lundi 22 février 2016

Les Huit Salopards. Quentin Tarantino.

Pan pan tue tue !  La musique est excellente(Morricone) et la neige du Wyoming  bien belle, qui passe à travers les planches de la cabane, où se retrouvent tous ces salauds caricaturaux que les acteurs se plaisent à camper avec talent, mais c’est de l’excessif, du gerbant qui explose enfin, après une attente bavarde. Huit : un de plus que la jauge habituelle de ce genre d’individus.
C’est coloré, bien fichu, d’un humour noir roboratif, mais je ne peux m’empêcher de revenir à un thème aujourd’hui dépassé par la réalité : tant de rigolarde complaisance dans la violence ne produit-elle pas de l’indifférence, de la déshumanisation? Quand se font dessouder tant de personnages avec tant d’allégresse, que pourra-t-on dire des jeux ultra-violents et de passages à l’acte quand la mort fait rire?
Nous sommes dans un huis-clôt : à chaque passage de la porte il faut la reclouer.
Si le politiquement correct m’irrite souvent, je ne comprends pas que nos prêcheurs en général plus véloces ne se soient guère exprimés à l’égard du cinéaste qui me séduisit pourtant  jadis. Les ligues de vertu féministes n’ont pas été gênées par les rires qui éclatent dans la salle à chaque fois que la seule salope du film s’en prend plein la gueule, il est vrai qu’avec son cocard de comédie, on ne va pas la plaindre quand elle dégouline de ketchup ou autre hémoglobine factice.
La bande de lancement était attirante mais aurait presque suffi, car 2h 48mn plus tard, cette « tarantinade » mot venu d’ailleurs que je partage volontiers est bien longue, la lettre de Lincoln ridicule, les  références à Agatha Christie plutôt en faveur de la vieille anglaise coincée que du pétaradant résident de la côte Ouest.

dimanche 14 février 2016

Le canard sauvage. Ibsen, Braunschweig.

En revoyant la date de création de la pièce : 1885, et sa modernité, je mettrai Ibsen dans son domaine aussi haut que Picasso qui toujours étonne.
L’originalité de l’approche est bien mise en valeur par le metteur en scène qui cette fois,
met la sobriété au service de la profondeur tout en ménageant la part de la folie et du rêve.
Le mensonge est-il préférable à la transparence ?
En ces temps où le politiquement correct poursuit son chemin d’autruche face à la barbarie la plus primaire, l’exploration de nos passions contradictoires n’est pas du luxe.
Malgré le titre et les métaphores concernant la nature, je n’ai pas perçu la centralité de l’aspect forêt primaire, bien que la symbolique soit forte : lorsqu’ils sont blessés, les canards sauvages préfèrent plonger et s’accrocher aux herbes du fond plutôt que de survivre.
J’ai vu plutôt ce qui figure dans le livret d’accompagnement substantiel distribué à la MC 2, l’illustration de Nietzsche :
« L’Européen se travestit avec la morale parce qu’il est devenu un animal malade, infirme, estropié, qui a de bonnes raisons pour être « apprivoisé », puisqu’il est presque un avorton, quelque chose d’imparfait, de faible et de gauche… Ce n’est pas la férocité de la bête de proie qui éprouve le besoin d’un travestissement moral, mais la bête du troupeau, avec sa médiocrité profonde, la peur et l’ennui qu’elle se cause à elle-même. »
Les acteurs sont excellents, et je regrette que le médecin dont les interventions sont irradiantes ne soit pas plus présent. Le photographe causeur, qui vit de l’argent du père d’un ancien ami se rachetant de ses faiblesses, est veule à souhait, cet ami pathétique, les femmes ne sont pas dupes.
Pas de pathos, la distance est maintenue, sans froideur : les éléments d’un mélo qui touille secrets de famille, enfant du péché et affaire d’argent, s’installent sans trompette pendant 2h 30 indispensables.
Les allusions autour des images retouchées nous emmènent, au-delà des photochoperies, vers  nos arrangements avec la vérité pour continuer à vivre.
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 Après une semaine de pause, je reprends la publication quotidienne de mes articles lundi 22 février.

samedi 13 février 2016

XXI. Hiver 2016.

Marie Desplechin dans les dernières pages du trimestriel a rédigé un article amusant, clair, original, bien vu, sur le lien entre journalisme et littérature.
Plutôt que d’imaginer le journalisme dans un placard sous l’escalier d’une maison où le roman occuperait la salle à manger et la poésie le salon, elle lui donne volontiers la place dans le jardin :
« ce serait bien, le parc et les jardins, ouverts aux pluies, au soleil et aux vents. »
Voilà comme d’habitude
210 pages riches en portraits de femmes magnifiques :
la punk Birgitta Jónsdóttir promise au poste de premier ministre en Islande,
la maire de Madrid, l’incorruptible Manuela Carmerna,
et « Mutti » Angela Merkel.
Il faut bien de ces femmes fortes pour ne pas désespérer du monde,
quand on suit l’échec d’un groupe de citoyens mexicains pour ne pas subir la loi des cartels,
la fragilité d’une station d’observation dans l’Amazonie équatorienne,
les difficultés d’un SDF qui depuis un passage à la télévision fut embauché dans une entreprise qui s’est révélée un cauchemar,
la vie d’une municipalité FN à Hayange.
En Dordogne, un village a accueilli des Syriens, et comme toujours le reportage qui prend son temps présente plusieurs points de vue.
Le travail de réseaux permettant  la libération d’otages de Daech est impressionnant,
comme est bienvenu le témoignage d’une journaliste qui a suivi des trains de réfugiés dans les Balkans. 
Du coup l’entretien avec un médecin concernant la souffrance au travail apparait assez habituel,
comme est folklorique le festival de Black rock, ville éphémère dans le désert du Nevada où chaque année est  brûlé « Man ».

vendredi 12 février 2016

Réveil, agenda, rythmes scolaires et trous dans les murs.

Lève tôt.
Dans le genre information anodine, j’avais retenu que d’après un sondage, les républicains américains se levaient plus tôt que les démocrates qui seraient plutôt du soir (grand).  
Si l’on peut constater chaque jour combien la société se droitise, sur ce plan là au moins, la gauche a gagné, auprès des jeunes en particulier. 
Pour renforcer le schéma qui voit des hordes de retraités piétiner avant l’ouverture des grands magasins, je suis de ceux qui grognent sur les retards systématiques dans toute réunion, voire aux spectacles et  me désole des fatigues ostentatoires qui s’affichent sur les bancs effondrés des collèges. Et ce n’est pas le surmenage scolaire qui les met à bas !
Pourtant experts en tous genres, branlant du genre, vont venir au secours de ces pauvres petits, pardon de ces adolescents… je ne sais  quel mot employer quand je vois une enfant de onze ans qualifiée d’ « ado » à la télé, car « enfant » serait péjoratif, quand « jeune » se voit affublé illico d’une capuche.
Stress.
Ainsi dans l’assentiment général des adultes qui n’assument pas leur rôle, fut mise en place, la néfaste refonte des rythmes scolaires qui conjugua la perte d’influence de l’école et de l’état, prolongée par la réforme du collège qui entérine le peu de foi que l’on porte envers l’étude en voulant transformer les formateurs en animateurs. Jeu du Bac pour tous et chômage pour trop.
Ceux qui saturent les emplois du temps de leur progéniture, dénoncent le stress scolaire. Ils rêvent d’école Montessori et frisent Stakhanov hors des murs de la communale. Et côté enseignants dont quelques bribes d’autorité tiendraient aux notes, rencontrant les tendances à monétiser des élèves, il conviendrait que les 13/20 soient simplement un moyen de vérification inscrit dans le processus d’apprentissage : action/correction/action. Pour que l’erreur soit formatrice, il faudrait encore qu’on cesse d’être aux taquets, sur la défensive, à demander sans cesse des comptes. Se « choper une bulle » n’a jamais tué personne.
Adultes.
Quand les majeurs démissionnent, de petits caïds prennent la place et les enfants soumis à des choix prématurés ploient sous la charge psychique.  
Les dysfonctionnants dans les classes attirent toutes les attentions ; les éternels dociles s’y feront. Les grandes personnes malheureuses de leur âge qu’elles camouflent, se taisent, ne colmatent même plus les béances trop voyantes. Pourvu que les élèves soient gardés.
Ah ! Les adulescents gèrent et les politiques les flattent, les profs-parents désemparés parent au plus pressé : au conseil d’administration, les représentants des familles participeront au choix des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires). Alors qu’à une époque les militants parents d’élèves passaient à la politique de la même façon que les syndicalistes étudiants entraient dans la carrière, aujourd’hui les politiques qui ne savent plus après qui courir, ont des clientèles à flatter ; fini le temps des instits barbus qui faisaient la loi à l’assemblée en 81.. Désormais maman a bobo et l’état nounou lui tartine son Nutella, les petits feront dodo quand ils pourront. De quoi en perdre son accent circonspect.
Accents.
Pour avoir réagi au rythme affolant des réseaux sociaux, je suis tombé, où vont de plus en plus mes penchants nostalgiques, du côté des regretteurs du facétieux accent circonflexe qui pourtant me posa problème. Et puis à prendre connaissance des modifications proposées nous pouvons nous apercevoir qu’il s’agit de modifications anodines et datées d’une vingtaine d’années. Merci à « L’instit humeur » au blog  recommandé ci contre.
« Ce n’est pas l’orthographe de nénuphar qui est un problème au collège » François Bayrou.
Petit retour sur un autre temps qui percute le nôtre : Defferre, le mari d’Edmonde Charles-Roux, avait installé FO à la mairie de Marseille contre la CGT à l’époque de la guerre froide, ce syndicat tient désormais les élus dans la deuxième ville de France qui a des écoles dans un si lamentable état que nos débats qualitatifs sont renvoyés par le fond. Mais pourquoi avoir attendu tant de temps pour que ce scandale vienne au jour ? 

jeudi 11 février 2016

Art cinétique 2. Itzhak Goldberg

Avant d’assurer la révision d’une conférence précédente pour l’auditoire des amis du musée de Grenoble,  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/02/les-precurseurs-de-lart-du-mouvement.html
le nouveau conférencier a placé son exposé sous le titre « Idée de mouvement ».
Une annonciation de la Renaissance amorce un récit et si celle-ci ne fait pas de bruit, un mouvement est suggéré, dans « L'Adoration des Rois mages » de Gentille da Fabriano : Gaspard, Melchior et Balthazar sont représentés trois fois.
Avec « La Grève » d ’Adler ou la promenade à Argenteuil de Monet, déplacements il y a, il y aura, par la matière et les touches décomposées, les contours particuliers, surtout chez l’impressionniste.
« La chaîne majestueuse de l’image fixe sur deux dimensions se déroule de Lascaux aux abstraits… » Vasarely
Les chronophotographies de Marey ou de Muybridge, l’australien, serviront les futuristes qui annoncent leur programme dans Le Figaro : « ce qui compte c’est le mouvement ».
La modernité passe par le choix des sujets et pas seulement par le style : motocyclettes et bicyclettes, automobiles, avions… 
Russolo : « Dynamisme d'une automobile »
Combien de tableaux portent dans leur titre : « dynamique » ?
L’art alors évite horizontales et verticales statiques, joue de la simultanéité et du flou artistique, des transparences et des chevauchements ; dans les sculptures, le vide est aussi important que le plein. La science est belle. 
« La femme cueillant des fleurs » de Kupka se déployant comme un éventail a des airs abstraits, elle est moins robotique que « Le nu descendant l’escalier » de Duchamp.
Chez les Delaunay, « Hommage à Blériot », les hélices, objets géométriques parfaits, font vrombir les formes, rythment les couleurs  et chassent les sujets.
Le « Nijinski » de Rodin illustre sa volonté de ne pas penser à la ressemblance mais à la vraisemblance, le mensonge donnera alors l’idée du mouvement.
Calder « Object with Red Discs » n’est pas tombé du ciel, lui qui avait son petit cirque dans des valises,  en vrai, c’est au dessus de la piste que l’espace se transforme avec les prouesses des corps.
L’américain équilibre ses cercles, demi cercles, fait entrer le spectateur dans la danse légère des formes poétiques, les ombres bougent.
Edgar Degas, lui, avait vu « Miss Lala au cirque Fernando ».
«… L’avenir nous réserve le bonheur en la nouvelle beauté plastique mouvante et émouvante. » Victor Vasarely "Vega Nor"
Oui, nous avons beaucoup vu ces images dans les années soixante mais le op’ art qui joue sur l’instabilité des perceptions explorait lui aussi des pistes nouvelles.
Dans l’art cinétique, l'œuvre est animée par des moteurs, comme avec Tinguely,  ingénieur de l’inutile,  « Baluba 3 ».
Après Julio Le Parc et ses « Continuel lumière avec formes en contorsion »,

« La salade entre 2 blocs de granit » d’Anselmo va jouer sur des rythmes plus lents,
et Brancusi avec son «Oiseau dans l'espace » donne à la fois l’objet et l’idée attachée à l’objet : « oiseau vole ».

mercredi 10 février 2016

La terre et l’ombre. Cesar Augusto Arcevedo.

La terra y la sombra.
Une maison aux volets fermés au milieu des champs de canne à sucre boliviens.
Le rythme lent convient bien pour accompagner la fin de vie d’un travailleur épuisé par le travail.
Son père revient l’assister, lui qui est parti loin depuis des années.
Sous ses allures de macho latino, il va à l’encontre du cliché et se fait tout doux avec son ancienne épouse, restée sur ses terres et avec son petit fils qu’il initie aux chants d’oiseaux.
L’entreprise qui emploie aussi cette vieille  femme et sa belle fille est intraitable et surexploite les coupeurs de canne.
Etouffant et fort.

mardi 9 février 2016

Où sont passés les grands jours ? Jim & Alex Tefenkgi.


Est ce que le deuxième volume d’une histoire au titre séduisant sauverait une première partie décevante ? http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/06/ou-sont-passes-les-grands-jours-jim.html
Les amis entrant dans l’âge adulte sont toujours aussi immatures et agaçants. La mort d’un des leurs étant un prétexte qui dure pour justifier en particulier Hugo, le personnage principal, tragiquement puéril.
Il vient de mettre enceinte sa maîtresse et continue d’harceler sa légitime, mère de sa fille. 
L’histoire qui met en scène beaucoup de personnages irresponsables, nous présente des  aspects  dominants de notre société. 
Le jeune papa veut montrer les étoiles à sa fille, comme c’est romantique! Il dégomme alors les ampoules de l’éclairage public au lance-pierres.
Tant d’intensité, sans véritable distance prise pour se maîtriser, avec par exemple la mère d’un âge avancé et ses recherches sur Meetic, est typique de notre humanité, pathétique, hystérique,  où s’affrontent les solitudes  entre deux coups d’affects.
Intéressant, malgré des défauts persistants, un trait conventionnel avec pourtant des notations justes par ci par là qui ne gagnent rien à se placer sous la formule ronflante et banale :
« C’est l’histoire de la vie. La vie plus forte que tout »