jeudi 19 mai 2022

Monochromie, noir et demi-teintes. Serge Legat.

Après nous en avoir fait voir de toutes les couleurs, le conférencier devant les amis du musée de Grenoble achève le cycle consacré au rouge, bleu, vert, jaune, blanc, par le gris. 
Il entame la séance par la monochromie dont Yves Klein qui a « libéré la peinture de ses lignes » est un représentant évidemment éminent. « Pure pigment » à la fondation Venet.
Voué au bleu outremer, devenu « IKB » (International Klein Blue), il cherche l’absolu : 
« Le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu'il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible ».
« L'esclave mourant d'après Michel-Ange »
 Avant de décéder à 34 ans, il confie :« Je vais entrer dans le plus grand atelier du monde. » 
Pour son centenaire, Soulages eut après Picasso et Chagall les honneurs du Louvre dans le salon carré à côté de « La bataille de San Romano » d’Ucello.
Parmi ses 1700 tableaux, où « Le noir est la couleur de la lumière », 
nous en avions vus quelques uns à Lens
et à Lyon  
Rétif aux symboliques, rejetant tout lyrisme, à contre-courant des efflorescences de couleurs d’après guerre, il a travaillé dans le registre des origines, quand le charbon de bois laissait une trace sur les parois préhistoriques. 
En dialogue avec Hartung, « Le pacte du noir » , il sait bien parler de son art : 
«Je ne dépeins pas, je peins, je ne représente pas, je présente.»
Il réalise 104 vitraux à « l'abbatiale de Sainte-Foy de Conques ».
Le noir est lié depuis la Bible aux ténèbres, au péché : le chat au pied de « L’Olympia » de Manet, une « grande horizontale », est tout le contraire du chien fidèle.
C’est la couleur du deuil, Bouguereau « Le jour des morts » 
L’« Etude pour le radeau de la Méduse » de Géricault prépare la présence forte du personnage foncé au sommet de la pyramide de l’espoir. Jadis « niger » désignait le noir brillant, le plus prestigieux, comme il l’est en Afrique, frotté d’huile,et « ater » (d’où « atrabilaire » et sa bile noire) le noir mat.
Dans les pays orientaux, les caucasiennes étaient des esclaves particulièrement recherchées, mais pas toujours esclaves. « Le Massage. Scène de hammam. »  Edouard Debat-Ponsan.
Alors que le drapeau de l’anarchie a concurrencé le drapeau rouge, le noir a convenu aussi aux uniformes d’extrême droite.
L’austérité du sombre convenait bien aux protestants « Portrait de Martin Luther » par Lucas Cranach l’Ancien.
« Charles Quint » (Le Titien) a adopté le noir de la vertu et du pouvoir, devenu celui du luxe discret :

« La petite robe noire »
.
Alors que les prêtres étaient de noir vêtus, les évêques portent du violet.
Comme la fleur violette, ou « L’améthyste », elle ne recueille pas beaucoup de suffrages, signe du carême, de la vieillesse, du demi-deuil,
Pál Szinyei Merse
« Dame en violet ».
L’orangé
, demi-couleur également présente dans la nature, est nommé depuis le 14° siècle quand sont importés des orangers.  Francesco Zurbaran, « Nature morte aux oranges ».
Le rose, dit auparavant incarnat, comme « incarnation », était la couleur de la chair, celle de la douceur, de la tendresse, celle de Boucher « 
Le triomphe de Vénus », mais aussi de la mièvrerie, « à l’eau de rose » et de la stigmatisation de l’homosexualité.
« Le triangle rose »
« Henri IV  en Dieu Mars »
par le maniériste Jacob Bunel 
reste dans les tons intermédiaires évitant les couleurs franches.
Couleur la plus basse, foisonnant dans la nature, le marron associé à la saleté a supplanté le brun, celui du pelage de l’ours et des brutales chemises. Peint par Giotto « Saint François d'Assise recevant les stigmates »  dans son humble robe de bure a choisi la pauvreté. « Les couleurs sont les touches d'un clavier, les yeux sont les marteaux, et l'âme est le piano lui-même, aux cordes nombreuses, qui entrent en vibration. » disait Vassily Kandinsky
comme l’exprime aussi sa « Rue principale de Murnau ».
Pour lui, le gris « tend vers le désespoir lorsqu’il devient foncé et retrouve un peu d’espoir en s’éclaircissant. », il fait chanter « Plusieurs cercles ». Gris du béton, de la tristesse mais aussi de la matière grise.
Mark Rothko
a peint  « Black on gray » peu avant de se suicider. 
« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles, »
Arthur Rimbaud 
«… le bleu clair est comme une flûte, le bleu foncé comme un violoncelle, et quand il est encore plus sombre, il devient une merveilleuse contrebasse. La forme de bleu la plus profonde et la plus sereine peut être comparée aux notes profondes d'un orgue». Kandinsky

mercredi 18 mai 2022

WISSEMBOURG

Nous partons à WISSEMBOURG près de la frontière allemande. 
Nous déposons l’automobile  au parking à l’entrée de la ville.
Nous continuons à pied jusqu’à la place de la république où face à la carte alléchante du restaurant « La couronne » nous cédons à notre appétit. L’établissement sert des plats alsaciens : nous tentons sans le regretter le sandre sur choucroute et raifort, pommes de terre et Sylvaner.
Guy teste la Quetschetaart .
Alors que nous déjeunons, une grosse averse éclate ponctuée de coups de tonnerre  mais elle a le bon goût de s’arrêter à notre sortie.
Elle nous autorise un petit tour de ville, nous passons devant l’hôtel de ville puis devant  l’église Saint Pierre et Saint Paul, d’époques romane et gothique.
A l’intérieur, de vieilles fresques dans le transept droit se délitent peu à peu, la lumière rare ne favorise pas la contemplation d’autres richesses sans doute présentes. En fond, nous entendons un orgue en répétition pour le concert de 17h.
Un reste de cloître, inachevé, quelques tombes et des ruines s’appuient sur un mur extérieur de l’église.
Des échafaudages et des bâches masquent malheureusement  La maison du Sel citée comme l’un des plus beaux monuments civils de la ville. Cependant nous distinguons quand même les toits conçus hauts et aérés pour le séchage des denrées, tel le sel. Nous traversons la petite ville endormie comme beaucoup le dimanche, où flânent cependant quelques touristes.
D’un coup de voiture, nous rejoignons CLEEBOURG.  Notre hôte nous a recommandé sa cave coopérative pour laquelle il travaille en tant que vendangeur chaque année.
Suite à la guerre, la destruction des vignobles sur la ligne de front a poussé les viticulteurs  à s’unir pour replanter, repartir à zéro, et se soutenir dans l’exploitation de la production.
Nous commençons par une dégustation de plusieurs crus, servis par un vigneron à très fort accent, à la limite de notre compréhension et surpris de notre tempérance concernant le nombre de nos tests œnologiques. Pourtant, nous avons goûté au pinot gris dont le « vieilles vignes », aux gewurztraminers, vendanges tardives ou lune de miel, hésitant devant les crémants.
Pendant que nous sirotons, notre barman producteur nous informe sur les résultats de l’évolution climatique, poussant à vendanger de plus en plus tôt mais offrant  progressivement de meilleures conditions  que dans le sud du pays. De plus, la qualité des vins s’améliore depuis une quarantaine d’années, s’adressant à une clientèle plus exigeante que celle des allemands accusés de couper leur vin avec de l’eau. Après l’achat de quelques bouteilles à ramener pour offrir et pour nous, nous désirons nous promener dans « les plus beaux villages de France » de la région nord de l’Alsace.
Nous traversons HUNSPACH, sans halte pour l’instant, digne de sa réputation, et nous admirons l’unité des maisons à pans de bois toutes de couleur blanche et bien léchées.
Nous continuons  directement sur BETSCHDORF dans l’espoir de visiter le musée des poteries gris et bleu cobalt typiques des artisans de ce bourg, ouvert ce dimanche.
Il loge dans un vieux corps de ferme restauré. Tout d’abord, nous visionnons un petit film pédagogique projeté dans une pièce à côté de l’accueil.
Il montre les matériaux et explique les techniques, le chauffage des fours poussé  à 1200° avec du sel, la vitrification des objets pour les imperméabiliser et garantir la conservation des aliments.
Dans la vieille maison attenante, des vitrines protègent des pots, des timbales, des urnes, des vases, même des WC décorés de motifs variés et façonnés à des siècles différents.
Trop de reflets dus aux verres des étagères gênent malheureusement la visibilité pour saisir les détails et pour photographier. Avant de quitter Betschdorf, nous souhaitons voir un des nombreux ateliers de potiers du village, mais beaucoup profitent du repos dominical, ce qui exclut d’assister à leur travail. La boutique de l’un des rares ouverts ne nous séduit guère, exposant des petits cochons et pots miniatures pour touristes.
Nous tirons jusqu’à SOUFFLENHEIM. Cette localité vit aussi de la poterie, spécialisée dans les plats à Baeckeoffe et à kouglof plus colorés qu’à Betschdorf. Mais c’est dimanche, nous errons dans un village désert où tout est fermé  et rien n’attire particulièrement notre attention.
Nous retournons sur nos pas profiter de HUNSPACH.
Peu de monde fréquente les rues, mais nous tombons sur un peintre devant sa belle maison. Il expose ses œuvres à la peinture à l’huile qu’il a exécutées sur des morceaux de tuiles de l’église récupérées dans les poubelles. Il nous entraine au fond de la cour de la vieille bâtisse visiblement rénovée, où il est né, dans le but de nous introduire  dans une dépendance réservée à ses productions et celles de sa fille. Il nous présente une de ses inventions, un casse-tête, que nous ne parvenons pas à résoudre. 
Nous poursuivons notre marche exploratrice jusqu’à l’heure décente de se présenter au restaurant « Au cerf ». Dans une ambiance familiale, nous commandons deux Fischer, deux bouchées à la Reine, des pâtes garnies de champignons et des morceaux de viande coupés en dés.
Une fois rentrés à Soultz, nous devons revenir une 3ème fois à Hunspach récupérer le sac à dos que Guy a oublié dans la brasserie. Nous causons un petit moment avec D. avant de monter nous coucher car demain nous retournons chez nous.