jeudi 2 février 2023

Les choses. Fabrice Conan.

A l’occasion de l’exposition de « natures mortes », « still life », de tous temps et de toutes latitudes que présente le Louvre jusqu’au 23 janvier 2023 - la précédente remontait à 1954 -
le conférencier devant les Amis du Musée de Grenoble s’inscrit dans les traditions de l’association 
« Nature morte avec pastèques et pommes dans un paysage » de Luis Egidio Melendez.
Elle est bien vivante la « Nature morte vivante » de Salvador Dali.
3500 ans avant J-C, sur les dalles du « Cairn de Gravidis », situé depuis sur une île bretonne, sont gravées des haches parmi des ondulations saisissantes. 
Les objets accompagnaient alors des offrandes et confirmaient un statut social.
« 
Les habits de François C »
, de Christian Boltanski, sont présentés d’une façon monumentale, plus personnalisée que les tas de vêtements qu’il a accumulés en d’autres lieux pour évoquer l’anonymat des victimes de la Shoah.
La mosaïque de
« La chambre mal balayée » du IIe siècle av. J.-C est d’une grande modernité,  comme une variante du « Eat art ».
En Egypte, « La Stèle funéraire du chancelier et trésorier Senousert » (1900 av J.C) a la dédicace élogieuse, et le défunt aura de quoi manger dans l’au delà et de la bière à boire.
Pompéi recèle tellement de trésors : ce « Squelette avec deux cruches à vin » (Askoi) du premier siècle préfigure tous les « Memento mori »
« souviens-toi que tu es mortel » dont un très didactique dans les mêmes lieux. 
La mort concerne le riche comme pour le pauvre, la roue de la fortune est imprévisible et fragile le papillon de l’âme humaine.
Parmi les objets de la Passion à l’intérieur d’un « Livret de dévotion » en ivoire, 
le rectangle représente le tombeau du Christ, la présence humaine est éludée.
Derrière la « Vierge d'humilité » de Niccolò di Buonaccorso, livre et matériel de couture inscrivent dans le monde domestique la vertu devenue accessible.
« Six kakis »
d’un moine bouddhiste chinois du XIIIᵉ siècle
ont inspiré récemment Buraglio.
« L’armoire aux bouteilles et aux livres »
en trompe l’œil 
présente tous les accessoires d’un médecin.
« Le marché aux poissons »
de Joachim Bueckelaer  évoque l’abondance, la fertilité, avec l’épisode de Jésus au lac de Tibériade en arrière plan.
Comme la représentation des  fruits et fleurs dont l’essor date du XVII° siècle, n’est pas un sujet édifiant, elle est permise aux femmes. 
La « Coupe de cerises, prunes et melon » de Louise Moillon harmonise les couleurs.
Sous son chapeau extravagant le cupide « Collecteur d’impôts » de  Marinus van Reymerswale, n’a pas vu que la chandelle vient de s’éteindre.
« Les cinq Sens et les quatre éléments »
de Linard est à la fois une nature morte et une vanité (le miroir, les cartes à jouer du tiroir). Le dossier pédagogique du Louvre précise :  
« Le luth et la partition sont en lien avec l’ouïe, le miroir et le verre de vin avec la vue, les fleurs avec l’odorat, les fruits avec le goût, le mortier et son pilon pour le toucher. C’est aussi une allusion aux quatre éléments : les légumes pour la terre, le réchaud pour le feu, l’oiseau de Paradis pour l’air, l’aiguière pour l’eau. Un même objet peut même associé à plusieurs symboliques différentes. »
« La desserte »
de Heem est tout aussi chargée en symboles et la musique a cessé, 
les feuilles sèchent,
Matisse et ses équilibres instables lui a rendu hommage.
Il n’y a pas que les flamands, les « bodegón » espagnols sont aussi sublimes. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2016/04/zurbaran-et-le-tenebrisme-europeen-jean.html
« La Chambre du Trésor »
(2012)  de Gilles Barbier est immense, cette nouvelle caverne d’Ali Baba dénonce les pillages commis contre le monde comme Erró ou Arman quant aux accumulations occidentales. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2015/04/erro-au-mac-lyon.html
Jean Siméon Chardin
excellait dans un domaine auquel il a donné ses lettres de noblesse. « Pipes et vases à boire dit la tabagie », du nom du coffret contenant les accessoires du fumeur.
Fastueux sont les « Panaches de mer, lithophytes et coquilles » d’Anne Vallayer-Coster.
L’objet parle de notre regard sur le monde, comment on se l’approprie.
Le truculent Marcel Duchamp avait présenté un porte-bouteilles en 1916, « ready made » qui avait disparu, il récidive en 1921 en précisant sur le cartel :
« Antique certifié »
La « Cabeza de Vaca » par Andres Serrano nous a à l’œil.

mercredi 1 février 2023

Périgueux # 3

Nous ressortons du musée Gallo-romain séduits par la muséographie que nous trouvons sobre et aérée, efficace, moderne et pédagogique avec des écrans tactiles proposant  des textes ou des reconstitutions, à consulter ou à délaisser, face aux endroits importants.
Une fois dehors, armés de notre plan, nous nous aiguillons à nouveau sur le fil conducteur  peint au sol en direction du château Barrière encore bien endommagé malgré les rénovations en cours
et de la maison d’Angoulême, en meilleur état, les deux dans le même style médiéval que l’église Saint Etienne.
L’intérieur de ces 2 monuments ne se visitant pas, nous suivons notre tracé jusqu’au jardin des arènes. Il épouse la forme de l’ancien amphithéâtre dont quelques vestiges délimitent la circonférence.
Les arbres apportent de la fraicheur, comme les brumisateurs installés au centre et sous lesquels s’ébattent deux petites filles surveillées par leur mère.
L’appétit nous pousse à chercher un restaurant : le « Little cocotte » propose une assiette de tajine abricot légumes et boulgour et pour le dessert, le chocolat liégeois nous tente. Après la p’tite cocotte de Brives, voici  little cocotte de Périgueux…
Nous consacrons l’après- midi à la visite guidée du Périgueux moyenâgeux. 
Devant l’Office du Tourisme nous rejoignons un groupe de touristes et l’accompagnatrice nous réunit un peu plus loin place du Coderc, aujourd’hui occupée par les halles qui ont remplacé le consulat (Mairie). De là elle nous  dresse l’historique de la ville.
Nous nous déplaçons ensuite vers la place de l’Ancien hôtel de ville. Une pharmacie loge actuellement dans le bâtiment qui fut officiel, à côté d’une habitation fortifiée dotée d’une tour édifiée du XV au XVII° siècle.
Nous empruntons le passage Daumesnil, du nom de l’ancien général de Napoléon dont la maison des parents négociants dans le blanc se situe à la sortie.
Et nous débouchons ainsi  face à l’église cathédrale Saint Front
D’inspiration byzantine, via Saint Marc à Venise, elle frappe par son originalité avec une architecture rare en occident reposant sur une croix grecque et cinq coupoles.
Paul Abadie entreprend des travaux titanesques pour la sauver de la ruine et lorsqu’en  1870, il construit le Sacré Cœur à Paris, elle lui sert de modèle, notamment pour  la forme des clochetons. Victor Hugo la surnomma « la mosquée de Périgueux ».
Le monumental  lustre en laiton circulaire symbolisant  la Jérusalem céleste trônant à l’intérieur  ressemble effectivement  à d’autres que j'ai pu voir dans des mosquées d’Istanbul.
Nous ressortons par la porte sud  en longeant le cloître que notre guide ne détaille pas vraiment mais j’ai lu qu’ il
possède une particularité : deux des quatre galeries sont de style byzantin, tandis que les deux autres ont été conçues dans un style roman.
Nous tombons alors sur la place du Clautre, où se déroulaient les exécutions. 
Pour s’y rendre, les prisonniers incarcérés dans la maison Vigier reconnaissable à sa belle porte cloutée de redoutables pointes remontaient la rue du Calvaire.
Puis nous nous engouffrons  rue saint Roch, rue Aubergerie, dans la ville basse composée d’un mélange de patrimoine et d’habitat  moderne. De nombreuses maisons moyenâgeuses, de caractère mais transformées en HLM profitent aujourd’hui aux «gueux », ce type de logements favorisant d’importantes subventions nécessaires pour leur restauration et leur entretien.
Traverser la jolie petite place de Navarre plantée d’arbres permet de voir avec recul l’arrière de la maison des Dames de la foi. Son entrée se situe dans l’étroite  rue des Farges (ancienne rue des forgerons). Cette bâtisse très ancienne (XII°)  est  transformée en couvent au XVII° puis divisée en logements locatifs au XIX°, et enfin rachetée en une seule partie par une société privée au XX°.  Elle est classée aux monuments historiques et sort tout juste d’un programme de rénovation dont témoigne la façade.
Le circuit se termine par la tour Mataguerre. Construite au XIII° siècle (d’autres parlent du XIV ou du XV), elle s’insérait dans les  remparts qui  possédaient 28 tours et douze portes. Cette tour est la seule à avoir survécu à la destruction ou la ruine. De forme circulaire,
percée d’archères cruciformes (meurtrières) indispensables à sa vocation défensive, elle possède un parapet à mâchicoulis. 
Son nom « provient de l’occitan matar - mettre en échec- et de guerra - la guerre. 
Ce terme viendrait du nom d’un capitaine nommé Mataguerra, de la garnison d’Auberoche, qui aurait pris le parti du duc d’Aquitaine, roi d’Angleterre. Il aurait été capturé et conduit à Périgueux où il fut détenu dans la salle basse de la tour. La tour Mataguerre apparaît dans les textes dès le XIVe siècle. Celle que nous pouvons voir aujourd’hui date de 1477. Le classement de la tour comme monument historique en 1840 a permis de la préserver lorsque, en 1876, les remparts sont détruits. »
Notre guide souligne que d’autres tours rondes ou carrées s’élevaient dans la cité, pour afficher la puissance et la richesse de leur propriétaire. De plus, comme l’espace entre les murailles de la ville était restreint, les constructions en hauteur offraient davantage de surface qu’à l’horizontale en s’appuyant sur des bâtiments existants. Ce manque d’étendue intra-muros, explique aussi le peu de places publiques. A part deux d’origine ancienne, les autres furent créées  plus récemment afin de libérer la vue et d’aérer l’écheveau de ruelles.
A noter enfin,  dans le quartier, la présence de coquilles Saint Jacques sur les murs et au sol avec des plaques de cuivre, elles rappellent qu’ici, passe un des itinéraires de Compostelle
Pendant ce voyage à travers la ville et le temps, nous avons appris ou redécouvert par le truchement de notre informatrice l’étymologie de certains mots ou expressions : 
* « échoppe » est devenu  shopping chez les anglais 
* « trier sur le volet » provient des boutiques, quand un battant des portes relevé, l’autre          abaissé comme un pupitre le commerçant empilait dessus les marchandises, et n’accueillait pas les clients à l’intérieur de son magasin 
* les pèlerins en route pour Saint Jacques portaient la « pèlerine » 
* Et « mâchicoulis » signifiait casser le cou, de l’ancien français machicop, peut-être de mâchier, broyer, et col, cou (Larousse) Les deux heures de visite commentée rajoutées au musée et à la promenade de ce matin nous suffisent amplement pour aujourd’hui.
C’est avec délice que nous rentrons nous rafraichir dans la piscine hors sol du AirB&B, bien exposée et équipée de transat en bois. A côté nous percevons la présence d’un perroquet (ou perruche ?) enfermé dans sa grande volière. Nous flemmardons en attendant la fraîcheur puis une fois reposés, nous choisissons par téléphone un restaurant à proximité.
Il s’appelle "le Gué de la Roche" et se situe sur la commune de  Marsac sur l’îsle. L’endroit se révèle charmant, au bord d’une écluse et bien arrangé sous les arbres, dans l’esprit d’une guinguette. Mais les plats et le service s’avèrent moins enthousiasmants lorsque l’entrecôte aux échalotes arrive sans échalotes et sans sauce. La serveuse interpellée après ce constat, m’explique qu’effectivement, il n’y a plus de cette sauce, pourtant elle  n’a pas jugé utile de prévenir ni au moment de la commande ni en déposant l’assiette…. A côté de cela, elle se vante avec supériorité auprès d’autres clients que d’ici peu, elle ne présenterait que des produits locaux en circuit court  et de qualité…Enfin, la viande sans sauce et l’assiette variée saumon oseille crevettes nous régalent quand même
Nous rentrons en admirant le coucher du soleil et terminons devant les écrans, Guy devant un match de l’Euro de foot féminin et moi devant trois épisodes successifs d’" Un si grand soleil"