
Dehors il fait bon sous le soleil. Nous prenons le métro jusqu’à Lexington avenue et nous poursuivons à pied dans un quartier cossu mais pas tapageur où Dany remarque le nombre important de fleuristes. Nous débouchons bientôt face au Métropolitan Muséum et empruntons l’entrée des scolaires et des groupes, surpris du peu de personnes en attente. Nous échangeons nos Pass City contre une pastille métallique rose à agrafer à nos vêtements. Armés d’un plan détaillé, nous choisissons de commencer par l’aile américaine. Pour y parvenir nous traversons l’art médiéval et nous tombons sur une procession de pénitents en pierre, en lamentation rangés deux par deux, parfaitement éclairés. L’ensemble provient d’un tombeau de Jean sans peur près de Dijon et la mise en situation valorise chacun des personnages libérés ici de leur gangue gothique. Impressionnant, mais interdit de photographier.
Autour d’un patio protégé par une verrière nous découvrons l’art nouveau à travers Tiffany, artiste de mosaïques et de vitraux. Nous admirons l’escalier, des portes en verre aux décorations multiples, des vases, mais pas l’ombre d’une peinture. Un gardien interrogé par Nicole nous envoie de l’autre côté du musée nommé modern art.
Nous y voyons des toiles de peintres américains qui nous sont inconnus mais aussi
des œuvres peintes et sculptées de Giacometti, un portrait tragique de sa mère, un chat sculpté,des Balthus, trois petits autoportraits de Bacon superbes, des Dali dont une madone en trompe- l’œil, des Modigliani, des Beckmann, des Bonnard, des Matisse, des Vuillard, des Braque, des Juan gris…et pas de Picasso.
Pour changer, nous circulons par moment dans deux expositions art nouveau, où nous retenons un immense tableau de verre, métal et bois laqué extrait du paquebot Normandy. Quelques meubles stylisés, de la vaisselle, des bibelots, un ours de Pompon, des services à thé, des bijoux (collier de perruches en verre ou cristal) attestant de l’art abouti des artisans de cette période.
Nous sommes tous d’accord pour une halte au restaurant le plus proche à l’intérieur du musée où les prix dépassent très largement celui des restaus que nous fréquentons habituellement ( plus de 200 $ pour cinq personnes). Nous reposons un moment nos gambettes.

L’après-midi nous poursuivons avec l’art moderne du XX°. Dans cette partie du musée nous nous arrêtons devant une sorte de parabole constituée de multiples petits miroirs qui reflètent la même image démultipliée. Nous retenons aussi :
la reproduction du drapeau américain tout blanc comme décoloré, fané,
une toile circulaire d’un chinois réalisée avec de la cendre, des Pollock, des Kooning, un tableau représentant la mort de John Ford.
Mais nous ne pouvons pas tout retenir, nous oublions.
Nous décidons de passer un moment aux arts américains océaniens et africains : une mine ! Créativité, imagination, originalité et aussi des constantes entre les peuples. Nous ne finissons pas cette partie avant l’art africain. Je me consacre aux impressionnistes, dans l’ivresse juste avant la fermeture, je gave mon appareil photo, seul au milieu de chef d’œuvres inestimables.
Il reste tant à découvrir encore, nous n’avons pas vu la moitié des collections réparties dans des salles bien organisées, collections d’une grande diversité d’époque, d’art et de régions. J’avais lu qu’il y avait deux millions d’œuvres mais le plus souvent on parle de trois millions, pas toutes exposées quand même. Pas d’ordre chronologique pour les peintres et les œuvres, comme au Moma. Chaque salle correspond à une donation et porte le nom du donateur. Nous ne sortons pas saturés, avec l’impression d’avoir été privilégiés dans ce musée prestigieux et si nous avons croisé une classe d’ados aussi fatigués que les nôtres, de plus petits discrets, des enfants attentifs à l’adulte devant les Matisse, le public est à peine perceptible.
Dehors la pluie s’annonce par quelques gouttes clairsemées, puis plus serrées, elle clôt nos atermoiements d’emploi du temps : nous prenons le bus pour nous approcher du métro. A l’intérieur nous vérifions une fois de plus la sollicitude des newyorkais. Une dame nous prend sous son aile, nous entraine pour une correspondance de bus afin d’éviter au maximum de nous mouiller. Nous nous étonnons encore du nombre de personnes qui nous répondent dans notre langue. Ils ne sont pas touristes, mais Sénégalais, Algériens, résidents récents dans le nouveau monde. Nous poursuivons seuls le long trajet qui nous ramène à Brooklyn. Nous allons à la bibliothèque du quartier à deux pas de la maison, pour renouer avec Internet abandonné depuis une semaine, 3$ la ½ heure, parmi d’autres internautes, des joueurs d’échec et des lecteurs et choisissons des plats cuisinés chinois (26$ pour tout).