jeudi 12 septembre 2019

Rencontres photographiques d’Arles 2019.

« Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui. »
La formule de Guitry s’applique à Avignon pour les rues qui paraissent plus que jamais comme des scènes à la sortie des salles de spectacles, à Cannes où le cinéma peut durer au-delà des projections.
A Arles, où c’était la féria, dans la ville minérale, chaque brin d’herbe prend la pose, 
bien que les 50 expositions pour les 50 ans des rencontres ne se soucient plus guère de joliesse comme il convient désormais à toute manifestation artistique contemporaine.
 
Même si en deux jours, nous n’avons pas tout vu, nous nous sommes  étourdis d’images, baladant sans vergogne un appareil  photographique qui dans cette cité ne parait pas encore totalement incongru.
 
Avec « Les vivants, les morts et ceux qui sont en mer », nous avons eu le temps de partager le monde d’Evangelia Kranioti, du Liban à Rio. Quand les humains font commerce, ils sont beaux, forts, pathétiques, amoureux.
Moins poseuse que Pixi Liao qui  se met en scène pour décrire les relations amoureuses « modernes ».
Moins triste qu’une tchèque ou une allemande de l’Est qui s’étourdissaient de nuit et d’alcool quand il y avait encore le rideau de fer.
Plus contemporaine qu’Helen Levitt prestigieuse photographe des rues de New-York dans les années 30 dont l’humour attendrit la rudesse de conditions sociales qui n’en sont plus à leur dévoilement.
Une autre exposition « Unretouched women » va chercher dans les strip-teases forains et les stéréotypes du quotidien, de quoi documenter le féminisme dans les années 70, quand même Marilyn n’apparaissait pas à son avantage.
Moins cérébrale que Valérie Belin dont on se demande traditionnellement s’il s’agit de photographies peintes ou de peintures photographiées comme Laure Tibergen qui refait du Rothko.
Ouka Leele qui rendait bien compte de la fantaisie de la Movida était plus éclatante.
Les productions de l’art brut s’édifient souvent en volume, quand elles forment des collages, des collections, les tirages qui entrent dans la catégorie photo/brut, touchent aussi à l’estomac.
La traversée d’un demi-siècle de l’institution arlésienne appelait les souvenirs du père Lucien Clergue qui avait dès le début déjà traité bien des sujets avec enfants, corps nus et oiseaux morts. Les photos en noir et blanc nous reposent, elles « font plus photo » bien que les images du passé ont dans cette édition submergé celles d’un présent qui a du mal à se dire.
La rétrospective de «  Variété » revue belge, qui fut d’avant-garde, pâtit de ses formats se prêtant plus à être feuilletés qu’à une mise en vitrine. Il en est de même pour les  clichés de Germaine Krull  sur le bateau qui emmenait Breton, Levi-Strauss, de Marseille à Rio, en 1941. 
Masques à gaz et machines à laver répertoriés autrefois par le CNRS nous paraissent poétiques à présent.
L’évocation de « La zone » qui s’était établie sur les fortifications à la fin du XIX° siècle autour de Paris s’acclimate parfaitement dans des pièces délabrées du site La Croisière,
 
comme à la Maison des peintres, les intérieurs des maisons britanniques de toutes classes sociales, « Home sweet home ».
A côté de la gare, de jeunes artistes étaient en compétition, mais je retiens le travail de Kurt Tong qui était exposé à côté. Alors que tout artiste se pose la question de son efficacité sociale, la mise à jour de la vie singulière de celle qui l’a élevé, littéralement hors champ pratiquement toute sa vie, prend tout l’espace. Elle était passée par le « rituel du peigne » marquant son indépendance vis-à-vis de sa famille et des hommes en se coiffant d’une longue natte et revêtant un costume clair, jeune fille à vie.
En plein air, parmi une végétation sauvage, Mario Del Curto est lui aussi parfaitement à sa place pour présenter les relations de l’homme à la nature depuis les premiers pommiers qu’il situe au Kazakhstan jusqu’aux cimetières et autres jardins urbains qui persistent.
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Supplément: Vue aérienne d'un élevage au Texas

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