mercredi 15 septembre 2010

New York J 2 : ici on parle français.

Réveil à 6h, après une bonne nuit dans un lit gigantesque. Episode oreilles basses quand je m’aperçois de la disparition de l’appareil photo, que nous retrouvons finalement.
Sous un ciel sans nuage, au propre comme au figuré, nous partons l’esprit léger prendre le métro à la station Nostrand. Là nous achetons un Pass voyages illimités valable 7 jours à 27 $ au moyen d’une machine qui parle français si on le lui demande. Les couloirs sont délabrés et sales. En direction de Manhattan, les rames sont occupées d’abord exclusivement par des noirs, entassés, puis peu à peu, l’usager devient blanc et en nombre moindre. L’express nous permet de gagner du temps, le trajet dure en gros une demi-heure jusqu’à la 42° rue de la 7° avenue, vers Times Square.
A la sortie du métro le choc : nous nous sentons tellement petits dans Manhattan avec ses rues bordées de gratte-ciels, ses pubs géantes et ses animations projetées sur les façades. Le soleil peine à s’engouffrer dans la rue. Sur la route défilent des taxis jaunes, mais aussi des limousines, des 4X4, des policiers à cheval, tous respectueux des feux de circulation suspendus au dessus des routes. Les piétons obéissent soit à une main rouge ou clignotante, soit à un petit bonhomme vert qui marche. Nous sommes vite abordés par du personnel habillé en rouge de la Gray Line proposant un New York sighting: ils sont tous blacks et beaucoup parlent français. Pour ce billet du tour de la ville en bus, ils se font tirer l’oreille pour appliquer la réduction incluse dans le New York City Pass qui coûte dans les 60$ avec les incontournables : Empire State Building panorama, American Museum of Natural history, Museum of Modern Art, Metropolitan Museum of Art, Guggenheim Museum, Statue of Liberty and Ellis Island …
Mais tandis que nous poursuivons notre chemin, un employé nous rattrape et concède la ristourne des 10 $ tout en en levant 2 $ de taxes après avoir beaucoup palabré avec un collègue en langue du Togo. Il nous apprend que beaucoup de ses compatriotes viennent ainsi trouver du boulot aux US où les formalités et les papiers sont plus faciles à obtenir qu’en France. Nous nous sentons un peu en connivence grâce à notre langue.
Notre lieu de rendez vous à Times Square est sur les gradins qui permettent une vue sur la place effervescente nommée ainsi car c’était l'ancien emplacement du siège du « New York Times ».
Nous grimpons sur l’impériale de notre bus pour un circuit de deux heures dans la partie plutôt Sud de Manhattan qui nous promènera vers l’Empire State Building, le fer à repasser (flat iron building) en bordure de Greenwich village et Soho, vers le site du World Trade Center, Battery Park (face à la statue de La Liberté) puis remontera vers Brooklyn Bridge, China town, Little Italy, les bâtiments de l’Organisation des Nations Unies après East village, Rockefeller Center et enfin Central Park. Nous ne saisissons pas l’humour de notre guide qui se met parfois à hurler furieusement dans son micro. Par contre nous apprécions l’itinéraire qui nous fait prendre la mesure de l’architecture époustouflante, parfois gothique, écrasante, élancée, ou art déco, moderne, délirante mais toujours gigantesque. Du haut de notre bus, nous sommes surpris par les odeurs de cuisine, Mac Do ou plus exotiques et retrouvons encore des images familières de NYC avec les vapeurs qui émanent de tuyaux plantés dans le sol ou sortant de toits comme le mug géant qui sert de pub, et ces réservoirs style réservoirs d’eau des chemins de fer de western se découpant dans les airs. Je photographie sans relâche. Nous nous promenons aussi au hasard : dans une rue stationne un camion mastodonte, bleu roi métallisé, chromes étincelants, il fait l’orgueil de son chauffeur qui invite une famille à s’installer pour des photos.
Nous retrouvons nos camarades qui nous emmènent au restau chinois avec nourriture à volonté pour 8,50 dollars. Je demande à un des clients l’autorisation de le photographier avec sa tenue qui me semble originale, cela m’est accordé à condition que je pose également avec mon modèle: il s’agit non pas d’un musicien comme je l’imaginais, mais d’un avocat du Nigéria.
En cherchant l’arrêt de notre deuxième circuit en bus, Nicole déniche un café Internet moins facile à dégotter qu’à Hanoï. Un vieil employé Haïtien « qui parle français comme toi » m’aide avec gentillesse à accéder aux ordinateurs. Pendant ce temps le reste de la troupe ne se régale pas avec le café d’un demi-litre (minimum vendu)
Nous prenons notre deuxième bus touristique. Cette fois la guide, une jeune femme enrouée nous commente le circuit autour de Central Park : cathédrale, Harlem (salle théâtre de l’Apollo) Guggenheim muséum, Métropolitan muséum, le zoo ; c’est moins impressionnant que la découverte de ce matin mais bien agréable. Le métro nous conduit ensuite en plein quartier chinois que nous traversons à pieds en direction du pont de Brooklyn ; le jour décline au moment où nous y parvenons. C’est au milieu des promeneurs que nous contemplons l’éclairage progressif des lumières des gratte-ciel s’ajoutant au rouge des feux et des phares des véhicules sur un ciel de plus en plus gris ; le lieu est très photogénique, derrière les filins entrecroisés. Pour la première fois nous sommes surpris par le bruit de la circulation, surtout les sirènes des ambulances et des pompiers en tous points semblables aux sons synthétiques de la foire de l’Esplanade.

mardi 14 septembre 2010

Berlin : la cité des pierres

Jason Lutes est à Berlin ce que Tardi est à Paris, avec le même bonheur pour le rythme des noirs et blancs et la minutie des dessins qui nous transportent dans les années 20. L’américain fait preuve de pédagogie pour nous faire partager les craintes et les espoirs de ses personnages. La première guerre finie est omniprésente avec tous ses éclopés. Les intellectuels, les artistes cherchaient un sens nouveau à l’art, à leurs vies. La misère frappait aux vitrines frivoles; des espoirs naissaient dans la classe ouvrière et des violences gonflaient les bannières et les muscles. Le dessinateur nous présente en 200 pages ce bouillonnement intellectuel, politique : un roman graphique efficace et enrichissant, aux cadrages variés qui nous dépayse dans le temps et l’espace, mais l’on ne peut s’empêcher de penser qu’en ce moment où toute une misère toque à nos rives, les paroles de ceux qui conduisaient les juifs à être pourchassés contiennent un venin toujours actif.

lundi 13 septembre 2010

Cleveland Vs Wall street. Jean Stéphane Bron

Les avocats de la ville de Cleveland dont des milliers d’habitants ont été expulsés de leur maison suite à la crise financière due aux subprimes devaient attaquer les banques en justice. Mais celles-ci sont tellement puissantes: ce procès n’a pu avoir lieu que sous la forme de ce film permettant de mettre des visages sur ces drames humains. Les protagonistes qui apparaissent à l’écran font partie de ceux qui ont été concernés directement dans cette affaire. La forme d’un procès convient bien à la dramaturgie, expose les arguments des deux parties en compagnie par exemple d’un dealer devenu courtier. Tous les arguments sont mis en lumière, le scandale de ce capitalisme le plus cynique, n’en est que plus flagrant.

dimanche 12 septembre 2010

La soupe au pistou.

Par piston, voici la recette recueillie auprès de la marchande de légumes de Laragne en 1989, et tellement rééditée depuis, qu’elle appartient désormais à notre patrimoine amical.
Faire revenir deux blancs de poireaux, un oignon dans l’huile d’olive, ajouter 4 à 5 tomates pelées.
Ajouter 500 g de haricots en grains (cosse jaune), 500 g en habit rouge et blanc, 500 g de haricots verts plats coupés en morceaux. Ajouter bouquet garni, poivre, couvrir d’eau. Après trois quarts d’heure ajouter quatre courgettes, un pomme de terre, une gousse d’ail émincée, saler, cuire encore trois quarts d’heure. Ajouter des tiges de basilic attachées et deux poignées de pâtes au dernier moment.
Pour le pistou (l’autre nom du basilic) six gousses d’ail, quatre tomates pelées( pas indispensables finalement cela affadit la préparation à mon avis) et les feuilles d’un bouquet de basilic, à servir à part avec éventuellement du parmesan.
Voilà une bonne quantité, de quoi se resservir des morceaux d’été sortis du congélateur en des temps plus brumeux.

samedi 11 septembre 2010

« Renouveau »

Précédé par « Les états généraux «, le mot figurait sur les bannières derrière les tribunes du forum de Libé en juin. A Alpexpo, de grands intellectuels : Morin, Viveret…, des politiques respectables : Rocard, Filoche…, des think tanks ayant pignon sur l’opinion : Terra Nova, fondation J. Jaurès…, des associations prestigieuses : Emmaüs, Ni pute ni soumise… s’entretenaient à proximité du quartier de la Villeneuve … à portée de fusil.
Le mot « fracture sociale » s’est inventé dans les colloques, la réalité insiste chaque jour.
Deux mondes : « Les maux de l’incompréhension ».
Quand sur fond de finitude écologique, d’aggravation des inégalités, la dictature de l’émotion s’incruste, comment respirer, espérer ?
Les thèmes évoqués à Grenoble furent ceux de la campagne de notre compagne du Poitou Charente disparue des écrans : la démocratie participative, la fraternité, les collectivités territoriales, avec un tantinet de « care » puisqu’il fut question de bienveillance, de courtoisie.
Des bons mots : « le socialisme à visage urbain », « les étrangers qui ont quitté un pays de soleil pour un pays de lumière » nous conviennent, mais avec un président qui n’est même plus le garant de la constitution avec ses sbires au dessus des lois, ça n’arrange pas l’espérance démocratique; même si la dénonciation est bien un versant de l’énonciation.
L’innocence est perdue, le progrès vécu comme une menace. Et dans les cellules solitaires, la vulnérabilité psychologique galope avec l’économique.
« La renaissance » était venue après une ère religieuse, hiérarchisée, révérente des pouvoirs, elle nous a ouvert à la perspective. Nous ne sommes pas en ces temps. Le monde est tellement complexe que même la souveraineté populaire est mise en question car bien des suffrages portent sur les apparences. Et l’urgence est brouillée avec les processus démocratiques.
J’ai trouvé juste la sentence :
« Avec la mondialisation, les riches des pays pauvres deviennent plus riches et les pauvres des pays riches deviennent plus pauvres ».
Mais pour habiller une conclusion, ce proverbe zoulou pourrait bien dire une volonté désespérée de persister :
« Si tu avances, t’es mort,
Si tu marches, t’es mort,
Si tu t’arrêtes, t’es mort,
Alors avance !»


Ci-dessous cliquez sur la chronique de François Morel d'hier, toujours excellent.

vendredi 10 septembre 2010

La violente espérance de Stéphane Hessel.

Agnès B. est à l’origine avec Boltanski de l’initiative de la publication de 100 000 exemplaires d’un huit pages d’un format ambitieux, investi par un artiste, ici Pascal Lemaître, diffusé à raison de six à huit numéros par an dans ses boutiques mais aussi dans des musées, des librairies …
Ce cinquantième numéro est consacré au diplomate Stéphane Hessel, qui est le fils de celle qui inspira le livre de Henri Pierre Roché « Jules et Jim », il fut le rédacteur de la déclaration universelle des droits de l’homme et reste un infatigable propagandiste de la cause humaniste un penseur toujours fécond, militant mais tellement libre.
Quelques articles de la déclaration sont rappelés sous le dessin d’un mur immense qui emprisonne le peuple palestinien :
« Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un état »
Apollinaire est souvent cité, c’est que le résistant de toujours est un fin connaisseur et se nourrit des poètes :
« Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait »

jeudi 9 septembre 2010

Gasiorowski au carré d’art à Nîmes.

Je n’avais jamais entendu parler de ce peintre, ainsi j‘ai eu le plaisir d’une découverte d’autant plus que le titre de l’exposition « recommencer, commencer de nouveau la peinture » avait tout pour appâter, dans ces temps où il est banal de constater la quasi disparition de la pratique du pinceau dans les propositions d’art contemporain. Le parcours de l’exposition qui lui est consacrée n’est pas jonché de coquelicots, les paradoxes ne manquent pas, ni les provocations : en fin de visite, des galettes d’excréments (les tourtes) sont disposées, parait-il en hommage aux pommes de Cézanne, avec des peintures issues d’un jus de la même matière. Cependant, la variété des approches, l’intensité de sa verve qualifiant de croûtes ses propres toiles, des cartes postales repeintes, des maquettes inondées de peinture pour déclarer la guerre à la peinture, des productions d’une fausse académie, ses identités variables, témoignent aussi de son amour de cet art comme de celui de la photographie. Passé du pop art avec de belles toiles en noir et blanc à la marque ténue d’un vol d’oiseau sur une feuille blanche, sur ses toiles gigantesques la peinture danse, la réalité se déchire. Régressions, répétitions, hommage à la terre des paysans avec humour et recherche de régénération. Il a désiré s’inscrire dans l’histoire qui va de Lascaux à Degas et cet accrochage qui retrace l’œuvre d’une vie abrégée en 86, nous intéresse.