Spectacle hors norme : 8h de théâtre, avec les
entractes. Nous avons passé notre dimanche à la MC 2 de 11h du mat à 11h du
soir, pour assister à l’adaptation du
livre, lui aussi fleuve, de l’espagnol Roberto
Bolaño.
Communiants dominicaux, en bons fidèles du culte
culturel, qui nous emmène de l’Europe au Mexique, des narcos aux nazis, nous
pouvons mettre en perspective nos préoccupations d’ici et maintenant.
Nous avons tout le temps de nous enthousiasmer et
d’être agacés, de recevoir les musiques à l’estomac, les images au plexus, de
divaguer, d’être interpellés, d’être estomaqués, chamboulés.
Sous les brillantes lumières, les 16 acteurs de la
compagnie « Si vous pouviez lécher mon cœur » sont vraiment
performants.
Un puzzle se reconstitue habilement, tout en
laissant des incertitudes, revisitant prestement quelques genres théâtraux:
vaudeville, thriller, témoignage, poétique, symbolique, philosophique…
Qu’est ce qui lie Archimboldi écrivain connu
seulement d’un petit cercle universitaire aux femmes tuées, torturées pendant
des années au Mexique ?
« Personne n’accorde
d’attention à ces assassinats, mais en eux se cache le secret du monde»
Benno von Archimboldi est la deuxième identité d’Hans Reiter, né d’une mère borgne et d'un père boiteux, et il n’est pas le seul personnage de cette fresque gigantesque mettant en scène policiers, journalistes, intellectuels, soldats… notre histoire, notre monde, nous-mêmes.
Benno von Archimboldi est la deuxième identité d’Hans Reiter, né d’une mère borgne et d'un père boiteux, et il n’est pas le seul personnage de cette fresque gigantesque mettant en scène policiers, journalistes, intellectuels, soldats… notre histoire, notre monde, nous-mêmes.
Qui sommes nous face à l’indicible, fut-il hurlé ?
Nous remontons aux sources du mal, sans nous
effrayer de ce terme trop absolu et n’avons qu’à nous recroqueviller dans notre
fauteuil. Nous sommes dans la position de ces intellectuels tellement en dehors
des coups, présentés dans leur vaine quête de l’identité de ce maudit écrivain,
et subissons la litanie des crimes les plus horribles, présentés avec une telle
efficacité qu’il vaut mieux mettre sa capuche de pseudo critique sur la tête
plutôt que de crier : « stop ! » en risquant de se mêler à
la représentation.
Les écrans ont envahi les plateaux depuis des
années, mais ici la vidéo permet au spectateur de ne pas rester captif de
l’admiration à l’égard des performances des acteurs.
La mise en scène met en valeur la qualité
littéraire du texte, et matérialise la luxuriance des sujets abordés jusqu’au
« too much ».
« Les étoiles
sont apparence, de la même manière que les rêves sont apparence. De telle sorte
que le voyageur de la route 80 dont un pneu vient d'éclater ne sait pas si ce
qu'il contemple dans l'immense nuit ce sont des étoiles ou bien, au contraire,
des rêves. »
Le metteur en scène qui nous avait épaté déjà a
doublé la mise :
Rendu à reconnaître qu’un compte rendu dans le registre de
l’artistique n’est pas suffisant, c’est toute une idée ( noire) de la (pauvre)
condition humaine qui est interrogée et ce reflet (ignoble) pisse le sang.
L’amour est morte, la bonté, la beauté brûlent dans les décharges, tripes à
l’air.
« De 1993 à 2013,
1441 meurtres de femmes ont été commis à Ciudad Juarez, selon le centre
universitaire Colegio de la Frontera Norte »