mercredi 14 octobre 2015

Carrare.

En bord de mer Ligure sur les flancs des alpes Apuanes, à Carrare nous allons à la racine de notre mot « carrière », il y en a 150  où se « cultive » le marbre.
Le paysage grandiose est marqué par l’activité des hommes qui ont tiré de la montagne le plus pur des marbres, non pas ici depuis l’antiquité, mais depuis le XII° siècle pour les cathédrales toscanes.
Un émouvant musée à ciel ouvert est situé à l’endroit où l’on prend le mini bus pour pénétrer dans la montagne ou bien  un 4X4 pour sillonner les chantiers à l’extérieur. Il permet d’avoir une idée du travail titanesque des carriers.
Si aujourd’hui le sciage avance de 20 cm par heure par l’action d’un fil diamanté, du temps des scies à la main, j’ai retenu une avancée de 7 cm par jour ! Mais j’ai peur d’avoir mal compris tant cette patience infinie me parait incroyable en regard d’une dépense d’énergie folle.
Du temps des premières photographies, le transport s’effectuait avec des bœufs après une descente sur des troncs d’arbre. La chute des plaques s’effectue toujours sur des gravats et le système des coins reste à l’ordre du jour. 
L’extraction de tant de blocs gigantesques ont fait naître des cathédrales grandioses dans ces caves majestueuses.
La ville au pied des montagnes poudrées compte plus de 65 000 habitants, sa place Sacco et Vanzetti témoigne d’une identité anarchiste. De nombreuses sculptures occupent les places,  et une biennale propose des œuvres contemporaines chaque année paire.
Nous avons pu jeter un coup d’œil aux ateliers Nicoli et ce que nous avons découvert était d’autant plus étonnant que c’était jour de fermeture. Les formes anciennes sont en train de renaître, des ébauches contemporaines stationnent dehors, un monde minéral s’étend sous les verrières où le temps semble suspendu.

mardi 13 octobre 2015

… à la folie. Sylvain Ricard & James

Un homme et une femme se rencontrent, s’aiment et continuent à parler en ces termes, même après la première baffe du mari installant une violence qui ira en augmentant.
L’amie compatit, mais ne peut aider, le médecin prescrit des antidouleurs, le psy des antidépresseurs, la mère dit :
«  On ne divorce pas chez nous ».
Chronique au sein d’un couple comme tant d’autres, où la femme ne travaille pas et pense surtout au confort de son mari, stressé par un emploi auquel il se consacre avec zèle.
Le choix de la représentation de cette histoire d’une famille par des  animaux bonhommes est bien vu.
Le drame aux couleurs sépia est traité avec efficacité : tout est explicite, clair, sans fausse pudeur. Le récit parallèle des deux « interlocuteurs » montre l’agrandissement du fossé entre eux, en évitant le Grand Guignol mais avec une force d’autant plus évidente que le décor est familier.
Les fables de La Fontaine mettant en scène des animaux vont à l’universel, ces chiens à bonne tête ne vérifient pas l’adage voyant un animal qui sommeillerait en l’homme pour dire la sauvagerie.
Les chiens mordent-ils leur chienne ?

lundi 12 octobre 2015

Much Loved. Nabil Ayouch.


L’interdiction de projection du film au Maroc constituait une incitation, bien que la réalité de la prostitution soit universelle. Le film estimable est sans surprise. Je m’attendais à une description sordide et certaines scènes violentes sont dans ce registre, mais la rude solidarité entre les quatre prostituées, évite une vision désespérante.
Des moments aux allures de fête alternent avec des vues nocturnes de rues misérables de Marrakech. La limousine finale est surdimensionnée et les retrouvailles des femmes un peu insistantes, mais jamais une image  n’est trop pittoresque.
L’énergie, la beauté des femmes, leurs rêves, et la bienveillance de leur chauffeur humanisent ce film où c’est le pognon qui est obscène.  
Une occasion de se souvenir d’un autre film marocain remarquable
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/02/sur-la-planche-leila-kilani.html

dimanche 11 octobre 2015

My rock. Jean Claude Gallotta.

La saison de danse commence fort avec la dernière à Grenoble d’une histoire personnelle du rock par notre vibrant chorégraphe.
Au sujet  du rock 'n' roll qui signifie en argot « faire l'amour », ma culture est très lacunaire, alors je suis entré dans les pas de mon conscrit auquel je suis fidèle depuis longtemps
Il  ranime nos jeunesses en nous faisant partager ses émotions avec une clarté didactique inédite, sans abandonner ses façons que l’on a plaisir à retrouver.
Quelques photos, accompagnent les mots justes de l’auteur, légers, poétiques, émouvants, entre chaque morceau.
L’ouverture aux sons de Heartbreak hotel d’Elvis Presley nous met d’emblée en appétit avec toute la troupe de 12 danseurs qui se retrouveront en duo, trio ou solo au cours des 13 chansons qui passent trop vite, 1h 15mn, applaudissements nourris non compris.
Les Beatles patrimoniaux, les Stones chauds, Dylan élégant, The Who : waouh ! The Velvet en recherche, Nick Drake déchirant, Iggy Pop provocateur, The Clash :
Let fury have the hour, anger can be power
Laisse la furie avoir son heure, la colère peut être pouvoir,
et le doux Léonard Cohen, Nirvana et Cobain:
« Il vaut mieux brûler franchement que s'éteindre à petit feu. »
Patti Smith, la femme, alors que les danseuses ce soir mènent à leur tour la danse, transfigurant quelques bases connotées avec une énergie époustouflante, une inventivité respectueuse. 
Et Wilson Picket pour clore en beauté.
Tout était enlevé et bienvenu jusqu’aux costumes élégants adaptés à chaque séquence, contredisant ceux qui sont restés choqués par les slips kangourou d’il y a 30 ans.
« Le chorégraphe provoque ici un rapprochement physique, sexuel, entre le rock et la danse contemporaine, les liant pour en faire des poèmes scéniques pleins de rage, parcourus d’évocations brûlantes et passionnées ; danse et musique unies plus que jamais à la vie à la mort. »  C.H.Buffard.

samedi 10 octobre 2015

Mémoires d'un Eunuque dans la Cité Interdite. Dan Shi.

Au début du XX° siècle, la fin de l’Empire en Chine, à travers le témoignage d’un jeune homme qui a servi dans la cité interdite.
Très pauvre, ne trouvant pas d’emploi dans la capitale, son corps va être « purifié » par des trafiquants profitant d’une naïveté dont il ne s’est pas départi tout au long d’une existence où les moments de bonheur sont vraiment rares.
Il suit la cour dans son exil suite à la guerre des boxers qui annonce la fin d’une dynastie dont il accompagnera les 20 dernières années.
Les rituels immuables les plus rigides ne procurent pas seulement le confort à ceux qui sont servis pas des cohortes considérables, ils obsèdent les personnages au pouvoir, qui en perdront la tête. Surtout vers la fin, les pillages vont accroitre les fortunes considérables des eunuques les plus influents.
Au cœur de ces aventures incroyables, une belle histoire d’amour, à laquelle nous avons besoin de croire pour supporter les fatalités d’une vie de douleurs et d’humiliations. 
« et enfin sur ses lèvres, je goûtai l’éternité ».

vendredi 9 octobre 2015

Libé, mon Libé !

Lorsque j’ai vu Morano = Finkielkraut, je me suis dit que je pouvais me permettre de me joindre au débat concernant les bien-pensants contre les réacs, tant les arguments échangés me paraissent faibles, compensant par la caricature le manque de nouveauté sur le fond.
Je ne risque pas de faire baisser le niveau même si un rédacteur de Libé - à moins que ce soit un pseudo de Joffrin,  puisqu’en ce moment il occupe presqu’exclusivement les colonnes de son journal  - déniait à Onfray le titre de philosophe : il n’est qu’un vulgaire professeur de philosophie ! Moi, vieil instit, de quel droit pourrai-je… ?
J’ai essayé de mettre un mot de commentaire sur le site du journal fondé par Sartre, mais il n’a pas été validé n’ayant sans doute pas les codes pour apparaitre comme un troll  qui pourrait déconsidérer toute critique. D’autre part la version papier à laquelle je suis abonné depuis ô lala, ayant abandonné le courrier des lecteurs, depuis ce coin de blog, j’essaye de secouer mon accablement devant l’indigence des arguments apportés.
Il est bien loin l’esprit des pionniers d’un quotidien qui souhaitaient donner la parole au « peuple », ce dernier est devenu un gros mot comme « laïcité ».
Il n’y a pas que le producteur de l’émission « Répliques » dans le collimateur de Joffrin ; comme mon grand homme, Régis Debray est aussi visé,  je me sens touché par tant de persistante hargne qui avait pointé le bout de son groin lorsqu’étaient considérés comme « bas du front » tout émetteur de critique concernant la réforme du collège.
Le rédacteur en chef actuel d’un des journaux  de Patrick Drahi, patron de l’Express, ne peut guère regretter qu’Onfray n’ait pas pris connaissance de ses papiers : les débats ne sont plus là, à part pour quelques professionnels de la profession qui passent la presse en revue ?
Les « donneurs de leçons »  genre Schneidermann qui ne supportent justement pas les profs qui professent à l’école, volent dans les plumes de Ruquier, mais lui au moins organise la contradiction dans ses émissions, même si c’est surjoué. L’hebdomadaire Marianne donne aussi  la parole à des personnes qui ne sont pas d’accord avec la ligne éditoriale, Libé serait si peu sûr de ses valeurs pour que plus une tête ne dépasse ?
Pour éclaircir mes idées, c’est dans le magazine de la CFDT que j’ai trouvé du réconfort. Bien que des publicités pour Malakoff Médéric y fassent mauvais effet et marquent le temps qui a passé depuis les rêves autogestionnaires.
Le secrétaire général, qui sait qu’il s’appelle Laurent Berger, a des mots heureux :
« Un des titres de travail de mon livre était « c’était mieux demain ». Oui je pense que ça peut être mieux demain ! Moins de consumérisme, moins de consumation effrénée du temps, mieux vivre ensemble, mieux travailler, mieux d’emploi. »
Et  je me conforte avec Cédric Villani, le mathématicien, invité, quand il s’exprime sur l’enseignement de la mathématique :
 «  On entend parfois : « cela pourrait être mieux si on apprenait sous forme de jeu ». Sauf que je n’y crois pas : le jeu peut motiver, intéresser, mais il n’y a pas d’enseignement sans effort dans une matière comme la mathématique. L’effort peut être accepté s’il est motivé et accompagné si possible dans la bonne humeur, et le jeu peut contribuer à cette motivation, mais il ne faut pas laisser croire que l’enseignement peut se faire de manière purement ludique. »
Loin des pommades.
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Le dessin en tête vient du site de Politis, j'ai évité celui de Charlie Hebdo et de la trisomique du Général, "Le Canard"  de la semaine m'a paru fade.
Par contre Hulot, c'est du tout bon:

jeudi 8 octobre 2015

Cézanne. Damien Capelazzi.

« Le prophète de la modernité, peut se comprendre mais ne se laisse pas voir facilement ».  
La réflexion vient du conférencier qui avait déjà clos l’an dernier la saison des conférences autour du « noir » http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/09/le-noir-damien-capelazzi.html et il va s’appliquer à faire dialoguer raison et vision.
Paul Cézanne, le père de l’art contemporain était reconnu par ses pairs : Maurice Denis a peint « L’Hommage à Cézanne » où Odilon Redon, Sérusier, Vuillard, Bonnard…  sont rassemblés autour de quelques pommes fameuses.
L’Aixois sera souvent dans le défi par rapport à ses maîtres, reproduisant les tensions avec son père. Si dans sa période  parisienne, il considérait Gauguin comme un « bourgeois endimanché », il partage à Auvers avec Pissarro l’hospitalité du docteur Gachet, homéopathe.
Dans cette période, sa « maison du pendu » doit beaucoup à celui qu’il nommait « L'humble et colossal Pissarro »
Quand il peint le « Portrait d'Achille Emperaire », son compatriote, ce tableau de deux mètres de haut, représentatif de sa période « couillarde », peut évoquer Vélasquez dans son sujet et sa manière. 
Comme la série dans laquelle il fait prendre divers habits à « L'Oncle Dominique en avocat », en moine, le traitant vigoureusement au couteau, en impasto (empâtement) ;  l’émotivité vient avec la surcharge de matière onctueuse.
Il décore les murs de la pièce principale du « Jas de Bouffan », vaste maison acquise par le père devenu banquier, et dans les jardins, cerne une « psychologie de la nature » en touches impressionnistes rapides et fracturées lorsque l’organique entre en conflit avec le minéral, la géométrie avec l’abstraction.
J’ai appris le mot : pruinescence (du latin pruina, gelée blanche, neige) qui peut caractériser la couleur des grains de raisin quand les reflets cachent la profondeur sous une fausse transparence qu’un frottement efface. Manet, dont il refusa de toucher la main, nous en régale, avec ses natures mortes parfumées à « La brioche ». Les pommes de Cézanne pas forcément dans l’espace euclidien qui jouent de la nappe, base blanche, sont elles convexes ou concaves ?  
En voici un exemple « Nature morte aux pommes et un pot de primevères » (1890)
« Avec une pomme je veux étonner Paris » disait-il. Fruits on ne peut plus communs, devenues emblématiques de son œuvre, elles roulent jusqu’à nous. Pommes de l’amitié, avec Zola, venant comme lui de l’autre côté des Alpes:
« Même notre amitié vient de là... d'une tripotée que toute la cour, grands et petits, m'administra, parce que moi, je passais outre, je transgressais la défense, je ne pouvais m'empêcher de lui parler quand même... un chic type... Le lendemain, il m'apporta un gros panier de pommes ».
Il épouse son modèle Hortense Fiquet, à la charnelle robe rouge.
Dans ses portraits d’humbles journaliers, «Les Joueurs de Cartes», fumant la pipe tels les soldats de Meissonnier entre deux batailles, il révèle qu’il a beaucoup vu les anciens ; « le bourru » n’a pas tout inventé. Ses couleurs automnales qui cernent ses personnages annoncent cependant les bruns cubistes.
« Le fumeur de pipe », parmi d’autres, porte une mélancolie éternelle.
En 1906, dans le massif de la Sainte Victoire, il va mourir suite à un orage, qui l’a surpris en pleine nature. « Le rocher rouge »
Il avait un cabanon dans les carrières de Bibémus dont les ocres vont le marquer :
« La nature pour nous hommes est plus en profondeur qu'en surface, d'où la nécessité d'introduire dans nos vibrations de lumière, représentées par les rouges et les jaunes, une somme suffisante de bleutés, pour faire sentir l'air. »
Il avait fait entrer aussi l’Estaque dans l’histoire avant que Braque, Dufy, Derain y « plantent leur chevalet ». « Le golfe de Marseille vu de l'Estaque ». Le bleu lui va si bien