jeudi 17 mars 2022

Champollion héritier. Dominique Farout.

Devant les amis du musée de Grenoble,
le chargé de cours d’égyptologie à l’École du Louvre, reconnaissant le génie de son prédécesseur Jean François Champollion qui avait transgressé en 1822 certaines règles du déchiffrement alors en vigueur, l’a présenté comme le dernier maillon d’une quête de plusieurs siècles et qui se poursuit.
« C'est un système complexe, une écriture tout à la fois figurative, symbolique et phonétique, dans un même texte, une même phrase, je dirais presque dans un même mot. »
Le conférencier remonte à Dioclétien dernier « vrai pharaon » et à l’édit de Théodose de 380 quand l‘empire romain devint chrétien :
les hiéroglyphes, utilisés depuis 3000 ans, la « langue des dieux », deviennent illisibles, les temples sont fermés.
L
e copte, langue d'église, a conservé la langue ancienne et joué un rôle capital dans le déchiffrement.
Les Égyptiens de l'Antiquité donnaient parfois à leur pays le nom de « Kemet », « terre noire », qu’il convient de nommer « terre arable » car la confusion peut passer de la couleur de la terre à celle de la peau.
Horapollon
traite des symboles égyptiens tels qu’ils furent compris à l’époque romaine mais c’est à la Renaissance,
quand furent exhumés quelques obélisques à Rome et que l’imprimerie a permis de partager les connaissances que se multiplièrent les avancées.
Au  XVII° siècle, Blaise De Vigenere, diplomate imprégné de sciences occultes, est l’un des premiers à avoir « allumé une étincelle » avec son «Traité des chiffres ou secrètes manières d'écrire ».
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc
, « polymathe », c'est-à-dire une personne d'esprit universel, diplomate et commerçant, collectionneur de curiosités : momies, sculptures et bas-reliefs, statuettes, vases canopes ... s’intéresse à la langue copte
et correspond avec Athanase Kircher, inventeur de la lanterne magique qui établit la première grammaire copte. 
Jean- Joseph De Guignes auteur de la thèse fantaisiste mais féconde, en particulier pour l’esprit à « sauts et gambades » de notre Dauphinois, démontrant que la Chine est une colonie égyptienne, avait repéré que les cartouches enfermaient des noms royaux.
Jacques Barthélemy
, ecclésiastique, numismate, déchiffre l’alphabet palmyrénien, le phénicien et le premier hiéroglyphe. 
« Ces questions ne pourront jamais être éclaircies par les témoignages des auteurs grecs et latins… C’est aux monuments qu’on doit recourir. Quand ils parleront clairement, il faudra bien que les anciens auteurs s’accordent avec eux ».
Bonaparte arrive en Egypte occupée par les ottomans où les livres sont interdits.
Les découvertes de l’expédition française sont divulguées par la première imprimerie d’Égypte, en latin, grec et arabe.
Occupé à renforcer le fort Rachid, le 19 juillet 1799, le lieutenant du génie Pierre François Xavier Bouchard - la France est le pays le plus lettré -
comprend l’importance de la découverte, de la stèle trilingue (hiéroglyphique, grec, démotique) qui passera à la postérité sous le nom de « Pierre de Rosette » maintenant au British Muséum.
Le suédois Johan David Åkerblad  maîtrise plus de vingt langues antiques et contemporaines,
élève de Sylvestre de Sacy, déchiffre les noms propres. 
Les premières réactions de celui-ci aux travaux de Champollion sont réservées,
il écrit à Young brillant scientifique qui travaille sur les textes : 
« Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne pas trop communiquer vos découvertes à M. Champollion. Il se pourrait faire qu’il prétendît ensuite à la priorité. »
Mais il sait changer d’avis quand Jean François éclairé par son ainé
Jacques-Joseph Champollion-Figeac « apportera des éléments tangibles concernant ses théories ».
Parmi les héritiers : Gaston Maspero prend la suite de
Mariette
au collège de France. Il  œuvre à la sauvegarde des monuments anciens,
et devient le professeur de Sir Alan Gardiner auteur d’une grammaire égyptienne qui fait encore autorité.

mercredi 16 mars 2022

Obernai et aux alentours.

Nous remballons nos affaires après le petit déjeuner prévu par P.
En partant, nous claquons la porte en l’absence de nos hôtes déjà en route pour le travail.
A 8 km tout au plus de Binderheim, nous nous arrêtons à EBERMUNSTER.
L’abbatiale Saint Maurice de style baroque germanique nous change du moyen âge et du XVI°, elle attire notre attention avec ses trois clochers vernissés en forme de bulbe.
L’intérieur  laisse pénétrer la lumière, captée par les couleurs très claires des murs et du plafond dues une rénovation récente.
Outre les peintures, fresques et toiles, les dorures et les  angelots sobrement répartis, l’abbatiale possède plusieurs œuvres et mobiliers dignes d’intérêt.
Il y a d’abord les orgues remarquables d’André Silbermann.
Des  confessionnaux  blancs et or alignés le long des murs adoptent des formes en volutes  originales, pleines d’élégance. Monumentale et portée par des colonnes, une couronne coiffe l’autel et un tableau.
Citons aussi les stalles en bois sculpté  de bas-reliefs, réservées aux moines,
et le curieux Samson avec sa longue chevelure tenue par un bandeau, tout en force  sous le poids de la chaire portée sur ses épaules.
En voiture, nous repiquons à  nouveau vers les vignes et les villages de viticulteurs.
Celui de MITTELBERGHEIM (encore l’un des plus beaux villages de France) se situe au sommet d’une colline, il émerge  au milieu des cultures ordonnées et bien peignées. Ici, pas de crépis colorés mais une unité de couleur gris /beige s’impose entre les colombages.
Là encore, nous sommes sous le charme des enseignes métalliques.
Un très vieil hôtel de ville, quelques maisons ancestrales participent à la renommée de la petite cité.
La rue principale est une succession de caveaux et de producteurs logés dans des demeures historiques dont on franchirait volontiers le pas de porte.
Mais c’est un peu trop tôt pour une dégustation.
Si nous n’entendions pas les bruits provoqués par les activités artisanales et les discussions qui  s’échappent des maisons
et si nous ne croisions pas incidemment quelques personnes pressées, nous aurions l’impression d’être les seuls dans la rue, tenus à l’écart d’une animation matinale cachée derrière le décor.
Une erreur d’aiguillage nous détourne de la route d’OBERNAI, elle nous plonge dans un bouchon  et occasionne un petit retard.
Obernai supporte sans aucun doute la comparaison avec toutes les magnifiques  communes alsaciennes que nous avons découvertes.
Mais elle est moins figée dans le passé, la vie commerçante tourne plus autour du quotidien et pas uniquement autour des spécialités : moins orienté dans le vin, les magasins d’opticiens, de vêtements, les pharmacies, les services de santé ou autres offrent les avantages d’une petite ville pragmatique. Elle conserve des monuments historiques intéressants et bien entretenus.
C’est le cas de la halle aux blés place du marché, utilisée aussi pour  entreposer du sel et investie à un moment par la corporation des bouchers.
L’hôtel de ville adopte une architecture particulière.

De style gothique et Renaissance, il a hérité d’un curieux beffroi, le Kappelturm ;
ce vestige d’une ancienne chapelle fut  rehaussé au XVII° d’une galerie à échauguettes. 
Un bel oriel et quelques  ornements décorent la façade donnant sur la place du marché.
Dans le même périmètre, le puits à six seaux, datant de la Renaissance attire les photographes et les superstitieux qui n’hésitent pas à y jeter une pièce pour la réalisation de leurs vœux. « Construit en 1579 dans le style Renaissance par une équipe d’artisans strasbourgeois, le puits était peint à l’origine. Trois colonnes à chapiteaux corinthiens supportent un baldaquin octogonal orné de sculptures inspirées du nouveau testament.»
Nous ne pourrons rien voir de l’église Saints-Pierre-et-Paul. Enserré dans une gangue d’échafaudages inextricable, cet édifice du XIX° mérite une réfection, le rendant inaccessible  à la visite et au regard. Alors nous en profitons bien qu’il  ne soit que midi, pour quérir un restaurant puisé dans le routard.
Bien situé rue du marché et près de la synagogue l’établissement  « Les remparts » nous accueille sur sa terrasse toute en longueur, vite remplie de travailleurs et passants. Nous avons lu qu’Obernai est la ville de la choucroute : c’est parti !
Comme pour la Kronenbourg qui l’accompagne et nous ne le regrettons pas.
Mais la digestion nous impose ensuite  un brin de sieste dans la voiture près de l’Andlau.
Cette  petite commune se trouve sur l’itinéraire  menant à ERSTEIN et au  musée Würth.https://blog-de-guy.blogspot.com/2021/09/christo-musee-wurth.html
 
Ce musée privé et gratuit appartient au groupe familial  Würth, une multinationale  spécialisée dans l’outillage, le matériel et les fixations d’assemblages entre autres.
Son fondateur  Reinhold est  collectionneur et mécène, il se passionne pour l’art contemporain. Il implante  des musées d’entreprises dans une quinzaine de ses sites industriels en Europe, pour exposer ses fonds qui  tournent deux fois par an.
Actuellement, le musée propose une rétrospective sur les projets aboutis ou non de Christo et Jeanne Claude.
Ils se dévoilent  sous forme de dessins, de photos des lieux où ils furent réalisés (le pont neuf, des sites aux US) ou imaginés,  photos souvent dans de grand format  et sous forme de vidéo (Le lac Iséo).
Les drapés et les plissés gigantesques se déclinent parfois dans des couleurs très vives, en orange (Colorado) ou  en rose (Iséo) dans la nature, elles se font plus discrètes  pour l’emmaillotage des bâtiments.
Quant aux dimensions, envisager une telle démesure laisse vraiment admiratif.
Les deux artistes ne purent mener à bien tous leurs rêves d’empaquetages éphémères, leurs réalisations demandant parfois plusieurs années  pour régler les différents problèmes ; ceux- là n’existeront  que sur papier … Nous avions imaginé un musée plus grand, mais sa taille convient bien à une exposition monothématique complète et enrichissante.