samedi 5 décembre 2015

Les eaux troubles du mojito … Philippe Delerm.

… et autres belles raisons d’habiter sur terre ».
Depuis deux décennies que la première gorgée de bière est venue nous enchanter, l’écrivain de proximité s’envoie des Spritz à Venise et des mojito qui s’approchent de la tisane pour ce qui est du chapitre consacré à l'apéro à la mode.
Les touches plus mélancoliques de ces 127 pages me conviennent et je partage volontiers son émotion de voir son petit fils en train de lire ou les délices d’un soir d’été :
« … pour profiter vraiment d’un soir d’été, il faut que vienne au cœur l’idée de sa fragilité, la sensation qu’on le vit pour la dernière fois. »
Sa belle mère ne sait plus qu’elle a un mari :
« elle sait ce que c’est d’être aimée. Elle sait ce que c’est d’avoir des photos. Elle est heureuse de venir s’asseoir près de cet homme dont elle n’avait plus la moindre conscience cinq minutes auparavant. Elle fredonne l’impromptu de Schubert, et on s’étonne de cette incroyable mémoire des mélodies, des chansons. »
« La neige écarlate » d’une pastèque au «  goût transparent » : Delerm est un exhausteur de goût, qui nous réconcilie avec la danse quand est dépassée la honte de si mal danser, qui nous fait réviser les plaisirs d’une averse, de s’attarder sur la plage, d’un calicot dans le ciel à la remorque d’un ULM, ou apprécier une aire de pique nique sur l’autoroute.
Il était fait pour parler des cadenas du Pont des arts, des contre jours du jardin du Luxembourg, d’être vendeur dans une brocante, des musiciens de hall de gare, saisir les sourires d’un adepte du SMS, la voix de Philippe Noiret dans «  La vie et rien d’autre », quant à croquer dans un navet cru…
Ses souvenirs de bandes dessinées : Assurancetourix, Tintin, Blake et Mortimer, conviennent bien à son univers où les lignes sont claires, même si pointent des contrariétés, lors d’échanges aigres doux dans le métro ou le départ à l’entracte au cours d’un spectacle.
«Tendre est la vie cruelle »
Mais « on », dont il abuse, peut savoir prendre du bon côté une grève à la SNCF, la restriction du voisin : « c’est Guignolet ou rien ! », la réunion de co-proprioétaires qui n’a pas atteint le quorum ou n’avoir une place qu’au troisième balcon de la salle de spectacle.

vendredi 4 décembre 2015

Guère.

Cette semaine je ne vais pas recueillir sur mon clavier les rumeurs d’un Paris « ensangloté »,
ni  celles d’un « sommet climat », depuis le ravin où nous avons versé.
Nous avons vu bavarder Obama in Paris, que nous avions tant aimé, et Hollande qui  nous avait épargné le pire en son temps. Nous ne les croyons plus guère.
« Guère » : la formulation est prudente, parce que nous sommes au cœur du problème majeur de la crédibilité des politiques qui nous mettent le rouge au front. Guerre.
Je ne m’avance pas plus loin  dans la compilation de quelques bons mots sur des enjeux si grands, alors que les passivités inciviques quotidiennes rejoignent le manque de courage de ceux que nous avons mérité aux manettes.
Comment ne pas refroidir les électeurs quand il s’agit de réchauffement climatique ?
Alors je reviens à cette école dont on attend tout et qu’on n’entend plus.
Pour avoir évoqué imprudemment dans quelque conversation le terme « conseiller pédagogique », me fut rappelé que je venais d’un autre temps.
Aujourd’hui la hiérarchie ne cache plus ses prérogatives de donneurs d’ordre : 
« Fonctionnaires, vous êtes là pour obéir ! ».
Si bien des contempteurs de la fonction publique peuvent se réjouir de ce gage formel d’efficacité, les pédagogues regretteront le temps de la responsabilisation. Ceux qui étaient sur le terrain étaient respectés.
La « rebélitude » est une valeur distrayante pour les animateurs radiophoniques, Pigasse et autres conseillers ministériels en « milieu  aquatique profond standardisé ». Mais les profs en formation sont rappelés à l’ordre, s’ils s’inspirent  quelque peu d’élèves rétifs tant protégés qui mettent en l’air leurs classes de trente. Ces mal élevés bénéficient de toutes les attentions que n’auront pas les timides, les gringalets. Ils dictent leurs principes au groupe sans avoir besoin d’être explicites. L’esbroufe suffit pour asseoir le pouvoir des plus grandes gueules. Il faut favoriser l’oral.  La vérité des cours de récréation déborde dans les cours à l’instar de tous les arrogants des plateaux télévisés jusqu’aux tout puissants à kalachnikovs.
Bien malveillant serait celui qui s’oppose à cette loi du plus fort, plus attentatoire aux libertés de chaque adolescent que la parole d’adultes sommés de s’écraser et qui d’ailleurs n’émettent plus guère.
Les médias se sont-ils fait l’écho de réticences des profs envers les EPI « enseignements pratiques interdisciplinaires »  au collège ?  D’ailleurs les évaluations sur le dispositif équivalent au lycée installé par Luc Chatel n’ont pas été divulguées.
Les cycles inscrits sur le papier depuis Jospin mais qui avaient peu de réalité sont réactivés avec la difficulté supplémentaire de regrouper  CM2 et 6°, école et collège.
La concertation, qui a déjà bien du mal à exister autour de domaines interdisciplinaires tels que l’histoire des arts, est invoquée pour donner des idées au ministère.Le mammouth a du mal à masquer le mépris envers les personnels sous la brosse à reluire médiatique : les soutiers ne marchent pas dans la combine, hormis quelques aspirants à plan de carrière loin des élèves.
Quant à la satisfaction concernant une baisse du nombre de décrocheurs il faut savoir que certains jeunes inscrits ne suivent pas une scolarité comme les autres : dispensés de certains cours, ils sont bien gardés et les statistiques impeccables. Leurs camarades apprennent ainsi  à mesurer la distance des mots aux actes en vivant cette diversité de traitement dans les établissements dit d’enseignement qui s’apprêtent à concurrencer les MJC sur le plan de l’animation.
Depuis longtemps leurs professeurs savent bien la distance entre des programmes aux ambitions démesurées, et les résultats sans cesse en progrès à des examens aux notes arrangées. 
Les promis au chômage à bac + 5 sont de plus en plus nombreux.  Et ça passe.
Dans le genre démagogie, Alphonse Allais avait bien vu :
« Il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable »
Tout le monde demande une baisse de la contribution au collectif: à droite tous.
Et portant par atavisme, légitimisme, au pays de Macron et de Belle Kasem, je vais voter Queyranne, par charité.
Ce n’est pas lui qui fait les programmes et Hollande a été à la hauteur après tout ce bataclan. Je ne vais pas quand même laisser une chance au Buissonien Wauquier, directement ou indirectement ! 
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Le dessin en tête est paru dans courrier International, dans Caijing Magazine ( Pékin) et  le dessin ci- dessous dans Le Point.

jeudi 3 décembre 2015

Première biennale d’art contemporain. Grenoble.

Le titre de cette rencontre d’une trentaine d’artistes à l’ancien musée de la place Verdun est quelque peu usurpé. Au moment où se tient à Lyon la 13° biennale d’art contemporain, cette initiative dans la capitale de la noix (verte) fait un peu copieur pâle. A l’image d’une politique culturelle aléatoire, voire pathétique quand on considère quelques prestations de l’adjointe à la culture.
L’exposition brève avait  pourtant de la tenue et ne comportait pas d’œuvre consternante comme peuvent en produire quelques artistes du ready made tout autant contemporains des contemporains de leur époque, mais participant à un courant  éclectique souvent électrisant. 
Hanna Chroboczek en était une organisatrice et ses personnages aux airs pas si sereins qu’au premier abord nous ont accrochés.
Un certain parfum de contes à la mode russe flottait d’ailleurs dans la galerie aux boiseries III° république avec Tatiana Samoïlova et Barbara Gebarzewski.
Nental et ses collages sous plexiglas,  nous a sauté aux yeux et tapé aux émotions.
Nous étions là à l’invitation d’un des régionaux de l’étape, Joël Bressand, dont nous aimons les compositions élémentaires avec des matériaux de récupération. Les yeux rouges de son loup en capsule de bière sont bien aussi éloquents que ceux qui ont exploité avec une emphase un peu convenue le thème de la douleur  autour du sujet imposé : le petit chaperon rouge.
Des émules de Basquiat, Rodko, des expressionnistes allemands, se  sont retrouvés pendant quatre jours avec de bons dessinateurs genre BD parmi quelques figurines en papier mâché qui donnaient des allures artisanales aux présentations. Des calligraphies m’ont séduit, ainsi que Jean Kiboi dont la diversité des matériaux et ses trouvailles l’inscrivent dans la lignée des artistes « singuliers ».
Cette appellation plus modeste aurait mieux convenu à mon avis à cette première sous des coupoles poétiques qu’il serait dommage de laisser se détériorer.
Le beau magazine « Beaux quartiers », dont le titre est  malheureusement déplorable, assurait un agréable livret d’accompagnement délivré de tout blabla suranné propre aux modernes contemporains.
Pas de quartier ! Vive les bas quartiers ! 

mercredi 2 décembre 2015

Radicondoli.

En venant en Toscane http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/09/toscane.html  pour deux semaines, nous n’avons pas épuisé toute la diversité des lieux, en particulier la bordure maritime avec Côte d’argent et Monte Argentario. Nous avons fait l’impasse sur Pise et ignoré l’Ombrie dernière destination à la mode.
Installés en face du charmant village de Radincondoli à proximité du hameau de Belforte, nous étions dans les monts métallifères où parmi les forêts denses nous apercevions les édifices des captages géothermiques.
Les belles fermes, les villages bien conservés de ce puzzle de pittoresques vallées tel le Valdimerse ne manquent pas.
Dans le genre qui stimule l’imagination, l’abbaye de San Galgano  a le charme des ruines où se devinent un cloitre, la salle du chapitre et quelques murs de l’église datant du XII° siècle.

mardi 1 décembre 2015

Un piano. Louis Joos.

Autobiographie en noir et blanc.
Les dessins d’une belle énergie tracés à l’encre de Chine vont bien à cette histoire du temps des transatlantiques et du jazz.
L’esthétique recolle des chapitres un peu décousus et ces histoires de loups, de steward, d’un père et de son fils, New York, les beaux arts…
« It was Fine. »

lundi 30 novembre 2015

Les cowboys. Thomas Bidegain.

Il ne suffit pas d’un titre pour percevoir le souffle chaud du western alors que ce premier film en chapeaux adéquats est mu par des décisions carrées qui sont souvent la loi du genre.
Pourtant un père, à la recherche de sa fille convertie à l’Islam ayant mis les voiles vers tous les Afghanistan et Pakistan réunis, avec rien qu’un bandana en souvenir, traite d’un sujet déjà brûlant il y a quelques mois lors de sa présentation  à Cannes.
Les maladresses de ce père, François Damiens, et celles du fils, Finnegan Oldfield, lui succédant ne mettent pas forcément le spectateur de leurs côtés.
Leur violence contre productive, leur agitation dépourvue de réflexion, s’ajoutent aux invraisemblances d’un scénario finalement convenu, tourné avant que le sujet ne soit un marronnier- et c’est son mérite - avec costumes factices sur fond de belles images.

dimanche 29 novembre 2015

L’avare. Ludovic Lagarde.

A Molière, on peut tout lui faire, il est éternellement drôle et juste, profond.
« Hé quoi, charmante Élise, vous devenez mélancolique, après les obligeantes assurances que vous avez eu la bonté de me donner de votre foi ? Je vous vois soupirer, hélas, au milieu de ma joie ! Est-ce du regret, dites-moi, de m’avoir fait heureux ? Et vous repentez-vous de cet engagement où mes feux ont pu vous contraindre ? »
L’adolescent, le casque sur les oreilles, qui était devant nous à la MC2 a été saisi dès la première scène où Valère et Elise sortent d’un placard le pantalon sur les chevilles. Au bout de deux heures trente, il a applaudi longuement comme tout le monde, alors que ce n’était pas gagné, un samedi soir avec les parents pour une pièce du patrimoine.
« Vous êtes la fable et la risée de tout le monde, et jamais on ne parle de vous, que sous les noms d’avare, de ladre, de vilain, et de fesse-mathieu. »
Je n’ai pas perçu avec autant d’évidence que certains critiques interprétant Molière comme un visionnaire critique du culte de l'argent « dieu futur du capitalisme ».
« Vos chevaux, Monsieur ? Ma foi, ils ne sont point du tout en état de marcher : je ne vous dirai point qu’ils sont sur la litière, les pauvres bêtes n’en ont point. »
Le vieil avare même rajeuni, n’est pas le seul commandé par l’argent.
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » pour citer un autre Grand d’un siècle sous le soleil, La Fontaine et ses animaux malades de la peste.
Laurent Poitrenaux, le remarquable acteur incarnant Harpagon est bien trop dérangé, paranoïaque, psychopathe, effrayant, violent, ridicule, pathétique.
« ll se dépense jusqu’à la ruine ».
Toutes les propositions de mise en scène sont cohérentes, caméra de surveillance et entrepôt affairé. La litanie habituelle des prétendants au dépoussiérage des œuvres classiques n’est pas de mise : aucune poussière, ni gadget inutile.
« Vous, Brindavoine, et vous, La Merluche, je vous établis dans la charge de rincer les verres, et de donner à boire ; mais seulement lorsque l’on aura soif, et non pas selon la coutume de certains impertinents de laquais qui viennent provoquer les gens, et les faire aviser de boire, lorsqu’on n’y songe pas. Attendez qu’on vous en demande plus d’une fois. »
La farce est toujours là et l’alacrité,
« Votre fluxion ne vous sied point mal, et vous avez grâce à tousser. »
la noirceur aussi, la folie, la souffrance et l’amour, même si les femmes sont maquillées le plus souvent en cagoles.