L’auteure Bengalie sait de quoi elle parle ; interprète auprès des demandeurs d’asile, placée entre deux mondes, elle n’y va pas avec le dos de la cuillère et son style poétique ne brode pas la métaphore mais révèle les faux semblants, les mensonges, et crie la misère du monde.
« Les enfants soldats protègent leur foyer avec leurs bras d’allumettes. Ils remplissent leur cage d’os d’un grand souffle et se plongent dans la piscine sale de la pluie, dans les larges trous des trottoirs. Le fleuve déborde et noie la ville. »
Un fois encore c’est une étrangère qui régénère notre langue comme Makine le fit.
Sa colère qui éclate d’une façon fortuite se développe comme dans un ralenti, en ménageant les flous.
L’écriture précieuse n’atténue pas la brutalité des faits.
La romancière ne se place pas en surplomb avec pourtant une expression, une précision qui nous séduisent sans tomber dans le formalisme. Sa sincérité est un garde fou.
« Dès l’entrée ces hommes rappelaient l’arrière des boutiques et des restaurants faussement chics de la ville. Ils me rappelaient la crasse, l’eau sale et le tintement mélancolique des vaisselles bon marché, le parfum âpre des tissus exotiques. Ils étaient le revers de la broderie, ils étaient le dos noir des poêles trop usées, ils étaient la face cachée de la mascarade. Les officiers les interrogeaient, ils répondaient, je traduisais, je faisais le trait d’union entre eux. »
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