Walter Benjamin était encore en exergue dans cette troisième
conférence de Benoit Buquet aux amis du musée :
« Il y a bien des années, j’ai vu dans
une rame de tram une affiche qui, si les choses importantes étaient à leur
place dans le monde, aurait trouvé ses admirateurs, ses historiens, ses
exégètes et ses copistes comme n’importe quel grand poème ou n’importe quel
grand tableau, ce qu’elle était tout à la fois. »
Le conférencier précise la notion de design qui comporte l’idée
de projet alors que les affichistes sont en train d’entrer dans un autre
âge. La technique devient prépondérante et les créateurs se réfugient dans les
niches culturelles ou dans les domaines d’utilité publique.
Il n’a pas été fait mention lors de cette soirée d’affiches
qui auraient promu tout autre objet.
Cieslewicz est
encore là, voir http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/05/affiches-en-france-2-savignac-et-les.html, et une image cyclopéenne pour le journal Zoom dont l’œil se confond avec
l’objectif photographique, par ailleurs sa
« Mona Tsé Toung » accole deux icones aux visages de cire.
L’école polonaise qui fusionne pop et expressionnisme se
perpétue en France avec le groupe Grapus né
dans les années 70. Ce collectif dont l’appellation compacte l’expression
« crapule stalinienne » est lié à l’histoire du PC ; ils donnent
un tableau à lire et non plus seulement à regarder.
Lénine demande : « Allez
y de ma part » sur une affiche, alors qu’ici un smiley à oreilles de
Mickey porte une moustache de sinistre mémoire avec un de ses yeux en cocarde
et dans l’autre une faucille et un
marteau. Là une tétine surmonte une bouteille de coca pleine d’encre noire, ou
bien pour le Québec une banane fusionne avec une fleur de lys.
Ces images sont insoumises, jaillissantes, la désinvolture
est orchestrée, l’écriture manuscrite avant les lettrages numériques en mode
spatialisation.
En 90, les fondateurs
se séparent : d’un côté Pierre Bernard et l'« Atelier de Création
graphique », de l’autre « Ne pas plier » de Gérard Paris Clavel et "Nous travaillons ensemble" d’Alex Jourdan avec des affiches pour
les rendez vous des graphistes à Chaumont et Echirolles et des slogans qui se
retrouvent dans les manifs :
« Rêve
générale » ou « Qui a peur
d’une femme ? » d’après Taslima Nasreen.
Alain le Quernec
trouve le terme « affichiste démodé,
graphiste trop technique, artiste trop prétentieux, quant à publiciste se
serait une insulte ». Son Saint Sébastien criblé de cigarettes comme
autant de flèches crie : « La
pub tue » et des pelles et râteaux enfantins pour la plage aux
couleurs flashies comportent la mention : « Remember Amoco » sur fond noir comme le pétrole répandu
sur les côtes bretonnes en 78.
Michel Bouvet est
celui qui a créé les affiches des rencontres d’Arles, Apeloig dont les lettres formant des bateaux ponctuent l’image pour
les voies navigables de France nous offre un poème typographique, ses images
pour l’année du Brésil sont sonores et son évocation de la pyramide de Pei
subtile.
Le binôme M/M lié
à l’art contemporain annonce des vidéos dans les musées où il joue avec un
personnage de manga.
«Nous avons souvent dit
que nous faisions des images pour les historiens du futur, que nous créions du
matériel archéologique. Je sais que ça peut sembler terriblement prétentieux.»