mercredi 23 février 2011

Touristes en chine 2007. # J 7. Art contemporain.

Quartier libre jusqu’à 10h que nous utilisons à ranger et changer de l’argent avec la même employée que l’autre jour mais beaucoup plus vive et efficace.
Le temple du ciel Tiantan. Dans le parc les installations pour « vieux » gymnastes nous impressionnent : barres parallèles, divers engins pour se gratter le dos, se suspendre, marcher, se balancer. Beaucoup de monde s’entraîne, les niveaux sont très divers, je m’essaye à quelques échanges avec un virtuose de la balle en plumes qu’on se renvoie uniquement avec les pieds. Nous utilisons quelques installations. Certaine mamies bavardent tout en esquissant quelques légers mouvements. Raquettes et balles adhèrent grâce à la vitesse du mouvement aux enchaînements gracieux. Tout est bleu dans le temple couleur du ciel alors que le jaune est la couleur de l’empereur et le vert celui de la nature. La forme ronde représente le ciel elle comporte 3 étages dans une enceinte carrée ( la terre), à l’intérieur 4 piliers, 12 autres symboliques. Wang Hui nous transporte quelques siècles en arrière en nous racontant les sacrifices d’animaux pour favoriser les récoltes, restent des statues de bœuf en pierre.
Visite d’un magasin de perles de culture. On nous explique la technique avant de passer comme d’habitude à la boutique et comme d’habitude nous nous laissons tenter par des boutons d’oreilles et des colliers.
Art contemporain à Dashanzi Le restau aux spaghetti bolognaises est cher.Pas de découvertes artistiques mirobolantes dans ce quartier mi salle d’expo, mi fabrique encore en activité. La Gallery « 798 » est branchée. Comme œuvres nous retenons un ensemble de briques avec portraits imprimés dans des couleurs grises, quelques personnages de terre (ribambelles d’enfants), des Mao en fer rouillé ou argenté. Après quelques contradictions sur la direction à prendre nous retrouvons notre auto.
Canard laqué dans un grand restaurant pour touristes mais d’une réelle qualité culinaire, de nombreux plats, un verre de vin curieux, massage, ventilation à l’éventail par les employées.Nous quittons le chauffeur à la gare. Les bagages sont passés aux rayons. Malgré ce que nous a raconté Diane sur la ponctualité des trains, dans la gare qui s’est vidée nous attendons le train pour Datong. Notre « fée clochette » a beaucoup de répartie, elle nous distrait en attendant : idéogrammes de nos noms et de l’expression « méchants professeurs » elle s’intéresse à notre journal où elle espère figurer. A 23h 45 nous quittons Pékin en wagons-lits avec une hôtesse d’accueil qui échange nos billets contre une carte, nouvel échange ½ h avant l’arrivée. Je me sépare de mes compagnons dans un compartiment voisin, les filles sont en bas, les garçons en haut sur « les couchettes molles », appellation déposée.

mardi 22 février 2011

De Gaulle à la plage.

Une fois encore les impressions dépendent du contexte. Je n’avais pas apprécié les quelques strips entraperçus dans mon quotidien et là en album en couleurs emprunté à la bibliothèque, je me suis régalé de l’humour subtil de Jean Yves Ferry. Très années cinquante, l’aller retour avec nos mœurs d’aujourd’hui est drôle : Mongénéral reste digne malgré ses tongs, et s’il lance un appel depuis le poste de secours c’est qu’il a envie de jouer au volley parce que Lebornec l’aide de camp aux petits soins n’a pas apporté de ballon. Il ne se laisse pas manipuler par une presse à sensations qui pointe son nez. Il n’y a pas d’idylle avec Grace Kelly même si le grand homme pas vraiment à son avantage dans son short bien remonté, aime regarder les jolies femmes. Heureusement Tante Yvonne veille. Et quand il se retrouve avec Winston Churchill, c’est cigare et Brandy :
- On les libère et après ils vous bazardent ! Mais l’heure est proche où nous nous dresserons pour dire NON !
- No !
- Non à la capitulation ! Non à l’abandon ! Non à la désagrégation !
- Right !
- Some Brandy ?
- Je ne dis pas non.

Lui qui avait dit que Tintin était son seul rival à l’international, le voilà, en toute majesté, au pays des bulles.

lundi 21 février 2011

Même la pluie. Iciar Bollain.

Un film contant l’arrivée de Christophe Colomb aux Amérique est tourné avec des figurants dont les problèmes de survie entrent en résonnance avec le récit de la colonisation brutale qui s’engageait alors en 1492. En 2000, en Bolivie, une révolte eut bien lieu contre l’augmentation du prix de l’eau et elle fut gagnante contre une multinationale qui voulait s’accaparer ce bien commun cause de tant de conflits.
« Ils veulent nous prendre même la pluie. Et pourquoi pas la sueur de notre front, pendant qu’on y est. »
Le hors champ de ce tournage est palpitant, chaleureux, avec les contradictions et les évolutions des acteurs, la question de l’engagement.
Tellement accablé par nos défaites politiques, je ne croyais pas trop à cette victoire citoyenne qui arrive lors d’un dénouement aux effets un peu trop appuyés. Alors qu’auparavant l’exposition avançait avec subtilité et force, entrant dans la complexité, nous faisant partager les dilemmes. Ce film dans le film nous rappelle aussi que des œuvres peuvent impliquer les créateurs pas seulement le temps d’une tournée de promotion.
La réalisatrice espagnole a été actrice chez Ken Loach et son mari scénariste du maître anglais a écrit ce film : ça se voit et c’est un plaisir de retrouver cet air de famille avec une œuvre bien ficelée qui fait progresser notre perception du monde et requinque nos capacités d’indignation.

dimanche 20 février 2011

Les naufragés du fol espoir. Le théâtre du soleil.

Epopée de quatre heures qui nous emmène de l’Autriche au cap Horn, de Jules Vernes en passant par Hugo, des Carmina Burana à Wagner, d’une guinguette nommée « le fol espoir » à un navire du même nom : que peuvent les artistes ?
« Fol » écrit à l’ancienne accolé au mot « espoir » d’un autre siècle pour ramer sur une mer de toile agitée par les artisans de l’illusion cinématographique, vers l’abime.
« Ni la dictature, ni l'anarchie, mais la gestion mutuelle. Soyons providentiels les uns aux autres. La liberté comme base, l'égalité comme moyen, la fraternité comme but. »
Une foule de personnages essaye de vivre une utopie ou du moins sa représentation, sur des terres qui ne sont même plus vierges. Leurs rêves sont arrachés par les vents glacés. Les écharpes agitées au bout d’un fil donnent l’illusion de jouer avec les éléments, les images sont belles et pathétiques.
La jeune fille qui lisait l’Huma dans le car qui nous conduisait de l’Hexagone au palais des sports de Lyon avait retenu, elle, la petite lueur d’un phare dans les ténèbres. Je mesure le temps, depuis une foule embarquée à 1789 de Mnouchkine dans les années 70 : « claquez dans les mains : ce n’est qu’un début continuons le combat ! ».
Au début du XX° siècle, la technique croissait et les hommes et surtout les femmes croyaient à la politique. La guerre anéantira aussi les espoirs des survivants. Nous sommes au XXI° siècle.
Le fil narratif, occupé par des séquences de cinéma muet, média pour le moins théâtral, permet toutes les simplifications, les accumulations, les ficelles les plus grosses et les plus jolies sous les lumières du spectacle et la neige artificielle déversée généreusement.
J’ai beaucoup aimé les changements à vue avec les belles toiles peintes, les poulies, les fausses pierres, les coulisses, et la chorégraphie d’une troupe affairée qui durant quatre heures se donne de tout son cœur, de toute son énergie, dans un désordre parfaitement réglé. Un spectacle qui ravit son monde, mais Ariane qui avait si bien ravivé des énergies pendant la dernière campagne présidentielle, avec la complicité de l’écriture d’Hélène Cixou m’a semblé, cette fois, faire la somme de nos difficultés à aller vers un monde plus juste, et signer l’épuisement de nos illusions : naufragés.

samedi 19 février 2011

Ru. Kim Thuy.

J’apporterai volontiers un petit pétale aux bouquets d’éloges que ce premier roman vient de recevoir. Une vietnamienne, tellement vietnamienne, raconte sa vie en zone tropicale puis au Canada où elle s’est réfugiée avec d’autres boat people.
Elle sait se mettre à la place du soldat du Nord qui a fait pourtant tellement souffrir sa riche famille, lui qui croyait que les soutiens-gorge dans l’armoire étaient des filtres à café. Cette capacité à comprendre les autres, à s’émerveiller lui vient peut être d’avoir débarqué dans un univers largement énigmatique pour elle et d’avoir surmonté tant d’épreuves qu’elle peut verser aujourd’hui, dans nos gobelets, une eau tellement revigorante.
« Sans l'écriture, comment entendre la neige fondre, les feuilles pousser,
et les nuages se promener ? »

Reconnaissante envers ceux qui l’ont accueillie, elle rend bien à tous ses lecteurs, les bienfaits qu’elle a reçus en nous restituant de beaux portraits de personnes généreuses, et des épisodes d’apprentissage d’une vie qui tourne bien. Elle décrit l’horreur, les réussites, les douceurs qui s’entremêlent, avec tact: sa poésie ne brouille pas les sens, elle les exalte.
La grâce et la lumière en 150 pages si brèves.
"Je n’ai jamais eu d'autres questions que celle du moment où je pourrais mourir. J'aurais dû choisir ce moment avant l’arrivée de mes enfants, car j'ai depuis perdu l'option de mourir. L'odeur surette de leurs cheveux cuits sous le soleil, l’odeur de la sueur dans leur dos la nuit au réveil d’un cauchemar, l'odeur poussiéreuse de leurs mains à la sortie des classes, m'ont obligée et m'obligent à vivre, à être éblouie par l'ombre de leurs cils, à être émue par un flocon de neige, à être renversée par une larme sur leur joue. Mes enfants m'ont donné le pouvoir exclusif de souffler sur une plaie pour faire disparaître la douleur, de comprendre des mots non prononcés, de détenir la vérité universelle, d'être une fée. Une fée éprise de leurs odeurs."

vendredi 18 février 2011

La Tunisie et l' Egypte au forum Libération.

Le thème prévu « Réussir l’intégration, démocratiser la réussite » a laissé place à des réflexions sur l’histoire en marche en Tunisie et en Egypte.
Rédiger une manière de compte rendu pour une publication différée est hasardeux, tant chaque jour amène son lot de surprises et prend à contre-pied les experts les plus prudents.
Par exemple l’afflux de Tunisiens à Lampedusa dément une interprétation qui aurait compris l’immigration comme étant essentiellement la fuite d’un univers despotique.
Mais la qualité des intervenants Abdelwahab Meddeb et Benjamin Stora permet d’aller au-delà des péripéties.
La priorité donnée à l’actualité n’éloignait pas du sujet initial tant le rôle des binationaux dans la révolution a été important, les frontières mouvantes avec la blogosphère, les stéréotypes malmenés. Les références occidentales se mêlent à celles de la religion musulmane, le rapport à l’étranger a bougé, ainsi le dilemme : assimilation ou intégration peut se repenser.
La fierté d’être le moteur de l’histoire de ce côté de la Méditerranée permet de dépasser les blessures mémorielles et de penser l’avenir. Les cartographies imaginaires basculent : l’univers immuable depuis la décolonisation bouge : le mur de sable s’affaisse.
A l’image touristique de « révolution du jasmin » peut se substituer le terme de« révolution du Phénix ». Depuis un lieu décentré, Sidi Bouzid, avec les cendres de Mohamed Bouazizi, un peuple s’est réapproprié son destin. Le taux de scolarisation a permis cette avancée, le passage de la société rurale à une société urbaine l’a favorisé, l’effondrement de la taille des familles passant de sept à deux enfants témoignait du changement d’époque.
En 79 en Iran il n’y avait pas de mémoire historique et les morts d’Algérie pendant la guerre civile ne sont pas oubliés, l’histoire n’est pas condamnée à bégayer. Dans une zone où tout semblait immuable, des changements trop longtemps attendus s’amorcent. Le démantèlement des appareils sécuritaires n’est pas gagné mais il est engagé depuis l’intérieur à l’opposé d’une intervention extérieure aussi vaine que celle qui a eu lieu en Irak. Des espaces contradictoires sont à trouver mais le temps où l’intérêt particulier prévalait sur l’intérêt général est révolu.
Un Roubaisien d’origine marocaine dans Libé du 15 février à propos de ce basculement historique:
« C’est comme si la France avait perdu sa conscience. Sa voix ne porte plus… Elle devait être exemplaire, elle ne l’est pas. On ne l’entend que pour se défendre maladroitement de ses histoires minables de vacances payées par ces régimes »
............
Le dessin est du Canard et la photo de Dany.

jeudi 17 février 2011

Chairs et choses, les hypnoses de Rebecca Horn.

Il y a déjà plus de quinze ans que Rebecca Horn exposait à Grenoble. Catherine de Buzon a donné récemment l’occasion aux amis du musée de se rafraichir la mémoire, et en ce qui me concerne de prendre la mesure de la diversité d’une œuvre qui m’avait intriguée alors. Maintenant, j’en perçois mieux l’intensité et le poids douloureux qui n’exclut pas la poésie.
Soignée pour des problèmes pulmonaires, l’artiste allemande va d’abord chercher comment aider un corps blessé avec tout un appareillage à allure orthopédique faisant écho aux aveugles de Bruegel, à Narcisse du Caravage, à la mémoire des gueules cassées des guerres du siècle. Elle veut étendre son corps jusqu’à toucher simultanément les deux murs d’une pièce avec des doigts agrandis tels ceux de personnages de Tim Burton.
Rebecca Horn, filme pendant 12 heures une femme portant une très longue coiffe, sa licorne.
Elle va aussi entraver des corps dans des bandages qui évoquent le bondage et des figures sado-maso: de grands moignons en tissus empêchent la marche, un masque porte des crayons, elle transporte telle une relique moyenâgeuse un dispositif reliant ses seins et sa bouche. Un réseau de tiges horizontales garde la mémoire de la silhouette d’un corps qui y fut mesuré. Des éventails à taille humaine permettent de se protéger, de se recroqueviller, ainsi des écrins de plumes comme des chrysalides. « La veuve du paradis » ou « la fiancée chinoise »-enfin une artiste qui ne renonce pas à titrer ses œuvres-fournissent des expériences étonnantes dont une avec une boite dont les portes se referment lentement sur le visiteur d’abord résigné dans l’obscurité puis retournant brusquement au monde par l’ouverture brutale de cet espace étriqué. Un modèle porte un manteau de tuyaux où circule du sang.
Si Otto Dix, Beuys peuvent être évoqués pour cette période créative, les machines de
Vinci sont sollicitées dès qu’il y a de la mécanique. Son paon métallique qui fait une roue à la demande n’est pas soumis aux cycles de la nature, mais les machines ne sont pas éternelles, elles perdent de l’huile, éclaboussent les murs et sa machine à peindre déverse ses encres sur des châssis sans toile.
Ses installations entrent en résonance avec les lieux : celui du théâtre de l’hôpital psychiatrique du Steinhoff à Vienne, avec une pyramide de pigment effleurée par un pendule ; au bord d’un baquet rempli d’une eau noire, deux aiguilles forment par intermittence des vaguelettes.
Dans une maison de passe à Barcelone, elle installe « la rivière de la lune » avec la chambre de la terre, où le lit entre à moitié dans le mur. Dans une chambre différente, celle de l’eau, le lit est au plafond et des draps s’égouttent dans des récipients, dans une autre, une pointe griffe un cercle. Sept violons jouent sur d’autres murs, l’air a son espace, de même que « la destruction réciproque » ou le feu avec des flashs qui éjaculent. Souvenirs, peurs, plénitude, unité, vigueur.
A Munster elle voulait investir une tour que la municipalité refusait de lui octroyer, c’est qu’il y avait un secret terrible dans ce lieu. Ancienne prison, elle avait servi aux jeunesses nazies de lieu de torture sur des russes et des roumains ; elle va y disposer de petites bougies, des marteaux qui frappent sans cesse, un œuf sur une tige pour l’espérance. A Murnau, des cendres seront recueillies dans de grandes caisses de verre et un chariot détruit petit à petit des instruments de musique posés sur des rails. Et quand il percute une paroi des flashs se déclenchent symbolisant ici les âmes de ceux qui ont disparus. Ses références littéraires sont variées : Kafka avec une valise volante, Wilde et ses chaussures, Virginia Wolf. Ses chœurs de sauterelles : 36 machines à écrire ou dans la version 2 : 4000 verres à pied qui s’entrechoquent sous l’effet des lattes du plancher qui jouent. Le mercure, les papillons, les plumes, des éventails de pinceaux, des creusets de liquide ; ses machines ne sont pas célibataires : même les marteaux se rencontrent, ou les scarabées. Sur une place de Naples, 333 cranes sortent du pavé et des auréoles s’éclairent dans la nuit.
Chez elle, des plumes peuvent évoquer la mort, et de froides tiges métalliques s’approcher d’une façon ténue des vibrations de la vie.