jeudi 28 septembre 2017

David Hockney.

Didier Ottinger, le commissaire de l’exposition au centre Pompidou consacrée au peintre honoré par la reine d’Angleterre comme « plus grand artiste vivant », ouvrait la saison des conférences des amis du musée de Grenoble.
« My Parents ». Né, il y a 80 ans à Bradford, ville qui connut le déclin de l’industrie textile, d’un père pacifiste et d’une mère végétarienne, David Hockney est marqué à ses débuts par l’école du « Kitchen Sink » (évier) pour signifier l’option « âpre réalisme ». Il gardera de cette formation initiale sa volonté de toucher le plus grand nombre, à l’image de Jean Dubuffet, n’adoptant que sur une courte période les autoroutes alors obligées de l’abstraction. La découverte de Picasso, qui se réinvente sans cesse, l’encouragera à toujours chercher de nouvelles voies.
« We Two Boys Together Clinging »
Ses sujets homo érotiques auront beaucoup plus de succès que sa promotion du végétarisme. Il se teindra les cheveux puisque «  Blonde are fun » après avoir rencontré Warhol qui ne sera pas pour rien dans la coloration pop art de l’artiste qui vient de traverser l’Atlantique.
« The First Marriage, (A Marriage of Styles I) »
En ces effervescentes « swinging sixties », la liste serait longue des influences pour le premier des post modernes : depuis les fresques égyptiennes en passant par les lumières de la Renaissance, il adopte un moment la planéité (flatness) de la peinture moderniste, et la vigueur des couleurs de Matisse.
 "Two boys in a pool" dialogue avec l’art abstrait et marque sa fascination pour l’opulente Californie.
« The bigger splach »: modernité, cinéma, « color field painting », Newman, Rothko, Pollock.
 « La forme et le contenu sont en fait une même chose… Et si l’on tend vers un extrême, ce que l’on trouve, je pense, est un formalisme sec et aride qui, personnellement, me paraît ennuyeux. À l’autre extrême, on trouve une illustration banale qui est tout aussi ennuyeuse. »
« Mr and Mrs Clark and Percy » Dans l’histoire des portraits doubles, la femme était assise, là en mode annonciation, avec lys marial et téléphone pour que« le verbe se fasse chair », elle est debout.
« Looking at Pictures on a Screen » : Vermeer, De la Francesca pour la clarté dans l’énoncé des formes, Van Gogh ébloui de Provence comme lui avec la Californie, Degas pour le dessin, forme première de l’expression artistique.
C’est le moment où le naturalisme lui semble une impasse. 
Et pourtant :
"Savings and Loan Building"
« A Lawn Being Sprinkled »
Après avoir tenté la peinture teinte plutôt que peinte, il veut sortir de la perspective classique, d’une vision mono focale, et ne plus être un « cyclope immobile ». Il expérimente différents types de constructions spatiales, en retenant du cubisme « une façon sophistiquée de restituer le réel dans ce qu’il a de plus vécu ». Il le réinvente ; familier du Polaroïd il assemble des images multiples (« joiners ») comme ce « Still-life, blue guitar ».
Dans « Pearblossom Highway », les points de vue sont juxtaposés, l’espace multifocal.
« La chaise de Van Gogh» à la perspective inversée, semble venir vers nous.
« Nichols Canyon » qui reprend un parcours en automobile au dessus de Los Angeles serait redevable aussi aux estampes chinoises en rendant compte de la mobilité et de la durée.
Obsédé par la théorie de l’art, « Secret knowledge », il recense tous les outils techniques qui ont aidé les peintres, les diverses optiques, camera oscura, camera lucida…
lui-même photocopie, faxe, joue de la tablette numérique, de la vidéo.
Revenu dans le Yorkshire, il peint sur le motif et pour traduire « les quatre saisons » installe neuf caméras pour saisir le temps qui passe, le temps retrouvé.
Ces derniers temps, il utilise les écrans tactiles aux vives couleurs « Still life painted on David Hockney's iPad » : une étape de plus dans une œuvre joyeuse toujours réinventée. En projet : des vitraux pour la reine.

mercredi 27 septembre 2017

Venise en une semaine # 3

Nous passons devant le musée de l’académie fermé à 14h le lundi, franchissons le canal Grande vers le quartier San Marco, hésitons dans le dédale des rues étroites et sombres qui débouchent sur des places ensoleillées mais trouvons enfin le palais Grassi.
Pas besoin de faire la queue grâce aux billets payés à la Punta della Dogana.
Le palais est magnifique avec des plafonds à caissons variés d’une grande finesse.
Par contre à part une statue de 18 m occupant tout l’atrium nous retrouvons, dans des tailles ou des matières différentes, les statues de Hirst de ce matin.
Nous ne nous attardons pas, bien que dans les étages les murs gris soient très élégants.
A la sortie du palais, une affiche sur la chiesa San Samuele attire notre attention :  
Evan Penny, « ask your body », pourquoi pas ?
Le bâtiment lui-même est une découverte plaisante, on y pénètre par le narthex illuminé par le soleil avec comme seul élément de décoration un miroir, il nous renvoie notre propre image.
Le procédé pourrait paraître assez banal mais la force de ce qui nous attend justifie ce dispositif, comme on dit, modeste et évident. L’église elle-même est petite, adorable avec une tribune en bois sobre et sans orgue et un choeur joliment décoré. 
Il y a là: deux têtes, un buste d’homme étiré en hauteur, l’autre en longueur encastré dans une étroite niche comme « Le Corps du Christ mort dans la tombe » d'Holbein , un torse  de marbre parsemé de poils, un bras et une jambe entrelacés, arrachés à un corps absent.
De ces figures humaines réalisées avec minutie se dégage une émotion certaine, accordée à l’histoire de la peinture, tout en nous surprenant par la nouveauté de l’expression.
Des sculptures hyper réalistes réparties dans la nef en toute cohérence avec les œuvres présentes en de tels lieux, nous rappellent l’australien Ron Mueck que nous avions apprécié à Paris http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/05/ron-mueck-fondation-cartier.html
Pas besoin de nuages de mots comme autour d’un Hirst lisse et plat, pourtant tellement médiatisé.
Le gardien nous aborde en français pour nous fournir quelques infos ou des moyens Internet d’en obtenir https://ethnolab74.wordpress.com/2017/07/09/biennale-de-venise-2017-part-3 et nous explique que cette exposition rend possible l‘ouverture de l’église fermée le reste du temps et nous convenons que c’est bien dommage.
Il nous reste du temps et comme nous sommes dans le quartier nous optons d’un commun accord pour la visite de La Fenice. Après l’avoir contournée sous toutes ses coutures nous trouvons l’entrée décevante, assez banale. L’entrée opposée mais accessible seulement par un petit canal paraissait plus romantique.
Les 10 € l’entrée par personne comprennent le prêt d’un audio guide en français +3 € pour le droit de photographier.
Nous pouvons pénétrer dans la salle fastueuse que j’imaginais plus rouge à l’image des fauteuils d’orchestre.
Les balcons et les loges arborent plutôt une teinte bleu-vert rehaussée de peintures figuratives et d’or.
Mais la loge impériale datant de Napoléon répond à mes attentes, toute cramoisie et décorée de grands miroirs et chandeliers dorés.
Le plafond plat donne l’illusion d’une coupole. Suite à deux incendies, le théâtre sera reconstruit à chaque fois, d’où le nom de Phénix,
la deuxième fois en 1996, cela permit d’effectuer des aménagements en rapport avec la sécurité, le confort (chauffage et clim) et les progrès techniques (fosse mobile, plancher à la place de la moquette rouge, plus adapté à l’acoustique).
Un hommage à la Callas décore le dernier étage dans le couloir contournant les loges fermées à clef. Nous redescendons vers l’accueil rendre les audio guides, admiratifs des lourds lustres qui tintinnabulent sous les pas des gens au dessus.
C’est l’heure idéale pour rechercher un marchand de gelati. Nous les dégustons avec gourmandise, assis sur les marches d’une petite cour déserte à deux pas de la foule, face à un puits aux motifs originaux.
Puis nous rentrons en flânant à la maison.  
Avec l’épuisement de la batterie de l’appareil photo, le pas se fait plus rapide.
Nous passons par le pont du Rialto, le marché aux poissons est vide à cette heure et suivons les panneaux indiquant la gare pour trouver notre chemin.
Fatigués nous ressortons vers 20 h pour manger un bout dans le quartier juif :
rizotto aux champignons et penne à la tomate.

mardi 26 septembre 2017

Le journal du off. Gerschel Saint Cricq James.

Pour les amoureux d’estampes et de politique, ce genre de BD qui se déroule « dans les coulisses d’une campagne présidentielle folle » devrait être pour nous.
Oui, «  journal du off » ça sonne comme « journal du hard » ou  « off » du « festival d’Avignon » : théâtre et one man show. C’est le « off » d’un monde de oufs, politique et médiatique, devenu tellement transparent qu’il en est fantomatique.
Alors que le livre « Un président ne devrait pas dire ça » a été un élément majeur dans le déroulement de cette séquence politique, nous retrouvons les bavardages, les formules amusantes qui tentent de masquer un effondrement du sens.
Le lecteur de la page 2 du Canard n’apprendra pas grand-chose, puisque tant de bienheureux élus  se mettent en scène depuis le « off ». Les petites phrases, les connivences, les haines recuites, on nous les a déjà servies. Peillon tenant conseil dans sa voiture lors des primaires : il me semblait bien que dans le registre foutage de gueule, il était parmi l’un des premiers bouffons.
Ce n’est pas désagréable de réviser ces moments, mais au bout des 127 pages nous ne sommes pas sortis de l’anecdote, dépourvus de clefs qui feraient avancer notre compréhension du phénomène historique en train de se dérouler sous nos yeux.
Macron a beau figurer au premier rang d’une série de personnages alignés comme pour une identification policière, son irrésistible ascension n’était visiblement pas prévue. Pour dire le décalage, Sarkozy et Hollande, tiennent une place importante dans le récit alors qu’ils sont désormais si loin. Personnages certes pittoresques, ils appartiennent au monde ancien.
Va-t-on dépasser la problématique du choix de couleur des cravates relatée à l’orée d’un débat télévisé, pour entrer dans le « in » des problèmes : chômage, école, Europe… ?  

lundi 25 septembre 2017

Le redoutable. Michel Hazanavicius.

Il n’y avait pas un monde fou dans la salle parce que les cinéphiles craignaient que leur idole J. L. G. soit égratignée
alors que pour les autres rien que le nom de Godard leur a fait craindre l’ennui.
Ce film dégourdi rend un hommage ironique à l’iconoclaste et pas seulement par des plans allusifs.
Il nous entretient de cinéma, de politique, d’un couple, avec élégance et profondeur.
Le personnage d’Anne Wiazemsky dont le roman a inspiré le film est attachant et Louis Garrel  dans le rôle du myope est émouvant, agaçant, drôle, coincé, brillant, au cœur de l’ébullition de 68, mais décalé. Bérénice Béjot joue la productrice, elle me plait toujours.
Chaque fois que «Le plus con des Suisses pro-chinois » croise quelqu’un qui a aimé ses films, ils paraissent le déranger. Il est cruel  envers lui-même en priorité :
 « Je hais les vieux, je suis vieux, donc je me hais »
Son humour fait pardonner une mauvaise foi en béton, mais au-delà d’une biographie, c’est une recherche de sens qui parvint à l’incandescence il y aura un demi siècle. Elle se partagea, se diffracta et s’émietta. Je craignais la retranscription rarement réussie de ces moments, cependant le regard distancié avec une pointe de malice et de poésie m’a bien convenu.
J’ai passé cette heure trois quarts comme devant un film en costume du XVIII° siècle :
Ah que la mini était jolie dans ce temps là, et les discussions enflammées.
« Le Redoutable » : c’est le nom d’un sous-marin, dérisoire et terrible, parfaitement trouvé.
La musique du « Vieux Léon » de Brassens arrive en fond sonore :
« Quinze ans bientôt
Qu'musique au dos
Tu t'en allais
Mener le bal
A l'amicale
Des feux follets
En cet asile
Par saint' Cécile
Pardonne-nous
De n'avoir pas
Su faire cas
De ton biniou »

dimanche 24 septembre 2017

Réparer les vivants. Sylvain Maurice.

Le CDN (Centre Dramatique National) de Sartrouville et son acteur Vincent Dissez, son musicien Joachim Latarjet,  ont parfaitement rendu la finesse et la force du roman de Maylis de Kérangal, son empathie, qui reprenait en titre une partie de la formule de Tchékhov :
«Enterrer les morts, réparer les vivants »
trouvée « comme un ticket d’or dans une tablette de chocolat ».
Tout est là, organique et symbolique, en noir et  blanc, sous des lumières de scialytique, les vivants vivement campés, la renaissance, et le mort, la mort redéfinie.
 « L'arrêt du coeur n'est plus le signe de la mort, c'est désormais l'abolition des fonctions cérébrales qui l'atteste. En d'autres termes : si je ne pense plus alors je ne suis plus. »
Le récit  d’une transplantation d’organes, réduit ici à une heure et quart, a des précisions scientifiques, porte des émotions, et donne matière à réflexion, tout en restituant la poésie, la chaleur d’une langue qui va à l’essentiel et au-delà. Il constitue un bel hommage aux travailleurs de la vie, de la nuit.
Le jeune qui vient de mourir était-il généreux ? Comme tous, il râlait quand il n’y avait pas de coca dans le frigo. Ce détour par la banalité des jours met en relief des mots qui nous soulèvent :
« … la porte d'une caverne merveilleuse est soudain obstruée par un rocher ; le passé a soudain grossi d'un coup, ogre bâfreur de vie, et le présent n'est qu'un seuil ultramince, une ligne au-delà de laquelle il n'y a plus rien de connu. La sonnerie du téléphone a fendu la continuité du temps… »
Le tapis roulant sur lequel court le comédien est une bonne trouvaille de mise en scène qui ponctue les moments forts, souligne l’importance du temps et du corps, l’urgence, nous laisse souffler et  pourtant n’essouffle pas l’acteur remarquable qui va au bout de l’intensité sous des musiques qui imitent les machines et les battements, sans illustrer platement.
 « Le cœur est explanté du corps de Simon Limbres. On peut le voir à l’air libre, c’est fou, on peut un court instant appréhender sa masse et son volume, tenter de capter sa forme symétrique, son double renflement, sa couleur carmin ou vermillon, chercher à y voir le pictogramme universel de l’amour… »

samedi 23 septembre 2017

Le nouveau pouvoir. Régis Debray.

Il fait toujours bon revenir à l’original.
« Plus l’écran se miniaturise, plus l’usager se mondialise, et plus le mini pousse au méga »
J’avais bien lu dans la presse quelques bonnes feuilles d’un des représentants des plus séduisants du vieux monde :
« qui tantôt font rigoler et tantôt attendrissent avec leur deuil interminable. Ces rejetons du grand écran- les petits-neveux du Cuirassé Potemkine et de Viva Zapata- avaient eu le tiers-monde pour terre de salut. »
Même si je n’avais pas besoin de ce teasing pour me précipiter sur ces 96 pages,
j’ai cru à la critique reprochant à mon maître d’avoir caricaturé la religion réformée : je n’ai rien trouvé de tel dans son opposition :
« Néoprotestantisme mondialisé » / « catho-laïcité ».
Si le directeur de la revue Médium est toujours aussi alerte, l’efficacité de ses formules ne nuit pas à une richesse de pensée qui réveille le lecteur.
Je le soupçonne de n’avoir pas voté comme moi et Cohn Bendit au premier tour mais son approche du phénomène Macron est intéressante et change des invectives et petits procès contre productifs qui fleurissent sur les réseaux sociaux.
«  Notre grand réconciliateur des traditions de gauche et de droite a fort bien défini les trois catégories majeures d’appréhension du monde, les trois « esprits » au sens Esprit des lois, qui se partagent de tout temps les psychologies civiques :
 la confrontation (gauche), la négociation (centre), l’exclusion (droite). »
Il ne méprise pas l’objet de son étude mais lorsqu’il en vient à commenter la pensée de Ricoeur, je n’avais pas tous les éléments et n’ai pu saisir toutes les allusions.
Par contre lorsqu’il pointe : « Montre-moi comment tu vis, avec qui, tes factures et progéniture et je te dirai ce que vaut ton programme. » Je comprends tout. 
Transparence affichée, habitudes transversales venues des start-up, le contrat de préférence à la loi : la relation du protestantisme et du capitalisme n’est pas nouvelle. Mais si les évangélistes gagnent des parts de marché dans le monde, il est d’autres religions pour qui le vent souffle dans les voiles et qui travaillent un terrain qui n’apparaît qu’au moment des déflagrations sous les yeux de nos penseurs.

vendredi 22 septembre 2017

Le travail a-t-il un avenir ?

La maison des enseignants de Grenoble et de l’éducation tout au long de la vie avait invité quelques sociologues, politologues et une professeure de philosophie pour intervenir sur un thème que d’aucuns ont trouvé négligé par la gauche.
Mais que n’a-t-elle pas oublié, la belle endormie?
Ce qui m’avait paru novateur dans le marasme actuel, tel que « Le Revenu Universel » est renvoyé au piquet par Bernard Friot, en route pour la fête de l’Huma, organisée en même temps que cette rencontre qui avait rempli la salle de la maison du tourisme à Grenoble.
Il a mis dans la même corbeille : Hamon, Macron avec le FN et LR » et  demandé une « mesure de laïcité : la séparation de l’état et du MEDEF ».
Malgré ces outrances qui régalent les convaincus, le bougre est stimulant bien que peu dupe de son audience : « les livres de science sociales se vendent en moyenne à 400 exemplaires hors bibliothèques » nous apprend-il. Gageons que son dernier ouvrage « Pour vaincre Macron » aura plus de succès.
Le salaire à vie, qui bénéficie à un tiers des plus de 18 ans (fonctionnaires et retraités) serait par lui attribué à tout le monde et porté entre 1700 € et 6000 €. Le capitalisme serait aboli, les moyens de productions nationalisés et les entreprises gérées par les salariés comme en 17 (1917).
Il donne à réfléchir sur la notion de travail : lorsque l’on accompagne un enfant à l’école, quelle est la différence, selon que cette tache est réalisée par un parent ou par une aide maternelle ?
Et c’est une opinion de bon sens, loin des provocations, quand il estime qu’un enseignant est un producteur de richesse, contredisant tous ceux qui pensent la fonction publique essentiellement comme une charge.
Bien qu’illustrant son propos de référence à Croizat qui a mis en place à la libération : l’assurance maladie, les allocations familiales, le système des retraites… son propos porte surtout sur le travail abstrait.
Plus concrète est Danièle Linhart dont la description du taylorisme est éclairante quand celui-ci ne se résout pas à Charlot dans « Les temps modernes » mais se retrouve dans une « sur humanisation managériale » très contemporaine. En effet pour contrer la «flânerie systématique des ouvriers» aux yeux de patrons investisseurs qui connaissaient moins le travail que les professionnels, il fallait casser ces métiers, en permettant à tous d’accomplir des taches simples. «L’organisation scientifique du travail» était porteuse de progrès, le pouvoir passait de l’atelier aux bureaux : la bataille idéologique était gagnée.
Même si la « critique artiste » de 68 a proclamé « ne plus vouloir perdre sa vie à la gagner », l’individualisation va emporter tout sur son passage : les horaires variables sont pratiques pour conduire les enfants à l’école et la polyvalence moins monotone, les compétences sont reconnues par des primes à la tête du client. Il y aura bien des séminaires pour inventer un destin commun, mais les cercles de qualité font des ronds dans l’eau, loin de la fraternité des collectifs qui travaillaient ensemble depuis longtemps, pouvaient distribuer leurs tracts quand la sirène libérait tout le monde en même temps. Maintenant 75 % des emplois sont dans le tertiaire, alors la tendance lourde à tout psychologiser amène à faire porter à chacun un petit « bureau du temps et des méthodes », pour intérioriser les bonnes pratiques venues d’ailleurs : « je gère ».  Il s’agit de sortir de sa « zone de confort » après avoir respecté le code déontologique. Le changement perpétuel rend obsolète l’expérience, au pays de la financiarisation, le travail est dénigré, nous revenons au début du taylorisme avec ceux qui pensent et ceux qui exécutent, avec une cœrcition qui peut bien passer par quelques massages, la crèche dans la boite, méditation et jeu de rôle. Tant que ne sera pas remise en cause la clause de subordination, l’exploitation de l’homme par l’homme durera autant que le marché de Voiron.
Martine Verhlac avait introduit les débats en faisant référence à la Déclaration de Philadelphie (1944) de l’Organisation internationale du travail «  proclamant ce dernier comme un droit fondamental, participant de la justice sociale et d’un développement spirituel dans la liberté et la dignité ».
Je n’ai pas entendu les témoignages de « collaborateurs » d’Ecoplat qui devaient intervenir l’après- midi, ni la prestation de Paul Ariès, animateur du « Mouvement pour une décroissance équitable », messager du « passeport  universel »  et  coursier « du revenu universel ».
Mais  une personne  à qui j’ai proposé mon compte rendu avait apprécié :
« L'après midi? Ecoplat, une lutte longue, diversifiée, riche et dense d'enseignements de tous ordres (engagement de chacun, lequel et comment et quelle durée), éclairée et suivie par une personne qui rédige son mémoire de psychologue du travail sur le sujet.
Puis le GAEC de Ste Luce, 4 au départ, 15 maintenant, associés et salariés. Evolution de "l'entreprise" à la campagne, organisation précise du travail dans un souci d'équité constant; bravo!
Très édifiant tout ça!
Quant à Ariès, fonceur, convaincu, et conférencier, belle ouverture finale de cette journée. Il a cité des exemples où ses utopies fonctionnent.
Utopies? Il y a quelques décades, le vote des femmes en était une (ce n'est pas de moi mais de ce Hollandais que l'on entend sur les ondes en ce moment, proposant à fond le RUB)! »
……..
Un dessin parmi d’autres du « Canard » de cette semaine :