mardi 16 juin 2020

Nectar de voyage. Yves & Olivia.

Comme le titre ne le laisse pas prévoir il s’agit de dessins effectués à la lueur d’une frontale lorsque  l’auteur, un cycliste fait une pause lors de ses voyages en Ukraine, Israël, lors de deux tours du monde, dont un en tandem vers le Cap nord, puis retour en solo en Suède et en Russie.
Que de courage ! Chapeau !
Par contre ce qui veut être plus qu’un carnet de voyage, avec l’ambition de présenter « la quintessence de la motivation des voyageurs », « les coulisses », « les rencontres », « les frissons de l’aventure » même accompagné d’un guide, la BD manque d’intérêt.
Les dessins filiformes traduisent peut être la monotonie des déserts traversés, mais l’humour est discret dans les allusions aux péripéties climatiques, concernant la pente ou ce qu’il y a dans les assiettes.
Tant de kilomètres pour noter : « Le Laos, le pays tranquille, est très montagneux » et «  Le Costa Rica est un petit pays avec beaucoup de forêts » peuvent appeler l’expression lasse : « tout ça pour ça ! ».
Il est difficile face aux performances de personnes qui se lancent dans des défis admirables de se montrer critique, mais ce produit dérivé fut- il trouvé dans un carrousel à livres d’un square grenoblois s’expose aux jugements de ceux qui n’ont pas fait tout un livre de leurs périples, il est vrai plus pépères.

lundi 15 juin 2020

Petits écrans.

L’émotion, le recueillement qui accompagnent nos expériences dans les salles de cinéma peuvent être altérés quand la dimension des images est diminuée depuis nos téléviseurs, je ne sais ce que ça peut donner face à un Smartphone.
Les choses de la vie. Claude Sautet. (1970)
La première question pour les films qui ont marqué leur époque est de savoir si le temps les a marqués surtout si le style est caractéristique de ces années là avec des scènes devenues mythiques. Eh bien pour moi le montage autour de l’accident est toujours aussi efficace et l’histoire dans sa simplicité toujours aussi touchante. A la place de Piccoli impeccable comment ne pas hésiter entre la lumineuse Romy Schneider et la craquante Lea Massari ?
Retour à Cold Montain. Anthony Minghella. (2003)
Nicole Kidman dans les fureurs de la guerre de sécession vit une passion absolue. Le contraste m’a paru artificiel et le romantisme aux trop belles couleurs, suranné.
Matador. Pedro Almodovar. (1988)
Non ce n’étais pas mieux avant : Assumpta Serna a  beau avoir le charme vénéneux, Eros et Tanathos aux atours empesés de symboles en font trop dans le genre « viva la muerte » : « il faut tuer pour vivre ». Banderas a gagné à vieillir, mais cette Espagne qu’allègrement le réalisateur estoquait ne semble pas avoir disparu complètement.

samedi 13 juin 2020

Anthologie de la poésie française. Suzanne Julliard.


En ces jours virulents (confinement), je ne pouvais lire que des poésies, et comme je venais d’acquérir ce volume de plus de mille pages, je m’y suis mis de la première à la dernière page sans attendre les directeurs de conscience à la queue leu leu qui redécouvraient la poésie comme emplâtre à nos vacuités.
Au cours de ma carrière j’ai donné une place centrale à cet art qui était, dans les temps très anciens, le plus noble pour accéder à l’académie
Qu’il est bon de découvrir les trouvères qui chantèrent avant même Rutebeuf:
« Au temps où l’arbre s’effeuille
Qu’il ne reste sur branche feuille
Qui n’aille à terre »
Et arriver idéalement à Seghers, éditeur aux recueils d’un format qui nous emmena au cœur des émotions subtiles par l’intermédiaire des passeurs adulés Ferré ou Brassens et aussi tourneur de mots.
« Ainsi passe la vie à surprendre un langage
Inaudible et pourtant comme l’herbe vivant
De l’éternel azur qui n’est fait que de vents
De silence, d’attente, et d’autres paysages »
Si Saint John Perse m’a paru toujours aussi hermétique ainsi que René Char, la force de Rimbaud m’embarque plus que jamais et Baudelaire !
C’est une sorte de Lagarde et Michard consacré uniquement à la poésie avec des commentaires instructifs. Et même si je regrette l’absence de Charpentreau qui enchanta mes années auprès des écoliers et au-delà, le classement chronologique permet de comprendre que nombre de génies de la langue se sont nourris des productions de leurs prédécesseurs et de mesurer ainsi leur apport. A petite dose il est bon de revenir vers Nerval, sortir de clichés autour de Pierre Louÿs, et se régaler de Francis Ponge dont personne n’a pu mieux définir son œuvre que lui-même lorsqu’il a titré « le parti pris de choses ».
«  Où donc sont allés mes jours évanouis ?
Est-il quelqu’un qui me connaisse ?
Ai-je encore quelque chose en mes yeux éblouis,
De la clarté de ma jeunesse ? »  Hugo, à la vie à la mort.

vendredi 12 juin 2020

Acrobatique politique.

Il est commun de dire que la crise actuelle a exacerbé les caractères d’antan. Ainsi je n’ai pas arrangé mon penchant pour l’incertitude. Me hérissent plus que jamais les péremptoires et les si sûrs d’eux.
Je prends ainsi quelques précautions pour enrober mon changement de pied en matière de choix de vote aux élections municipales à Saint Egrève. 
Je vais au second tour choisir « Ensemble » marquant une distanciation sociale avec «  Proximité ». Mes circonvolutions politiques me ramèneront du côté du manche (des effets de manche ?) participant à une vague écologiste tellement annoncée. Je me rends aux arguments de mon camarade Eric A. , mettant ainsi un terme à mon conflit de loyauté amicale.
J’avais participé jadis à une liste où le terme «  ensemble » figurait également et bien que sa multiplication ait affadi son sens, il annonce une intention de diversité aux ambitions consensuelles, préférable à une contiguïté condescendante exprimée par le mot « proximité ».
En exerçant leur responsabilité, les soucieux de la planète et du social pourraient mettre fin à une absence de propositions mise en évidence par des années d’opposition. Ils seront en cohérence avec la majorité de la Métro, seront-ils en mesure de contrarier la propension du maire de Grenoble à désigner toujours les « autres », l’état, comme cause de tous les problèmes, en particulier en matière de sécurité? Les ambitions de Piolle pour accéder, parait-il, à la tête de La France seront davantage déterminantes.
En exposant les fluctuations de mes préférences, je reste dans l’air du temps, où certains verraient trahison et opportunisme, je préfère  me considérer comme un fidèle du « en même temps ». 
Les fils La Rigueur ont ouvert l’open bar ; Buzyn et autre Ndiaye ont écorné pour l’une le sens de l’état et pour l’autre a déçu le plaisir de voir émerger de nouvelles personnalités dont on aurait pu attendre des paroles plus pertinentes. Je reste fier de mon pays pour son action internationale et de son chef pour son intelligence, son courage, son goût de la disruption… et puis il est tellement attaqué.  
Sur le plan local, le logement pourtant plus déterminant en matière sociale et écologique que toutes les mesures réparatrices, ne me semble la priorité de quiconque. L’ancienne majorité sortante, dont l'allant pour construire s'en est allé, n’est pas contredite par ceux qui visent à la remplacer, masquant tous leur irrésolution sous le terme de démocratie directe. RIP pour le RIC à toutes les sauces lorsqu'il paralyse la démocratie directe et garantit l’immobilisme.
Si des progrès spectaculaires en matière de déplacements en vélocipèdes sont une preuve de détermination des amateurs de produits locaux, les moyens mis en œuvre concernant le réchauffement de la planète seront-ils fatalement plus rhétoriques qu’efficients ?
Une pastille verte de plus sur la carte de France témoignera de nos préoccupations globales.
Le regard amusé que je porterai au moment de l’inauguration de la piscine ne sera qu’anecdotique, l’ironie de l’histoire n’apparaitra sans doute pas à une opinion qui aura oublié  qui étaient les opposants monomaniaques à son creusement. J’avais souri également lorsque j’avais vu que pour crédibiliser leur tête de liste, un tract de campagne faisait valoir son passé d’employé de banque alors que cette profession à un autre niveau était semble-t-il une tare indélébile aux yeux des héritiers de l’abolition du salariat. Nous voilà sauvés sur ce plan d’un excès de pureté qui pourrait ressurgir dans l’euphorie d’une victoire qui ne manquera pas de redonner des couleurs et quelque verve à tous les donneurs de leçons.
En matière scolaire, j’ai confiance aux gens du métier qui ne manqueront pas d’être préoccupés par un phénomène révélé par la crise : le décrochage d’élèves dès le CP ! Mais leur champ d'action est limité.
Même si une présentation sur Facebook par une militante de la liste de Laurent Amadieu en "gentils" face aux "méchants" ne me convient guère, espérons que ce type de réflexe où le concurrent sert en priorité à sa propre définition sera le dernier soubresaut d’une culture d’opposant et fera place à des réalisations, des propositions probantes au-delà du manichéisme et des plans com’.
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l'admettre. L'humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indifférents. La terre et l'humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. » Jacques Chirac 2002

jeudi 11 juin 2020

La vie ne danse qu’un instant. Theresa Révay.

L’état de délabrement de ce livre de poche dont je viens d’hériter témoigne qu’il avait été lu par bien d’autres lecteurs dont je m’apprête à  contredire l’enthousiasme.
Il y avait matière à écrire entre 1930 et 1945 pour Alice Clifford, correspondante de guerre pour le « New York Herald Tribune » aux premières loges de la montée du fascisme à Rome,  si belle ville, à Berlin et sa nuit de cristal, si tragique, en passant par Madrid, si cruelle… Heureusement, l’américaine se ressource à Alexandrie, si parfumée.
«  Elle avait d’emblée perçu que cette terre archaïque aux senteurs d’épices méconnues, celle de la Bible et des prophètes, portait la mémoire du monde et la promesse d’engouements tant spirituels que charnels.»
« Le Tour de France par deux enfants » avait édifié les enfants de la III° république ; ce tour d’Europe en temps de guerre est bien documenté, avec aventuriers, éminences vaticanes, princes romains, diplomates, artistes, résistants, repentis, bons et courageux, discrets. J’ai été intéressé par la découverte de Pascalina Lehnert secrétaire de Pie XII et  par la complexité de Edda Mussolini, épouse de Ciano.
« Les doigts fébriles, Béatrice retira de son annulaire l’anneau en fer noirci que le régime du Duce lui avait offert sept ans auparavant, lorsqu’elle avait sacrifié son alliance en or pour aider à financer la guerre d’Ethiopie. »
La jolie américaine « intrépide, valeureuse et fidèle à ses convictions, sa plume rigoureuse et sincère, son regard lucide. »    
écrit à gauche mais couche à droite, très à droite, c’est une femme libre.
«  C’était elle qui lui avait appris que l’amour véritable consistait à laisser l’autre s’accomplir pleinement de manière absolue »

mercredi 10 juin 2020

Tenochtitlán. Daniel Soulié.

En 1521, les Espagnols découvrent, la cité aztèque qui deviendra une des plus grandes agglomérations du monde : Mexico -Tenochtitlán, 20 millions d’habitants. La population de « la capitale disparue », dépassait celles de toutes les villes européennes avec 250 000 habitants environ.
Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble insiste sur la relativité des informations qu’il fournit car les sources proviennent essentiellement des « conquistadors » qui d’abord admiratifs se sont attachés à détruire rapidement toute trace de culture ancienne.
J’éviterai de reprendre des éléments déjà mentionnés lors de ce cycle concernant les civilisations précolombiennes, hormis ce plan envoyé à Charles Quint.
L’éphémère empire aztèque a duré un peu plus que la guerre de 100 ans qui se déroulait  alors chez nous.
Ceux qui s’appelaient eux-mêmes Mexicas s’installent sur des ilots marécageux du lac de Texcoco, asséché aujourd’hui, situé au centre d’un plateau à 1000 m d’altitude, cerné par des volcans encore actifs. Ils développent rapidement une ville divisée en quatre sections (campan) avec au centre les édifices religieux. Ils maîtrisent parfaitement l’alimentation en eau potable, l’évacuation des eaux usées, la propreté urbaine.
Un marché rassemblant jusqu’à 40 000 marchands les jours de fête se situe sur l’île de Tlatelolco, un temps cité rivale.
Aujourd’hui La place des trois cultures est au centre de ce quartier.
Des chaussées sont construites en direction des quatre points cardinaux, des canaux sont creusés et des marais comblés.
La structure de la ville est inspirée de celle de Teotihuacan dont l’origine remonte à 200 av J-C.
Ce site gigantesque n’a été fouillé que sur 5% de sa superficie mais laisse penser que la destruction des parties occupées par la classe dirigeante aurait été causée par des émeutes internes  autour du VIII° siècle.
Les allées de 40 à 90 mètres de large permettant à 10 chevaux d’avancer côte à côte, loin des ruelles étroites du moyen-âge, sont bien plus vastes que les avenues prestigieuses d’Alexandrie, de Constantinople ou d’Antioche. Des pyramides impressionnantes bordent la dite allée des morts bien qu’il s’agisse de temples et non de tombeaux. 
La reconstitution de monuments appelée « anastylose » permet de se faire une idée du travail phénoménal déployé pour amener les matériaux et édifier dans une grande rigueur géométrique tant de structures depuis les calpullis (groupes de maisons) jusqu’aux temples dédiés à la lune ou au soleil. 
Et tant de sanctuaires comme celui consacré à la divinité la plus dangereuse, Tezcatlipoca (Miroir fumant), à qui on sacrifie une fois l’an un prisonnier et quatre femmes.
Le culte du serpent à plumes (Quetzalcóatl) était très répandu en Mésoamérique parmi une longue liste de divinités qui réclamaient du sang afin de les remercier de faire se lever le soleil. D’après une ancienne chronique, entre 3000 et 84 000 personnes auraient été sacrifiées en 5 jours, pour l’inauguration du grand temple.
La pyramide principale constituée de sept enveloppes était consacrée à Huitzilopochtli qui sortit casqué et armé du ventre de sa mère avant de massacrer ses 400 frères.
Après un siège de 4 mois, Cortès rase la ville : « Je résolus de prendre alors pour notre sûreté une mesure radicale et ce fut de détruire, quelque temps que cela pût nous coûter, les maisons de la ville, chaque fois que nous y pénétrerions; de manière que nous ne ferions plus un pas en avant sans tout raser devant nous, tout aplanir et transformer les canaux et les tranchées en terre ferme. »
La ville coloniale a été construite littéralement sur les ruines de l’ancienne capitale, les pierres réutilisées pour la construction de plus grande cathédrale d’Amérique latine. Et alors que la nappe phréatique n’est pas loin, les recherches archéologiques ne sont pas aisées.
Un Chac-mool  polychrome (« statue de guerrier mexicain à demi allongé sur le dos[…] on posait sur son ventre un cœur sacrifié.») témoigne des vives couleurs qui recouvraient les bâtiments.
Des figurines en terre cuite réalisées 600 ans avant J-C font de la plus ancienne civilisation olmèque, celle de la « culture-mère ».

mardi 9 juin 2020

50 nuances de grecs. 2. Jul & Charles Pépin.

Le premier tome était tellement délicieux
que celui-ci m’a semblé un peu plus fade, comme lorsque Pénélope propose à nouveau son tzatziki et qu’Achille croyant reconnaître un bon goût d’aubergine est condamné avec Ulysse à «  se taper toute la semaine des plats de chez Icare surgelés ».
Les dessins de Jul  semblant être expédiés depuis un coin de table sont alertes avec ses jeux de mots réjouissants et ses rapprochements toujours ingénieux avec l’actualité : des « toisons d’or » qui veulent le rétablissement de l’ISF (« Impôt Sur la Foudre ») aux réfugiés entre Charybde, Scylla et l’OFPRA. Le cheval du « plan à Troie » est siglé Uber, Hermaphrodite illustre le fameux « en même temps » et la boite de Pandore est une box.
«…  chacun des maux apporté par pandore s’accompagne d’un bienfait. Les hommes meurent maintenant ? Ils en éprouvent une puissance d’exister d’autant plus intense. […] Ils sont obligés de travailler ? Ils découvrent ainsi la joie d’être reconnus pour ce qu’ils ont fait. »
Chaque planche au titre prometteur: « Protée : le changement c’est maintenant » est située en regard d’une réflexion originale du philosophe Charles Pépin qui apporte des précisions : Morphée apparaît comme un mauvais coup au lit avec ses recommandations interminables pour dormir alors que c’est Hypnos son père qui est le dieu du sommeil :
« Tomber dans les bras de Morphée ce serait plutôt s’éveiller à sa vérité enfouie, à cette complexité aux mille visages».
Nous pouvons découvrir des êtres mythologiques tels les Hécatonchires ou les Erinyes, Hestia et envisager des dimensions nouvelles :
«  l’espoir est la marque du faible - c’est d’ailleurs pourquoi il est l’un des maux présents dans la boîte de Pandore. Seul espère celui qui n’a pas la force de dire oui à ce qui est ».
Nous sommes en terrain plus familier avec l’Oracle de Delphes qui n’a pas prévu le Brexit, tout comme nos instituts de sondage, et # Myth too qui avait de quoi dénoncer avec les dieux agresseurs, harceleurs, violeurs, de tant de nymphes, et d’Europe, Nikaïa, Perséphone…