jeudi 25 décembre 2014

Guiseppe Penone. # 2

Comme il le fit avec Polke http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/11/polke-sigmar.html , le directeur du Musée de Grenoble, Guy Tosato a fait part aux amis du musée, avec finesse et pudeur, de sa connaissance intime avec l’éminent sculpteur en place jusqu’en février place Lavalette.
Une page ayant été consacrée sur ce blog à Penone lors d’une riche visite dirigée par Etienne Brunet http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/12/penone-musee-de-grenoble.html, j’éviterai les redites.
Quelques mesures mélancoliques du fameux trio de Schubert en ouverture ont permis par leurs rythmes, d’évoquer l’instinct de vie se dégageant de l’œuvre de ce fils de paysan né en 1947 à Garessio, dans le Piémont. Il n’oubliera pas les techniques apprises lors de son passage à l’académie des beaux arts de Turin mais se défera de tout académisme en retournant travailler dans la nature, sa grande inspiratrice, qu’il continue d’approcher d’une façon très physique.
 Très tôt reconnu, il a été étiqueté « Arte Povera » par l’utilisation de matériaux modestes, en opposition au « Pop art » ou à l’ « art minimal » dont les artistes déléguaient leurs réalisations à la société de consommation ou à l’industrie. 

Déjà exposé du temps du musée place de Verdun, cette fois il s’agit d’un dialogue intuitif, poétique, entre hier et aujourd’hui qui éclaire la cohérence de l’artiste, la diversité des formes d’une écriture sans cesse renouvelée qui va bien au-delà d’une opposition nature / culture comme me l’ont fait remarquer quelques lecteur(e)s attentif(e)s
La première section met en valeur le toucher, primale façon d’appréhender le monde pour le nourrisson à la vue brouillée. Les gestes de l’artiste sont simples : il enserre un jeune tronc, laisse la trace de ses doigts sur la cire qui vient envelopper une branche, met une heure pour tracer le dernier cerne  des « années d’un arbre plus une ». Ses interventions sont légères, conceptuelles parfois, propices à la méditation face à la majesté de la nature, à une vision panthéiste à la mesure du temps infini des temps végétaux. 
La peau est évoquée ensuite, qui  renferme et protège les fluides, sève et sang, aux compositions si proches.
« Ce qu’il y a de plus profond chez l’homme c’est la peau »  écrivait Paul Valéry
Puis le souffle, celui de la divinité donnant la vie à partir de la terre, celui des feuilles dans un rapport consubstantiel  entre l’homme et la forêt.
Les trois règnes : minéral, végétal et animal passent de l’un à l’autre et laissent des empreintes.
Les arbres arrachés à leur devenir d’objet, réapparaissent ; le sculpteur est là pour faire advenir la forme.
Jeune homme, il avait« renversé ses propres yeux », en posant des lentilles réfléchissantes qui le rendaient aveugle ; en se tournant vers l’intérieur, allait-il voir d’une façon plus pénétrante l’extérieur ?
Quand il célèbre les arbres, il sort de la représentation, et va contre les éléments, tout contre, il les enveloppe, les manipule.
« Le sceau » qui a été présenté à Versailles dans le prolongement du grand Canal déroulait alors son tapis dans l’infini du temps et laissait imaginer, en plein air, la genèse de la planète.
Ici les traces répétitives des veines inscrites dans le marbre dialoguent avec la « peau de graphite » dont « l’obscure clarté » remonte aux métamorphoses qui firent naître le charbon à l’abri de toute lumière.
Dans une ultime intervention, Penone fige une poignée de glaise et la met en valeur dans un papier d’aluminium comme le fit Véronique et son voile pour révéler le visage de souffrance du Christ.
L’autre jour quand j’eus tourné les talons, mon petit Nino, lui  a chopé la terre des pots de fleurs dans son petit poing et l’a ingérée en un geste furtif et radical.
Penone, lui, parle de ses pierres, en exposition permanente  au musée :
 « faire une pierre en pierre, c’est la sculpture parfaite, elle redevient
nature, elle est patrimoine cosmique, création pure, la dimension naturelle de la bonne
sculpture lui donne une valeur cosmique. C’est être rivière la vraie sculpture de pierre. »

mercredi 24 décembre 2014

Iran 2014 # J 11. Kashan/Téhéran

Après un petit déjeuner dans le patio en contrebas de l’hôtel, nous attaquons les visites par notre mosquée quotidienne, la mosquée Āghā Bozorg . Elle se distingue des autres par sa porte cloutée (6666 clous autant que les versets du Coran) indestructible et sa madresseh  d’un étage en contrebas.
Construite au XVIII° siècle en briques sobres, quelques faïences aux figures géométriques simples et des peintures décoratives beaucoup plus fines l’agrémentent.
Outre ses deux minarets habituels, elle en possède deux autres reprenant les mêmes faïences géométriques mais aussi deux tours du vent pour rafraichir entre autres une citerne, preuve si nous ne nous en étions pas rendus compte de la chaleur estivale du lieu.
Vient ensuite la visite d’une magnifique maison de commerçant de l’époque qâdjâr (19° siècle) nommée maison Abbassian et dont la partie concédée aux domestiques est aujourd’hui transformée en restaurant, celui où nous avons dîné hier au soir.   
C’est un foisonnement de pièces sur plusieurs niveaux insoupçonnables de la rue car les maisons s’étagent en contrebas, cherchant la fraîcheur et la discrétion.
Tout est prévu, cuisine, buanderie, vaisselle, caves, celliers, canaux souterrains assurant la fraîcheur. Les murs de la demeure pratique et luxueuse sont recouverts de décorations en stuc. Il y a même une pièce prévue pour protéger les bijoux offerts aux femmes par les négociants reçus pour affaires et qui se reposaient plusieurs jours ainsi qu’une cour pour garer les ânes et mulets.
La splendeur s’expose à l’intérieur, vitraux, décorations délicates avec des miroirs qui remplacent faïences ou peintures, pièces comportant cinq portes pour les femmes patriciennes. On passe d’un niveau l’autre par des marches démesurément hautes et il faut veiller à ne pas se cogner la tête. Beaucoup de touristes, surtout iraniens, visitent cette demeure digne d’un roi, dommage qu’il ne reste pas plus de meubles pour la rendre vivante.
Un artisan tisse sur place des foulards et des manteaux sur un métier vieux de plus de 1000 ans et nous montre la différence entre les navettes anciennes et modernes. Nous remontons à la surface, attendus à la sortie près de la résidence des domestiques, par un verre d’eau de rose glacée qui nous permet d’affronter la chaleur de la rue. En chemin un homme nous invite à visiter la vieille maison de sa mère cachée derrière un banal mur de torchis. La demeure nécessite beaucoup de travaux de réparation,mais elle possède en contrebas un verger appréciable où un vieil homme travaille au déblaiement de matériaux.
Dans le bazar les magasins ouverts sont surtout des primeurs et des bijouteries. Nous tombons sur un ancien caravansérail magnifique transformé en marché d’antiquaires. 
C’est le même lieu que nous avons pu observer hier soir et que nous avions pris pour une mosquée désaffectée. Nous chinons, cloches et poteries.    
Nous abandonnons le bazar car les boutiques ferment rapidement pour prendre la direction de Bàgh-e-Fin, le jardin du roi.Cet endroit lui aussi très fréquenté par les touristes iraniens est cerné de voitures et de restaurants. Nous en choisissons un et assis sur des divans nous absorbons un kebab haché riz pas terrible. Nous nous promenons dans le jardin qui réunit des éléments des périodes safavide, zand et qadjare que le shah Abbas appréciait particulièrement.
Des canaux aux petits jets bouillonnants chantent gentiment et rafraîchissent les gens qui trempent leurs pieds nus, en chaussettes ou en chaussures sous les cyprès bien alignés.
Il y aussi un hammam désaffecté plein de coins et de recoins dans lequel l’empereur fit assassiner en 1852 un chancelier trop populaire.
Il est déjà 16h 30, il est temps de prendre la route de Téhéran pour un trajet de 4h.
Peu avant d’arriver à la capitale nous sommes impressionnés par le mausolée de Khomeiny, grandiose en plein travaux d’agrandissement ; Chaque anniversaire de la mort de l’ayatollah, en juin, de nombreux pèlerins n’hésitent pas à parcourir 1000 km à pied pour lui rendre hommage. Nous pénétrons dans la ville sans trop d’embouteillages, ville qui en 2006 s’étendait sur 50 km d’est en ouest et 30 km du nord au sud. Le centre ville est animé, de grandes marques s’affichent en pleine lumière : Canon, Panasonic, Samsung.
Un bazar est consacré uniquement aux téléphones portables. Nous logeons à l’Hôtel New Naderi. dans une petite ruelle calme perpendiculaire à une grande artère et nous libérons Ali notre chauffeur qui a encore une heure de route pour rentrer chez lui et Haleh qui a une réunion à 23 h ce soir. Elle nous a commandé un repas de poisson et nous remercie de pouvoir s’échapper. 
D'après les notes du carnet de voyage de Michèle Chassigneux.

mardi 23 décembre 2014

La traversée du Louvre. David Prudhomme.

Excellent, succulent, léger et original. Avec seulement quelques mots, cette promenade est enrichissante, poétique et divertissante.
Un musée ne se réduit pas à de grandes cases d’une immense BD. Il comprend  les visiteurs, des rapprochements possibles entre les silhouettes, les passions affutées au contact des œuvres, la profusion des téléphones photographiant ; et le métro à la sortie où se continue la visite.
J’ai pensé à Sempé, c’est dire mon plaisir à la vue de dessins qui emploient toutes les variétés de crayons comme pour effleurer la diversité d’une institution gigantesque avec une virtuosité qui ne se la pète pas. 
Quelques pages documentaires donnent des précisions sur le Louvre : 12 km de galeries, 9 000 000 de visiteurs par an, 2 200 agents y travaillent, 1000 km de papier toilette par mois.
La plus grande œuvre : Les noces de Cana de Véronèse : 70 m 2  .
Si on estime à 10 secondes le temps passé par œuvre exposée (35 000 sur 400 000 conservées), il faudrait plus de quatre jours et nuits pour avoir tout vu.
Quelques images subsistent après cette subtile visite, comme la foule dessinée avec le point de vue de la Joconde ou quand  surgit le cri :« ça a coupé » pour parler d’une communication téléphonique qui prend des allures fantastiques permises dans ces lieux où il est finalement courant de perdre la tête.

lundi 22 décembre 2014

A history of violence. Cronemberg.

Le titre  signifie en anglais « avoir un passé violent » ce qui  laisse deviner un déchainement de brutalités prenant d’autant plus de vigueur qu’elles s’inscrivent en milieu calme et conforme.
Vu sur un petit écran, 8 ans après une sortie célébrée par toute la critique, j’ai mesuré sa force à l’angoisse qui ne m’a pas lâchée pendant une heure et demie.
Le réalisateur canadien aborde frontalement  l’opposition entre la campagne et la ville, les organisations criminelles et la famille, la violence et l’enfance, deux frères. Mais les personnages évoluent et Viggo Mortensen est plus ambigüe qu’Ed Harris en méchant qui nous réjouit cependant quand un café -noir-demandé au bar constitue un morceau d’anthologie.
Maria Bello rejoue le temps chaud du lycée et dans l’escalier la passion sexuelle croise la brutalité.
Aux innocents aux mains sales, la rédemption sera-t-elle permise ?Quel sera l’héritage ?

dimanche 21 décembre 2014

Via Sophiatown. Via Katlehong Dance.

Nous avions tellement été enthousiastes l’an dernier http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/12/katlehong-cabaret.html que nous y sommes retournés les yeux fermés.
Mais comme cette fois le plaisir de la découverte était passé, reste un parfum de déception.
Il y a toujours des danses trépidantes, un entrain qui amène le public à monter sur la scène au moment des rappels, des voix émouvantes, de l’énergie. Pourtant j’hésite à employer ce mot « incontournable » pour tout spectacle, tant la vitalité du groupe semble s’être banalisée. 
Le son moelleux d’un saxo apporte une touche nostalgique tamisant les accents « festifs et rebelles » de la troupe qui vient de passer un an en résidence à Lyon. Des diapositives évoquent furtivement les années 50 quand Sophiatown quartier multiracial de Johannesburg était un creuset créatif et revendicatif. Les accents  de l’époque « happy Africa » ont perdu de leur virulence, les images en couleurs plus récentes paraissent affadies.
Les danseuses ne sont pas anorexiques et elles jouent bien de la cambrure, les danseurs sont épatants quand la musique est vive, quand ils se bloquent pour mieux repartir.
« Hihi ha mama, hi-a-ma sat si pata
Hihi ha mama, hi-a-ma sat si pa »
Miriam Makéba
L’an dernier claques sur les bottes et claquettes aux pieds nous frappèrent, cette fois nous avons assisté à un bon spectacle de music-hall  qui aurait gagné en intensité en allant un peu au-delà d’une petite heure de représentation.

samedi 20 décembre 2014

Almanach dauphinois 2015.

Proverbes :
« Qui n’ espère rien est capable de tout »
Conseils :
« En novembre : surveiller les vins nouveaux. Ouiller c'est-à-dire remplir les fûts au fur et à mesure que le liquide s’évapore : tous les jours pendant une semaine. »
Dictons :
« Est à la terre la gelée, ce qu’est au vieillard robe fourrée »
Blagues :
«Lors de la remise des copies, le professeur fait la remarque suivante :
- Ton voisin et toi Fafois, vous avez fait exactement les mêmes fautes.
Comment l’expliquez-vous ?
- Nous avons le même professeur m’sieur. »
La livraison du numéro annuel de la publication des 130 pages où une vieille à son rouet annonce la nouvelle année 2015 est tellement hors du temps, qu’elle peut accompagner aussi des tendances très contemporaines avec les cousinades, la prolifération des centenaires et le rappel  que l’anniversaire moderne « expression de l’individualité apparait avec l’humanisme de la renaissance, d’abord réservée à l’aristocratie, l’habitude gagne la bourgeoisie au XIX°. »
«Les cadeaux pensez-donc ! »
Plus que les rubriques consacrées au patois et ses variations :
assieds toi : « assète-te » à Vinay et « chiéta-te » dans les terres froides,
me régalent les expressions telles que « donner la main » pour aider, ou « la barôte » pour une petite charrette.
Si l’évocation d’une  vie à la campagne enfuie s’éloigne encore plus, nous pouvons cependant goûter le récit de la venue de Gambetta au théâtre de Grenoble :
«  A en croire les témoins plus qu’une ovation ce fut un délire indescriptible : la reconnaissance envers Léon Gambetta, enfant du peuple d’origine italienne devenu l’une des figures tutélaires de la république française. »
Dans la rétrospective de l’année écoulée ce n’est pas inutile de se souvenir qu’il faisait 35 degrés à Grenoble le 9 juin et cinq jours après un orage d’une rare intensité accompagné de grêle a provoqué de nombreux dégâts à Saint André Le Gaz.
Un reportage est consacré à la ville de Die construite au pied des falaises du Glandasse, place de sureté huguenote, la clairette en est devenue l’emblème, alors que ce coin de Drôme est en pointe pour les terres agricoles converties en bio.

vendredi 19 décembre 2014

Nota bene.

Sur un air aux notes nostalgiques, quelques mots sur le débat au long-court concernant les notes à l’école, en cours d’être soldé.
Dans cette affaire comme dans celle des rythmes, quand les syndicats sont absents du débat, les médias mènent la danse.
Lorsque le Dauphiné Libéré donne la parole à des passants sur un coin de trottoir, aucun enseignant n’a dû se trouver à proximité de micro du paresseux rédacteur.
Par ailleurs, le mérite des séquences des journaux télévisés de France 2 est leur côté sommaire qui ne demande aucun talent pour en déceler les grosses ficelles.
Ainsi il convient de comprendre : La notation de 0 à 20 c’est du passé : filmé en noir et blanc, un enfant en culotte courtes à la voix encore plus nasillarde qu’Elise Lucet voudrait complaire à ses parents, le pauvre ! L’avenir est à la couleur : vert, orange, rouge.
Le code binaire de la route devient le code de nos civilités simplifiées.
Comme si une note pouvait  être traumatisante si le climat de la classe est à la confiance.
Cette société rétive à la solidarité, où l’impôt est désormais si mal vu, aime se bercer parfois de compassion. Elle se voudrait du côté des découragés par l’école, des dégradés du savoir,  alors qu'elle les méprise.
Après un Téléthon qui a côtoyé un concours de miss évaluées en cm (centimètres), des potaches fatigués par leur week-end, mais très peu par les devoirs que des professeurs sadiques voudraient encore leur imposer, vont affronter quelques adultes attachés à les humilier : les profs !
C’est ainsi qu’est présenté l’enseignement qui fatigue et déprécie ses enfants.
Le temps consacré aux études diminue, l’école ne donne plus le tempo, elle  court, le souffle court derrière la dernière mode, n’ose plus rien dire. Les agences de notation notent, PISA classe, les films s’étoilent, les sondages mesurent, Zlatan avec 9,5/10 humilie se camarades, Jean Eude  lui est « en cours d’acquisition » dans bien des « domaines de compétences », heureusement en LEP  il peut grappiller deux points en français, s’il a bien rangé sa chaise  (authentique)…
Des élèves sont en souffrance, pas forcément à cause de l’éducation nationale, mais faute parfois d’éducation par des parents qui n’ont jamais envisagé de devenir adultes. L’institution  a multiplié les dispositifs aidants, de classes-passerelles en notations lissées, et bien que les valeurs attachées au travail soient discréditées, tout le monde n’accèdera pas  forcément à un poste de « Commercial » horizon de notre société, surtout pas prof!
Quand on sait toutes les potentialités d’un bébé, l’appétit des petits à apprendre et qu’on parcourt à nouveau tant de vaines querelles, vous saisit la tentation du silence, contrarié!
Et dire que c’est encore l’école privée qui va bénéficier de tous ces remèdes fallacieux !
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Pour dire mon décalage : il y a eu parait-il une circulaire envoyée aux écoles  l’an dernier pour déconseiller les décorations de Noël. Non pas la crèche, évidemment, mais le sapin et le bonhomme au bonnet rouge… même pas un petit poème. Le bonhomme de neige aurait-il besoin d’une certification ? Et on ne nous a rien dit !
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Le dessin du haut est  pris dans « Le Canard » de la semaine , celui ci bas dans « Courrier International » qui révise l’année écoulée.