Maintenant que les westerns se font
rares, dégustons celui là avec une femme
qui tient les rênes et une dimension religieuse forte. La description de la fin
des pionniers a déjà été traitée mais l’interrogation sur la perte de sens de
nos existences est toujours d’actualité. Le réalisateur a une gueule et joue le rôle de
l’accompagnateur bougon qui réserve des surprises, d’autant plus appréciables qu’il
y a une jubilation à réviser les fondamentaux du genre : chariot à
barreaux pour les trois folles à conduire des terres arides vers les salons
charitables de l’Est, colts et duels, corde au cou, incendies, chevaux, indiens peu
conventionnels, ciels magnifiques au dessus des plaines, rivières à franchir,
whisky, attrait de l’ailleurs, « Rédemption » en tant que nom de
mule, l’argent …
lundi 16 juin 2014
dimanche 15 juin 2014
Kodaly Rachmaninov Poulenc.
Sous la coupole de l’église Saint Jean dont De Gaulle
passant sur les grands boulevards en 68 s’était demandé : « Qu’est-ce que c’est que ce
machin ?» l’Orchestre Symphonique de Grenoble avec la chorale « A
cœur joie » et l’ensemble vocal de Meylan donnaient concert.
L’ampleur des chœurs et de l’orchestre ont donné une force
aux œuvres qui dépeignent pour le hongrois, la douleur de David dans le psaume
op 13 :
« Seigneur dieu,
je t’implore,
Tourne tes yeux vers
moi,
Dans ce grand besoin
Ne m’abandonne pas
Car d’une grande
tristesse
Est dévoré mon
cœur »
ou dans le Stabat Mater du français :
« Elle vit son
enfant bien-aimé
Mourant abandonné
Pendant qu’il rendait
l’esprit »
Quand l’éternelle douleur est rendue avec tant d’harmonie,
de précision, de conviction, nous pourrions nous consoler des cruautés humaines
en croisant ces sublimes cris.
J’avais de Kodaly l’idée d’une méthode prônée par un
professeur passionné et caractériel à l’EN de Grenoble, mais je ne connaissais
pas sa musique qui m’a parue éclatante et nuancée.
Le chef Patrick Souillot avait mis aux pianos deux enfants
de neuf et dix ans pour interpréter Rachmaninov et Poulenc : ce fut un
moment de grâce où le sens du phrasé transcende l’apprentissage. Ces petits dont
l’un jouait à « chat » à la sortie donnaient toute leur valeur aux
notes ténues qu’ils délivraient depuis leurs monumentaux instruments laqués.
samedi 14 juin 2014
Le plus beau but était une passe. J. C. Michéa.
La phrase est prononcée par Cantona dans le film de Ken
Loach « Looking for Eric »,
soulignant que ce sport est d’essence collective, voire socialiste comme aime
le rappeler le philosophe http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/09/les-mysteres-de-la-gauche-jean-claude.html
.
Cet essai est une reprise d’articles pertinents au sujet du
foot et des intellectuels, mais certains arguments sont redondants, l’éditeur n’ayant
pas été très vigilant: à quelques pages d’intervalle nous avons droit à la même
anecdote concernant un écrivain envahi par une tristesse inconnue causée en
réalité par la défaite de l’équipe
argentine de Peñarol.
Si le rappel de Camus dans ce livre de moins de 150 pages est
un passage obligé comme l’image de Maradona en couverture, le rappel de la
notion de jeu est salutaire face à ceux qui distribuent l’épithète « fasciste »
bien trop facilement jusqu’à banaliser le terme :
« On sait que
l’art de « savoir
perdre » et de se « montrer beau joueur » a toujours figuré
parmi les vertus les plus inconditionnellement célébrées par les premiers
théoriciens du jeu et de l’activité sportive. »
Alors que tant de
jeunes perdent le sommeil dans des jeux, que la politique, les relations sont
des territoires ravagés par le divertissement et la rigolade, quand la lecture
régresse face aux distractions, il n’est pourtant pas superflu de rappeler la gratuité
de certaines activités parce que ce mot là devient une incongruité.
Je partage aussi complètement cette précision qui n’est pas
inutile quand des professeurs ne savent plus la différence entre animation et
enseignement:
«Un des ressorts
fondamentaux de toute pédagogie - c'est-à-dire de l’aptitude de se mettre en
permanence, non pas au niveau des élèves, mais, ce qui est bien différent, à
leur portée - »
Aujourd'hui quand des sommes incroyables sont dévolues à quelques
stars qui cassent la « glorieuse incertitude du sport », et que le Barça dépositaire du beau jeu arrive en fin de cycle, il manque une
actualisation à ses réflexions qui en restent trop souvent à la nostalgie des
années « Miroir du Football ». Nous voilà, désarmés, accablés, sans
passion pour savoir qui sera troisième derrière le QSG et le paradis fiscal
monégasque aux tribunes vides. Mais on va bien jeter un coup d’œil sur le Mondial
qui déroule ses tapis vers l’enfance, même si Neymar déjà éventé n’est pas Garrincha
que nous avions à inventer, c’est que notre innocence a perdu aussi ses joues roses.
vendredi 13 juin 2014
A quoi ça rythme (scolaire) ?
La longue polémique sur un sujet qui peut sembler secondaire
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/10/arythmie-scolaire.html donne pourtant quelques indications sur une société qui a tant de mal à se
réformer, bien qu’un consensus apparut à
un moment.
Si cette évolution a tant de mal à voir le jour, c’est que
rien n’est simple et bien peu des commentateurs obnubilés par la situation
particulière de Paris n’ont su voir la complexité : les experts avaient
parlé, les rubricards pouvaient tartiner paresseusement.
Leur lancinant argument d’une « école qui fatigue les
enfants » est ravageur, mais qui plus est faux à mes yeux. Au cours des 27
heures, dans les temps préhistoriques où j’officiais, nous avions le goût, la
liberté de doser les activités, et par
exemple l’éducation sportive dispensée à l’intérieur des 6h quotidiennes par des personnels compétents, permettait au
maître, entre autres bénéfices, un regard distancié sur ses élèves, une
meilleure connaissance, une complémentarité, une cohérence.
Dans quel état de confusion sommes nous entrés pour
confondre activités périscolaires et l’école elle-même ? Il y a péril en
la demeure. L’éducation artistique, le sport, la musique sont au cœur des
fonctions de l’école, et un film, une pièce de théâtre peuvent entrer par exemple dans un projet
pédagogique, mais les enlever à la responsabilité des professeurs est
dramatique. Au niveau du primaire aucune matière n’est une fin en soi mais
seulement une brique dans la construction qui nécessite un maître d’œuvre. Il
permet de distinguer information et apprentissage, et s’il n’est pas
omniscient, face aux machines, faut il que nous soyons tellement en perte de sens pour être amené à plaider ainsi
pour l’instruction publique ?
Il est vrai que le ludique, les loisirs préparent des temps
de cerveau disponibles.
« Le travail, de
plus en plus dévalorisé, devient secondaire dans l'empire de la distraction et
du fun. L'important, c'est le temps libre, les week-ends, les ponts, les
vacances, les sorties, les chaînes câblées, les présentatrices dénudées (et pas
que dans la télé de Berlusconi), les jeux vidéo, les émissions people, les
écrans partout. Le divertissement scande chaque moment de la vie, rythme
le calendrier jusque chez soi, où la télévision, la console de jeu et
l'ordinateur occupent une place centrale. Le divertissement remplit tout l'espace,
reformate les villes historiques, quadrille les lieux naturels, construit des
hôtels géants et des centres commerciaux le long des plus belles plages, crée
des villages touristiques dans les plus infâmes dictatures. »
Raffaele Simone
Le « Trépidant Tyranneau » qui ramena la semaine
de classe à quatre jours avait saisi la préférence de familles décomposées à
l’égard de cette option, fut-il en contradiction avec le « travailler plus »
qui nous amusa un temps. Et l’enfant roi fatigué par ses écrans avec un matin
de moins à se lever de bonne heure était d’accord. Les corporatistes de la
corporation ne l’avouaient pas forcément, mais la formule les arrangeait eux
aussi.
Les communes prennent du pouvoir au détriment du ministère
et elles sont tellement diverses. Et les modifications d'Hamon (en aval) n'arrangent rien! Déceler un tel dessaisissement par le
ministère lui-même ne peut venir que d’un ringard jacobin -c’est quoi
jacobin ? Dans un monde qui fuit les contraintes tout en se blottissant dans des idéologies les plus
raides, on peut imaginer une façon de gouverner qui pour l’efficacité de ses
propositions sache distinguer les
besoins d’une petite princesse en route vers sa première année de maternelle et le
gaillard de CM2 véloce et plein d’appétit. Tout en évitant comme le fit France
inter de traiter d’adolescent un enfant de 12 ans. Mais comme pour la réforme
des régions, un redécoupage qui ne serait qu’un équilibre des masses
économiques est voué à l’échec, si la culture est ignorée : la Creuse n’est pas le Rhône.
On ne vous l’a pas dit à l’école ?
..........
Dans le "Canard" de cette semaine:
jeudi 12 juin 2014
Hubert Robert.
Eric Conan nous a présenté aux amis du musée de Grenoble l’artiste
dont le musée rénové de Valence possède la collection la plus importante après
celle du Louvre et de l'Ermitage à St-Petersburg.
Né au temps de Louis XV, le dessinateur et peintre est mort
sous Napoléon.
En 1754, il arrive à Rome où il restera 11 ans sous la
protection du fils du Duc de Choiseul pour lequel son père avait été valet. Il
suit les cours de l’académie et accumule les dessins appréciés dès ses débuts par des collectionneurs ;
ils se retrouvent désormais dans le monde entier.
Dans la ville pittoresque et ses environs, il accumule les
souvenirs visuels avec une vivacité d’exécution remarquable. Il poussera
jusqu’à Naples où les vestiges sont plutôt grecs.
Il représente les premiers touristes dans les ruines. Ses
jardins sont peuplés de statues, de lazzaroni, de lavandières, de bergers, de
mamans avec enfants...
Sa façon de dessiner ressemble à celle de Fragonard qu’il
rencontre là bas. Bien des graveurs s’en inspireront.
Les ruines font, en ce XVIII° siècle, office de
vanités : « combien Rome fut
grande et belle ».
Son sens de la gradation de la lumière où il joue bien des
réserves, ses jets d’eau vaporeux, ses effets atmosphériques et ses
recompositions de paysages imaginaires vont l’amener au succès.
Membre de l’académie royale, il est chargé de dessiner, d’aménager des jardins au moment
de la vogue des jardins à l’anglaise.
A Versailles après Le Nôtre, des arbres sont abattus, le
bassin d’Apollon réaménagé, le petit Trianon renouvelé. Une laiterie aux
meubles en acajou, avec plafond à caisson, fausse grotte et cascade a des
allures de temple.
Le Moulin Joli à Colombes est une ferme joliment ornée où
les clôtures ont disparu remplacées par un dénivelé dit « ahah ».
A Ermenonville, domaine du marquis de Girardin, où Rousseau finit
sa vie, des fabriques sont édifiées dans le parc. Les physiocrates pensaient
que la richesse de la nature était bonne pour le pays.
A Méréville, l’influence d’Hubert Robert est plus manifeste
avec temples, colonnes rostrales, cénotaphe en l’honneur de Cook.
En outre, Il était tout désigné pour dresser un relevé des
antiques en Languedoc.
Sur un même tableau figurent le pont du Gard, la maison
carrée, les arcs de triomphe de Saint Rémy et d’Orange.
Il sait saisir aussi
l’actualité et son talent va au-delà de son surnom que le conférencier
s’est gardé de rapporter : « Robert des Ruines » pour éviter
d’inscrire un stéréotype chez ses auditeurs, pas plus qu’il ne nous racontera
cet épisode étonnant trouvé dans Libération: « incarcéré à la prison parisienne de Sainte-Pélagie, avant d'être
conduit à celle de Saint-Lazare. Il dut sa mésaventure aux fonctions
officielles qu'il occupait pour la famille royale. Loin d'être accablé par son sort,
il s'acharne à continuer à peindre et, quand le support habituel lui fait
défaut, il continue à le faire sur les assiettes de Saint-Lazare. Pour la
petite histoire, l'artiste dut de ne pas être guillotiné à l'insignifiance de
son patronyme. Un jour que l'on faisait l'appel des condamnés dans la cour de
la prison, un citoyen s'avança hors des rangs quand il s'entendit nommer. Il
s'appelait, lui aussi, Robert, et c'est lui qui monta sur la charrette qui le
conduisit à l'échafaud. Le citoyen Robert Hubert, quant à lui, tétanisé par la
sentence, était resté statufié. Son nom de Robert lui a donc assuré la survie,
avant de devenir célèbre dans l'histoire de l'art. »
Il avait peint la fête de la fédération, Louis XVI à sa
dernière messe, André Chénier à Saint Lazare et une distribution de lait dans
cette prison, la démolition de la
Bastille et des habitations sur le pont de Notre Dame, le
décintrement du Pont de Neuilly, l’incendie de l’Hôtel Dieu, des polichinelles
qui peignent et chantent , madame Joffrin qui se fait livrer son déjeuner par
une domestique et se promène chez les
abbesses à la mode…
L’incorrigible a bien envisagé des projets d’aménagement du
Louvre mais ne put s’empêcher de
l’imaginer en ruines où seul l’Apollon du Réverbère tient debout.
mercredi 11 juin 2014
Musée archéologique Saint Laurent à Grenoble.
L’église désaffectée en 1980, était classée depuis Mérimée
aux monuments historiques.
Aujourd’hui, il ne convient plus de dire « visite de
l’église Saint Laurent » mais au « musée »
tant les nouveaux aménagements ont sublimé les lieux par des moyens numériques
adaptés, des éclairages judicieux, une pédagogie plaisante. La promesse d’un
« décryptage de la crypte » est tenue.
Si l’enveloppe extérieure du XIX° est conservée, la mise en
évidence des différentes strates de l’histoire du bâtiment est habile et
originale.
Depuis le IV° siècle, un cimetière existait hors les murs,
sur la rive droite de l’Isère en face de la bourgade qui aura besoin d’agrandir
ses fortifications jusqu’à l’époque d’Haxo,
« le Vauban du XIXème siècle ».
Le lieu fut occupé par des sépultures successives qui ont pu
atteindre le nombre de 1500, au moment où le nom de Gratianopolis (ville de
l’empereur Gratien) supplanta la dénomination gauloise de Cularo.
Une église cruciforme fut édifiée au dessus des tombes et mausolées .
Puis en 800 une nouvelle bâtisse avec sa nef s’éleva après d’autres
reconstructions dont la crypte, dite de Saint Oyand au VI° siècle, très bien
conservée, qui reste un rare exemple d’édifice du haut moyen âge encore debout
avec ses agneaux et colombes des premiers temps chrétiens.
En l’an 1000 des bénédictins s’y installèrent, ils y prièrent
jusqu’en 1790, mais du cloître il ne reste que les fondations.
Mosaïques, peintures, sculptures, vitraux témoignent des différentes
époques, ainsi au plafond se remarquent
des svastikas qui n’étaient pas au XIX°, au moment où elles furent peintes, le
symbole nazi. Parmi les objets découverts dans les sépultures, un grain de
chapelet en forme de tête de mort est remarquable.
Un saint Pierre se devine sous une maçonnerie du XV°, après une
vue d’ensemble du site où au dessus de la crypte apparait l’église
carolingienne, puis romane jusqu’aux quatre évangélistes peints sur la voûte du
chœur autour d’un christ en majesté.
Sur un vitrail, le
saint patron du lieu, Laurent, présente les pauvres à l’empereur comme étant « le
trésor de son église », cette impertinence lui vaudra le supplice du grill
représenté par ailleurs sur une toile peinte en 1850.
Le site internet http://www.musee-archeologique-grenoble.fr/
est à la hauteur du dispositif mis en place depuis 2011. La visite est gratuite.
mardi 10 juin 2014
Gribouillis. Turf.
Un gribouillis expressif va se promener dans un catalogue
des Merveilleuses Usines Mécaniques Modernes genre Manufrance et c’est
excellent.
Révélé par une puce perdue dans sa toison embrouillée et
après le refus du poêle en fonte de le voir rejoindre une de ces pages, en
chien apeuré il va être soumis à un diable sorti de sa boîte qui lui donnera la
parole dont il n’abusera pas.
Inventif, poétique, humoristique, l’auteur de « La nef
des fous » nous dit bien le monde et la conformité, la liberté, les
incompréhensions, la candeur des découvreurs : une heureuse surprise.
Drap en coton blanc et drap en coton aux motifs fleuris sont
excellents en fantômes à la recherche de l’intrus :
« Bigre cette
nouvelle est d’importance, il
conviendrait de le retrouver prestement »
« Houlala, les
courbatures. J’étais si bien plié moi !
Inscription à :
Articles (Atom)