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Augustine Marie Joseph née en 1912 est décédée en 1999.
A l’attention de ses enfants, petits enfants et arrière petits enfants, elle a laissé trois cahiers dont un de poésies.
Née dans le Pas de Calais à Auchel dans le Pays minier, elle a pris son stylo à bille en 1978 afin de relater l’histoire de sa vie. Elle a quitté l’école avant d’obtenir son certificat d’études primaires, ce qui était le cas de la plupart des enfants de mineurs. Mais son caractère joyeux, son énergie, son sens de l’observation, son humour ont guidé la rédaction de souvenirs sans misérabilisme.
Les travailleurs du charbon étaient fiers de leur condition de mineurs.
Certes, pauvreté allant jusqu’au dénuement quand le nombre d’enfants était important mais ciment familial, solidarité gages de survie.
La fratrie d’Augustine ( 11 enfants ) n’a connu aucun décès.
Je suis sa fille aînée à qui elle a confié ses écrits. Je les ai saisis me contentant de corriger l’orthographe et la ponctuation.
Ses textes sont écrits sans ratures : de simples ajouts très rares.
Document illustrant un passé ouvrier, la lutte opiniâtre pour améliorer sa condition, « s’élever » socialement, devenir son propre patron.
Les grandes guerres aussi comme des vols de vautours sur l’innocence des agneaux.
Si des jeunes lisent les fragments publiés par Guy que je remercie de tout mon cœur au nom de ma mère disparue, ils découvriront combien forte était la soif d’apprendre chez les enfants de mineurs. Aujourd’hui l’Ecole est parfois vécue comme une punition par les ados dans nos pays privilégiés.
« Il va falloir recruter 9,1 millions d’enseignants d’ici à 2015 … pour combler la pénurie et assurer la scolarisation de tous les enfants de 6 à 11 ans
selon le dernier rapport de l’Unesco sur la demande mondiale… »« Le Monde » 4 octobre 2010.
Marie Treize
Nous poursuivrons la publication de ses écrits en plusieurs épisodes,les mardis qui viennent.
La vie d’Augustine.#1Du temps de mon père, quand les mineurs toussaient, on disait qu’ils crachaient leurs poumons.
La vie devenait très dure. Les ouvriers commençaient à se révolter. Ils s’attaquaient aux hommes politiques surtout (Poincaré). On sentait la guerre venir. Il y a eu des assassinats. Heureusement, Clémenceau était pour la classe ouvrière : il nous aidait mieux.
Mes aînés travaillaient, aidant la famille à vivre car la retraite de mon père ne suffisait pas. Mais le docteur était gratuit pour les mineurs (Les Mines, propriétés privées avaient un dispensaire pour les familles de mineurs).*
Ma mère et mes sœurs, Sophie et Jeanne, faisaient des lessives : pas de machines à laver !
Cela se faisait dans de grands tonneaux sciés en deux. Chaque moitié était équipée d’un battoir accroché à la paroi. On le manipulait de droite et de gauche. Et toute cette eau qu’il fallait transporter depuis la pompe avec les jougs…
Maria, la mère de Lucienne prenait des cours d’infirmière tout en travaillant.
Nous n’avions pas de W.C. dans la maison. Le « cabinet » était au fond du jardin.
C’était souvent la galopade : il fallait faire la queue. Parfois on allait dans le cabinet du voisin qui était collé de dos au nôtre.
Le réservoir à excréments était une cuve en bois qu’il fallait vider de temps en temps
Nous-mêmes car il n’y avait pas de vidangeurs dans les corons. On vidait les caisses dans un trou du jardin comme toutes les familles des corons. Cela se faisait surtout l’hiver. Il fallait avoir une sacrée santé !
Mes frères reconnaissaient l’odeur des voisins. Ils disaient : tiens, chez les Vylérie, ils vident leur merde. On reconnaît leur parfum !
Et pour nous c’était pareil, puisque l’on ne pouvait pas faire autrement.
Mais il fallait voir comme nos légumes étaient beaux !
On recouvrait les trous avec de la paille et des épluchures et ça nous donnait un excellent fumier que l’on répartissait dans tous les jardins par roulement.
* Note du transcripteur