas normal aux yeux des décideurs mâles qui ne regardent pas leur interlocutrice en face. Des femmes fortes, intelligentes qui au-delà de l’irrévérence à chanter en solo en reviennent aux fondamentaux de la liberté, de la dignité.
Quand tant de volonté, d’opiniâtreté sont dépensées pour des motifs qui semblent dérisoires, ces petites victoires paraissent grandioses.
Film utile où la production permet l’avancement de projets, comme avec « Benda Bilili », la troupe d’handicapés passés des rues de Kinshasa à une tournée européenne,

dimanche 7 février 2016

Origines. Baptiste Lecaplain.

Merci aux programmateurs de La Vence Scène à Saint Egrève qui après
Proust Gaspard
et le Comte de Bouderbala
ont permis à une salle comble d’assister au début de la tournée de celui qui doubla un gladiateur dans « Astérix, le domaine des Dieux » et appartient désormais à l’équipe de Ruquier dans « Les grosses têtes » sur RTL ; pas vraiment non plus le perdreau de l’année que j’imaginais.
Il joue sur son ancienne timidité avec ce qu’il faut d’improvisations pour vivifier un spectacle de deux heures, bien écrit, où se retrouvent un canard à qui il ne faut pas donner du pain, le revers de la main de son père et la clope de la mère.
Autobiographie tendre et drôle où le jeu périlleux avec les blagues nulles est parfaitement réussi et des références tellement contemporaines que je n’ai pas tout saisi : haschtag plus-dans-le -coup.  Il regrette le temps ou tout petit on le couchait sur deux chaises et il se réveillait en pyjama dans son lit ; devenu adulte cette situation est plus problématique.
Comme le stand up est pétillant, rythmé, on peut excuser l’ancien enfant roi devenu papa, pour le cliché des sempiternelles flûtes des cours de musique dont seul un cobra peut saisir les nuances, ou les affres déjà bien parcourues du romantique qui ne conclura qu’à 23 ans.
Il s’accompagne de toute une série de personnages intermittents, retrouvés avec plaisir : chiens et chats, taupe ou kangourou livreur de pizza chez des végétaliens qui le récusent car ils n’acceptent pas ce qui vient d’un animal. 

samedi 6 février 2016

Un printemps 76. Vincent Duluc.

Pour avoir souhaité en ces années, être nommé du côté de Vienne parce que c’était plus près de Saint Etienne … pour du foot, je me retrouve mot à mot dans ces 213 pages qui savent de quelle couleur furent ces années : vertes !
Je voulais reprendre une formule : « Qui n'a pas vécu dans les années… »  et je m’aperçois  qu’elle est de Talleyrand : «… voisines de 1789 ne sait pas ce que c'est que le plaisir de vivre.»
J’ai connu ces chants, cette communion avec les foules folles de Geoffroy Guichard.
Quand les élèves de polytechnique à la mi-temps faisaient la parade : « A la mine ! »
Ce livre qui revient sur les années adolescentes, à Bourg-en-Bresse, du responsable de la rubrique football de « L’Equipe », se lit d’un trait :
 « Francis Perrin s’arrêtait à un carrefour, se tournait vers sa passagère, et lançait cette réplique immédiatement entrée dans l’histoire du cinéma : Alors Bourg-en- Bresse ou les Bahamas ? »
Bien sûr, pour qui Herbin ne dit rien, ni Curkovic, ni même Rocheteau, passez votre chemin.  Parce que cet échange dans le vestiaire vous sera étranger, quand le président Rocher se plaint auprès des équipiers de Larqué :
« Vous vous rendez compte, votre capitaine refuse le contrat que je lui propose pour jouer avec vous ! Même ma femme n’en dort pas »
Larqué répond : «  Ne mêlez pas votre femme à l’affaire. Germaine est une sainte femme… »
Les femmes allaient au paradis et les agents réglaient la circulation.
Bien sûr, l’écriture fait du style, trop dribbleuse, mais je manque de gadins pour lui lancer des pierres. Et cela va bien à ma nostalgie, bien qu’il n’en fasse pas des tonnes et trouve les mots justes pour parler de ce stade, ce qui lui avait valu des remontrances d’un maire qui  aurait voulu que Saint E soit la ville du design. Sans se mettre en surplomb, il parle bien du devenir de ces hommes qui furent au cœur du chaudron, et ont vieilli  si vite, en allant chercher ce qui fonde une équipe et forge des individualités.
Et ça, ce n’est pas que l’histoire de onze manchots qui courent après leur enfance.

vendredi 5 février 2016

Manif, sniff !

J’ai accompagné ma prof en exercice à la manif de mardi dernier et je ne l’ai pas perdue car ce n’était pas la foule des grands soirs. Les slogans étaient faiblement repris par les manifestants brandissant parfois quelques cartons rouges, mais évitant d’accompagner l’antienne :
«  Najat, si tu savais ta réforme, ta réforme, ta réforme, où on se la met ! »
La charmante prenant la suite d’une série de ministres oubliables.
Et «  Motivé ! » de Zebda à la sono faisait comme un cruel contrepoint qui aurait ignoré le temps.
Les profs opposés à la réforme du collège ont rejoint la manif fonction publique concernant le pouvoir d’achat, et les médias n’ont  bien voulu retenir que les réclamations concernant le point d’indice et les pneus brûlés des taxis du matin. Il a été aussi question de la galère pour faire garder ses enfants. Les journalistes s’aperçoivent lors des grèves de l’utilité de l’école en tant que garderie, car pour ce qui est de la mission éducative : l’école leur parait essentiellement stressante. Et les opposants à la réforme du collège : des passéistes, coincés de droite, c’est Libé qui l’a dit.
Face à ce conformisme médiatique qui a perfusé jusque dans les rangs des personnels qui ne se sentent pas forcément concernés, voire des grévistes montés au ski, j’ai mis en ouverture de ce texte, le panneau qu’avait confectionné une manifestante.
Travail personnel appliqué qui se développait sur deux faces, pas siglé, pour lequel je crains qu’il ait été peu lu : l’ampleur de la déception, du malentendu, ne tenant pas en une sentence.
Mais la forme de cette protestation, inadaptée à nos temps laconiques, marque bien la distance entre ceux qui défendent une école où les mots seraient choisis et les petits marquis tweeteurs des ministères et leur presse à eux attachés.
Face aux désarrois des établissements publics en banlieue, qui pourraient recevoir des propositions nouvelles de réforme d’une façon favorable, les réponses ne sont guère plus enthousiastes à ce qu’on peut en savoir, la mode n’étant pas au débat éducatif, ni à de dépressives incursions dans ce qui apparait comme des « territoires perdus de la république » : un surveillant, pardon, un aide éducateur de collège public : 
« Dis Mouloud on ne t’a pas vu à la mosquée hier au soir » (« Marianne », l’hebdomadaire)
Une amie des temps expérimentaux qui consacra des temps de soutien gratos aux élèves en difficulté et force réunions de coordination entre profs divers, pourrait-elle recevoir ces élèves car aujourd’hui il s’agit de ne pas stigmatiser ? Tout est hystérisé: la déchéance de nationalité qui toucherait quelques individus qui font la guerre à leur pays, la note, la couleur rouge, la moindre remontrance, voire le moindre apprentissage, le moindre travail, la moindre page, sans parler de l’orientation : tous chômeurs et bac pour tous. Qui veut devenir prof ? La société est bien plus malade qu’on le croit, qui ne sait répondre que par les sous.
Jaime Semprun :
« Quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? », il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : « À quels enfants allons-nous laisser le monde ? ».
………..
Dessin de Pessin sur le site de Slate :

jeudi 4 février 2016

Les précurseurs de l’art du mouvement. Thierry Dufrêne.

Dans la recherche des origines d’un mouvement qui inspira le futurisme, le cubisme, le constructivisme, le surréalisme… faut-il remonter à la préhistoire comme le fit le conférencier devant les amis du musée avec Tinguely en homo faber et Giacometti modelant la terre dans un style certes plus élancé que les premières vénus ? Le geste et la parole. Il est vrai que les bisons sur les parois éclairées à la torche intermittente galopaient.
Nous sommes pleinement dans le sujet de l’exposition «  Persona » présentée jusqu’en novembre 2016 au quai Branly à Paris, qui interroge « Comment l'inanimé devient-il animé ? » à laquelle le professeur d’histoire de l’art à Nanterre qui nous tint ce langage, collabore.
Alors, l’art cinétique à ses débuts : contredisant Dali qui demandait à une sculpture surtout de ne pas bouger, l’ingénieur Calder qui avait suivi le cirque Barnum, va réaliser en fil de fer des personnages pour une composition appelée le « Grand cirque Calder ».
Le mot «  mobiles » attaché à celui qui donna son nom à nos rendez vous de manifs grenobloises partant de la gare - en l’occurrence un « stabile » - vient de Duchamp.
Restant dans les arts populaires, Alexander Archipenko avec « Medrano », polychrome, a cherché à bouger.
Les costumes de Picasso - il est encore là lui aussi - pour « La parade » de Satie, sont plus que des habillements.
Delaunay dans son « Hommage à Blériot » (musée de Grenoble)  autour d’une hélice fait tournoyer « chromomotricité » et « chronomotricité ».
Duchamp joue avec des spirales de mots :   
« Sur Demande des moustiques Domestiques (demi-stocks) for the cure d’azote sur la Côte d’Azur. »
Il reprendra l’idée de rotation dans des « Rotoreliefs ».
« The Rock Drill » dont Jacob Epstein ne conserva que le haut fut installé sur un marteau- piqueur.
« L'Homme en mouvement » est créé par Boccioni, théoricien du futurisme, du temps des machines triomphantes qui pourtant tant asservirent et tant massacrèrent pendant les guerres :
« Tandis que les impressionnistes font un tableau pour donner un moment particulier et subordonnent la vie du tableau à sa ressemblance avec ce moment, nous synthétisons tous les moments (temps, lieu, forme, couleur, ton) et construisons ainsi le tableau. »
Se mouvoir et s’émouvoir peuvent se confondre et depuis Héraclite :
« Ce qui existe, ce n'est pas l'être mais le devenir : Il n'y a de réel que le changement. »
Dans un tourbillon de références, Proust croise Bergson, le calme Hegel, Kant le serein et Descartes le mécanique, les photographes Muybridge, son zoopraxiscope et Marey.
« Le poète, selon Lessing premier historien de l’art, dans « le Laocoon », travaille pour l’imagination, et le sculpteur pour l’œil. Celui-ci ne peut imiter toute la réalité qu’en blessant les lois du beau ; il ne reproduit qu’une situation, qu’un instant, tandis que le poète développe l’action tout entière. »
La vibrante « Kinetic Construction » de Naum Gabo, qui ne fut pas qu’un penseur, ouvre le chemin.
Son arachnéenne « Linear Construction in Space » résout l’opposition d’Apollinaire entre sculpture et nature.
Le « Monument à la III° Internationale » d’Atline resta à l’état de maquette pour une tour qui devait s’élever à 400 m de haut, en fer, verre et acier, « constituée d'une double hélice en spirale avec en son centre trois structures géométriques en rotation, le cube (sur un an), le cône (sur un mois), le cylindre (en un jour). »
Finalement, le téléphone au homard de Dali, l’homme aux propositions  inattendues, symboliques et fantomatiques, n’est pas inerte, il s’intitule « Le Téléphone aphrodisiaque ».
Pour le Groupe de Recherche d'Art Visuel (GRAV), remis en lumière par Yves Aupetitallot en 1998 au Magasin de Grenoble, directeur aujourd’hui contesté par son personnel : «  Les œuvres ont pour vocation de toucher tout le monde, les badauds comme les connaisseurs. »
Morellet, un des fondateurs de ce groupe éphémère, est au musée de Grenoble, avec sa « sphère-trames » .
Une de leurs œuvres « participatoires », fut érigée à côté de la « maison de la culture » qui venait d’être inaugurée par Malraux en 68 dont je ne peux me dispenser de rajouter un morceau  du discours :
« Nous voici au point capital de notre entreprise. Supposons que la culture n'existe pas. Il y aurait les yé-yé, mais pas Beethoven; la publicité, mais ni Piero della Francesca ni Michel-Ange; les journaux, mais pas Shakespeare; James Bond, mais pas le Cuirassé Potemkine ni la Ruée vers l'or. Pourtant il y aurait une création, il y aurait un art, il y aurait des maîtres vivants. Mais si nous pensons aux nôtres, aussitôt nous découvrons comment ils se rattachent à ceux du passé. Hemingway est parent de Shakespeare plus que du New-York Times. Parce que ce qui unit tous les maîtres, c'est leur référence à autre chose que la vie. Le domaine de la culture, c'est le domaine de ce qui s'est référé à cette autre chose, d'ailleurs variable. Et à une image de l'homme acceptée par lui, et est simplement l'image la plus haute qu'il se fait de lui-même. C'est cette référence qui permet à l'œuvre de survivre à son auteur. Dans une civilisation religieuse, ce qui assure la vie des valeurs, c'est la religion elle-même. Dans une civilisation non religieuse, c'est ce domaine de référence qui délivre l'œuvre de sa soumission à la mort. »

mercredi 3 février 2016

Béliers. Grimur Hakonarson.

Le mouton est l’animal universel, des déserts les plus chauds jusqu’à l’Islande.
Nous avons apprécié, sans nous attarder, des paysages enneigés assez peu explorés au cinéma avec les troupeaux de deux frères, vieux garçons qui ne se parlent plus depuis quarante ans.
Nous sommes dans une comédie taiseuse avec concours de béliers et voisinage hostile quand une épidémie de tremblante du mouton s’annonce.
Les deux entêtés vont finalement se réconcilier lorsque le blizzard balaye un passé absurde de solitudes juxtaposées. Leur monde est en voie de disparition.

mardi 2 février 2016

La revue dessinée. Hiver 2015-2016.

Et dire que la BD décrivait parfois un pays de monstres gentils et d’actualité heureuse !
Nous avons changé de siècle.
Dans le trimestriel de reportages et documentaires en dessins, la planète étouffe et saigne, l’humour se remarque quand il apparait parmi les 220 pages où se prouvent les qualités de cette publication en sa dixième édition.
Pédagogique : L’accord commercial entre l’Europe et les E.U. : TAFTA, où entre autres, de nouvelles instances de justice dessaisiraient les états de certaines de leurs prérogatives.
Scientifique : l’histoire de l’anesthésie générale avec le hasard en maître du jeu. Ça s’appelle la sérendipité.
Obstiné : En revenant sur l’assassinat à Djibouti du juge Borrel, une enquête remet en mémoire une affaire révélatrice des mœurs franco-africaines et des failles persistantes de la justice.
Indispensable : après l’attentat contre Charlie, un historique de la presse satirique en France.
Politique : Comme dans chaque chapitre, mais le rappel de la folie des parcs d’attraction dans les années 80, leurs échecs et  leurs réussites sont des signes forts. Les petits Mickeys et les grands manèges.
Distrayant : Avec l’humour à répétition d’un dessinateur envoyé en immersion dans une discipline sportive peu connue : cette fois, le Gouren (lutte bretonne).
Original l’angle : La journée de la fusillade à Charlie vue par 6 policiers de différents services, leur professionnalisme et leurs émotions. Nous avons si peu de mémoire.
Complet : La géo-ingénierie qui cherche à amortir les effets du réchauffement de la planète n’offre pas de solutions durables malgré la multiplicité des pistes pour essayer de gérer le rayonnement solaire ou capter et séquestrer le CO2.
Parmi tant de sujets graves, moins de pages auraient suffi à évoquer « Conte d’été » de Rohmer quand l’auteur des dessins agréables s’identifie au personnage principal, car ce n’est pas d’une nouveauté confondante, comme l’analyse de la photographie de Mohamed Ali (Cassius Clay) dominant Sonny Liston aurait mieux convenu dans un journal destiné à des adolescents. Par contre la rubrique de culture générale revenant sur les origines de la Saint Valentin convient bien à tous les âges et offre un sourire qui échappe aux balles des fanatiques aux brouillards  toxiques, aux dissimulations consenties.  

lundi 1 février 2016

Gaz de France. Benoit Forgeard.

En 2023, Philippe Katherine alias Bird est désormais président de la République.
Elu après avoir séduit les électeurs par une chanson, il est en difficulté dans les sondages.
Alors les communicants organisent un brain storming de quelques personnes qui proposent soit une love affair, un bombardement de la bourse de Francfort, une traversée à pied de la Champagne, le recours à un être électronique ou à l’expertise d’un enfant.
Solutions toutes aussi vaines, mais provoquant le rire d’un public qui voit bien de quoi il s’agit.
Les mots les plus vibrants ne font plus illusion.
Le sous sol de la France qui n’est plus qu’un gruyère appelé à s’effondrer encore un peu plus, a été vendu à des fonds suisses.
Pas si loufoque que ça.

dimanche 31 janvier 2016

Orestie. Eschyle, Roméo Castellucci.

Agamemnon a tué sa fille Iphigénie
Alors Clytemnestre, la mère, tue le roi Agamemnon, son mari.
Et Oreste leur fils, pas en reste, tue sa mère Clytemnestre.
Parmi les Euménides, les Choéphores où Cassandre et la Phytie, ont leur mot à dire, le coryphée, chef de chœur, est un lapin, celui d’Alice, au pays des dieux tourmentés, ce qui ne facilite pas la limpidité des affaires.
La triple tragédie familiale datant de 2500 ans a besoin d’être révisée, mais il ne faut pas compter sur les deux heures trente de spectacle pour éclaircir tellement la situation.
Le sur-titrage de la pièce jouée en italien, matérialise une présence du texte indépendante des images présentées sur scène : « je te chie dans la bouche ».
Les fulgurances, la force de certaines séquences mais aussi l’épate-bourgeois facile tiennent beaucoup de tableaux vivants, très art contemporain avec ce qu’il faut de documentation nécessaire au préalable.
Les lumières sont superbes et derrière la gaze qui sépare les spectateurs des acteurs, les choix sont radicaux : atmosphère noire avant l’entracte, blanche dans la seconde partie.
Les corps les plus contrastés sont beaux ; Apollon, avec ses moignons, nous frappe à l’estomac. 
Si le sous titre : « comédie organique ? » vaut pour son adjectif, l’humour de son point d’interrogation est pour moi la seule occasion de sourire dans cette mise en scène violente qui ne fait guère appel aux sentiments, mais essentiellement à nos yeux. Des spectateurs ont reconnu du Fellini, d’autres du Bacon, nous ne voyons pas le temps passer. Un rythme énergique peut contraster avec la lenteur qui n’entraine pas l’ennui tant la poussière du temps doit prendre le temps de retomber, comme le silence accusera les stridences à venir.
Inutile d’énumérer les réussites visuelles, car la surprise fera partie du plaisir. Comme je craignais le côté « gore », j’ai été impressionné, dans le sens où je crois que je conserverai en mémoire quelques images fortes de ce moment important de théâtre.
« Il était Roparant, et les Vliqueux tarands Allaient en gilbroyant » : Lewis Carroll traduit par Antonin Artaud. « Antonin le lapin te demande pardon »
Je ne pense pas que ce soit dans la version grecque d’origine, mais finalement, il y avait quelques brins de  comédie.

samedi 30 janvier 2016

Histoires. Marie Hélène Lafon.

et encore mieux.
J’avais le sentiment de connaître des personnages présentés dans les courts chapitres de ce volume de 315 pages, mais je ne savais s’ils venaient des livres déjà lus de mon auteure favorite ou de souvenirs de mon pays d’enfance.
L’écrivaine qui finalement ne viendra pas à la librairie du Square comme annoncé donne à la fin de cette livraison des clefs de sa démarche dont on avait pu soupçonner l’exigence, l’élégance.
Pas un mot qui ne soit juste, pas une virgule de trop ou de pas assez, pas un battement, une odeur, un silence, une poussière qui ne soit pas vrai, dense, intense.
« Quelque chose de la pâleur des livres, peut être, avait coulé dans la chair de Jeanne, qui parlait d’ailleurs et d’autrement. »
Les taupes, les grenouilles, le tour de France à la télévision, quelques gourmandises à la Delerm mais prises dans tellement de solitudes, « le monde et sa plaie ouverte ».
Les phrases ultimes, à la fin de chaque récit, sont des clous.
«Les enfants n’écoutent pas. Ils attendent le dessert. »
«Des gens ont parlé en bas. Ils ont crié. Il a attendu »  
Et pourtant ce n’est pas faute de manquer de conviction comme cette religieuse qui n’est plus de son temps, ou de courage comme cette petite et son corset dans les dortoirs d’un pensionnat ou d’esprit de liberté en fin de journée de communion.
Pour illustrer le poids des mots qui n’est pas qu’affaire littéraire : un homme n’arrive pas à dire « fleur artificielle », il dit fleur « surnaturelle » pour celle qu’il apporte au cimetière. On  en partage tout le prix, et la beauté indestructible. Je crois bien qu’il a raison de dire ainsi en ces lieux massifs de chez central où l’on meurt beaucoup, avec tellement de dignité.
Racontées avec cette probité, ces tragédies qui nous transpercent en deviennent presque consolantes.

vendredi 29 janvier 2016

Dany & Alain.

A la télévision l’autre jour  Finkielkraut débattait avec Cohn-Bendit.
Je les apprécie tous les deux : peut-on être indécis à ce point ?
Comme on peut être mélancolique et aimer rire, passer de la nostalgie à la positive attitude, sacraliser la France et l’Europe…
J’ai été soulagé du respect qui passe entre les deux interlocuteurs et que le philosophe tant assailli ne soit pas «  monté dans les tours » où sa passion l’entraine souvent.
Le chroniqueur  d’Europe 1, qui sait y faire, a beau souligner son âge pour répondre à la sempiternelle question de Pujadas de sa candidature à la présidentielle, il reste le plus vert, même quand des politiques sensés promouvoir une autre politique, l’adjointe de Juppé et le maire de Montpellier, se présentent en fin d’émission, sans apporter de probante nouveauté.
Je suis las des amalgames qui mettent dans le même panier (de son) l‘animateur de « Répliques » et Zemmour, mais venant de Libé qui étiquette à droite, voire pire, toute parole critique à l’égard de la réforme du collège, je n’attends plus guère de nuance.
Le pamphlet  de Lindenberg «  Le rappel à l’ordre » datant de 2002, ressorti des oubliettes,  faisait la une du journal de Drahi sous le titre : « affreux, réacs et méchants » jour d’hommage à Scola, et la tête de l’auteur de « La Seule Exactitude » figurait en bonne place, dans un trou.
Les généralisations hâtives entre Islamistes et Islam ont été évitées ce jeudi soir. Le refus de l’essentialisation devrait valoir pour tout débat et s’appliquerait la formule qui tiendrait en un tweet : « ne fais pas à autrui… »
Attristés et littéraires,  comme le philosophe, oubliant des mots mais pas d’où nous venons, nous tricotons peut être le chanvre de notre corde, en trouvant bien futiles ceux qui n’estiment pas la cruauté de la période. La flamme bleue de L’Europe que Cohn-Bendit essaye de rallumer va pourtant chercher dans les mêmes profondeurs.
Un tel échange qui laisse percevoir la vérité des corps, la sincérité des acteurs, n’a pas la profondeur d’un livre ou même d’un article. La jeune prof de banlieue qui avait préparé son intervention insultante contre Finki sans écouter un mot de ce qui avait été dit, m’a parue insupportable mais révélatrice des difficultés de nouer un dialogue : « il n’est pire sourd… »
Et  la démarche passant par des « médiateurs » proposée par Dany pour protéger les femmes qui souffrent des fondamentalistes islamistes à la RATP ne me semble pas répondre à la question du syndicaliste passé inaperçue des blablas des  usagers des réseaux sociaux finalement assez moutonniers qui se sont dispensés souvent d'avoir vu l'émission, sans parler de lecture de la moindre ligne ou page des personnages exposés ce soir là .
…………
Le dessin du « Canard enchaîné » de cette semaine :