Nous avons de la chance à Grenoble de pouvoir assister depuis des années à des débats politiques grâce à Libé, nonobstant le « mercato » qui fragilise une presse écrite bien fatiguée. Du temps où les jours avaient une couleur, il nous arrivait de préférer un journal à un autre comme des supporters peuvent soutenir une équipe. L’époque est révolue : les proprios interchangeables décident de leurs capitaines qui passent d’un groupe à l’autre.
Notre « Piaffant Potentat » (l’appellation est de Patrick Rambaud) a abandonné dans notre ville son masque humaniste, alors l’initiative des journaux Libération et Marianne recherchant chez nous « une république pour tous » était opportune.
« L’éducation au civisme, l’égalité homme-femme, l’accès à un travail émancipateur, le combat contre l’injustice, l’acceptation du pluralisme, le refus de la marchandisation de l’homme et de son environnement ont fourni la matière première des ateliers et des débats. Traçant ainsi les contours d’un nouveau discours de Grenoble, entre Mendès et Jaurès qui dénonce le règne du fric, l’éloge de l’avidité, la dictature de l’urgence. Un appel à la résistance morale ».
Si les discussions sont en général de qualité, l’intitulé était tellement ambitieux (« Etats généraux du Renouveau ») que la satisfaction légitime des organisateurs quant au succès public (20 000 personnes) peut se nuancer : les politiques n’ont pas été tous des émetteurs d’idées allant vers un renouveau incontestable. A travers mon prisme restreint, il me semble avoir plus croisé de militants associatifs que de responsables politiques locaux.Mais bien des thèmes abordés fourniront de la matière pour alimenter ce blog pour plusieurs vendredis, jour politique, en essayant d’éviter les traits des « armes de distraction massive »suivant le bon mot de Fabio Geda dans Libé de samedi dernier. Avec plus de jeunes que d’habitude dans les fauteuils confortables de la MC2, ces journées ont été roboratives, même si l’ampleur de la crise qui explose dans tous les domaines peut nous accabler. Dans les huit débats que j’ai suivi à l’exception d’Anne Le Strat élue à Paris qui a impulsé la remunicipalisation de l’eau, les professionnels de la politique se reniflent de trop loin et j’ai essayé de les éviter, même si un Joxe qui apporte avec lui des convictions très années 81, honore encore la corporation. Je n’étais point dans les foules qui ont écouté Ségolène et Mélenchon - j’ai les mêmes à la maison - et dans les semaines à venir la rencontre avec Michel Serres qui a rempli l’auditorium sera relatée par ma copine Dany qui a été ravie : « vivons nous en temps de crise ? »
..........
dessin du Canard
vendredi 4 février 2011
jeudi 3 février 2011
Robert Campin, Roger Van Der Weyden.
Bien au-delà des biographies d’artistes ou d’une couche de plus à étaler concernant la peinture, Damien Capelazzi, conférencier étourdissant aux amis du musée, m’a fait découvrir des pages qui m’étaient inconnues quand les villes de Flandres dépendaient du duché de Bourgogne. Désormais je ne ferai plus l’impasse sur cette période de la fin du moyen âge dont me furent révélées quelques beautés renversantes, d’autant plus que les projections sur grand écran magnifiaient encore plus le travail de ces artistes qui opéraient souvent dans des formats modestes, d’une vingtaine à un soixantaine de centimètres.
C’est le temps des Philippe le Bon et de Charles le téméraire dit le Portugais, des heures riches du duc de Berry, des mariages patrimoniaux voire des réseaux ducaux autour des maîtresses. Alors que l’Italie renait autour des ruines antiques, une pépinière d’artistes a les faveurs de Dijon. L’art nouveau flamand ouvre ses fenêtres sur les villes contemporaines adopte les étoffes du présent. Les Flamands embarquent le réel avec eux ; leur rouge très humain cache parfois le bleu de la divinité sans l’évacuer. Avec l’huile, les visages s’assouplissent, les trognes s’éclairent.
Robert Campin dit maître de Frémaille ou maître de Mérode est un touche à tout et sa peinture aux drapés incisifs évoque la sculpture. Dans une Annonciation, une vierge au front épilé, aux cheveux défaits, reçoit l’ange venant d’atterrir dans un souffle divin qui éteint une chandelle et fait tourner les pages. Les corps sont suivis de leurs ombres et la suie est dans la cheminée.
Quand Marie, en d’autres occasions, donne le sein cela ne compte pas pour du beurre, et Jésus qui s’agite va-t-il recevoir une fessée ? Il est en position et Marie se chauffe une main. Dans un autre portrait l’œil du christ brille, c’est que peindre est une entreprise théologique. Mais aussi une adaptation au marché : cette Trinité n’est-elle pas une Pietà reconvertie où Dieu en personne serait venu se substituer à Marie? Lors des commentaires sur une descente de la croix dont le réalisme m’a broyé les os, j’ai appris que l’éponge vinaigrée était un accessoire fréquent dans les latrines et que Véronique (Vera iconica) la patronne des photographes qui recueillit l’image du visage du christ s’appelait en réalité Bérénice. Le patron des informaticiens étant saint Isidore de Séville.
Les miroirs aussi apparaissent pour faire le tour des personnages comme nous le permet le sculpteur.
Rogier de La Pasture naquit à Tournai en 1400, là où un de ses maitres Robert Campin, qu’il influencera à son tour, a fini sa vie. Il portera le nom de Van der Weyden.
Dans une magnifique descente de Croix, désormais au Prado, le corps du Christ est au centre de la composition et la Vierge, s'affaisse à côté de lui en écho à la position de son fils dont le sang coule vers le lieu premier de la circoncision, la main de vierge frôle le crâne d’Adam : la boucle est bouclée. La terre sera son dernier costume, sa mère avait été le premier. De lourdes larmes coulent sur le visage rougi d’une femme et c’est toute la douleur du monde qui est là.
C’est le temps des Philippe le Bon et de Charles le téméraire dit le Portugais, des heures riches du duc de Berry, des mariages patrimoniaux voire des réseaux ducaux autour des maîtresses. Alors que l’Italie renait autour des ruines antiques, une pépinière d’artistes a les faveurs de Dijon. L’art nouveau flamand ouvre ses fenêtres sur les villes contemporaines adopte les étoffes du présent. Les Flamands embarquent le réel avec eux ; leur rouge très humain cache parfois le bleu de la divinité sans l’évacuer. Avec l’huile, les visages s’assouplissent, les trognes s’éclairent.
Robert Campin dit maître de Frémaille ou maître de Mérode est un touche à tout et sa peinture aux drapés incisifs évoque la sculpture. Dans une Annonciation, une vierge au front épilé, aux cheveux défaits, reçoit l’ange venant d’atterrir dans un souffle divin qui éteint une chandelle et fait tourner les pages. Les corps sont suivis de leurs ombres et la suie est dans la cheminée.
Quand Marie, en d’autres occasions, donne le sein cela ne compte pas pour du beurre, et Jésus qui s’agite va-t-il recevoir une fessée ? Il est en position et Marie se chauffe une main. Dans un autre portrait l’œil du christ brille, c’est que peindre est une entreprise théologique. Mais aussi une adaptation au marché : cette Trinité n’est-elle pas une Pietà reconvertie où Dieu en personne serait venu se substituer à Marie? Lors des commentaires sur une descente de la croix dont le réalisme m’a broyé les os, j’ai appris que l’éponge vinaigrée était un accessoire fréquent dans les latrines et que Véronique (Vera iconica) la patronne des photographes qui recueillit l’image du visage du christ s’appelait en réalité Bérénice. Le patron des informaticiens étant saint Isidore de Séville.
Les miroirs aussi apparaissent pour faire le tour des personnages comme nous le permet le sculpteur.
Rogier de La Pasture naquit à Tournai en 1400, là où un de ses maitres Robert Campin, qu’il influencera à son tour, a fini sa vie. Il portera le nom de Van der Weyden.
Dans une magnifique descente de Croix, désormais au Prado, le corps du Christ est au centre de la composition et la Vierge, s'affaisse à côté de lui en écho à la position de son fils dont le sang coule vers le lieu premier de la circoncision, la main de vierge frôle le crâne d’Adam : la boucle est bouclée. La terre sera son dernier costume, sa mère avait été le premier. De lourdes larmes coulent sur le visage rougi d’une femme et c’est toute la douleur du monde qui est là.
mercredi 2 février 2011
Touristes en chine 2007. # J4. La muraille.
Départ pour Jinshanling qui n’est pas le plus éloigné des lieux pour aborder la Grande muraille ni le spot le plus couru par les tours opérators. Nous parcourons quelques centaines de kilomètres dans un brouillard qui nous empêche de profiter vraiment du paysage. La Buick à l’aile repeinte dans la nuit, dont les dépassements nous surprennent, roule sur la voie de gauche systématiquement mais respecte les limitations de vitesse. Les frontières de la capitale qui englobent la campagne correspondent plus à un district qu’à une commune.
Dans l’hôtel Jin Shan au pied de la muraille, nous est réservé un petit pavillon rien que pour nous avec trois chambres autour d’un salon. Nous nous promenons après quelques courses de bouche : eau et biscuits. Une escouade bien organisée de marchands de souvenirs silencieux mais bien présents, s’accroche à nous pour l’ascension, chacun le sien !
La grande muraille serpente à l’infini, ponctuée de tours surmontant le paysage semi-brumeux ; la réverbération est forte, heureusement le vent est bien présent. Il y a deux jours nous visitions la cité interdite, aujourd’hui nous sommes dans un lieu majeur de l’histoire du monde nous apprécions ce privilège et peu importe si ce monument est visible ou non de la lune. C’est une sorte de ligne Maginot qui a plus servi à ravitailler des contrées éloignées que défendu des mongols. Environ 10 millions d'ouvriers seraient morts pendant les travaux. Les livres parlent d’un dragon couché sur des collines : 8800 km avec des interruptions. Les chiffres varient mais restent dans des dimensions colossales. Les marches de taille inégales montent et descendent et recommencent. La pente est rude mais la route, suivant les crêtes, n’est pas droite. Nos « guides locaux » nous abandonnent avec la promesse que nous ferons affaire en bas. Nous croisons, surtout après la station d’arrivée du téléphérique, d’autres touristes, mais pas des hordes. Nous cassons une petite graine à l’abri frais d’une tour. Nous nous séparons : les plus gaillards poursuivent enfin à leur rythme, Danny redescend avec Diane qui pétoche autant qu’elle avec l’orage qui s’annonce, nous, nous flânons.Tonnerre, la brume s’estompe, le ciel noircit avec des pointes de lumière magnifiques, la vue se dégage et nous sommes seuls! Roulement de tambours dans le ciel, le ciel change de seconde en seconde, la muraille révèle ses teintes de briques, du gris au jaune ou rouge. Les paysages ressemblent aux peintures… chinoises, du foncé au clair pour les collines et montagnes. Nous prenons un chemin différent bien entretenu et empierré où la pluie nous surprend. Une maison abandonnée au bout d’un pont « à la chinoise » nous impressionne. A l’arrivée nos vendeurs sont là, le marchandage est souriant, tandis que notre comparse nous immortalise dans nos ponchos de Schtroumpfs. Le temps est breton : nous apprécions le silence, pas une voiture. Quelques voix lointaines et un coq ; nos sportifs reviennent bien contents et nous rédigeons nos cartes postales en commun. Il en manque toujours une quand on croit avoir fini : fous rires.Repas à 18h30 dans le restaurant de l’hôtel situé dans un bâtiment en contrebas. Vaste salle « communiste » à l’éclairage blafard avec petite scène de théâtre dont le décor représente bien sûr la muraille. Nous commandons des plats traduits vaguement en anglais, ce sera la surprise. Un vrai festin sans presque attendre : des pommes de terre râpées au goût de céleri à peine cuites et craquantes, du poulet aux haricots, de la viande au piment et cumin : fort mais excellent et de la viande sucrée pour farcir des tranches de tofu qui ressemblent à du cheddar ! Mifa, soupe aux noddles, bières, thé. Les serveuses s’ennuient derrière le comptoir. Il pleut. Nous profitons du pavillon, bavardages sous la galerie puis dans le salon pour faire le point des jours à venir, et discussions politiques. Il nous faut réfléchir sur la façon d’éclairer les lampes avant de nous allonger, tant les circuits sont inhabituels.
Dans l’hôtel Jin Shan au pied de la muraille, nous est réservé un petit pavillon rien que pour nous avec trois chambres autour d’un salon. Nous nous promenons après quelques courses de bouche : eau et biscuits. Une escouade bien organisée de marchands de souvenirs silencieux mais bien présents, s’accroche à nous pour l’ascension, chacun le sien !
La grande muraille serpente à l’infini, ponctuée de tours surmontant le paysage semi-brumeux ; la réverbération est forte, heureusement le vent est bien présent. Il y a deux jours nous visitions la cité interdite, aujourd’hui nous sommes dans un lieu majeur de l’histoire du monde nous apprécions ce privilège et peu importe si ce monument est visible ou non de la lune. C’est une sorte de ligne Maginot qui a plus servi à ravitailler des contrées éloignées que défendu des mongols. Environ 10 millions d'ouvriers seraient morts pendant les travaux. Les livres parlent d’un dragon couché sur des collines : 8800 km avec des interruptions. Les chiffres varient mais restent dans des dimensions colossales. Les marches de taille inégales montent et descendent et recommencent. La pente est rude mais la route, suivant les crêtes, n’est pas droite. Nos « guides locaux » nous abandonnent avec la promesse que nous ferons affaire en bas. Nous croisons, surtout après la station d’arrivée du téléphérique, d’autres touristes, mais pas des hordes. Nous cassons une petite graine à l’abri frais d’une tour. Nous nous séparons : les plus gaillards poursuivent enfin à leur rythme, Danny redescend avec Diane qui pétoche autant qu’elle avec l’orage qui s’annonce, nous, nous flânons.Tonnerre, la brume s’estompe, le ciel noircit avec des pointes de lumière magnifiques, la vue se dégage et nous sommes seuls! Roulement de tambours dans le ciel, le ciel change de seconde en seconde, la muraille révèle ses teintes de briques, du gris au jaune ou rouge. Les paysages ressemblent aux peintures… chinoises, du foncé au clair pour les collines et montagnes. Nous prenons un chemin différent bien entretenu et empierré où la pluie nous surprend. Une maison abandonnée au bout d’un pont « à la chinoise » nous impressionne. A l’arrivée nos vendeurs sont là, le marchandage est souriant, tandis que notre comparse nous immortalise dans nos ponchos de Schtroumpfs. Le temps est breton : nous apprécions le silence, pas une voiture. Quelques voix lointaines et un coq ; nos sportifs reviennent bien contents et nous rédigeons nos cartes postales en commun. Il en manque toujours une quand on croit avoir fini : fous rires.Repas à 18h30 dans le restaurant de l’hôtel situé dans un bâtiment en contrebas. Vaste salle « communiste » à l’éclairage blafard avec petite scène de théâtre dont le décor représente bien sûr la muraille. Nous commandons des plats traduits vaguement en anglais, ce sera la surprise. Un vrai festin sans presque attendre : des pommes de terre râpées au goût de céleri à peine cuites et craquantes, du poulet aux haricots, de la viande au piment et cumin : fort mais excellent et de la viande sucrée pour farcir des tranches de tofu qui ressemblent à du cheddar ! Mifa, soupe aux noddles, bières, thé. Les serveuses s’ennuient derrière le comptoir. Il pleut. Nous profitons du pavillon, bavardages sous la galerie puis dans le salon pour faire le point des jours à venir, et discussions politiques. Il nous faut réfléchir sur la façon d’éclairer les lampes avant de nous allonger, tant les circuits sont inhabituels.
mardi 1 février 2011
Paul à Québec. Michel Rabagliati.
Prix du public à Angoulême, et ce n’est pas volé ! Rares sont les B.D. avec leurs allures rigolotes qui vous bouleversent, eh bien c’est le cas avec ce volume de 187 pages aux éditions la Pastèque.
Portant en série télévisée, j’aurai méprisé cette chronique de la vie heureuse d’une grande famille. Et pourquoi découpée en cases, je suis entré dans l’histoire de ces gens ordinaires ? Les assemblées y sont chaleureuses et les individus sympathiques. Bien des expressions de là bas ajoutent des couleurs : « Ils font exprès pour t’étriver p’pa… Achale moi pas toi ! » Les traits sont ceux d’un fin humoriste, le montage et les cadrages élégants permettent le recul qui mène à l’universel. On aimerait assurer aussi gentiment, efficacement et souvent joyeusement l’accompagnement d’un des piliers de la tribu qui arrive en fin de vie. Le temps a passé depuis la cabane à sucre dans la campagne, les jeunes ont déménagé, les petits ont grandi, le grand père fume ses dernières cigarettes. Le récit des années terribles de sa jeunesse a beau être violent, venant dans un moment apaisé d’une vie réussie, il participe à la plénitude de ces existences.
« Vieillir n’est pas drôle pantoute mon Paul, profitez de vot’ jeunesse, parce que ça passe vite en simonac, la vie. »
Portant en série télévisée, j’aurai méprisé cette chronique de la vie heureuse d’une grande famille. Et pourquoi découpée en cases, je suis entré dans l’histoire de ces gens ordinaires ? Les assemblées y sont chaleureuses et les individus sympathiques. Bien des expressions de là bas ajoutent des couleurs : « Ils font exprès pour t’étriver p’pa… Achale moi pas toi ! » Les traits sont ceux d’un fin humoriste, le montage et les cadrages élégants permettent le recul qui mène à l’universel. On aimerait assurer aussi gentiment, efficacement et souvent joyeusement l’accompagnement d’un des piliers de la tribu qui arrive en fin de vie. Le temps a passé depuis la cabane à sucre dans la campagne, les jeunes ont déménagé, les petits ont grandi, le grand père fume ses dernières cigarettes. Le récit des années terribles de sa jeunesse a beau être violent, venant dans un moment apaisé d’une vie réussie, il participe à la plénitude de ces existences.
« Vieillir n’est pas drôle pantoute mon Paul, profitez de vot’ jeunesse, parce que ça passe vite en simonac, la vie. »
lundi 31 janvier 2011
Le secret de Chanda. Oliver Schmitz
Un enfant vient de mourir, sa mère est malade, le père est une loque : heureusement la fille ainée va sauver le reste de la famille et donner un peu d’espoir dans un milieu où la superstition attise la folie des foules. Le SIDA n’est pas qu’une catastrophe sanitaire mais un désastre culturel, une démolition de la société. La solidarité qui permettait encore la survie dans les quartiers explose. Ce film se déroulant en Afrique du sud est un mélo, mais il n’y a pas de honte si son efficacité amène à dévoiler les non-dits, avancer un peu vers la vérité.
dimanche 30 janvier 2011
Que faire ? (Le retour). Jean- Charles Massera.
Je n’avais pas apprécié un des livres du critique d'art, et écrivain : « We are l’Europe » et là mis en scène par Benoit Lambert avec de bonnes tranches de chanson et des citations à la pelle, je me suis régalé avec toute la salle de l’Hexagone qui applaudissait en cadence une représentation théâtrale qui se termine tout de même par la confection d’un cocktail Molotov. Et nous sommes à Meylan, en banlieue chic. Martine Schambacher et François Chattot les deux acteurs sont pour beaucoup dans la réussite de la soirée avec leur conviction, leur entrain, leur fraîcheur. Dans leur cuisine en bois blanc, avant le « Que faire ? » léninien, la question féconde est « On garde ? » Ainsi quand il faut se débarrasser de livres, est ce qu’on met dans un sac la révolution française, la russe, mai 68, la déclaration des droits de l’homme, l’art contemporain, Beuys et d’autres ? Dont une américaine qui aurait composé un alphabet culinaire et va offrir l’occasion au couple laconique au départ, de partir en vrilles réjouissantes. Il est question de politique et du sens de la vie, il faut vivre malgré l’absurde et le vide qui s’ouvre sous nos pas. Des extraits de Ferré, Piaf, Deleuze et Guattari, Descartes, Bourdieu, je me disais : il faut retrouver ces morceaux, il y avait du Godard paraît-il et du Bergman, mais je n’ai pas reconnu. En tous cas c’était bien, par contre j’ai récupéré le texte d’une chanson d’Anne Sylvestre découvert ce soir :
« J'aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur cœur se balancer
J'aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer
J'aime les gens qui tremblent
Que parfois ils ne semblent
Capables de juger
J'aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté
J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons
J'aime ceux qui paniquent
Ceux qui sont pas logiques
Enfin, pas comme il faut,
...
J'aime les gens qui doutent
Et voudraient qu'on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu'on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps
Qu'on leur dise que l'âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu'on les remercie
Qu'on leur dise, on leur crie
"Merci d'avoir vécu
Merci pour la tendresse
Et tant pis pour vos fesses
Qui ont fait ce qu'elles ont pu".
Et une petite pastille de Mouloudji :
« Bien qu'aveugles sur fond de nuit
entre les gouffres infinis
des milliards d'étoiles qui rient...
faut vivre...
malgré qu'on soit pas toujours beau
et que l'on ait plus ses seize ans
et sur l'espoir un chèque en blanc
faut vivre...
malgré le cœur qui perd le nord
au vent d'amour qui souffle encore
et qui parfois encore nous grise
faut vivre... »
« J'aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur cœur se balancer
J'aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer
J'aime les gens qui tremblent
Que parfois ils ne semblent
Capables de juger
J'aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté
J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons
J'aime ceux qui paniquent
Ceux qui sont pas logiques
Enfin, pas comme il faut,
...
J'aime les gens qui doutent
Et voudraient qu'on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu'on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps
Qu'on leur dise que l'âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu'on les remercie
Qu'on leur dise, on leur crie
"Merci d'avoir vécu
Merci pour la tendresse
Et tant pis pour vos fesses
Qui ont fait ce qu'elles ont pu".
Et une petite pastille de Mouloudji :
« Bien qu'aveugles sur fond de nuit
entre les gouffres infinis
des milliards d'étoiles qui rient...
faut vivre...
malgré qu'on soit pas toujours beau
et que l'on ait plus ses seize ans
et sur l'espoir un chèque en blanc
faut vivre...
malgré le cœur qui perd le nord
au vent d'amour qui souffle encore
et qui parfois encore nous grise
faut vivre... »
samedi 29 janvier 2011
Ce qui a dévoré nos cœurs. Louise Erdrich.
Je garde de mes ancêtres laboureurs, une part d’incompréhension à l’égard des oisifs qui se promènent dans la campagne; je me soigne, mais c’est encore dans les livres que je trouve le plus de charme à la nature.
Louise Erdrich nous avait livré un ouvrage roboratif avec « La chorale des maîtres bouchers », c’était son côté allemand ; cette fois c’est sa part indienne qui s’exprime puissamment.
Un tambour rituel découvert lors d’un inventaire dans une maison américaine va être le véhicule de transmission d’histoires essentielles peuplées de personnages qui acquièrent très vite une densité chaleureuse. Même les corbeaux dévoilent de leurs mystères, alors si les loups, les ours constituent un fond romanesque, les humains dans ces contrées où le froid est plus froid, sont palpitants.
L’empathie de la romancière n’est jamais mièvre et bien des scènes sont violentes, des situations pénibles avec incendies, abandons et chienne folle ; elle nous emmène où elle veut sans les artifices du polar. Nous partageons sa façon d’envisager la vie, la mort, les filiations d’une façon inédite. Ce tambour dont il est question qui exacerbe les sentiments, qui initie, qui rappelle, c’est ce livre lui même.
Je suis assez imperméable aux atmosphères fantastiques et pourtant dans ces 300 pages, j’ai suivi avec passion ces dialogues entre vivants et morts, à la fois poétiques et enracinés dans la terre la plus élémentaire.
« Tu es ici pour être engloutie. Et quand il t’adviendra que tu sois brisée, trahie, abandonnée, blessée, ou que la mort te frôle, autorise- toi à t’asseoir au pied d’un pommier et écoute les pommes tomber en tas autour de toi, gaspillant leur goût sucré. Dis-toi que tu en as goûté autant que tu as pu. »
Louise Erdrich nous avait livré un ouvrage roboratif avec « La chorale des maîtres bouchers », c’était son côté allemand ; cette fois c’est sa part indienne qui s’exprime puissamment.
Un tambour rituel découvert lors d’un inventaire dans une maison américaine va être le véhicule de transmission d’histoires essentielles peuplées de personnages qui acquièrent très vite une densité chaleureuse. Même les corbeaux dévoilent de leurs mystères, alors si les loups, les ours constituent un fond romanesque, les humains dans ces contrées où le froid est plus froid, sont palpitants.
L’empathie de la romancière n’est jamais mièvre et bien des scènes sont violentes, des situations pénibles avec incendies, abandons et chienne folle ; elle nous emmène où elle veut sans les artifices du polar. Nous partageons sa façon d’envisager la vie, la mort, les filiations d’une façon inédite. Ce tambour dont il est question qui exacerbe les sentiments, qui initie, qui rappelle, c’est ce livre lui même.
Je suis assez imperméable aux atmosphères fantastiques et pourtant dans ces 300 pages, j’ai suivi avec passion ces dialogues entre vivants et morts, à la fois poétiques et enracinés dans la terre la plus élémentaire.
« Tu es ici pour être engloutie. Et quand il t’adviendra que tu sois brisée, trahie, abandonnée, blessée, ou que la mort te frôle, autorise- toi à t’asseoir au pied d’un pommier et écoute les pommes tomber en tas autour de toi, gaspillant leur goût sucré. Dis-toi que tu en as goûté autant que tu as pu. »
Inscription à :
Articles (Atom)