vendredi 5 novembre 2010

Quand le local cale.

Claude Dilain, le maire PS de Clichy-sous-Bois : « On doit faire face à une perte de confiance extrêmement préoccupante vis-à-vis du politique. C’est beaucoup plus grave que le nombre de voitures brûlées ». Si lui aussi en est à ce constat, en ne se mettant pas à part, dans ce désaveu, alors qu’il n’a pas renoncé à sortir sa ville du marasme où l’a plongé le pouvoir central depuis des décennies : c’est que le mal est profond.
La gauche est reconnue pour ses compétences sur le plan local.Cette réalité en arrive à être d’autant plus cruelle dans notre périmètre local à nous, puisque les électeurs ne savent plus mettre le « bon » bulletin dans l’urne. Nos élus minoritaires au conseil municipal, contraints à la figuration inintelligente, pensent que pour regagner des voix, il suffit de courir après toute protestation et surtout ne produire aucune idée qui puisse tracer une autre voie.
On a tellement dit que la gauche était idéaliste qu’il ne suffit pas d’endosser la tenue de l’opportunisme pour récolter les faveurs des citoyens qui ne sont pas si bêtes. La pertinence d’une démarche politique ne se valide pas à la dose de cynisme qu’il aura fallu mettre en œuvre, mais elle gagnerait en crédibilité en acceptant des paroles qui ne soient pas que des flatteries ni des renoncements.
Lors de la dernière réunion publique concernant le tram les élus d’en face et d’à côté ne se sont pas montrés bien persuasifs, ne cherchant même pas à convaincre. L’arrivée d’un moyen de transport moderne et structurant enfin sur l’axe nord de l’agglo est une chance. Les verts approuvent quand même la construction de logements indispensables, mais point trop n’en faut quand même, et la maire dit « s’asseoir à côté » de ses administrés, sur la défensive pour la plupart à cette réunion organisée par le SMTC, où elle a par ailleurs des responsabilités.Double casquette de plomb.
Quand il y a des bénéfices électoraux à tirer de l’intercommunalité, les élus ne vont pas s’asseoir derrière l’appareil photo, pour ce qui est d’avancer des convictions fortes, chacun laisse les techniciens aller au charbon. L’ancien maire, de gauche, a , lui, ergoté sur l’emplacement d’une station qui mettrait la poste à 200 m de l’arrêt le plus proche ; nous sommes à l’arrêt.

jeudi 4 novembre 2010

Ce que nous devons à l’Afrique.

Je crois, que si j’avais eu encore des élèves, je serais allé avec eux à cette exposition qui dure jusqu’en janvier 2012, même si la profusion de textes mérite une préparation pour simplifier l’approche. C'est d'une triste banalité de constater l’ignorance qui est attachée à ce continent, ce choix du Musée dauphinois est utile. L’originalité des présentations à Sainte Marie d’en haut s’est peut être un peu émoussée à mes yeux, mais le parti pris de montrer de nombreux panneaux sur des tissus qui évoquent les tentes des déserts est dans la lignée d’une muséographie qui séduit sans être tapageuse.
J’ai été plus attiré par les très belles photographies des hommes de la vallée de l’Omo en Ethiopie par Hans Sylvester que par les panneaux de déclarations d’Edgar Pisani. Des visages superbes s’encadrent de végétation, mais ce sont des images ultimes d’un monde qui meurt.
Alors que les communautés Italiennes, arméniennes ou maghrébines de la ville ont eu droit à leur exposition sur leur vie ici, celle-ci est consacrée à l’Afrique en général.
De Lucy qui témoigne que la femme africaine « est entrée dans l’histoire » depuis un bon moment, jusqu’aux sénégalais montés dans le Vercors résistant. Notre héros local, Barnave, l’homme des droits de l’homme, n’était pas partisan de la fin de l’esclavage contrairement à l’abbé Grégoire. Où j’ai appris aussi que le maréchal Randon qui a donné son nom à une avenue de la ville olympique fut gouverneur en Algérie.
Le recours à des œuvres d’art contemporain, dont celle de Moridja Kitenge Banza qui compose une chorale à lui tout seul, filmé nu trente fois en train de chanter un hymne composé de plusieurs hymnes, est intéressant. En inversant la question initiale développée tout au long du parcours avec la carte des gisements de matières premières et l’évocation de royaumes prestigieux, le rappel de la dette dont le compteur a beau périodiquement retomber à zéro, est stimulant.
Cette réalité est plus forte que toutes les bonnes intentions, et les beaux bijoux dans les vitrines que valent-ils, quand pour se désaltérer, il n’y plus que le sang d’une vache efflanquée à boire ?

mercredi 3 novembre 2010

J 9. New York. De devantures en devantures.

Ce matin est lumineux, embaumé par les lilas de la maison voisine.
Le Woolworth building, notre première destination du jour n’est pas loin d’une station de métro. Son style néogothique est inattendu pour un bâtiment de 60 étages dont l’accès nous est refusé par un vigile élégant, courtois, mais ferme. A côté, des manifestants sont parqués sur le trottoir derrière des barrières surveillées par des policiers. Ils brandissent des pancartes et scandent des slogans avec conviction dans le style calls and répons africains : "raise your head » (relevez la tête). Nous comprenons vaguement le sens de leurs revendications; il est question d’éducation, de corruption et de réformes estimées insuffisantes.
Il est facile de se repérer dans la ville en quadrillage. Nous reprenons notre route vers Ground zéro. Devant une grande croix érigée en souvenir de twin towers et ses victimes, nous attrapons le bus M1 qui traverse une bonne partie de Manhattan jusqu’à Madison Square Garden.
Nous commençons par la grande poste accessible par un escalier monumental en gradins sur lesquels les gens prennent le soleil, d’autres s’entrainent à l’art du dessin appuyés sur de grands cartons. Nous pénétrons dans un hall tout en largeur par une porte à tambour, son style rappelle celui de grand Center Terminal. Un vigile nous interdit de photographier. En échange il nous fournit un texte où l’on apprend l’action décisive de Richelieu dans l’invention du courrier postal.
Nous traversons ensuite la route et entrons dans le mythique Madison Square Garden, « le jardin des rêves », vide à cette heure. Des photos commémorent les passages des VIP des sports, du spectacle : de Buffalo Bill au pape. Au sol, des plaques commémoratives honorent quelques grands noms.Nous ne sommes pas très loin à pied du grand magasin Macy’s. Nous y pénétrons et profitons des élévators jusqu’au 8° étage, non stop, en espérant profiter d’une vue élevée sur le quartier, ce qui n’est pas le cas. Le magasin ne présente pas d’intérêt architectural particulier, les enseignes et les marques se rapprochent de celles des galeries Lafayette. Seul détail marquant : la survivance de vieux escalators en bois.
Il est temps de se restaurer et sur la 8° avenue nous rentrons dans un Deli Alp Farm. Nous nous servons directement dans des emballages en plastique. Nous payons au poids et nous mangeons à l’étage avec vue sur la rue. Nous payons pour cinq le prix d’un seul repas au Métropolitan Muséum.
Nous retournons à Times Square grouillant de monde avec un nombre important de policiers qui encadrent « the earth Day » et ses manifestations. Nous nous dirigeons ensuite vers le Rockefeller Center. En l’espace de quelques minutes, le ciel s’obscurcit libérant quelques gouttes, juste au moment où nous atteignons le gratte ciel. Nous ne nous éternisons pas sur la place carrée entourée de drapeaux, nous passons à nouveau une porte à tambour, pour nous abriter dans le hall monumental et sombre. Le marbre en impose et la décoration en réfection se compose de fresques dont le style se situerait entre Goya et Michel Ange, ponctuées de citations. Nous prenons le Métro pour Chelsea, ce qui nous permet de visiter le degré inférieur de l’immeuble rempli de restaurants, de petites boutiques et d’un local dédié au cirage de chaussures. Assis sur des chaises en hauteur, les businessmen parcourent leur journal et consultent leur I pod tandis que des employés en tablier rouge soignent les chaussures qui leur sont confiées.
Encore une fois un homme se détourne de son chemin pour nous mettre sur la voie du bon métro : nous descendons à la station 14 Street, pile en face du magasin Dave’s adresse recommandée pour les jeans Lewis, par un familier de Big Apple. Il s’agit des stocks d’années précédentes cédés à des prix imbattables, 30$ l’un. Nous faisons nos emplettes dans ce grand magasin presque vide. Nous causons avec un vendeur sénégalais, américain depuis quatre ans, positif, vantant aussi la beauté de son pays d’origine.
Dehors le temps fait des caprices, nous nous abritons dans un magasin de sport et pratiquons des sauts de puces de devantures en devantures pour revenir à Times Square sous un ciel presque bleu. Nous poursuivons le programme établi ce matin, direction Pier 83 entre la 43° et la 42°. Nous trouvons facilement le « Circle line » au bord de l’Hudson. Nous finissons par comprendre qu’un ticket payé donne droit à un ticket gratuit et que le tour dure 2h. Nous achetons finalement 3 passages valables pour 5 et embarquons après une fouille vite faite. Nous sommes ravis par la vue sur les buildings des deux côtés de l’Hudson, encore différente de celles appréciées du haut de l’Empire State Building, depuis la plateforme d’un autobus ou à pied le nez en l’air dans les rues de NY. Le bateau chemine autour de la pointe sud de Manhattan, poursuit sous le pont de Brooklyn et remonte encore. Les lumières du jour déclinant peignent le ciel de teintes fabuleuses, sur lesquelles se détache la skyline newyorkaise. Les gratte ciels s’allument peu à peu à tous les étages au mépris des économies d’énergie mais pour notre plus grand plaisir. Au retour le bateau s’approche de Miss Liberty, protectrice. Il fait froid sur le pont mais cela n’entache pas notre appréciation d’un moment grandiose. Nous débarquons à 21h, enchantés et refroidis, mangeons vers la 8° avenue un burger King, des frites, des oignons en beignets et rentrons à Jefferson street.

mardi 2 novembre 2010

Mon voisin de table de dessin est digigraphiste

Des couleurs d’une enfance au bord de la Méditerranée, en passant par les vapeurs acryliques, Etienne Bonillo, propose aujourd’hui des éditions en tirages limités en digigraphie.
Ce sont des photographies agrandies de ses œuvres et reproduites par impression de jets d'encre sur toile.
Ces lithographies numériques valorisent ainsi les productions à crayons et pinceaux.
Le jovial artiste participe activement aux ateliers de l’ACDA du côté de Grenoble et expose essentiellement sur la côte d’azur, en PACA. Un voyageur.
Ajoutant ainsi des pixels à sa palette, ses toiles accèdent à une seconde nature.
Jean Marc Lozano, chargé de cours à l’université, dit à son propos :
« l’artiste construit son épanouissement dans des créations impressionnistes ou l’œil du contemplatif se doit de construire cette image déracinée de son double »

lundi 1 novembre 2010

Nostalgie de la lumière. Patricio Guzman

Que cherchent les astronomes depuis le désert chilien de l’Atacama avec leurs télescopes braqués vers les univers les plus lointains ? Ils explorent le passé puisque les lumières observées datent de millions d’années, comme les veuves qui remuent le sable à la recherche des os de leurs maris disparus dans les camps de concentration de Pinochet. Déterrés leurs restes ont été parfois jetés en mer pour que ce passé ne laisse pas de trace. Un beau film où les années lumières constituent l’unité adéquate alors que des mesures de temps plus humaines vont vers l’oubli. A l’heure de la dématérialisation des corps morts, la quête des femmes de quelques poussières, illustre la nécessité absolue de pouvoir « faire un deuil » qui leur a même été refusé.
Péchée sur un autre site, cette citation de Kant convient parfaitement à ce film : "Le ciel étoilé au dessus de ma tête, la loi morale au fond de mon cœur…" 3000 morts et disparus, plus de 30.000 personnes torturées, des milliers d’exilés ; la dictature du général Pinochet dura 17ans.

dimanche 31 octobre 2010

Manset

Au moment où la radio de son maître se taisait en 68, les ondes planantes de Gérard Manset ont pu passer, depuis il y est rarissime. Cela conforte ses fidèles d’autant plus inconditionnels qu’ils ne sont pas noyés dans une foule d’allumeurs de briquet. La compagnie de pairs qui ont reconnu ce successeur de Gainsbourg et des Beatles réunis comme un grand leur suffit : Bashung, Hardy, Cabrel, Sheller, Clerc…
Le chanteur qui peint et pratique la photographie a été chiche de sa propre image et son refus de rééditer quelques succès a fait monter sa cote.
Il voyage en solitaire et nous nous reconnaissons dans son parcours, quand « être au monde » va avec la volonté de mener sa barque comme on l’entend :
« Mais il est seul
Un jour
L'amour
L'a quitté, s'en est allé
Faire un tour
D'l'autr' côté
D'une ville où y avait pas de places pour se garer. »

Il est parti aux autres bouts du monde, sans poser au héros comme Lavilliers, son regard fixé sur les tapisseries décollées des chambres tropicales et revenant avec de beaux papiers.
Il nous dit bien que
« Les capitales sont toutes les mêmes devenues
Aux facettes d'un même miroir
Vêtues d'acier, vêtues de noir »

Mais il ne s’en est pas retourné, aveuglé par les longues pluies, il a su très tôt nous dire :
« Il faudra bien qu'on pense un jour
Aux enfants qui poussent dans les tours,
Sur les trottoirs, sous les néons
Ceux qu'on ramasse dans les cartons.
Où sont les vastes terrains vagues,
Tout est silence.
Les murs de briques, les tas de sable
De mon enfance.
Les enfants nus, visage de charbon
Suivant les sentiers dans la grisaille
De nos maisons de France. »

Il mêle les éléments les plus fondamentaux le vent, l’eau, le soleil aux Légo sans mémoire, aux mocassins sous des tapis de violons. La ménagère au matin fait chauffer de l’eau et rêve.
Je peux l’écouter des heures, l’oublier, revenir vers ses incantations et me laisser enlacer par ses mots essentiels.

samedi 30 octobre 2010

« Tous les enfants sauf un. »

C’est ce que Philippe Forest a fait écrire sur la tombe de sa petite fille morte d’un cancer il y a dix ans, elle n’avait pas cinq ans. C’est la première phrase de « Peter Pan », mais la littérature ne sauvera pas le papa qui a noirci tant de pages après ce drame. Dans ce livre, il reprend le récit de cette mort et élargit sa réflexion sur l’hôpital, le statut de l’enfant, le cancer, la religion, le deuil et ses travaux forcés, sans détours.
Il cherche : « On doit pouvoir faire plus simple encore. J’aimerais pouvoir y parvenir. Rien ne remplacera celui qu’on a perdu. Et c’est seulement à la condition d’accepter cette évidence que, consentant au sacrifice de soi-même, on conserve vive la vérité d’avoir aimé. »