vendredi 4 mars 2011

Logement. Un débat.

Les affiches « non au bétonnage » ont été recouvertes mais elles ont eu le mérite de secouer quelques politiques assoupis.
Les réseaux se sont un peu agités, un responsable socialiste a pu réagir, certains militants écologistes développer leur réflexion.
J’avais proposé de publier quelques mots du premier mais il n’a pas souhaité apparaître sur ce blog, ainsi persisteront seulement dans les rétines de la plupart les mots sommaires des affiches en question, même si vis-à-vis de certains publics, il a pu évoquer la densification ou des immeubles plus hauts. Mais il n’est pas le seul à préférer l'approbation de ses amis ou leur silence.
Pour avoir fait parvenir des éléments de débat qui pouvaient interpeler « ceux qui s’intéressent à la vie de la commune », je suis passé aux yeux de certains pour un provocateur, un manipulateur, un amateur.
Et pourtant je persiste à croire que les débats les plus riches se déroulent parmi ceux avec lesquels nous sommes en désaccord. On peut alors apprendre, se fortifier, convaincre.
Par contre aucun sectarisme du côté d’un militant écologiste dont j’ai aimé la contradiction dans nos courriers croisés concernant « le dogme de la densification qui sauverait du mitage » dont je suis un adepte.
Il pose par ailleurs des questions essentielles sur les lieux pertinents de décisions assurant une cohérence des aménagements.
Il trouvera j’espère l’espace pour développer ses remarques.
J’extrais quelques lignes où il invite à l’inventivité :
« il faut que nous soyons plus inventifs sur la problématique du logement et nous ne devons pas rechercher que la solution du construire plus sur des espaces pas "encore consommés" en ces périodes de décohabition où sur notre commune les appartements font en moyenne 4 ou 5 pièces alors qu'un ménage moyen est composé de 2,3 individus. Encourageons d'avantage la cohabitation intergénérationnelle et aussi entre séniors, imposons aux promoteurs la construction de logements de plus petites tailles pour attirer des jeunes. Cherchons aussi à construire peut être un peu plus haut à l'emplacement par exemple de tous les commerces en RDC le long de la route de Lyon tout en veillant à la qualité des constructions futures. »

jeudi 3 mars 2011

Les vanités au XVII° siècle.

C’était au temps de l’effervescence intellectuelle, scientifique, religieuse, le moment aussi du retour sur soi, vers l’essentiel. La méditation sur la destinée débouche sur une seule certitude : la mort. Le savoir devient relatif; lorsque la science se développe, la douleur croît-elle ? L’univers de Ptolémée disparaît, et le passé se redécouvre : il y avait donc un monde avant le christianisme. L’apprentissage du grec n’est plus une hérésie. La complexité amène son lot de scepticisme. L’église qui organisait le savoir est remise en question. Aller contre les dogmes met en lumière la faiblesse de l’homme et sa nature misérable: reste à trembler ou à s’emmitoufler dans les plis du baroque.
Jean Serroy, aux amis du musée, a amené l’Ecclésiaste : "Vanité des vanités, vanité des vanités, tout est vanité." Il lira au cours de la soirée des extraits de poèmes qui accompagneront la présentation de tableaux avec très souvent un crâne en motif principal.
« J’ai vu fondre la neige et ses torrents tarir,
Ces lions rugissants je les ai vu sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir. »

Jean de Sponde
Le monde est illusion, tromperie, leurres, tentations et masques ; la seule constante : la mort.
Les natures mortes portant les symboles de la futilité des activités humaines vont se multiplier : « mémento mori » (souviens-toi que tu mourras). La religion protestante a beau être iconoclaste, ce genre de tableaux se développera dans le nord de l’Europe. Bien que là bas l’art puisse être considéré comme une manifestation de l’orgueil humain (hubris), la bourgeoisie cherchera à séculariser les peintres. Alors qu’en terre catholique où la religion utilisera les toiles pour séduire, édifier les fidèles, les "bambochades" qui reproduisent des scènes populaires s’adaptent au format des poches de selles des voyageurs.
Philippe de Champaigne place une tête de mort aux orbites qui vous engloutissent dans l’obscurité entre une fleur qui commence à faner et un sablier.
Autour d’une reine du ciel monochrome de Yan Van Kessel s’accumulent les symboles des vanités : bannières, livres, sculptures, instrument de musique, du vin…
Le vent passe sur d’autres tableaux et a déréglé les mécaniques, les colliers glissent depuis la table et toujours un crâne plante ses dents dans le livre des connaissances.
Une allégorie de la fortune de Karel Du Jardin magnifie les bulles de savon volatiles qui se retrouvent dans d’autres sujets pour signifier la fragilité. Vivre, c’est mourir : tout s’écoule, se consume. Un artiste peut se représenter à la parade, jusqu’à personnifier le vaniteux, un autre peindre un fumeur, ou un tricheur: l’innocence se perd, la passion est trompeuse et le doute de l’utilité de la transmission du savoir se met en scène. L’amour s’endort sur une boite crânienne. Le rideau s’ouvre sur une jeune fille qui enlève son bouquet de fleurs d’oranger devant un miroir, celui où Madeleine repentie de De La Tour ne verra plus que le reflet d’une veilleuse. Elle a renoncé aux plaisirs du monde comme Saint Jérôme.
« Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le vert de la cire éteindra ses ardeurs,
L’huile de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et les flots se rompront à la rive écumeuse. »

Jean de Sponde
La palette n’a pas soumis la mort, mais les images de ces années lointaines peuvent souligner nos vaines agitations. Bien peu portée à voir au-delà de la prochaine échéance électorale, notre inconscience, en ce siècle pourtant si sachant, nous mène, à la consumation accélérée de notre planète, sans pitié pour nos enfants et leurs petits.

mercredi 2 mars 2011

Touristes en Chine 2007. # J 8. Charbon et 55 000 bouddhas.

Le train a récupéré son retard dans la nuit : arrivée à 6h 21 à Datong province du Shanxi.
Sur le quai notre nouvelle guide Marie (ou Ma Haï Yan) nous attend et nous prend en charge. A la sortie de la gare nous montons dans notre mini car et traversons la ville
(1 million et demi d’habitants) par une grande avenue toute droite. Hôtel Taihachun. Ville triste aux odeurs de charbon. Nous prenons le petit déjeuner dans une grande salle grouillante avant de récupérer nos chambres nickel au 8° étage, même si on ne sait pas tout de suite utiliser la clim’, à la télécommande. Pressing pour 24 Y.
Nous allons voir le mur des neuf dragons, neuf pour la longévité, en jade sur fond de bois peint en bleu. Construit pour le palais du 13°fils de l’empereur. Marie a bien du mal à s’exprimer, et se trompe dans les chiffres, les dates et les siècles.
Nous gagnons en bus le monastère bouddhique chinois Huayan. Les moines sont vêtus de gris avec de drôles de guêtres, des sandales en toile et des pantalons bouffants, un peu comme l’habit des valets de Molière.Le monastère est assez petit avec des bouddhas en bronze poussiéreux, moins coloré que les bâtiments tibétains en deux parties séparées. Salle avec des porcelaines du X° siècle. Nous prenons notre repas dans la rue du monastère, colorée, restaurée, investie par des mendiants insistants, pour ici c’est bien relatif, dont un vieux monsieur qui ne possède plus que deux dents. Repas en sous-sol dans un salon privé. Marie nous conseille et commande. Comme les Chinois nous laissons de la nourriture ce qui signifie que nous avons assez mangé. Sieste indispensable avant de continuer.
Les grottes de Yungang à 16km sont extraordinaires avec 55 000 bouddhas de toutes tailles, assis, debout, peints, dans des cavités creusées de haut en bas plus ou moins abîmés ou protégés. Impressionnant ! Inscrit au patrimoine mondial. Date du V°siècle. Une salle carrée accueille un bouddha en son centre protégé par une devanture en bois XVII°, superbe. Les briques sont noires et les toits turquoise, les têtes grotesques grimacent en haut des piliers. Les temples et monastères se révèlent à chaque fois différents.Nous marchandons à la sortie, des tas d’objets sympas pour quelques €. Au restaurant nous faisons de nouvelles découvertes culinaires. Mitch qui a envie de sucreries montre les gâteaux exposés mais ils ne sont là que pour la décoration. Une petite fille nous observe, très intriguée. Nous sommes objets de curiosité plus qu’à Pékin, les gens nous dévisagent, mais avec bienveillance. A son tour, Jean a été sollicité aux grottes pour poser avec un chinois sur une photo. Nous partons déambuler dans la ville pendant 2h parmi une foule très dense.

mardi 1 mars 2011

Vive la classe. Baru.

« Mais non je ne vous parle pas de la classe des écoliers, ni même de la classe ouvrière (encore que), mais de la classe des conscrits… » Du temps de la conscription pour le service militaire.
Je reprends les mots même du dessinateur lorrain car je les trouve justes, comme ce récit dans les années après la guerre d’Algérie quand les jeunes occupaient bruyamment les rues après le conseil de révision, en une fête violente, rude comme les rapports de classe, les relations familiales.
Baru est un de mes auteurs de BD préféré, je l’avais découvert avec « Quéquette blues » qui racontait avec tendresse et énergie la vie de jeunes souvent d’origine italienne du côté de Longwy, moins dans la lumière que les alentours du pont des arts. Le groupe impose sa loi mais aide aussi au passage vers l’âge adulte. A l’époque du twist, les ados des années soixante en bande avec un lot de frustrations cumulées, ne s’expriment pas d’une façon très nuancée, mais est ce que les conversations sur lesTwitter d’à présent sont plus "classe" ?

lundi 28 février 2011

Angèle et Tony. Alix Delaporte

Un petit film avec des acteurs remarquables Clotilde Hesme et Grégory Gadebois. Cette histoire se déroule en Normandie en bord de l’ Océan qui donne toujours une couleur singulière. La séance venait pour moi après quelques photographies d’un nouvel album de Depardon, elle s’enchainait très bien avec la recherche des espaces de cette France où le rural vire au péri urbain par mon photographe préféré.
Une écorchée de la vie qui dissimule ses secrets et un marin taiseux s’approchent. Les farouches protagonistes s’apprivoisent mais ce n’est pas gagné, tout va vite, les liens sont vulnérables. Les écueils gluants du sentimentalisme sont éloignés, cependant à trop jouer la sobriété, l’âpreté, le dénouement m’a paru un peu trop exalté. Après tout, désormais, il n’y a peut être que les gens déraisonnables qui ont envie de se marier.

dimanche 27 février 2011

Le soir des monstres. Etienne Saglio.

“Le Soir des monstres”, c’est le soir où les objets qui encombrent nos maisons sont laissés sur les trottoirs. Je ne voyais pas au départ la nécessité d’une telle dramatisation pour un détournement d’objets assez fréquent aujourd’hui chez ceux qui sortent des écoles du cirque. Et puis un univers s’impose avec une poésie évoquant Tim Burton bien loin de toute mièvrerie : c’est magique. Cette ambiance 19° siècle avec un artiste original convient pour une fois à des enfants souvent amenés à des spectacles trop lourds pour eux.
Les balles en fil de fer échappent un moment au jeune homme en manteau noir, puis sous l’effet de lumières appropriées se transforment en petites comètes, puis en chauve-souris, il s’empiage dans des cordes diaboliques, un tuyau annelé se transforme en serpent et un jouet à ressort connaît une triste fin. Le magicien maladroit n’en parait que plus habile sous une musique envoutante, il jongle avec virtuosité nous embarquant dans une séquence hypnotique. Il fait vivre des objets, mais ceux-ci échappent parfois à leur créateur qui les dompte, puis les écrabouille.
On peut retrouver pour une heure son âme d’enfant, mais il faut se rappeler que parfois le sale môme brise ses jouets.

samedi 26 février 2011

Le trottoir au soleil. Philippe Delerm.

Dans ces 180 pages vite lues, où l’usage du « on » me lasse quelque peu, j’ai éprouvé ma proximité avec le sexagénaire qui essaye : « plus les jours passent et plus j’ai envie de guetter la lumière ». Il s’interroge d’ailleurs sur le partage de ses sensations : « le plaisir minuscule est une possession personnelle dont les racines ont bien souvent à voir avec l’intensité des sensations de l’enfance. Chaque individu reste une île. Une île courtoise, qui se laisse accoster, mais pas envahir ». Toujours cette pudeur, cette légèreté d’une poésie du quotidien qui éclaire sans crier : les figues, le dimanche matin, les brocantes, un trois étoiles, les appartements aperçus depuis le métro aérien, une pâtisserie, les gares… Quelques émois et celle à qui il a dit « je suis à court de fleurs » avec qui il a passé sa vie, et cette femme de pompier newyorkais qui déclare : « de toute façon, en quinze ans avec lui j’ai connu davantage de bons moments que la plupart des êtres humains n’en connaîtrons dans une vie ». Parfois plus grave que d’habitude dans cette dernière livraison, il peut bien trouver du bonheur chez les amers (Cioran, Renard, Léautaud) que son indéfectible attention aux hommes nous ravira encore, en flattant notre goût des retrouvailles avec un familier.
Je dois au célèbre professeur écrivain, quelques heures de classe enchantées.
J’avais alors quelques élèves blasés, et sa version des petits plaisirs pour les petits (« C’est bien ») était sortie opportunément. Après une lecture quotidienne d’un court chapitre, j’avais pu vérifier auprès de chaque élève quand il dut s’exprimer à son tour par écrit, que la démarche n’avait pas été vaine pour la plupart ; on ne parlait pas alors à tout bout de champ d’évaluation.