samedi 31 octobre 2009

La mise à mort du travail.

Après l’émission de France 3, je voulais titrer ce billet :
« Les mots et les choses » mais vérification faite, cette association était un titre de Foucault Michel, alors : pas touche !
Je voudrais simplement faire part de ma perplexité de voir s’agrandir encore le fossé entre les mots et la réalité. Vieille remarque et pourtant à renouveler douloureusement avec ce documentaire terrible où la crise des valeurs de notre société saute aux yeux.
Au-delà des souffrances qui ont conduit des dizaines de salariés à mettre fin à leurs jours autour desquels il serait bien indécent de gloser, il y a la réalité des entreprises d’aujourd’hui. La rapacité, l’implacable logique du capitalisme financier. Des bonnes volontés de jeunes gens brisées pour satisfaire des actionnaires, l’inhumanité de ceux là et leurs courtes vues.
L’indignation m’est venue quand le baratineur en chef de Carglass dit qu’il ne leur est pas utile de se défoncer 50 heures, alors qu’ils n’ont pas d’autres issues ; la charge de travail ne peut être gérable, faute d’embauches. Ces discours avec le vocabulaire de l’humanisme sont insupportables quand ils prétendent travestir la loi du profit maximum.
Pour l’école d’où me parviennent des échos, ce ne sont pas seulement les mots des managers qui ont gagné ces terrains épargnés jusqu’alors mais les fatigues de cadres des plus solides sont inquiétantes et si aujourd’hui des enfants aspirent à devenir traders, je sais que mon monde a basculé, celui où les mômes rêvaient d’être pompiers.
Les techniques de motivations vont se sophistiquer pour que la dépose d’un pare-brise soit optimale et nous ne savons plus que trouver pour que notre jeunesse ait le goût d’étudier. L’anticonformisme bruyant concerne les accessoires de mode mais la housse du conformisme revêt l’éducation nationale.
Pour rire jaune, cet extrait du petit journal de Canal +, si vous ne l’avez vu.
L’incroyable mépris de Sarkozy à l’égard des paysans quand il redit mot pour mot un vieux discours et le silence des journalistes qui n’avaient rien vu ni sur la forme ni sur le fond.
Quant au débat sur la nation, il n’est pas indigne et je me souviens d’une tempête de plus qu’avait soulevée Ségolène en régénérant « la Marseillaise » à Marseille lors de la dernière campagne présidentielle. Mais je n’arrive pas à respecter Besson pour entrer dans un débat, ni je ne parviens à me sentir fier d’une patrie qui pour l’identité nationale bâtit un ministère comme pour la tolérance il y eut des maisons. Guaino va faire sonner de l’Hugo, c’est à vous dégoûter des mots, et ils iront caméras au cul piétiner nos Panthéons, nos rimes, nos rêves.

vendredi 30 octobre 2009

XXI automne 2009

"Les africains en France" est le thème développé ce trimestre sur 40 pages avec
- la crise de la religion catholique en Normandie à travers la mission d’un prêtre congolais ;
- les dégâts de la crise économique qui s’amortissent avec la débrouillardise et la convivialité chez les éloignés du CAC 40 dans une société domiciliant de petites entreprises.
- des boubous dans un Fez Noz, une communauté malienne en milieu rural donne un nouveau visage à la France.
Les compléments à chaque reportage pourtant complets,sont riches d'enseignements par exemple: l’histoire d’une immigrée bulgare agent d’entretien en Grèce défigurée pour avoir dénoncé ses conditions moyenâgeuses de travail.
Les terreurs du monde en Albanie où règne la vendetta qui ruine des vies,
au Mexique où des femmes d’Amérique Centrale essayent de gagner les USA dans des conditions démentes, une a perdu un bras:« je voudrais dire que sans une jambe ou un bras, on vaut quand même quelque chose ».
Des respirations avec un documentaire à Coulommiers et une BD sur l’observatoire d’Atacama au Chili, et un récit d’une promenade sous terre à Naples, déjà qu’à la surface la ville ne manque pas de mystère.
Des informations remises en perspective lors d’une interview d’un spécialiste des doctrines de la guerre révolutionnaire qui rappelle les 5000 disparus du Chili et les 30 000 en Argentine et les lumières de la France pour théoriser la torture auprès des dictatures d’alors.
De beaux portraits : celui d’un photographe chez les Roms ou de Derosières le député qui épluche les comptes de l’Elysée, et toujours la mise en valeur des journalistes, des dessinateurs, des auteurs, Mabanckou cette fois.

lundi 26 octobre 2009

Braquo

Une nouvelle série policière arrive sur Canal+. Je ne suis pas très familier du genre mais pris dans les insistances de la publicité, je suis allé voir ce qu’il advenait de Jean Hugues Anglade et de ses copains fonctionnaires dépendant du ministère de l’intérieur. Le commissariat est installé dans une usine désaffectée, grillagée, tuyauteries apparentes, monte-charge et boitiers électriques: attention danger!
Les personnages de noir vêtus se fourrent dans des situations difficiles et si je remarque l’élégance des cadrages, un rythme plus vif que sur « La Trois », c’est que l’intrigue ne m’a pas vraiment empoignée. L’esthétique du noir inscrit les personnages dans le fatalisme, la violence, l’amertume. Ils trainent leur désillusion sous des barbes de trois jours, derrière la fumée des cigarettes et les dialogues se déroulent sur fond sonore saturé. Le polar a tendance à jouer de la caricature, le filon est encore exploré en 2009, mais décidément pas en situation de me séduire.

dimanche 25 octobre 2009

Birkin

Ce soir là à la MC2, j’avais l’humeur de Droopy l’indestructible. Après avoir reçu sur la tête l’enclume « je suis venu te dire » et le bloc de rocher « fuir le bonheur », je ne fus pas anéanti et j’ai pu apprécier les allitérations en «ze » d’une chanson anodine et redécouvrir « les petits papiers » qui réconfortent les jours de froid. Quand les mots doivent brûler, s’ils sont dits avec élégance, nous pouvons mieux regarder le temps qui a passé.
Son engagement indéfectible auprès de Aung San Suu Kyi est manifeste pendant le concert, bien qu’il ne soit pas asséné. La tonalité de son dernier album « les enfants d’hiver »est plus grave avec « les fous rires qui finissent en larmes ». Mais comme souvent c’est surtout en reconnaissant des morceaux que je me suis régalé et j’applaudirai encore longtemps « ex fan des sixties » même si c’est au pied d’un monument aux morts que nous revient la rengaine.
«… Et comme si de rien n'était
On joue à l'émotion
Entre un automne et un été
Mensonge par omission
Amours des feintes
Des faux-semblants
Infante défunte
Se pavanant »

Du beau travail de pro, avec ce qu’il faut de naïveté, de sincérité pour jouer :
« Si j'hésite si souvent entre le moi et le je
Si je balance entre l'émoi et le jeu
C'est que mon propre équilibre mental en est l'enjeu
J'ignore tout des règles de je »

samedi 24 octobre 2009

Refonder le Parti Socialiste ?

Le débat de Libé de mi septembre entre Manuel Valls et Aurélie Filippetti qui avait accepté de débattre avec lui, contrairement à d’autres camarades bien fuyants en cette période, est déjà daté. Et la question n'est vraiment pas nouvelle.
L’anecdote submerge toute réflexion. Dites par exemple « …Mitterrand, homme de gauche bien connu… " et des sourires entendus sont assurés. Hamon pour un livre qu’il n’a pas lu, est à la remorque. Titine qui assume sa ringardise, en l’exprimant, entre dans le concert des petits mots qui font, goutte à goutte, les grandes désillusions.
Il en va bien sûr de la déchiqueteuse médiatique, mais ces barons qui gouvernent le parti nous donnent le tournis en remettant en cause chaque matin les apaisements de la veille.
Portant le camp d’en face nous offre des boulevards à condition de ne pas nous mettre au diapason de leur arrogance.
Je crains que les mots de « démocratie participative » soient usés, maintenant qu’ils sont dans tous les discours, mais le pouvoir des salariés dans l’entreprise peut permettre de surmonter la défaite que nous avons connue autour du travail.
L’organisation de primaires est acté, et la décision de s’attaquer au cumul des mandats proclamée, malgré « les balles dans le pied » qu’on se tirerait d’après Vallini, le pistolet encore chaud, et d’autres qui n’ont plus comme conviction que de garder des postes.
Ce n’est pas avec ce genre de pratique que l’on va aller contre le pessimisme de la jeunesse, ni amoindrir la peur de l’avenir de toute une société.
Comment sortir de ces bains amers, et assourdis par les flaflas Berluskozistes ne pas se draper dans la bonne conscience, mais travailler encore?
45% des jeunes échouent en première année de fac !
Quand la droite élargit sa base électorale, pratique l’ouverture, nous campons sur nos nostalgies.
Education, retraites, réforme fiscale.
« L’égalité va avec la prise en compte de la finitude du monde »: c'est ce que j'avais noté sur mon carnet à l'issue du débat, mais je ne me souviens plus qui l'a dit, mais c'est bien résumé, non, pour une identité d'une gauche du XXI?

vendredi 23 octobre 2009

Un cœur intelligent

J’admire Finkielkraut et son art de citer en régénérant les auteurs, ses dons de pédagogue, sa langue qui m’embobine ; ses colères, ses passions, ses impatiences me le rendent plus accessible, émouvant, je peux simplement l’aimer. Avec son dernier livre salué de toutes parts, où il présente neuf de ses livres préférés, il parle bien sûr de lui-même et par là à chacun. J’étais aux anges, ravi de revenir sur un livre que j’avais adoré, le redécouvrir, « Le premier homme », et être impatient d’aller à la découverte de « Lord Jim » qui semble si fort, si poignant, quand la poésie des rêves rencontre la prose du réel.
La librairie « Le Square » a réservé un coin aux livres recommandés par Finkielkraut, et à droite de ce blog vous pouvez cliquer sur le lien avec un autre blog de haute tenue : « Un autre monde » où Séjan nous donne sa lecture méthodique et aiguisée de certains des livres en question.
Un hymne de plus à la littérature, avec la sublime beauté des chants désespérés certes, mais au-delà de l’attention aux mots, la vie gagne des nuances, des couleurs. Oui, c’est lui « le sage qui ne rit qu’en tremblant » titre qu’il donne à son étude de « La Plaisanterie » de Kundera, et cette « Tache » de Roth dont les éclaboussures nous touchent, il la connait.
L’espace d’un billet relever une pincée de titres : « Le scandale de l’art » pour le festin de Babeth de Karen Blixen, et « La muflerie du vrai » pour un livre d’Henry James et juste pour mettre en appétit, un petit morceau:
« Cette civilisation de l'image qui naissait en 1957 est aujourd'hui arrivée à maturité et, en délaissant les chemins, elle a mis M. Germain (l’instituteur de Camus) hors du coup. De truchement, il est devenu obstacle. Il montrait la voie ; voici qu'il bouche la vue. Il devait son aura au pouvoir qui était le sien de déverrouiller les portes, d'ouvrir les fenêtres, d'arracher les enfants à l'exiguïté et à la monotonie de leur chez-soi. La télé-présence remplit désormais cette fonction. Il n'y a plus de place pour le médiateur ou l'intercesseur de l'universel dans le nouveau dispositif de l'information et de la communication planétaire. Le maître qui nourrissait jadis « une faim plus essentielle encore à l'enfant qu'à l'homme qui est la faim de découvertes » se heurte désormais à l'indifférence railleuse ou à la somnolente digestion du télé-regard. Ses élèves ne sont plus affamés ; ils sont repus d'images-chocs, gavés de succédanés et de fantômes. La misère elle-même a cessé d'être la « forteresse sans pont-levis » évoquée dans le Premier Homme. Les démunis contemporains ne sont pas débranchés : ils ont un portable et une télécommande. L'indigence est logée à la même enseigne visuelle et virtuelle que l'opulence. »

jeudi 22 octobre 2009

Agnès Perroux

Joli titre, « lumière du jour », pour une expo dans un lieu clair : le Vog à Fontaine dans la rue du tram. D’ailleurs des photographies de la rue en question donnant sur la rue nous accueillent. Ainsi l’artiste grenobloise joue avec les cadrages, les architectures, les mises en situations. Elle relie et dissocie, rythme, juxtapose, fait se côtoyer des citations de culture graphique diverses : Van Gogh et la bande dessinée. Derrière un verre éclaté, un paysage bleuté, des perspectives vertigineuses, des recherches poétiques : « l’instabilité comme forme motrice ».

mercredi 21 octobre 2009

J6 : Hanoï (au-delà de la rivière)

Les marchés éclairés, aperçus du train qui arrive en gare vers 5h, regorgent déjà de monde. Nous nous rendons d’abord au marché aux fleurs : cœur de lotus, roses emmaillotées dans du papier journal au bout de très hautes tiges, oiseaux de paradis, orchidées, feuillages divers et palmes . Les bouquets sont exposés par terre, soit sur des vélos mais aucun ne trempe dans un vase. Les carrioles attendent d’être à nouveau remplies.
Je renonce à mon cours de cuisine, la turista nous attaque tous à des degrés divers : effets de l’anti paludéen, la Malarone ?
Mes compagnes viennent me réveiller après avoir couru les boutiques. Nous mangeons à côté de l’hôtel, à l’angle de Hang Gaï et Hang Hom street au « Malraux ». Le menu vermicelles, poulet, légumes + bière et café à 105 000 D est non seulement délicieux mais le rapport qualité/prix est irréprochable. Je me contente de quelques miettes dans mon bol de riz pour améliorer mon repas de régime.
Nous retournons dans la clim' pour une petite sieste d’une heure à peu près.
Mes compagnes poursuivent dans la ville pendant que je me repose en évitant la moiteur. Elles trouvent la pagode du cheval blanc mais c’est en un chantier. Dans cette ville, les mobylettes occupent tout l’espace, les rues bien sûr, les cours, mais aussi les trottoirs dans un alignement continu, et même dans les magasins chics l’engin trône au milieu. Elles font une petite halte au bord du lac devant un yaourt mangue malgré les glaçons et retour à la boutique préférée où la vendeuse salue ses bonnes clientes d’un « à tout à l’heure ».
Pendant la restructuration des valises, je leur lis des passages de Zweig. Nous dinons d’une soupe au céleri et thé au jasmin au « Malraux » à nouveau.

mardi 20 octobre 2009

Charlotte et le Poulpe

Un jour, il avait bousculé Charlotte devant la machine à café :
« Pousse ton vieux cul de là ».
On se fait des ennemis mortels pour moins que ça, surtout si l'affront a pour témoins les plus épais machos d'un laboratoire.
Charlotte sortit du local en se brûlant les doigts au gobelet, mortifiée de n'avoir trouvé en riposte qu'un :
« Tu crois que le tien est de la dernière fraîcheur ! ».
N'empêche qu'elle avait battu froid au Poulpe pendant quelques semaines. Mais le Poulpe était le Poulpe. Comment l'éviter longtemps ? L'individu portait un sempiternel pull en faux jacquard qui soulevait sa blouse en perpétuel lambeaux. C'était un grand type, célibataire d'une quarantaine d'années, barbe poivre et sel déjà, l'œil glauque, rampant. Il trainait les pieds, développait des théories jamais renouvelées sur l'inutilité du zèle, les vertus du laisser-aller, la vanité des combats.
Technicien titulaire du C.N.R.S. Et donc inamovible, il avait, depuis sa promotion au dernier échelon de sa catégorie sensiblement abaissé son efficacité professionnelle si bien que les trois équipes de recherches se le refilaient sournoisement, invoquant des raisons brumeuses pour s'en débarrasser. Personne n'était dupe. Surtout pas le Poulpe qui promenait ses gros souliers nonchalants d'étage en étage, prenait prétexte de ses changements d'affectation pour échapper aux réunions de synthèse, oublier les vaisselles de ses supérieurs tout un week-end, oublier la routine des horaires.
Le Poulpe recherchait surtout la compagnie des femmes. Caressait de loin, prenait dans ses tentacules les plus âgées. Ces dernières se dégageaient en riant après des simulacres de résistances. Il n'avait subi qu'une rebuffade et de la part d'une thésarde nouvellement arrivée qui l'avait repoussé les mains tendues devant elle :
« Vous, vous trompez ! Laissez moi ».
« Je suis un incompris, avait-il soupiré ».

Il avait repris son vieux speech sur la froideur du monde en général et de ce laboratoire en particulier, le dos contre un radiateur à trois mètres de l'évier débordant de fioles et tubes à essai encrassés.
La lame oblique du soleil d'octobre tranchait le sentier dans le calcaire. Ils montaient déjà depuis une heure. Charlotte peu entrainée aux marches en montagne, malgré leur proximité habituelle, soufflait, accrochait ses yeux aux « technica » imprimés sur les talons de son compagnon et gardait le rythme dans cette sorte d'hypnose : « technica » à droite, « technica » à gauche.
Elle pensait que depuis son veuvage elle avait négligé son corps et que ce dernier le lui reprochait bien. Que d'énergie à tirer ses grosses fesses qu'elle tâta sans ménagement. Elle mangeait trop de chocolat et le petit verre de whisky le soir devant la télé, son goût pour les nourritures grasses, les parties fines au restaurant avec les copines, tout cela contribuait à son précoce vieillissement. A quarante-huit ans elle en paraissait dix de plus.
Le Poulpe lui avait suggéré le service qu'elle lui avait bien volontiers rendu : le mener tout en haut de la falaise avec son barda. L'incident de la machine à café avait été pardonné.
Elle avait laissé sa Lancia au départ du sentier, chaussé ses vieilles godasses de montagne, fait la grimace au contact du cuir racorni et ils étaient partis vers la crête blanc et gris.
L´automne s´envolait dans des bruissements jaunes et rouges. De la roche friable montaient des odeurs d´aisselle, des parfums de cheveux et de poivre. Les voici au faîte. Derrière eux la prairie en douce pente a le pelage gris blanc des vieux chevaux. Devant eux il y a le vide. « Trois cent mètres de gaz », commente le Poulpe. Charlotte a retiré son pull, ses godillos et se masse les pieds avec difficulté. Elle chantonne un peu modulant selon le profil d´une chaîne de montagne lointaine que la neige brode déjà.
« C´est pas tout ça, faut que je me prépare ; s´agirait pas que le vent change. J´ai tout à vérifier. Il va falloir te pousser un peu, j´ai besoin de beaucoup de place ».
Il sort de son sac à dos une masse bleue et molle d´où pendent courroies et ficelles. Ses gestes sont rapides et francs. Il étale le tissu soyeux qui recouvre bientôt une bonne partie de la pente. A petits coups du plat de la main il déplisse, lisse, rectifie, fignole.
Placé devant tout cet azur qui nargue le ciel, il s´attaque aux ficelles :
« Tu comprends faut pas que je parte les ficelles emmêlées. Tiens, ça c´est les freins, tu vois la ficelle jaune ? Y a intérêt à savoir où elle est ».
A son air satisfait Charlotte estime que tout est en ordre. Il coiffe le casque orange, glisse la moitie d´une fesse dans le siège léger dont il boucle la ceinture. Dans chaque main il a saisi le bouquet de cordelettes. Il fixe un point droit devant lui – parfaitement immobile. Charlotte intriguée, assiste à la métamorphose du Poulpe : les rides s´effacent, le front s´élargit, la bouche se délasse, les épaules se déchargent. Il a 20 ans.
Coup de poignets ! La toile flasque s´élève en panache . Le Poulpe court, court, décolle. Charlotte se dresse, agite les mains, saute comme une gamine :
« Bye, bye, papillon ! Veinard ! Salaud ! ».
Mais il ne l´entend pas, il se balance déjà loin, visage ordonné à l´air, boursouflure bleu tendre sur l´indigo céleste, méduse, anémone, libellule.
Elle se rassoit :
« Veinard, salaud ! »
et elle rit en caressant l´herbe sèche. Puis se dépouille de tous ses vêtements, râle un peu en roulant sur la pente. Crissement de la soie sur la soie. Elle râle plus fort, arrête d´un coup de reins la chute lente. Bouche contre terre, elle mord, s´agrippe aux herbes, se remet sur le dos, écarte les cuisses, caresse son ventre, le gonfle, observe les jeux de la lumière dans sa toison. Un papillon rescapé des premières gelées se pose sur son genou.
Marie Treize

lundi 19 octobre 2009

Mary et Max.

Joué par des acteurs, avec le même scénario qui narre la correspondance entre une petite fille australienne et un vieux newyorkais, je crois que je n’aurais pas tenu longtemps. Et là par la magie de la pâte à modeler, j’ai beaucoup aimé l’univers original d’Adam Elliot. Pas de mièvrerie dans cette histoire poétique pour adultes où le souci du détail va à l’essentiel. L’esprit d’enfance décape la comédie humaine et touche au tragique. L’ambiance d’avant Internet est rétro mais les solitudes sont toujours aussi bétonnées et le cocktail de férocité et de tendresse espiègle nous fait fondre. Un pompon rouge éclaire dans la nuit de la folie.

dimanche 18 octobre 2009

« Pontere & Nilstof » de père en fils.

A Gresse en Vercors ( 400 habitants et 4000 lits) à l’Auberge buissonnière se produisaient Didier Quillard et Dominic Toutain. C’est le temps des copains.
Didier joue de la guitare, de la clarinette, des percussions à eau, il chante.
Dominic conte et chante.
Tous deux sont des formateurs, et le choix du thème, père / fils, n’est pas étranger à leurs engagements éducatifs tant l’absence des pères dans notre société est criante.
Mais ils ne délivrent aucun discours didactique pour exprimer cette relation fragile qui a souvent du mal à se dire.
La variété des instruments permet d’éviter une trop grande régularité dans l’alternance, une chanson, un récit ; des histoires courtes, des proverbes, viennent rythmer ce spectacle qui passe en un éclair. « fils de poisson sait nager ».
Quand j’exprimais autour de l’excellente soupe à l’oignon (6, 50€) qui a conclu agréablement cette fin d’après midi( spectacle à 17h 30), qu’une des histoires m’avait parue trop exemplaire ; j’ai appris qu’elle était vraie. Un enfant à qui le père n’avait pas douté un instant de l’innocence quand il avait été accusé de vol, était devenu avocat.
Nous passons du sourire avec une chanson de Boby Lapointe à l’émotion à l’écoute de « Mon vieux » de Daniel Guichard.
La citation ne vient pas de cette séance mais je ne résiste pas à caser Vincent Rocca :
« En fin de compte, la vie de père ne tient qu'à un fils ! »

samedi 17 octobre 2009

Le logiciel social démocrate est-il obsolète ?

Il ne fait pas bon en ce moment se dire social démocrate : pas d’ambiguïté bien sûr pour Alain Minc au forum de « Libé » face à Jean Luc Mélanchon qui dût s’en défendre d’en être, en préambule.
Le compromis social établi dans les sociétés du Nord de l’Europe et qui servit de modèle, reposait sur des syndicats forts et liés aux partis de gauche.
En France, le corporatisme des « inclus » va-t-il tellement contre la justice sociale qu’il en oublie les exclus ?
Et dire que l’impôt sur le revenu rapporte moins qu’il y a vingt ans.
Le capitalisme transnational expulse la régulation et le consentement mutuel n’a plus de prise sur le réel. L’expression de l’intérêt général qui devrait s’incarner dans la loi est amoindrie.
Si la présence de l’Euro nous a protégés d’une crise plus grave, les replis sont à craindre pour des partis socialistes en perte d’attractivité dans toute l’Europe.
L’implication populaire sera-t-elle le salut ?
Dans la bataille politique, pour reprendre des termes du XIX°, c’est encore par l’éducation que nous sortirons du productivisme, que les valeurs ne seront pas indexées sur le CAC 40, que nous saurons débusquer, sous le mot d’équité, l’abandon de l’égalité, que nous pourrons regagner de la fraternité au pays du chacun pour soi.
J’avais commencé une liste des traitres à la cause de la gauche : Bockel, Kouchner, Hirsch, Amara, Jouyet, et je me suis aperçu que j’avais oublié Besson le prototype.
Allègre est-il rejoint par Lang dans les allées de Neuilly, et Evin compte-t- il comme le nom de Mitterrand ? Hanin et Macias, Val et le tout dernier qui vole au secours du prince Jean : Julien Dray !
Et Anne Sinclair, l’amoureuse Paris Match de DSK, tellement contente aux States, où elle n’a pas à supporter les fêtes de la rose à Trifouilli-les Oies, et Benoit Hamon porte-parole du PS qui ne savait pas s’il était à jour de sa cotisation; ça motive les troupes ! Et Rocard!
Il n’y a pas que le logiciel sauce dém’ qui beugue, les bœufs tracteurs ramassent les balles aux pieds des élus comme Vallini, qui refuse le non cumul des mandats, et ils sont harassés.

vendredi 16 octobre 2009

Les dépossédés (Bis)

Ce titre désigne les pauvres, non comme une classe sociale assignée à cette place fatale, mais comme les victimes d’un processus accentué sous Thatcher. La fluidité de l’écriture de Robert McLiam Wilson sur 340 pages, ne vient jamais distraire de l’âpreté du documentaire décrivant la vie d’individus dans les quartiers déshérités de Glasgow, Belfast, Londres.
« Jennifer G. et ses enfants mangent du riz aux champignons six jours sur sept. Adèle d’Andersontown, chauffe une chambre minuscule dans sa HLM, trois jours par semaine seulement et pour dormir elle enfile deux manteaux l’un sur l’autre. Le bébé d’un homme de Clonard pleure sans arrêt et crache le sang dans une chambre verdie par l’humidité »
Cet auteur est chez lui, il nous fait partager une émotion tendue, son empathie avec les personnes rencontrées, sa révolte et aussi son impuissance ; il lutte contre les clichés attachés à ces classes dites jadis dangereuses, en préservant leur dignité.
« Nous savons pertinemment que nous sommes gouvernés par une administration qui nous ment effrontément » … « Nous ne voulons pas croire que la vie na va pas sans une certaine vilénie ».
Les photographies de Donovan Wylie qui accompagnent l’enquête, ne sont pas belles, elles sont ennuyeuses, ternes, désespérées.
Le 13 juin 2009, Marie Françoise avait recommandé ce livre sur ce blog.

jeudi 15 octobre 2009

Duncan Wylie, Grégory Forstner

Duncan Wylie est originaire du Zimbabwe (ex Rhodésie), à présent de nationalité française, il peint des maisons écroulées avec des couleurs chatoyantes et une grande virtuosité. Ses contours rouges viennent mettre de l’énergie à des scènes que les hommes ont désertées. J’aime beaucoup cette transfiguration de la réalité. Le soleil brille même sur les ruines et ses coups de brosse vous réveillent.
Présenté à côté, au musée de Grenoble, Grégory Forstner, né lui à Douala(Cameroun), se place dans la lignée des expressionnistes allemands. Mais ses représentations d’animaux en uniformes en train d’exercer des tortures m’ont parues conventionnelles. Bien qu’il ait pris le parti de prélever des détails dans les tableaux classiques, je vois beaucoup de dessinateurs de B.D. qui inventent à chaque case et qui installent un univers plus fort, plus original.

mercredi 14 octobre 2009

J 5 : Sapa, pays d'eau

Il pleut dru ce matin au réveil et le brouillard enveloppe la station climatique et les montagnes. La randonnée prévue dans ces conditions météorologiques est grandement compromise. Il est décidé que nous nous reposions ce matin à l’hôtel : nous envoyons mails et cartes postales, tant que nous pouvons utiliser les chambres.
A une heure, la voiture nous cueille à la sortie du restaurant, il pleut, notre guide s’est muni d’un immense parapluie. Nous payons un péage puis nous descendons du véhicule un peu avant le premier village de Lao Chaï sur la route encore goudronnée pour admirer le paysage de rizières en terrasses d’un beau vert velours. Les M’hongs noires courent vers nous dès les premières maisons et là nous prenons la piste empierrée. Nous achetons une cloche de buffle « ancienne » fabriquée par le papa de la vendeuse. Des tissus de chanvre macèrent dans des cuves d’indigo. Nous croisons un groupe parti pour une expédition de cinq jours dans les villages, nous ne sommes pas les seuls touristes.
Les animaux sont discrètement là, un cochon à la fenêtre, un buffle couché dans la boue, des chiens silencieux. On peut deviner que ce lieu dans quelques années deviendra un coin à touristes avec échoppes d’artisanat qui se développeront. Pourtant on constate l'authenticité dans les activités : scieurs de long, culture, et les habits traditionnels résistent très bien à l’influence occidentale.
Le deuxième village Ta’Van n’est pas très éloigné, il abrite lui aussi deux ethnies différentes visibles chez des femmes aux costumes différents avec des couleurs beaucoup plus éclatantes pour leurs chemises à ouverture chinoise. L’escorte des petites femmes noires s’épuise ou se renouvelle en cours de promenade. « Madame achète pour moi », « achète à moi », « pas cher, c’est joli », « tout à l’heure », avec des petites voix douces et suppliantes, un léger zézaiement. A la sortie du village, une jeune femme nous incite gentiment à venir boire dans son café. Pourquoi pas ? Les tables recyclent des pneus de camions obstrués par des plaques de contreplaqué et les tabourets consistent en 3 gros bambous liés ensemble. Une petite dame s’occupe d’assembler des fils de chanvre et attend son heure pour vendre. On fait affaire pour des ceintures brodées et un coussin, elle nous fait de petits cadeaux car elle est contente et nous aussi. « Ochao » = « Merci »
Retour motorisé, toujours dans le brouillard et la pluie en haut de la montagne, après les rizières vertes, voici maintenant les champs en eau. A Lao Caï, la voiture s’arrête devant le restaurant « Emotion » qui nous garde les bagages le temps d’une petite promenade dans la ville : travail sur le trottoir de ferronniers s’affairant autour d’un portail avec des chalumeaux, découpage de tôle, mais aussi repos d’hommes en uniformes bleus fatigués, autour d’un jeu de pions, soufflés ou claqués brutalement contre l’échiquier.
A 20h nous sommes installés dans une cabine privée du train. Le staccato ne berce pas tout le monde avec la même efficacité.

mardi 13 octobre 2009

La vie et moi.

Pico Bogue est un petit personnage de BD dessiné par Alexis Dormal sur des scénarios de sa maman Dominique Roques. Nous pensons à Mafalda ou au petit Nicolas qui ne sont pas des enfants pour de vrai mais des révélateurs poétiques. Les histoires courtes recèlent des surprises et si le garçon ébouriffé tourne toutes les situations à son avantage, il est attendrissant, plein de fraîcheur et d'intelligence. Pico mange comme un cochon et il va proclamer : « Si c’est pas une régression ça ! » Bien dans l’air du temps, pour un milieu urbain où les enfants sont en avance sur leur âge. Les mystères de l’amour, de la mort les assaillent et ils ont la chance de pouvoir en parler ; ils ne s’en privent pas. La gourmandise des enfants : rien de tel pour croire à la vie. Nous sommes sur une autre planète que celle des endormis qu’il faut payer pour venir à l’école, où les subventions de Hirsch ne pourront s’aligner sur les bénéfices du deal !

lundi 12 octobre 2009

Hôtel Woodstock

Avec un regard un peu comme celui de « Fabrice à Waterloo », Ang Lee adopte un angle original pour évoquer l’évènement historique du rassemblement musical de Woodstock dans l’Amérique d’il y a quarante ans. A partir de personnages et de situations réelles, il nous promène dans les coulisses de l’aventure qui a dépassé les petits intérêts de ceux qui ont permis que ça se passe là. Un commencement pour le héros principal, la fin d’une époque pour toute une génération. La seule image du festival est comme un mirage grandiose. Certes bien des illusions étaient démultipliées par d’artificiels produits. Mais la croyance d’alors en un monde plus doux, plus libre, accuse le vide de nos rêves désormais perdus.

dimanche 11 octobre 2009

Soirée lecture concert

Pour la première fois, face à un public, je me suis tenu caché derrière des textes pour une lecture avec trois comparses Renée, Marie Françoise et Marité.
Isabelle Olivier, compositrice et harpiste était là pour emmener le public au-delà de nos extraits littéraires. Avec simplicité elle a déposé ses notes originales autour du thème du "voyage dans le temps", en nous apportant une énergie nouvelle et rafraîchissante. Tantôt en s’effaçant, tantôt en entrant en résonance avec les mots. L’équilibre a été vite trouvé entre musique et textes. Nous étions partis à la recherche de Proust, Cendrars, Cocteau, Ernaux, Hardellet, Duras, Michaux, Calet, Prévert, Bradbury, Du Bellay, Pessoa :
« Je veux partir avec vous, je veux partir avec vous,
En même temps avec vous tous
Partout où vous êtes allés !
Je veux affronter de front vos périls,
Sentir sur mon visage les vents qui ont ridé les vôtres,
Recracher de mes lèvres le sel des mers qui ont embrassé les vôtres,
Prêter mon bras à vos manœuvres, partager vos tempêtes,
Comme vous arriver, enfin, en des ports extraordinaires ! »

Nous nous étions bien régalés pendant les répétitions, mais lorsque le trac m’a empoigné, je me suis promis de ne pas me remettre dans ces situations ; pourtant la rencontre avec la musicienne a été un moment privilégié. Et en étant à côté d’elle je pense avoir encore plus apprécié les trouvailles qu’elle a pu nous apporter avec ses harpes qui avaient une image très conventionnelle à mes yeux de profane. En plus du caractère féerique et fluide lié à l’instrument, elle a apporté une touche jazzy, exotique. Sous les lampes intimes installées par les bibliothécaires, cette soirée a réuni une cinquantaine d’auditeurs qui se sont précipités pour acheter les derniers CD de la quadra en route vers Romans et d’autres voyages.
Le site de la musicienne:
http://www.isabelleolivier.com/

samedi 10 octobre 2009

Quels termes pour une alliance ?

Ce devait être un débat au forum de « Libé » de Daniel Cohn Bendit avec Martine Aubry; celle-ci défaillante a été remplacée par Claude Bartolone, qui en bon petit soldat savait qu’il ferait pâle figure à côté du bateleur d’estrade. J’ai préféré suivre ce débat plutôt que celui entre le Béarnais et le maire de Tulles où chacun a dit : « c’est le projet qui fait l’union ». Certes.
Juste avant l’effondrement de la finance, nous venions, au P.S., de reconnaître l’économie de marché. Et c’est au moment où Bayrou perd des plumes, que certains se sentent des faiblesses pour le MODEM, alors que Dany a cédé depuis un moment aux délices modérés.
La problématique des alliances d’appareils est encore plus périmée aujourd’hui que le succès d’Europe Ecologie est dû au dépassement des organisations qui composaient sa galaxie.
Le changement climatique influence les pouvoirs, et si l’on veut gagner et éloigner la tentation de n’être qu’un « beau perdant », il s’agit par une réflexion sur la gouvernance, d’expliquer pour redonner foi en la politique, mettre les actes en accord avec les paroles. Gagner sans décevoir. Est ce qu’un retour de la gauche plurielle réjouirait l’omni président, la solution, réside-t-elle dans l’omni rassemblement ?

vendredi 9 octobre 2009

Silex and the city.

Je ne goûtais pas trop les dessins de Jul, les trouvant lourds, sans originalité ; mon plaisir en lisant son dernier album chez Dargaud n’en est que plus grand. C’est un humour qui me convient parfaitement avec ses anachronismes genre Pierrafeux mais à la sauce politique où il fait bon décrypter les allusions. Un révélateur décapant de nos travers les plus contemporains où le cynisme est roi.
Deux profs dans la grotte discutent. Lui après avoir déposé son Téléramapithèque :
- Enfin, chérie, tu crois autant que moi à la sélection naturelle.
- On ne va pas en plus trier les élèves à l’entrée du collège.
- En attendant tes beaux discours darwinistes, tu as quand même mis tes enfants dans le privé.

Lui, prof de chasse s’appelle Blog Dotcom, sa femme Spam est prof de préhistoire-géo en Zone d’Evolution Prioritaire, un de leurs enfants est alter darwiniste radical alors que sa sœur Web , doltosapiens, est une fashion victim qui court les boutiques à la défense. Et tout à l’avenant !
Je vais offrir cette tranche de rigolade à la cantonade.
Quand on propose un psy au fils du héros principal qui est en pleine campagne électorale, il s’insurge : « on a mis des millénaires à atteindre la position debout et maintenant tu voudrais que j’envoie mon fils s’allonger ! »

jeudi 8 octobre 2009

Aquarelles et encres de Marité Jacquet

Le bouffet pour le vernissage était extra, mais l’inconvénient de causer des copines qui s’exposent, c’est que la complaisance vienne brouiller l’avis. Hé bien … même pas d’efforts pour trouver que la diversité des sujets et des manières rend l’accrochage tout à fait agréable.
Je suis admiratif de l’étendue des talents de la prof multi cordes puisqu’elle écrit aussi, lit et chante ; elle a publié sur le blog que vous lisez - excellent au demeurant - des nouvelles souvent primesautières, originales, légères comme ses peintures.
Dépêchez vous, ses tableaux sont visibles à la bibliothèque Barnave ce samedi de 14h à 18h et la semaine qui vient aux heures d'ouverture de la bibliothèque.

mercredi 7 octobre 2009

Du fric à l’école : l’ânerie pédagogique.

Un principal de lycée professionnel offre des places pour les matchs de l’OM à des élèves, seulement parce qu’ils n’ont pas été absents des cours : je suis atterré.
Je me demande d’ailleurs si c’est vraiment une récompense avec les performances de l’équipe phocéenne actuellement. Je plaisante, mais voilà du combustible pour les humoristes.
Cette affaire de donner de l’argent aux élèves est consternante, surtout parce qu’elle révèle avec cruauté ce qui nous a amené à ce point de perte de tout sens commun.
C’est un élément de plus de la mise en lumière d’un désarroi qu’on ne peut même plus nommer éducatif pour des pans entiers de nos institutions formatrices : qu’il y ait des pédagogues qui en soient arrivés à ce type de remède prouve la fin des valeurs de l’école et l’état lamentable des lieux .
Que la récompense soit collective et l’expérience limitée, importe peu : l’effet symbolique est ravageur.
La marchandisation est devenu le mode de relation jusque dans les lieux les plus épargnés jusque là.
Nous sommes dans une telle situation, que je n’entame même plus le couplet du plaisir d’apprendre, du privilège d’accéder à des savoirs nouveaux … il faut savoir garder le sens du ridicule. Et surtout ne pas passer pour un ringard qui serait contre toutes les propositions nouvelles.
Les élèves qui viendront dans ces conditions en cours auront-ils un cours d’éducation civique sur le don de soi, sur le bénévolat, l’engagement ? Evitez de les noter, ils seraient traumatisés, on pourrait aussi les rémunérer pour télécharger sur internet, là c’est pour qu’ils se lèvent le matin.
Les journalistes qui font des ménages ont des reportages tout prêts : en Ecosse les élèves qui prennent des légumes à la cantine gagnent des points. Devant la défection citoyenne ce serait bien de payer pour les inciter à voter… voter pour qui ? J’ai la berlue !
Et ceux qui rament toute l’année à vendre des brioches, à animer de lotos pour leurs voyages, les bras leur en tombent-ils ? L’autre jour sur le marché quand je distribuais des tracts pour la défense de La Poste, plusieurs personnes pensaient que je ne pouvais être que postier.

mardi 6 octobre 2009

Le journal de mon père

Jirô Taniguchi est paraît-il une pointure parmi les auteurs de manga, mais il n’a rien à voir avec l’idée que je me faisais de ces productions japonaises tapageuses et froides, traversées d’éclairs et d’effets grossiers. C’est tout le contraire : une fluidité, une subtilité pour remonter une histoire familiale bouleversante ; la nostalgie n’est pas la seule à vous submerger, la vigueur des thèmes traités se renforce avec des anecdotes touchantes. L’oncle, gagné par l’ébriété lors de la veillée funèbre, va accompagner le fils pour lui révéler la figure du disparu. La vérité brutale s’excuse ainsi pour un récit tout en douceur. La culpabilité sera avivée mais la bienveillance de tous irradie tout au long de ces 270 pages. A me sentir concerné par cette histoire, j’ai pris d’autant plus de plaisir qu’elle avait un cadre étranger. De la campagne avec un destin tout tracé, à la liberté de la ville au risque de la solitude, des coupures et des ingratitudes

lundi 5 octobre 2009

Le petit Nicolas.

Une gentille récré. J’aime tant Sempé ici et ailleurs, que son petit Nicolas me ravit au-delà du temps qui a passé. J’ai couru voir le film qui est une re création et je n’avais pas à être déçu : c’est une autre histoire, un autre langage, même si la transition est bien amenée par un générique que j’ai adoré. Cette foi en l’avenir, cette espièglerie sont de tous temps, de tous âges : ce qu’il y a d’innocent chez l’adulte, de gravité chez l’enfant se superpose en chacun de nous, reparaît pour un instant, un instant seulement, quand le cancre peut croire en la camaraderie, quand le ministre est un bon pépère. Ce n’est pas une reconstitution des années 50, il y a des situations datées comme les rapports avec le patron et la place des femmes, mais c’est intéressant de voir ce qui a muté, et c’est bon de sourire, de rire.

dimanche 4 octobre 2009

La ligne rouge

Le contraste entre le monde de la mort, de l’absurde, de la guerre et celui des îles paradisiaques de l’Océanie en cette année 1942 lors de la guerre entre le Japon et Les USA est un peu simplet. La dénonciation de la tragédie guerrière n’avait pas besoin du sirop quelque peu new age qui envahit cette œuvre fleuve de 2h 50. Bien que l’amorce du récit suscite l’intérêt, le propos de Térence Mallick est trop dilué; une brochette d’acteurs de renom n’ajoute rien à ce film de guerre qui a pourtant reçu il y a dix ans un accueil critique dont je ne partage pas l'indulgence.

samedi 3 octobre 2009

Ecologie et urbanisation sont elles compatibles ?

G. Collomb et A. Juppé au forum de Libération.
Plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes et l’on s’attend à atteindre 90%.
Les embouteillages, le bruit, le bétonnage des sols, la précarité, la violence constituent l’image des zones urbaines.
Cependant l’impact écologique en matière de CO2, eau, énergie et déchets est meilleur à Paris ou New York que celui de leurs pays respectifs.
Le maire de Bordeaux reconnaît que l’étalement de son agglomération est un problème : avec une superficie égale au grand Lyon, sa population est deux fois moindre.
Le maire de Lyon insiste sur le problème numéro un : la mobilité.
« On souhaite faire une métropole qui fédérerait l’ensemble de ses polarités en organisant le territoire autour des infrastructures de transport en commun. »
La rénovation des quartiers redonne de la confiance aux citoyens. La nécessité de construire en site propre des logements performants sur le plan énergétique avec des modes de déplacements doux est partagée largement : accord sur les éco quartiers.
L’air de la ville rend libre, elle est le lieu où se construit l’avenir où seule une vision politique et citoyenne pourra rendre la ville attractive et réussir les plans d’urbanisation qui visent à construire la ville sur la ville. Mais comment articuler le principe participatif et le courage politique qui souhaite une mixité sociale ?

vendredi 2 octobre 2009

Le bonheur inquiet

Dans la collection Shampooing, Lewis Trondheim nous livre ses états d’âme et nous intéresse même à ses épisodes de dédicaces ou à ses vacances à la Réunion. Le titre et une citation de Jules Renard disent tout : « La peur de la vie. A la façon dont les petites choses m’impressionnent, je me demande quelles douleurs me réserve l’avenir. »
B.D à offrir à tous les hypocondriaques et aux autres qui pourront sourire, à suivre ce personnage qui s’applique mais se laisse aller à ses faiblesses, où s’acheter des chaussons vaut une page, lorsqu’aller chercher deux escalopes relève de l’exploit, et quand une souris se faufile dans la bibliothèque…
Il trouve joli le halo de la lune au dessus de la Chartreuse ; quand on lui explique que c’est la pollution, il se trouve devenu bien positif. Broder sur des petits riens n’est pas forcément évident, dans un monde où les musiques sont poussées à fond, la légèreté est tellement difficile à saisir.

jeudi 1 octobre 2009

Alex Katz

Plaisir de découvrir ce peintre américain qui a emprunté à Matisse et que Warhol a copié. L’octogénaire est présenté pour la première fois en France, au musée de Grenoble. Peinture pop d’un environnement lisse, aux couleurs pastel, où c’est le monde de la mode qui marquerait l’impermanence des choses, pour que les personnes qui fréquentent les vernissages se mirent dans ses toiles. Peinture reposante, loin des cris des salles voisines avec les portraits de sa belle femme Ada qui accompagnent notre déambulation. Je pense alors à Jackie Kennedy et à des personnages de fête foraine quand nous nous arrêtons devant des silhouettes découpées dans du contre plaqué, ça s’appelle « cut out », ça fait moins fête à Neuneu. Mais il s’agit bien de peinture même si la photographie fait valoir ses influences, et si l’univers de la publicité a façonné ses images empreintes d’une certaine mélancolie distanciée.