mardi 21 décembre 2010

Le Montespan. J. Teulé, P.Bertrand

Le livre de Jean Teulé,sans images, concernant le mari de la dame , a eu un certain succès et je me suis dit qu’une B.D. sur le sujet serait plaisante, sans passer trop de temps non plus, sur les détails des amours Capétiennes. Le trait géométrique de Philippe Bertrand, disparu récemment, dont j’avais adoré « les petits riens » destiné aux enfants et enchantant les grands, ne convient pas forcément à cette affaire de cocu magnifique. J’aurai préféré plus de sensualité dans ce récit porté bientôt à l’écran et qui comporte tous les ingrédients pour tenir en haleine le spectateur. Aventures trépidantes, dialogues savoureux, passion, courage et arrivisme, la fange et le luxe, les barbaresques, l’amour... L’angle choisi de mettre au premier plan Louis Henri Grondin de Pardaillan, marquis de Montespan est intéressant. Son carrosse orné de cornes de cerf, et l’enterrement de sa passion célébré en pleine terre, ont le panache de celui qui n’a pas renoncé face au roi soleil, alors que sa femme favorite de XIV aurait pu lui procurer bien de bénéfices.

lundi 20 décembre 2010

Armadillo. Janus Metz

Documentaire efficace qui met sous nos yeux la connerie de la guerre, son absolue absurdité.
Dans la longue liste des films en uniformes, un regard aigu et renouvelé sur la vie d’un groupe de soldats danois en Afghanistan. Pendant les pauses entre deux sorties dans un réel échappant à leur compréhension, pour quelques arpents autour d’un fortin, des mômes blonds jouent à la guerre virtuelle. Dans leurs carapaces, ils avancent au milieu d’enfants à peine moins âgés qui jouent et viennent grappiller des aliments que les soldats n’ont pas aimés et que ceux-ci distribuent du bout des gants. Cette guerre comme toutes les guerres est perdue ; et les dédommagements pour une vache tuée ne résolvent rien. Dérisoire, ridicule, à pleurer. Tout ce fric perdu, cette technologie vaine, ces vies bousillées, ces intelligences dévoyées. La caméra nous transporte au cœur des combats quand après le staccato des mitrailles, des jeunesses finissent leur vie dans le fossé. L’échauffourée passée, les mecs bandent au ressassement de leur survie et devant quelques pauvres chattes sur écrans d’ordinateur

dimanche 19 décembre 2010

2-3…grammes. Bernard Falconnet.

Deux-trois grammes d’alcool dans le sang : c’est la dose que s’autorise la mère avant une nuit d’insomnie. Alcoolique, elle délivre à son monde ses vérités, elle nous fait honte de rire de ses audaces vaines et des hypocrisies passées au révélateur qui « gnaque » fabriqué en Charentes.
Une seule comédienne est en scène, Line Wiblé, qui fait penser à Yolande Moreau pour son talent à interpréter des gens du peuple. Elle joue donc une mère, ses trois filles et le père, sans trop appuyer, avec ce qu’il faut d’empathie et de distance pour passer de l’une à l’autre.
Pas de dispositif encombrant, la représentation déambulera dans toute l’Isère, elle passera au Pin, mon village d’enfance. Et bien des spectateurs pourront reconnaître cette ménagère qui aime à s’occuper de tout, cette prof qui revient de Paris, cette dépressive, ce père qui s’applique dans ses discours avec Verlaine comme assistant et des astuces de mots croisés pour quadriller l’ennui. Familier, drôle et émouvant.
Si l’alcool est un vecteur comique efficace, il est, particulièrement en milieu rural, une cause de surmortalité des jeunes pris dans les tôles de samedis soirs sans lendemains. Tiens, des études concordantes viennent de s’apercevoir de situations dramatiques en zones rurbaines et rurales.

samedi 18 décembre 2010

Une âme perdue. Giovanni Arpino.

Du temps perdu. Roman oppressant de l’auteur de « Parfum de femme », où j’ai pu reconnaître une belle écriture, au service de la révélation de secrets de famille auxquels je suis resté étranger. J’ai dû insister pour aller au bout de ce court roman de 135 pages. Certaines scènes semblent interminables comme celle du jeu. Le personnage principal passe de l’angoisse à l’indifférence, en décalage avec ce qu’il décrit. Pourtant il y avait de quoi être inspiré par Leopardi dont une phrase est à commenter par le jeune narrateur qui passe son bac :
« ce lieu commun que la vie est une pièce de théâtre se vérifie surtout en ceci que les hommes s’évertuent sans cesse à parler d’une façon et agir d’une autre… »

vendredi 17 décembre 2010

Journaux : des piles neuves ?

La Sarkosie étend un peu plus son emprise sur les médias : le directeur du Nouvel Obs passe à la direction des journaux Lagardère : fin d’un faux semblant.
Mais le bal ne fait que commencer : Fottorino révoqué ne suscite pas sur le site Le Monde.fr, d’interrogations majeures de la part de lecteurs qu’on pourrait voir plus mobilisés au-delà des nostalgies et des réflexes attendus.
Même si l’on n’est pas contraint à s’user les nerfs avec les laquais de France télévision, la petite musique de l’illégitimité à gouverner de la gauche-DSK mis à part-revient aux oreilles avec des airs d’avant 81 qui ne nous rajeunissent pas.
Si par ailleurs vous avez vu une analyse de l’échec de la mobilisation sur les retraites, faites en profiter les copains ou si vous avez lu à ce propos, juste le mot « échec » ; la gauche autruche.
Marianne traite le président de voyou une semaine, et peut mettre à la une, tape à l’œil, peu de temps après : « pourquoi il peut être réélu ? ». Mais les protestations contre la rigueur qui étreint l’Europe passent dans la rubrique faits divers et nos appareils politiques moulinent pour eux mêmes : les paroles de Besset, Rocard, Yade se mélangent dans le tourbillon.
Même Schneidermann qui chaque matin réveille notre esprit critique connaît, il me semble, un coup de mou, Libé doublé sur WeakiLeaks patine.
Conseillé par un camarade Grève Générale, je suis allé voir chez Bakchich, que j’ai trouvé bien falot, surpris d’y retrouver Dominique Jamet dans « L’éternel retour », et si je me suis régalé pour une fois des indiscrétions de Paul Wermus j’aurais pu les lire dans France Soir ; je ne m’attendais pas non plus à tomber sur Jean François Probst ancien conseiller de Jacques Chirac. J’ai bien voté une fois pour son patron, mais je ne vais guère m’enrichir de ses réflexions concernant Sarkoko, sobriquet quelque peu insignifiant.
L’article qui m’a le plus accroché concerne Augustin Legrand des Enfants de Don Quichotte sous la rubrique tristement significative : « Le pipole de la semaine ». Mais le récit de sa banalisation générée par son passage au conseil régional dans les rangs d’Europe Ecologie peut décourager plus qu’un jeunot qui s’engagerait en politique pour défendre un idéal.
Comme je n’ai même pas trouvé dans mon Canard de la semaine un dessin à retenir, je soumets celui-ci, d’Aurel dans un numéro spécial de Politis : « 2010 horribilis » qui n’est pas mal du tout pour 5.50€.

jeudi 16 décembre 2010

Fête des lumières à Lyon.

Peindre avec la lumière. Les rues sont plus sombres que d’habitude pour que les couleurs dans la nuit soient plus éclatantes. Je n’ai pas tout vu, car nous sommes dans une métropole et les lieux de créations sont très nombreux (75).
J’ai beaucoup apprécié la mise en évidence de l’architecture du théâtre des Célestins et l’allégresse de l’éclairage en musique qui faisait s’animer la façade au son de la voix de personnes du public qui se succédaient au micro. De grandes lampes d’architecte mettent une touche d’humour rue de la République. Sur le fronton de l’église Saint Nizier, poussent des racines et la fontaine de la place des Terreaux prend des airs de souvenir de vacances coloré. Mais ce que j’ai préféré, c’est dans le parc de la Tête d’or, les installations de la compagnie Carabosse qui redonnent de la magie à la nuit avec une multitude de pot de fleurs où brûlent des flammes élémentaires. Une barque passe sur le plan d’eau trainant une myriade de points lumineux. De la fumée a envahi les frondaisons des arbres si urbains le jour, quelque peu mystérieux la nuit. Des braséros bien utiles en ces heures glaciales ponctuent le parcours. Des « marcels » enveloppant des bougies prennent des airs poétiques. Pas facile d’étonner le badaud de 2010, eh bien, ici, l’originalité alliée à l’évocation d’une histoire des profondeurs emporte les suffrages !
Lyon se doit d’être exemplaire dans le domaine de l’éclairage urbain au-delà de la créativité qui s’exprime pendant ces nuits. La notoriété mondiale de cette fête l’oblige. Même pendant ces journées, la consommation d’électricité est bien moindre qu’auparavant. Et Paul Ariès, un des chantres de la décroissance n’avait rien à en redire l’autre jour à France Inter où à travers les façons de danser, il décrivait d’une façon convaincante l’évolution de nos mœurs, passant de la participation collective, au couple jusqu’à l’expression solitaire de maintenant.

mercredi 15 décembre 2010

The king of New York. A. Ferrara

Heureusement que sur la boite du DVD - le film est sorti en 90 - ils précisent que « l’impitoyable Franck White nourrit aussi le rêve de construire un hôpital pour les plus démunis » parce que les préoccupations humanitaires ne semblent pas au premier rang des priorités du gangster passant de la prison à une suite au Plazza ; et ses sbires ne ressemblent vraiment pas à des fonctionnaires appointés par des mutuelles agissant dans le social. Leur carburant est poudreux et leurs moyens de convaincre expéditifs. « Le brouillage des frontières entre le bien et le mal » revient comme une expression convenue et le film noir pour décrire New York a fini par devenir conformiste. La nuit, le métro, les ponts métalliques et leurs dessous, autos tamponneuses, flaques, et sang sur les murs. Christopher Walken a le regard hagard et sa coiffure n’est pas la seule à être en pétard. Les nanas sont là pour la décoration et les flics démunis sont amenés à user des mêmes méthodes que leurs compagnons de pan pan doum doum !

mardi 14 décembre 2010

Le Roi Banal.

Finalement c’est loin d’être insolite de faire naître la fantaisie depuis un pavillon de banlieue.
Le contraste peut ouvrir des facilités dans lesquelles ne sombre pas ce un papy inventant un royaume intitulé Georgetta en souvenir de sa défunte épouse. Le trait soigné de Kyung-Eun se rapproche de Lapointe, très intelligible, il contribue au charme de cette B.D.
Ce qui est original c’est que les personnages ne sont pas linéaires et la famille de sa fille qui vivote sur des bases un peu dépressives ne va pas virer au noir. Le scénario clair de Ozanam qui joue entre fantasme et réalité ne tombe pas dans le délire, juste de la poésie, de la gentillesse. Les personnages se cherchent et nous trouvent ravis.

lundi 13 décembre 2010

Mardi, après Noël. Radu Montean

Une première scène où les deux amants s’abandonnent à leur plaisir ne constitue pas une situation vraiment originale, comme l’histoire d’une séparation entre un homme et une femme dans un milieu aisé en Roumanie; et pourtant la sympathie du réalisateur pour ses personnages, l’authenticité des portraits participent à la grâce de ce film. Je me suis laissé porter par les longs plans séquence que j’aurais encore volontiers étirés tant chaque personnage est vrai dans ses culpabilités, ses maladresses, ses audaces, ses tendresses.
Un film délicat et juste, grave et léger, à cœur.

dimanche 12 décembre 2010

Un tramway.

Eh oui ! D’ « après » « Un tramway nommé désir », ce grand rendez-vous de la saison à la MC2 a eu pour moi un léger air de déception malgré la prestation d’Isabelle Huppert « incandescente », à la hauteur des attentes vis-à-vis d’une star. Je n’avais pas choisi ce spectacle, au moment de la prise des abonnements, échaudé par « La nuit de l’iguane » de l’an dernier avec Tchéky Karyo qui me faisait douter des vedettes; un billet offert m’a permis d’assister à la représentation de 2h1/2 qui s’évertue à compliquer une intrigue se suffisant pourtant à elle-même. J’ai peut être trop coutume de penser surtout en politique : « on nous prend pour des billes » pour regretter que sur ce coup, on nous prend pour des profs de lettres ayant réussi leur thèse sur Tennessee Williams, familier de culture grecque et par ailleurs anglophones maitrisant l’espagnol. Comme dans beaucoup de reprises de grandes œuvres, les concepteurs d’une nouvelle version se défendent de penser à l’original, alors que nombre de spectateurs viendront parce qu’ils en ont au moins entendu parler. Sur Internet, les critiques sont souvent féroces. J’ai apprécié le décor, le bowling, la passerelle, Blanche derrière la vitre, la musique, les acteurs, la chanteuse, les costumes, la mise en scène où la vidéo convient bien et offre de belles images, les micros HF, mais pas l’intertextualité. « Remodelant le texte de Tennessee Williams, il (Warlikowski) y rajoute des extraits qui vont de la Correspondance de Flaubert à Œdipe à Colone, de Sophocle, en passant par la Dame aux camélias, un sketch de Coluche, un extrait du Banquet de Platon ou le combat de Tancrède et de Clorinde tel que raconté dans la Jérusalem délivrée de Torquato Tasso. » Merci Libé de m’avoir renseigné mais à trop me consacrer jadis à San Antonio, c’est Branlon Mado qui me vient sous la langue avant même le sex symbol qui fit face à Vivien Leigh. Là, Blanche tient toute la place.

samedi 11 décembre 2010

Nos cœurs vaillants. Jean Baptiste Harang.

Roman léger aux mots choisis, qui feint la désinvolture et nous amène vers plus d’attention au monde. L’ancien journaliste à Libération s’empare d’un prétexte original, une lettre anonyme envoyée par un lecteur, pour se lancer dans un récit de souvenirs de colos où se joue l’éternelle question de la fiction. Un regard tendre, sans mièvrerie, avec des souvenirs ni embellis ni méprisés, appliquant sans en avoir l’air ses réflexions sur le temps qui passe, la fidélité.
« La vie est une porte qu’on nous claque lentement au nez, et lorsque l’ouverture se réduit à une fine fente de lumière, nous tâchons de nous souvenir de ce merveilleux paysage qu’elle nous offrait jadis, grand ouvert, le panorama d’un souvenir sans fin ; cet avenir meurt ce jour même où je me souviens. »
Son souffle nous épargne, pour un temps, les graves, les pontifiants, les menteurs.
« Qui c’est ? »lui demandait-on, à travers la porte, quand il apportait des colis.
« C’est Le Printemps ». Oui.
Description d’un jeu chez les « Cœurs Vaillants », espèces de scouts :
« La « vie » est un petit foulard que l’on porte dans le dos, engagé dans son pantalon, il dépasse un peu, et l’on doit, dans un corps à corps vigoureux et sans se faire prendre la sienne, retirer la vie à l’envoyé du camp d’en face… »

vendredi 10 décembre 2010

Ecole décriée.

Dès le petit déjeuner (de plus en plus gras et sucré), l’école est au menu.
« La présence des parents pendant les publicités ne modifie pas le comportement des enfants » d’après Que Choisir ?
Avec une assiduité devant le téléviseur qui a tendance à s’amenuiser au bénéfice d’autres écrans, la parole des parents s’est elle dématérialisée ?
« D’après l’OCDE, les disparités parmi les élèves de 15 ans sont plus grandes en France qu’ailleurs, le poids du milieu social plus lourd. »
Et le ministre qui a su préserver au moins un emploi dans l’éducation nationale, le sien, de se féliciter de l’aide personnalisée. Il a pourtant fait diminuer, entre autres, la scolarisation avant trois ans qui était essentielle à la réussite des plus défavorisés.
Une dévastation sans précédent de l’éducation nationale où les valeurs morales sont mises à terre, les moyens drastiquement amputés, et ce sourire!
Des mesures se prennent et se déprennent. Entre deux week-end : semaine de quatre jours, un jour valable, un autre à jeter.
Des programmes à fondre et à refondre; les minutes consacrées au français diminuent et « c’est pourquoi votre fille est muette »(Le malade imaginaire)… ou plutôt votre garçon…
Ce flot de communications relayé en interne par des cadres new look récitant le catéchisme de l’instant, mine les personnels et fournit des alibis à leur flemme aux porteurs de portables sans cartable, ados et adulescents.
Alors que la droite appelle à la responsabilité des individus, la clameur de tous côtés vocifère : « c’est la faute de l’école ! »
C’est ce bruit qui nuit à l’école. J’avais rêvé du temps de Savary qui avait mis en place les ZEP et des consultations ; il y avait encore une foi dans l’éducation.
« Allègre m’a tuer ».
Désormais l’ironie a dégagé la plaine, le marché a planté ses panneaux, sottises et sornettes ont la voie libre, et le refus d’apprendre s’étale sans vergogne.
L’autre jour, j’accompagnais un groupe de jeunes élèves à la découverte de la ville. Un parent en tête de rang demande à un enfant de ne pas le dépasser ; c’est alors qu’un jeune attablé à une terrasse de claironner « tu es arabe, tu as raison de ne pas obéir ». Le petit en est resté coi. Je n’ai vu sur le moment qu’un jeu où la régression peut avoir des côtés attendrissants, mais fourvoyer ainsi une identité falsifiée dans le refus, accroit mon pessimisme.
Ma mère, 88ans, me demande :
« tu as vu, dans le journal, ce gosse qui s’est jeté au Rhône, à 11 ans ? »
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Un dessin du Canard:

jeudi 9 décembre 2010

La couleur dans l'art contemporain

C’est bien parce que la couleur ne me semblait pas un enjeu majeur de l’art contemporain que je suis allé trainer mon pliant devant quelques toiles du musée de Grenoble à la suite de la conférencière Lorelana Gritti autour de ce thème.
La couleur confronte la science et ses spectres face au sensible et ses humeurs météorologiques, la physique et la force émotionnelle.
Au moyen âge la couleur est symbolique après les particules qui s’entrechoquaient dans les visions de l’antique Platon. L’objet est plus important que la teinte. Celle-ci deviendra éclatante mais les protestants y virent là une dépravation. Le marron, couleur de la terre où nous retournerons, arriva. La Florence du dessin affronte Venise des couleurs. Bien que les œuvres aient pris de la profondeur, les formes enserrent les couleurs, on peut dire « couleur locale ».
A l’époque des impressionnistes, c’est l’atmosphère qui irradie. La couleur devient motrice, la pâte picturale va exercer sa séduction. Matisse sature la toile avec ses rouges comme il a exagéré la décoration. L’espace se construit par la couleur chez Cézanne, et avec De Staël la couleur devient frontale.
Kandinsky troublé par une meule de paille de Monnet, donnera toute sa puissance à la palette, discréditant les objets ; le couleur accède à la légitimité, seule.
Olivier Debré calé dans la nature, simplifiera le geste, cherchant l’essence dans l’huile.
Sam Francis a quitté un lit de douleur par la peinture, avec moins de théâtralité que Pollock, le vide devient le sujet principal du tableau dont ressortent les limites. « Dieu ne peut pas voir sans l’artiste. »
Morris Louis, lui retourne aux teinturiers, il n’a plus recours aux pinceaux, ses coloris déversés, il éprouve les différents degrés d’absorption de la toile et les effets de la gravité. Sortie de son atelier exigu, la toile déployée se découvre alors.

mercredi 8 décembre 2010

L’empire du milieu du sud. J. Perrin.

J’aime trop la littérature, avec le « trop » qui vient de l’Afrique de l’Ouest dans sa nuance ironique, et la poésie, pour ne pas m’interdire de trouver que dans ce documentaire un lyrisme excessif amoindrit la force des mots. Un sous titrage aurait déjà permis de contextualiser les nombreux textes qui arrivent à faire perdre de la force aux images. Souvent inédits les extraits de film sont intéressants mais les métaphores les diminuent.
«L’oppression nous vient de la France, mais l’esprit de libération aussi.»
Le Viet Nam, son histoire, sont passionnants et nous concernent, et Duras et d’autres sont de grands écrivains, mais pourquoi se refuser à toute pédagogie ?
« J’envoie mon cerveau à votre centre de recherches pour qu’on trouve ce qui nous fit lutter. J’envoie mes yeux à votre président pour qu’il les regarde en face. J’envoie mes dents à vos généraux, elles ont mordu plus de fusils que de pain car la faim fut ma compagne. Mon corps, je le laisse au Mékong. » Testament d'un combattant vietnamien.

mardi 7 décembre 2010

La vie d'Augustine # 5

La boucherie se trouvait rue Pasteur à Loos qui touche Lille. Il y avait un couple de jeune mariés et les parents ( ?). Le père était énorme, sa femme petite et boulotte. Mais le jeune couple était sympathique. Ils m’ont attribué une toute petite chambre et le lendemain on m’a mise au courant de mon travail.
D’abord je devais faire la tournée pour porter la viande aux clients par tous les temps, le matin. Il fallait appuyer sur les pédales et aller bien loin parfois.
Une fois mon panier vide je devais retourner le remplir à la boucherie avec les nouvelles commandes et pédaler jusqu’à midi.
Le soir j’allais chercher les commandes chez les particuliers. Mais entre-temps, il fallait nettoyer la boucherie, récurer les billots, ensuite le local où se faisait la charcuterie. Les outils, je n’aimais pas les nettoyer car c’était tout gras. Le soir j’étais éreintée aussi je dormais bien.
Je gagnais 150 francs par mois. J’envoyais 100 francs à mon père et je gardais le reste pour m’acheter des chaussures et des pulls car l’hiver était dur : je rentrais souvent trempée jusqu’aux os !
Heureusement je mangeais de bons steaks. Je n’avais pas le droit de sortir le dimanche aussi j’allais voir des gens de la rue car je sympathisais avec tout le monde surtout les petits vieux.
Je commençais à prendre tournure. Je n’étais pas trop mal de ma personne avec mes cheveux tout blonds. J’ai commencé à faire quelques ravages dans le coin et pendant mes tournées.
J’avais mon grand panier sur le porte-bagages avant. Quelque fois on me faisait des croche-pattes et je faisais de belles bûches ! Cela était le fait de ceux qui ne me plaisaient pas et qui se vengeaient de cette façon. J’aurais pu faire des courses cyclistes car pour la pédale j’étais rodée.

lundi 6 décembre 2010

Le nom des gens. Michel Leclerc

Il fait bon rire, quand Sarah Forestier sort en larmes de l’isoloir après avoir voté Chirac.
Même si elle traduit une attitude très répandue chez mes amis, avec lesquels je suis en désaccord, quand ils regrettent encore aujourd’hui d’avoir voté pour le roi de frais de bouche.
C’est qu’elle se réclame de la gauche, telle la liberté guidant le peuple de Delacroix, la jeune fille aux seins à l’air et même plus dans les couloirs du métro, voire face à « une boîte aux lettres ». Des situations familières à la famille de gauche définie essentiellement autour du thème de l’identité nationale. Gamblin, joue un personnage qui s'appelle Arthur Martin, rigolo,non? est très bien comme d’habitude dans ce divertissement où l’esprit optimiste de 68 revient, quand le principe de précaution ne s’imposait pas et que la devise « faire l’amour pas la guerre » se lisait au premier degré.
Oui c’est dans ce film que Jospin dit : "un jospiniste aujourd'hui, c'est aussi rare qu'un canard mandarin sur l'île de Ré", rigolo, non? Il paraît même que c'est l'austère qui rit qui l'a écrit.
Entre le moment où j’ai vu ce film à Cannes et aujourd’hui, j’apprécierais peut être moins cette légèreté vis-à-vis de la politique, tant son spectacle depuis quelques mois prête difficilement à sourire.

dimanche 5 décembre 2010

Leçon de jazz #1 : Oscar Peterson.

Pour montrer la virtuosité d’Oscar Peterson, Antoine Hervé exprime tous ses talents dans un concert commenté à la MC2. En fond de scène est projetée l'image du clavier filmé de dessus; alors comme un magicien qui explique ses tours, il nous paraît encore plus magique. Il m’arrive de regretter de ne pas jouer d’un instrument et bien des termes musicaux me sont étrangers, mais avec ce pédagogue enthousiaste, j’ai eu l’impression d’avancer un peu dans la compréhension de la musique, tout en restant impressionné par le travail. Le canadien Peterson, élevé dans une exigence extrême, deviendra une figure majeure de l’histoire du jazz désormais paré de la majesté du classique. L’improvisation, une des caractéristiques de cette musique destinée au départ à la danse, n’était pas une pratique étrangère à des musiques plus savantes, et les re créations autour des airs populaires ont valu de tous temps, de même que la transcription d’un orchestre entier pour un seul clavier. Mais il faut aller très vite, avoir de grandes mains et du génie. Les mélodies architecturées comme des montagnes ont des airs de récits de griots. Le colosse avait des épaules mesurant quatre octaves, il est mort en 2007 à 82 ans. Ce siècle achevé, lorsqu’il lui arrivait de swinguer, n’avait pas oublié la richesse, les ruptures, les surprises, l’amplitude de cet interprète exceptionnel.

samedi 4 décembre 2010

Le président des riches.

La lutte des classes est de retour, mais celle qui se claquemure dans des ghettos et pratique une solidarité efficace n’est pas l’ouvrière mais celle des patrons, des nantis. Nous avons été bien enfumés, dire « patron » faisait ringard, « entrepreneur »convenait mieux. Les entrepreneurs, il n’y en a plus guère, le capitalisme est devenu essentiellement financier, alors merci Liliane (Bettancourt) de nous avoir dessillés, bien que dès l’épisode du Fouquet’s un nouveau degré dans le cynisme se révélait : dons et contre dons s’annonçaient. Le livre des Pinçon Charlot nous rappelle ces évidences et replace dans la durée toutes les dispositions qui nous accablent jour après jour et en montre la cohérence funeste. Quelques titres pour une chronique politique où le terme oligarchie n’est plus réservé à quelque gouvernement exotique ainsi que népotisme : « Transparence des principes et opacité des pratiques », « les paradis fiscaux c’est ter-mi-né ! », « banques renflouées, peuple floué » …
« Bouclier, niches et paradis fiscaux, parachutes dorés et retraites chapeaux : guerrière et enfantine, cette énumération évoque les champs de bataille, les jeux d’enfants, Adam et Ève avant leur expulsion. L’hermétisme des anglicismes et plus encore des sigles cabalistiques, LBO, CDS, CDO, font des marchés financiers des sectes ésotériques. Ces langages codés contribuent à exclure la majorité des Français de la planète finance, qui est pourtant aussi la leur. Ces marchés dits libres, où l’on vend du vent au vent, invisibles et mystérieux, manipulent les milliards comme Dieu l’univers ».
Leur travail de toute une carrière de sociologues fut d’étudier les classes dominantes et leurs connaissances sont de première main : « La position de l’oligarchie est d’autant plus assurée qu’elle n’a pas besoin, au contraire de la classe ouvrière, de faire la théorie de sa position pour se défendre en tant que classe. Ses membres peuvent vivre et agir quasi instinctivement dans la mesure où leur représentation du monde est adaptée à leur position : le libéralisme et son adoration pour la concurrence et la lutte de tous contre tous est une idéologie plus pratique que théorique. En se comportant comme ses dispositions intériorisées le portent à le faire, grâce à une éducation conforme, l’oligarque agira « spontanément » en fonction de ses intérêts de classe. Nicolas Sarkozy revendique le pragmatisme. Le monde étant un monde où la classe dominante domine, il ne reste aux dominants qu’à être ce qu’ils sont pour que ça dure, dans le secret et la discrétion. »
Le « que faire ? » qui vient conclure ces 220 pages est moins convaincant, en regard de la diversité de la foule qui avait rempli la salle de la librairie du Square recevant le couple de retraités du CNRS. D’accord sur le diagnostic mais entre Cantona et DSK, « que faire ? », l’interrogation est reprise de Lénine.

vendredi 3 décembre 2010

La gauche en Europe est-elle une planète menacée ?

La brochette à la tribune d’un des forums de Libé était belle : un grec, une belge, un allemand, une française. Parmi eux une majorité d’élus européens qui n’échappent pas à un optimisme qui les tient debout, mais parait parfois surjoué.
Bien des réflexions sont pertinentes : « …mise en place d’une taxe sur les transactions financières et lutte contre les paradis fiscaux… les services publics sont la clé d’une croissance équitable plutôt que la cause de la dette de l’Europe… » Stravos Lambrinis.
Mais le responsable de la fondation Friedrich-Ebert, Ernst Hillebrand n’est pas un élu, il est le plus stimulant: « double déception de l’électorat de la gauche à l’égard de ces partis : une déception socio économique et une déception socioculturelle ». En pointant que « l’opinion publiée est différente de l’opinion publique », rejoint-il les impatiences de Véronique De Keyser qui se lasse des débats interminables et regrette la lenteur des mises en action ?
En tous cas, parmi les domaines à repenser pour inverser la dynamique des défaites qui ont vu la social démocratie suédoise rendue à son étiage de 1914, il met au premier rang « des formes de démocraties plus participatives pour répondre aux demandes d’une population toujours plus éduquée, informée et interconnectée. » La social démocratie est victime de ses succès (en 2003 : 13 état sur 15) et les victoires de la troisième voie n’ont pas été interrogées, « ils avaient raison puisqu’ils avaient gagné »: funeste paresse quand les modèles ne sont plus évidents.
L’homme n’est pas qu’un animal économique comme le soulignera Catherine Trautmann et l’Europe sociale est un processus à ne pas lâcher dans un contexte où les replis identitaires s’enkystent où les inégalités montent. La jeune génération décroche du travail politique et les réponses paraissent décalées face aux incertitudes. Les projets sont en crise et pourtant il faudra passer de la correction au sein de la sphère économique à une répartition repensée, de même que les mécanismes de la solidarité devront être revus avec un état plus actif.
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Le dessin du Canard

jeudi 2 décembre 2010

Art et pouvoir

Sujet bateau, mais bon prétexte pour une déambulation dans le musée de Grenoble sous la conduite de Céline Carrier, charmante guide.
Nous débutons, avec Louis XIV et les dignitaires de l’ordre au cordon bleu par Philippe de Champaigne sous les ailes lumineuses de la colombe du Saint Esprit. Ceux-ci semblent se désintéresser de l’intronisation du duc d'Anjou, c’est qu’il valait mieux faire apparaitre de profil l’un d’eux qui était borgne. Mais leurs regards, tournés en diverses directions, surveillent. L’évènement de 1654 fut peint en 1665.
Van der Meulen, « peintre ordinaire de l’histoire » du même roi : « Sire vous faites le tableau, je le peins », représente 2000 personnes de la vie parisienne autour du pont Neuf. Le service d’ordre est important, quand le roi se rend au parlement pour un lit de justice. Un rayon de lumière vient souligner sa majesté sous le regard du premier statufié de l’histoire de France, Henri IV. Sa présence au centre du colossal tableau le situe à la rencontre du domaine céleste et du terrestre. Louis, « l’état c’est moi », est dans la filiation.
Le titre d’un tableau de Jouvenet, témoin d’un plafond détruit, « Le Triomphe de la Justice » s’intitula d’abord « Le Triomphe de la Religion ». Les symboles des vertus foisonnent : la sagesse qui est placée du bon côté du miroir, la renommée, la paix, la prudence, l’éloquence, l’abondance et la force. Sous la lumière de la vérité, ils triomphent contre les vices : ignorance, meurtre, impudicité, avarice, discorde, dissimulation. Les principes de Cesare Ripa dans Iconologia, encyclopédie des allégories et de leurs attributs, ont été respectés.
Louis Philippe acheta le tableau de Scheffer, « l’arrestation de Charlotte Corday » car celle qui assassina Marat était à la mode en 1830. Son forfait perpétré, elle semble indifférente à ceux qui l’empoignent.
Nous passons de cet assassinat fameux, aux cauchemars de la crise consécutive à la boucherie de 1914 avec une scène de la vie berlinoise de Grosz. Ce pilier de La Nouvelle Objectivité représente des fantômes errants dans un marché. L’holocauste à venir s’annonçait avec la dénonciation de ces artistes « dégénérés » mis à l’index par ceux qui firent la loi, un temps.
Dans sa familiarité le portrait de Jackie Kennedy par Warhol peut paraître apaisant, mais cette image participant à la médiatisation du pouvoir n’est qu’une « vanité » de plus comme ces crânes dans les natures mortes.

mercredi 1 décembre 2010

Edward Hopper

Hopper, le plus américain des peintres, était exposé à l’Hermitage sur les hauteurs de Lausanne. C’est toujours instructif de découvrir des travaux inconnus d’un artiste qui annoncent les œuvres emblématiques, ainsi des gravures aux cadrages originaux, aux contrastes vigoureux. Des croquis préparatoires nous font mieux approcher son travail. Le peintre des solitudes a gardé son quant à soi au moment où Picasso et d’autres secouaient la figuration. Après sa venue à Paris il éclaircira sa palette à la lumière des impressionnistes. Dès 1914, les personnages de son « Soir bleu » nous regardent en face. Il y a bien une section consacrée à l’érotisme mais je trouve ses nudités peu sensuelles sous le soleil. Le silence habite ses toiles qui réconcilient les amateurs de réalisme, les rêveurs surréalistes et les cérébraux qui goûtent l’abstraction. "Si vous pouviez le dire avec des mots, il n'y aurait aucune raison de le peindre" a-t-il laissé échapper. Son seul projet était de « peindre un rayon de soleil sur le pan de mur d'une maison". Ses paysages sont des décors où nous pouvons « faire notre cinéma », leur simplicité permet notre subjectivité. Les extérieurs sont balisés de phares, de pompes à essence ; l’architecture est maîtresse en campagne, et en ville nous plongeons dans les intérieurs. Le mystère des mortels habite ses grandes toiles et alors la mélancolie nous fige.

mardi 30 novembre 2010

La vie d'Augustine#4

La guerre 14-18 était terminée : on arrivait à mieux se nourrir. Mais il a fallu attendre deux ans avant d’avoir un approvisionnement plus varié.
L’été on allait glaner le blé pour nourrir les lapins. Mon père acheta un demi cochon qui fut mis au saloir.
On allait aussi aider les fermiers au moment du ramassage des pommes de terre. On n’était pas les seuls car c’était pendant les vacances. Mais il nous arrivait aussi de manquer l’école pour profiter d’une récole de patates. Les fermiers nous donnaient les plus petites. Ma mère en faisait cuire à l’eau et on les accompagnait avec du hareng saur. C’était un bon repas.
Mon père faisait de gros pâtés quand il y avait le cochon. Il préparait le saindoux avec sel et poivre. On étalait le saindoux sur de grandes tartines tirées de pains de quatre livres. Au retour de l’école, c’était bien bon.
Il nous arrivait aussi d’aller sur les terrils où les mineurs déversaient les déchets et la terre remontés du fond. En triant, nous trouvions des morceaux de charbon. On avait des sacs exprès pour porter ce charbon. Souvent des gens étaient blessés et même tués par le contenu des bennes qui déversaient leur chargement en haut du terril. On s’arrangeait pour travailler de l’autre côté de la benne mais ce n’était pas facile.
Un jour, je suis rentrée avec une blessure au pouce à la main droite. Sans désinfection, cela a tourné au panaris. Ce que j’ai pu souffrir ! On essayait un tas de remèdes, en vain. Une voisine, Félicie et son amie Adèle ont dit à ma mère, en cachette de mon père, qu’il fallait me faire un pansement avec de la bouse de vache !
Finalement mon père m’a envoyé au dispensaire avec ma soeur Marie-Louise. On m’a ouvert le pouce, quel soulagement ! Je ne dormais plus depuis plusieurs nuits.

lundi 29 novembre 2010

Potiche.

Quand un film est trop vanté, je crains la déception.
Par exemple : la danse de Depardieu avec Deneuve, la scène risque d’être éventée.
He bien pas du tout !
Je fais partie de la cohorte qui se dit « pas fan de Deneuve et qui l’a adorée dans ce film » (dans Indochine itou). L’évocation des années 70 permet les caricatures gentilles et une efficacité dans le scénario avec des rapports de classe bien démarqués, des rôles dans les couples bien marqués et des surprises possibles.
C’était du temps des comédies de boulevards, des chansons sentimentales auxquelles on croyait.
Le succès du film d’Ozon n’est pas seulement celui d’un casting en platine : les monstres sont à la hauteur. C’est une comédie vraiment réussie. Je me suis revu comme au temps de Ségolène, quand elle fut tellement moquée avec sa Fraternité, de cette foule sentimentale, comme celle qui est emmenée par Deneuve sur « c’est beau la vie » de Ferrat. Je m’étais trompé d’époque, avec d’autres. La salle s’est rallumée, et nous sommes plongés dans le noir.

dimanche 28 novembre 2010

Out of context for Pina. Platel.

De l’importance du placement au moment où la lumière s’allume sur la scène : en étant dans les premiers rangs à la MC2, j’ai pu apprécier l’investissement des membres de la troupe de Platel qui dansent avec les doigts de pieds, les yeux et avec la langue, ils claquent des dents. Cette intimité est émouvante vers ses corps qui ont enlevé leurs habits de ville pour se revêtir parfois de couvertures. Les danseurs impressionnants jouent de leurs tendons, de leurs articulations dans des postures originales, des mouvements inventifs et réglés admirablement. La salle se lève d’enthousiasme au final. Si j’ai retrouvé des allusions à Pina Bausch avec les frôlements, les pas de peu dont l’intensité nous envahi peu à peu, je n’ai pas saisi la folie dans les gestes primordiaux des acteurs à la maigreur impressionnante pour certains. Nous ne sourions pas forcément aux mêmes choses. Alors que des commentaires évoquent l’humour de cette représentation, mon tempérament me porte à voir surtout de la souffrance, de la solitude, du tragique. Les régressions se dépassent furtivement, et s’il y a bien quelques accents techno, je retiens surtout le dépouillement, un battement intermittent qui ne porte pas à de chaleureuses effusions mais plutôt à une réflexion sur nos pauvres conditions d’humain.

samedi 27 novembre 2010

Le Monde diplomatique en bandes dessinées

Le Monde diplo, c’est pas des rigolos.
Eh bien, quand ils confient leurs préoccupations, leurs analyses à des dessinateurs de BD, c’est intéressant et pas triste, quoique.
Le récit d’une dessinatrice sud coréenne sur son pays d’origine où les évènements dans la durée se lisent à travers ses passions est vraiment pédagogique.
La critique de Christian Vaneste, homophobe militant, ne méritait peut être pas autant de place cependant le ton « rubrique à brac » est adéquat pour ridiculiser les propos du député UMP.
Toutes les facettes de la BD sont représentées :
Le mystère avec l’évocation de mythologies dans le Caucase,
La dialectique pour envisager la fermeture de la bourse,
Une biographie d’un héros de l’insurrection du ghetto de Varsovie, genre histoire de l’Oncle Paul,
Un roman photo pour une fiction où Bernard Arnaud viendrait prendre le café chez des ouvriers qu’il a licenciés,
La ligne claire pour décrire les difficultés de réfugiés à Marseille,
Une fiction pour mieux faire sortir le réel dans un aéroport,
alors que l’évocation de Beyrouth est poétique.
Par contre le retour du mammouth laineux en Sibérie, comme le récit de l’assaut israélien contre la flottille qui se dirigeait vers Gaza, sont trop chargés en textes. La lecture en serait facilitée avec des caractères d’imprimerie. Et je ne dis pas cela seulement parce que ma vue s’affaiblit, je suis comme les adolescents qui ont de plus en plus de mal à lire des écritures manuscrites, celles-ci leurs sont désormais moins familières que Garamond.
Les planches garnies de bulles à partir d’une intervention de Nadine Morano font ressortir le côté burlesque s’il n’était tragique des propos d’une de celles qui tient le crachoir au comptoir de notre république bien esquintée.

vendredi 26 novembre 2010

Des chiffres et des lettres

Fifi et Lolo sont dans un bateau.
Des enfants de maternelle ont été filmés lors de débats « philosophiques », mais la philo en terminale S est menacée. On requiert de l’autonomie à quatre ans, pendant que Tanguy prend son temps. La crise économique pèse sur certaines situations où faute de travail, de logement, les jeunes ne prennent plus leur envol, mais la crise est aussi éducative et la confusion des mots recouvre celle du sens.
Quelques voix suggèrent de primariser le collège, alors que le maquillage devient un acquis de plus en plus précoce dans les compétences des collégiennes aux sacs Longchamp. En philo on passe justement son temps à définir les mots et dans ce monde qui ne tourne pas rond, ce n’est pas vouloir maintenir un pré carré où n’auraient droit de penser que quelques lettrés que de préciser : si la discussion est le moteur des apprentissages, il me semble ridicule de parler de philosophie en maternelle. Je suis toujours preneur de mots d’enfants mais ceux que j’ai déjà mis en ligne sont venus spontanément dans le jeu de la vie et non extraits de procédures artificielles. Comme le disait une amie « nous les traitons en petits hommes en oubliant qu'ils sont des petits d'homme » : il faut avoir été petit, si l’on veut grandir. Je m’inquiète davantage de cohortes de collégiens démotivés élevés au biberon de l’enfant roi et fatigués avant d’avoir esquissé leur premier pas.
Les notes traumatiseraient les élèves pendant que nos vies seraient suspendues à des agences de notation. Ce refus d’accepter une note, c’est comme le bavardage de ceux qui annoncent : « je ne porte surtout pas de jugement de valeur » pour en général introduire un avis bien salé. C’est l’air du temps qui pourtant ne cesse de classer les lycées, les hôpitaux, de casser les stars académiciens. C’est l’indifférenciation revendiquée qui sélectionnera plus impitoyablement sur des non-dits, l’indifférence avec chacun sur sa planète où n’accèdent aucun avis, ni remarque, ni critique.
Bien de ces mots connotés mettent à bas, en ce moment, leur sens et le bon sens, et des débats incessants autour de l’école érodent la confiance de ses acteurs entre eux et minent leur aplomb personnel, en éloignant toute approche pragmatique.
Le mot « travail » est il encore prononçable pour des élèves ?
Ces notes, tout dépend de l’usage qui en est fait, elles peuvent être une indication parmi d’autres dans une ambiance constructive, mais néfastes pour les plus faibles dans une atmosphère de concurrence. Elles valent mieux que le sabir technocratique qui a envahi les livrets d’évaluation mais ne remplacent pas une expression personnelle de la professeure des écoles. J‘ai même failli dire « maître », c’est que j’essaye de maquiller mon âge. Pourtant à suivre des débats avec certains qui parlent de « zéro pointé » alors que je ne sais même pas ce que c’est ce « pointé », après toutes mes annuités dans la maison Mammouth. Les bras m’en tombent, de tant de bavardages caricaturaux.
Au pays gouverné par la politique du chiffre où les agents de pôle emploi, les personnels de santé, de sécurité, sont calés dans les starting blocks des statistiques, nous sommes étourdis par tous les zéros qui s’alignent sur les lignes des financiers.Le chiffre se sent quelque peu mol. Après les mots les chiffres ne disent plus rien.
Les scandales en ondes entretiennent un spectacle permanent et le public s’habitue.
Comment peut on avancer la notion de valeur (morale) quand les exemples viennent d’en haut qui font pousser dans les potagers scolaires des chardons et des courges : délinquance et abêtissement ?
Faut-il se réclamer d’un Platon en petits pots à quatre ans, parce que not’ résident de l’Elysée a lui d’infantiles réflexes ? On le disait « hyper président », mais il n’est pas sorti de la séquence du téléspectateur. Le mépris qu’il ne mégotte pas pour les journalistes se justifie à tous coups.
« Je n’ai pas entendu votre réponse » qui a dit ça ?
Pas les petits marquis tout contents contents d’être dans la lumière, mais c’est lui qui pose les questions, lui, le garant de not’ république répudiée.
Le majordome de Betancourt a eu plus de dignité que ces larbins.
................
Dans le cahier livre de Libé, une phrase du philosophe Walter Benjamin:
"Articuler historiquement le passé ne signifie pas le connaître "tel qu'il a été effectivement", bien plutôt devenir maître d'un souvenir tel qu'il brille à l'instant du péril"
Un dessin du Canard de cette semaine:

jeudi 25 novembre 2010

Nues. Renaissance.

En peinture, le nu féminin est l’incarnation de la beauté et à la période de la Renaissance les corps apparaissent.
Botticelli expose les potentialités de la féminité avec ses trois grâces: la beauté, le don de soi, la pureté. Vénus est au centre, c’est la quintessence de la civilisation méditerranéenne dans une pose christique.
Puis Venise la cosmopolite, plus pragmatique prend le pas sur Florence plus cérébrale et religieuse.
La Vénus de Giorgione aux yeux clos est sans culpabilité, une Eve sans péché.
Elles s’appellent toutes Vénus, mais celle du Titien a les yeux bien ouverts et dans une autre toile lorsqu’il représente l’amour sacré, la femme est dénudée, alors que l’amour profane disparaît dans les plis de sa robe. Suivrons nous le conférencier Christian Loubet qui joue avec l’orgue qui sonnerait avec orgasme pour un tableau à destination de Charles Quint qui ne l’entendait peut être pas ainsi ?
Véronèse multiplie les miroirs et Vénus apaise Mars. C’est le personnage de Diane, la femme de pouvoir, qui devient tendance. A Mantoue, Parme, les maniéristes jouent encore avec Danaé adolescente, Léda, mais les prétextes des titres mythologiques sont dépassés.
Bronzino peint des éros ambigus et Julio Romano dans le palais du Té a peint la vie compliquée de Psyché où en milieu olympien, Zeus ne manque pas de vigueur.
Les élèves français de l’école de Fontainebleau eurent beau refroidir la beauté, les visages de Gabrielle d’Estrées ou de Diane de Poitiers, et leurs tétins mignons, sont ceux de la beauté éternelle.

mercredi 24 novembre 2010

Inside job.

Dans Libération le film figurait à la page économie, alors je me suis dit, avec des images, je vais peut être mieux comprendre cette crise des subprime de 2008, d’autant plus que le même quotidien précisait ces jours que l’aide à l’Irlande n’allait point aux Irlandais mais aux banques. Au niveau de la gouvernance économique c’est « on continue comme avant », en pire puisqu’ils n’ont rien appris, les cyniques, les autistes anti-sociaux.
Les commentaires de ce documentaire, sur fond de belles vues de Manhattan, sont sous titrés en blanc parfois sur blanc ce qui n’a pas aidé à ma compréhension. Les titres et qualités des personnes interrogées paraissent furtivement et un effet comique s’installe quand on arrive à la dizaine de responsables qui n’ont pas souhaité répondre aux interviews. C’est également amusant de présenter ce film réalisé par Charles Ferguson avec Christine Lagarde, DSK, et Matt Damon aux commentaires d’une réalité cruelle. Nous ne sommes pas vraiment à l’intérieur de ce boulot, c’est une suite d’entretiens, mais celui qui interroge est plus pugnace que les larbins de chez nous, sans la verdeur d’un Michael Moore ni la pédagogie d’un Al Gore dans « Une vérité qui dérange », ses interlocuteurs voient leur mauvaise foi révélée, leurs affirmations fausses débusquées.
Parmi mon lot d’incertitudes, j’ai quelques constantes comme celle de militer contre le cumul des mandats ; dans ces milieux de la finance, le mélange des genres, les conflits d’intérêt entre universitaires, politiques et autorité d’irrégulation sont une raison d’être.Ils vont même jusqu’à jouer contre leurs clients.
Entre Wall Street et Washington c’est la ligne directe : les conseillers sont les PDG de ces banques qui se gavent encore et encore depuis les dérégulations de Reagan jusqu’à - eh oui - Obama.
Rappel : l’Islande était un paradis, après un épisode de libéralisation sauvage, elle a été le lieu premier de la révélation d’une crise qui a été plus grave que celle de 29.
« 2,7% des américains vivent sous le seuil de pauvreté : 37 millions de personnes »

mardi 23 novembre 2010

La vie d’Augustine.#3

Je suis entrée à l’école à 6 ans. Cela a été une grande joie pour moi d’apprendre à lire et à écrire. J’y mettais tout mon cœur car je voulais devenir institutrice.
Dans nos jeux nous jouions souvent à ce que nous voulions faire plus tard. Comme c’est bizarre qu’à cette époque on n’avait aucune possibilité de faire des études.
Les quelques institutrices que j’ai eues, je les trouvais déjà âgées.
Peut-être mon imagination d’enfant ?
Le matin on nous faisait d’abord une leçon de morale avec tout ce qui s’en suit. Je trouvais cela très bien car nous étions de petits diables.
Vers l’âge de 10 ans j’ai eu une institutrice qui m’a prise en affection : elle avait peut-être pitié de ma maigreur. Elle habitait dans l’école. Elle me demandait de venir un peu plus tôt le matin et me conduisait chez elle devant un grand bol de lait sucré et des tartines beurrées avec de la confiture. Il ne fallait pas surtout que j’en parle et je m’en gardais bien. Mais Nana a fini par avoir des doutes !
Tous les ans il y avait la fête des écoles. On chantait, on dansait.
Il y avait une sorte de loterie. Le dispositif comportait deux poteaux auxquels était fixée une corde. Les institutrices accrochaient des cadeaux, récupérés auprès de bénévoles, à ce fil. On nous mettait un bandeau sur les yeux. On nous laissait à 7 ou 8 mètres : avec des ciseaux on essayait de couper les ficelles auxquelles pendaient les cadeaux. Une institutrice m’avait mise au courant, me signalant la ficelle que je devais couper. C’est elle qui nous mettait les bandeaux pour sa classe. Naturellement j’avais un œil qui voyait un peu. J’ai fait celle qui hésitait pour ne pas semer le doute. Mon paquet était le deuxième à droite : il y avait un cadeau pour chaque enfant.
Je suis partie avec mon paquet à la maison et quand le l’ai ouvert j’ai trouvé une belle robe bleu marine avec un col blanc. Je m’en souviendrai toujours car je portais les restes de mes sœurs aînées et des fois on avait des colis pour les familles nombreuses. De la Croix Rouge probablement.
Les tabliers noirs étaient obligatoires. Les nôtres étaient tout simples, parfois trop grands, parfois trop petits.
Dans le nombre, il y avait des enfants plus riches, eux étaient plus coquets. Nous, on s’en fichait bien.
Il y avait une école de bonnes sœurs plus bas que la nôtre. C’était pour les classes supérieures, les enfants des commerçants. Mais ils n’apprenaient pas mieux que nous. C’était beaucoup de prières, matin, midi et soir !

lundi 22 novembre 2010

Lost person area

Les titres de film sont désormais en anglais, celui-ci convient tout à fait à la description d'un no man’s land. Allure de western sur un chantier où s’achemine l’électricité vers nos villes pour ce film belge de Caroline Strubbe. Seuls des pylônes ponctuent un paysage absent, la lumière des baraques signale un brin de vie, de bruit, de chaleur furtive. La violence du travail électrise les rapports familiaux où les adultes en déplacement ne trouvent pas leur place. Une enfant dispose ses petites pierres poétiques mais elle est abandonnée des grands. Un sentiment de malaise m’a poursuivi une fois le drame accompli. « Tape-la, tord-lui le cou, et dis-lui au revoir » chante la petite.

dimanche 21 novembre 2010

Les"pains-coings"

Elisabeth avait contribué à ce blog avec la recette d ‘une terrine de lapin qui est une des pages des plus visitées; elle suggère cette recette pour utiliser ces fruits qui sont le parfum de l’automne :
« On prend des coings parfaitement sains, on les lave, on ne les épluche pas, on coupe un peu le haut et le bas, pour qu'ils tiennent debout, on prépare une pâte à tarte, on la découpe en carrés - ou ronds ou ovales - on pose un coing entier sur chaque morceau de pâte, on referme bien en " collant la pâte " pour que ce soit pas hermétique, mais presque et on met au four pendant 40 à 45 minutes. Et on déguste tiède. On n'ajoute pas de sucre, le coing en contient assez. Bon appétit ! A bientôt. Elisabeth. »

samedi 20 novembre 2010

Vous dites grandir. Albert Thierry.

Sous sa couverture de papier cristal, avec des bords de page irréguliers, ce livre offert, édité par la maison « L’amitié par le livre », a tous les charmes. Il s’agit d’un recueil d’écrits pédagogiques, de contes, de poèmes parus dans des revues, celles de Péguy ou « La Vie Ouvrière » de Monatte, voire extraits d’un ouvrage intitulé « l’homme en proie aux enfants » ou « le sourire blessé » qui ne positionnent pas cette compilation dans la bibliothèque rose ni au rayon rigolade. Bien que l’humour affleure parfois : « Ce misérable mange donc du papier ? Il parle comme une affiche ». Mais en tous cas c’est un bel ouvrage où la présence de la nature est forte. « Seuls les sapins demeuraient impénétrables : leurs pyramides opaques faisaient des torches de ténèbres ; et l’on pensait involontairement, puisqu’ils noircissaient déjà le jour, que c’étaient eux qui devaient répandre la nuit. »
Et lorsque l’instituteur syndicaliste caractérise un de ses élèves en « regardeur de nuages », sûrement en était-il, lui, de cet enfant qu’il recherche avec application dans sa vérité d’enseignant. Si ses poèmes, où il se voit« assaillis par les hyènes », me semblent trop exaltés, il est intéressant de mesurer le temps qui nous a éloignés de ces fratries penchées sous la lampe, avec des enfants qui parlent comme des livres. La proclamation de l’amour dans la relation pédagogique est incongrue aujourd’hui où le mot pédophile est plus usité que celui de pédagogue. Les souffrances d’Albert Thierry peuvent paraître surjouées alors que ses écrits depuis les tranchées de la première boucherie mondiale sont distanciés. Il mourra au front. Les dilemmes de celui qui risque de sortir de sa classe sociale en paraissant obsolètes, confirment la perte de dignité des classes populaires : l’arrivisme individuel serait l’autre nom de l’ascenseur social. Les parfums du passé ont des séductions faciles dans les décombres présents mais une fois refermé l’ouvrage moelleux et parcourant un article du Libé du jour concernant une danseuse, Germaine Acogny : « la pédagogue ne forme pas des petits Acogny mais des personnalités », j’avais compris qu’il en était de même pour Albert Thierry, fiévreusement. " Je consens que des idéaux de ma jeunesse vous fassiez un fumier pour les vôtres."

vendredi 19 novembre 2010

Culture, qu’attendre du numérique ?

Le meneur de jeu au forum Libération en interpelant Bruno Racine le président de la BNF(Bibliothèque Nationale de France) sur la numérisation des œuvres écrites risquait de restreindre le débat, mais la finesse du débatteur partagée avec JL Martinelli directeur du théâtre des Amandiers, permettait d’aller au-delà de cette question.
La fréquentation des œuvres rares est décuplée par Internet et le spectacle vivant recherché encore plus par les spectateurs les plus connectés. La pérennité des productions sur support numérique est problématique, pourtant ce mode préserve les ressources de la planète.Le jour où les chinois atteindront la même consommation de papier que les japonais, la production mondiale n’y suffira pas.
Autre chiffre vertigineux : Google c’est 14 million de clics par seconde.
Il est indéniable que la révolution d’Internet est un progrès capital, sa diffusion est instantanée et universelle, et le pari sur l’intelligence collective a été une avancée fondamentale.
Pas plus que la radio, la télévision n’a annulé les formes culturelles précédentes, reste la hiérarchisation des biens de la pensée qui ne sera pas décrétée du haut d’une chaire.
Les critiques de théâtre en particulier ou celles des romans sont assez conformistes, à mon avis, contrairement au cinéma où les commentaires prospèrent;un symptôme préoccupant qui attesterait que ces domaines ne sont plus l’objet d’enjeux essentiels.
La mise en commun tourne parfois à la banalité et le grand nombre ne fait pas émerger forcément l’originalité, le singulier ; encore que sur le plan musical, des pépites courent le web - parait-il.
Les producteurs généralistes de pensée que sont les journaux sont menacés et spécialement les pages culturelles et les critiques.
Est-ce que le contenu est défini par l’outil ?
Comment garder l’autonomie de production quand ils dépendent des moyens de diffusion ? Comment vivre de son activité intellectuelle ?
Nous participons à un autre monde. Un dessin du "Canard" de cette semaine.

jeudi 18 novembre 2010

Jean Dieuzaide

Jean « Dieu z » comme dit Michel Tournier dans la préface du livre consacré au photographe gascon : « Un regard, une vie ». L’octogénaire disparu en 2003 a contribué à sortir la photographie des arts mineurs : « école du regard, qui redouble le monde sous nos yeux pour mieux le faire comprendre ». Si sa gitane au regard fier qui donne le sein était accrochée à ma mémoire, c’est la diversité de ses productions qui est remarquable. Ses reportages, ses paysages du Lauragais avant les « vus du ciel » d’Arthus Bertrand, ses portraits, ses images industrielles et ses architectures jouent avec la géométrie par des cadrages inédits et rigoureux. Ses natures mortes élégantes et mélancoliques recèlent quelques pépites colorées d’autant plus éclatantes que le noir et blanc fut sa couleur tout au long de sa traversée du siècle.

mercredi 17 novembre 2010

Par avion. Sempé

A New York Jean Paul Martineau pose son regard, loin des nappes à carreaux du bistrot où monsieur Lambert le parisien avait ses habitudes : dans Manhattan, on mange sur ses genoux ou alors on se fait livrer des repas chinois à domicile. Et pourtant sur la couverture c’est un french cuistot avec sa toque et son petit vélo, le panier de légumes sur le porte-bagages qui est le seul vivant au milieu des gratte-ciels plongés encore dans la nuit. Les chapitres mettent en scène des précieux ridicules du côté de central Park « il existe encore des femmes comme ça ! », la convivialité artificielle à coup de « keep in touch » (Garder le contact), ou l’esprit positif surjoué des américains fussent-ils bobos
« C’est dans la poche ! »
Sempé garde son vélo pour saisir cette humanité qu’il regarde toujours avec tendresse.
Aussi pertinent au pied des buildings qu’au bord des murettes des pavillons de banlieue.

mardi 16 novembre 2010

La vie d’Augustine.#2

Et puis il y a eu les bombardements des mines. Le plus affreux c’était la nuit. Un jour, il est tombé un obus en haut de notre rue en plein milieu. Les vitres et portes ont volé en éclats. Comme les maisons du coron se soutiennent les unes les autres, elles ne sont pas tombées. Une petite fille qui était assise devant sa porte a disparu : on n’a jamais retrouvé son corps.
Les obus tombaient dans les jardins. Sitôt l’alerte, mon frère Arthur nous prenait, une sur son dos, l’autre devant et on partait se mettre à l’abri. Mon père n’a jamais quitté la maison. Il ne voulait pas non plus que l’on emmène Lucienne qui couchait dans la chambre de nos parents. Lui, étouffait dans les abris ! Pauvre père ! C’est lui qui gérait tout car notre mère ne savait ni lire ni écrire et chez les commerçants elle se faisait toujours avoir. Mon père l’appelait « sans bile » ce qui signifiait sans responsabilité.
Elle nous tenait bien propres : une fois par semaine, aidée par mes aînées, elle nous donnait un bain dans un demi tonneau. On faisait chauffer l’eau dans de grandes lessiveuses. C’était la même chose pour mes frères quand ils rentraient de la mine. Ils étaient si noirs et il n’y avait pas de douches à la mine. On avait une réserve d’eau dans un grand tonneau pour récupérer l’eau de pluie avec laquelle on faisait la lessive ce qui nécessitait moins de savon.
On avait une petite remise dans le jardin. C’est là que qu’on se nettoyait comme beaucoup de grandes familles. Il y avait un petit poêle à charbon.
Pour se chauffer, les mineurs avaient droit à du poussier c'est-à-dire des débris et poussières de charbon. L’hiver on était livré par quinzaine et l’été chaque mois. Un tombereau tiré par un cheval déversait le poussier devant la maison. Nous le poussions vers le trou de la cave. Il fallait le faire dans les deux heures qui suivaient la livraison. Pour nous éclairer nous avions les lampes à pétrole.
Les corons étaient construits en briques rouges qui devenaient marron puis noires avec le temps. On mouillait le poussier pour en faire des sortes de briquettes. Il fallait une bonne braise pour que le poussier s’enflamme : on perçait un trou au milieu de la briquette pour faciliter. Nous avions des poêles adaptés à ce genre de combustion.
On les importait de Belgique. Ils étaient larges devant avec une grille plus bas pour poser et chauffer les pieds. Mon père s’occupait d’entretenir le poêle l’hiver.
On était tous réunis et heureux d’être ensemble : c’était quand même une belle vie. On appréciait les bons moments de la vie quand il y en avait !
L’électricité n’était pas pour nous..

lundi 15 novembre 2010

Les rêves dansants sur les pas de Pina Bausch.

Quel beau cadeau, à bénéfice réciproque, ont pu offrir ces adolescents à Pina Bausch pour son ultime spectacle ! La bienveillance des répétitrices permet à la fraîcheur de la jeunesse de réinvestir des émotions passées de la créatrice. Les répétitions pour dégauchir les gestes amènent au dépassement de chacun, avec son histoire singulière : work in progress. Des moments de grâce. Au-delà d’une technique, d’une posture, une monitrice qui a créé un personnage doit transmettre son savoir à une jeunette déjà blessée par la vie. L’ambiguïté de la relation est dépassée par la générosité des unes et des autres. Le film aborde bien des complexités et rend la dynamique de l’art de la dame de Wuppertal dont le visage émacié s’éclaire quand elle parle de Paris. L’impassibilité qui est demandée souvent aux acteurs donne alors du prix à son sourire. Les jeunes n’ont pas besoin d’être très maquillés, leurs pommettes rosissent aux premiers pas. Cette pièce dansée s’appelle Kontakthof, la chorégraphe dit : « Kontakthof est un lieu où l’on se rencontre pour lier des contacts. Se montrer. Se défendre. Avec ses peurs. Avec ses ardeurs. Déceptions. Désespoirs. Premières expériences. Premières tentatives. De la tendresse, et de ce qu’elle peut faire naître. » Exactement. La vie dansée.

dimanche 14 novembre 2010

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L’espace gris bleu de la scène du petit théâtre de la MC2 s’ouvre au-delà d’un asile qui serait situé dans une île : nous sommes avec trois hommes et deux femmes dans cette aire à parler du temps pour nous rassurer, à nous appliquer à trouver un cousin qui a vécu la même chose, à vitupérer, à regarder le monde, à débarrasser des chaises. La causette pour se recoudre. J’essaye d’éloigner un romantisme indécent fasciné par la folie parce qu’elle irait au-delà des convenances, des apparences. Je me suis senti concerné par cette mise en scène de Chantal Morel d’une pièce de David Storey adaptée par Duras. Beckett ou Ionesco peuvent être convoqués, mais les personnages ne m’ont pas parus comme des véhicules d’une conversation philosophique, leur fragilité m’était proche. « Comment avoir le temps d’avoir un passé ? » peuvent-ils se dire, eux qui cherchent à l’enfouir ce passé et se le jettent au visage, en remplissent des mouchoirs.

samedi 13 novembre 2010

Y a-t-il un bon niveau d’inégalité sociale ?

Avec un tel titre, la dernière livraison de « Books » avait de quoi appâter l’amateur de journaux. Ce mensuel parle de livres du monde entier, en choisit des extraits comme Courrier International avec les journaux. Sa couverture reprend un Marx à lunettes de soleil, imité de l’atelier Grapus qui annonçait ainsi une fête de l’Huma il y a quelques décennies.
D’autres titres m’ont aussi accroché : « Badiou et Finkielkraut, archaïques » « que vaut le vote de l’ignorant ? », mais je suis méfiant ne voulant pas retomber dans ma déception avec l’hebdo Marianne et ses titres racoleurs pour des articles décevants.
La page 2 est apéritive avec un sommaire original, composé de phrases extraites des articles: « le mathématicien extraverti est celui qui regarde vos pieds quand il vous parle ».
« Nous ne voyons pas ce que nous ne cherchons pas ».

Les rubriques habituelles sont toujours aussi intéressantes : cette fois la liste des best sellers en Chine, où en marge des guerres napoléoniennes, un livre anglais sur des bandes de brigands qui semaient la terreur de l’Espagne à la Calabre.
Concernant le dossier sur les inégalités, je suis resté sur ma faim. Ce ne sont pas les histogrammes qui manquent, mais les articles contradictoires mettent en doute les interprétations des données statistiques, à qui l’on fait dire ce que l’on veut, ou l’on tait des évidences ou des paradoxes qui voient que dans certains pays les plus égalitaires, le taux de délinquance est le plus élevé. Cependant le livre « The spirit level » « Le bon niveau », pourquoi les sociétés plus égalitaires font presque toujours mieux, est stimulant et Hervé Le Bras, qui est interviewé, voit la nature de l’état providence déterminante pour le bonheur des citoyens en rappellant que :
« La France est par excellence le pays intermédiaire de l'Europe où les traditions du Nord (héritage égalitaire, droit coutumier, égalité des sexes, exogamie, pouvoir des jeunes) rencontrent les traditions du Sud (héritage inégalitaire, droit romain écrit, séparation des sexes, endogamie, pouvoir des vieux). »
Ils parlent aussi de Wikileaks qui prétend combattre pour la transparence mais cultive le secret.
Le monde est ben compliqué, ces 100 pages ne le rendent pas plus simple, mais apportent d’autres éclairages, loin des larbins du 20h.
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L'association "Grain de sable-Graine de sagesse" réalise un mandala de sable pour SAKINEH condamnée à mort par lapidation en Iran au Gaia-store 6 rue Alsace Lorraine Grenoble
du lundi 15 novembre au samedi 20 à 18h où il sera dispersé.