lundi 14 avril 2014

La cour de Babel. Julie Bertucelli.

En sortant de la projection je me disais qu’un tel film pourrait être tourné dans bien des classes avec les attentes des enfants ou des ados, leurs progrès, leurs difficultés, leurs parcours singuliers, leurs contradictions, leurs rêves… Cet hymne à l’école venant après d’autres pourrait rappeler aux commentateurs culturels extatiques que cette magie de « faire classe » n’est pas si rare. C’est qu’ils collent tant aux critiques déversées quotidiennement sur l’éducation nationale, qu’il faut qu’ils soient au cinéma pour apprendre que des structures et des personnes travaillent à l’intégration, se servant des différences pour aller vers plus d’humanité. Comme il a fallu un Makine ou un Maalouf pour chanter la beauté de notre langue, l’énergie de ces jeunes étrangers, redonne le moral à ceux qui sont minés par le  je-m’en-foutisme et le mépris des savoirs.
Il y a tant de séquences justes et fortes : quand la blonde Oxana se met à chanter, les rires gênés s’effacent vite et à un autre moment la fierté du papa d’Androméda rayonne.
Les doutes de la crépue Djenabou entre l’Islam de son père et le christianisme de sa mère:«  on ne sait même pas si Dieu il existe ! » ont pu émerger dans une école où la laïcité n’a pas peur des débats. Il n’y avait pas besoin d’un discours final pour prouver la fraternité rayonnante car dans ce groupe l’Irlandais, la Chinoise, le Marocain, la Guinéenne se sont apprivoisés. 
Les dilemmes sont dynamiques : comment donner la confiance en soi sans leurrer ? La révolte de celle qui vient de recevoir les félicitations et devra rester en 4°, montre qu’elle n’est pas dupe. Mais ses promesses de travailler pendant les vacances me semblent illusoires comme lorsque se joue la cérémonie : « nous nous reverrons mes frères ».

dimanche 13 avril 2014

Le Oliver St. John Gogerty. Les Chiche Capon

Le titre de la pièce  présentée à La Vence Scène vient du nom du pub irlandais à partir duquel, après un sondage d’opinion, les trois - presque quatre- clowns vont donner leur interprétation d’une histoire de l'Humanité, genre bric à brac branque. Humour régressif et rigolade potache, seau d’eau et glissade dans les flaques, coups de gourdin en mousse et pomme empoisonnée font plier de rire la salle. Si la figure du débile à la voix perchée me fait rire moyennement, la cavalcade préhistorique avec les phénomènes de leader qu’on retrouve avec des personnages plus contemporains est bien vue. Et même l’insistance de gags à répétition passe bien tant les acteurs ne se prennent pas au sérieux  tout en faisant preuve de professionnalisme dans l’organisation du n’importe quoi. La présence d’un acteur parmi les spectateurs n’est pas d’une originalité folle ni le dévoilement sous l’imperméable d’un slip Superman mais leur plaisir de jouer comme des gosses ayant trouvé quelques  accessoires dans un grenier est communicatif : cet absurde  loufoque là nous convient. « Déjanté » est le mot qui revient inévitablement comme leur vélo qui se plie et les situations créées qui prennent des routes sinueuses, surprenantes ou tellement attendues qu’on se dit ils ne vont pas oser : si !
Ah oui, si ce nom Chiche Capon me disait quelque chose : c’est le nom d’un groupe secret de collégiens dans « Les disparus de Saint Agil ».

samedi 12 avril 2014

Regarde les lumières mon amour. Annie Ernaux

Quelle injonction peut être plus belle ? Quand il s’agit des guirlandes qui dégoulinent en décembre au supermarché Auchan de Cergy, comment discerner le pathétique, du sublime ?
Ce ne sont pas ces termes trop excessifs qu’a choisi l’ancienne fille d’épicier écrivant, en 70 pages, dans la nouvelle collection de Rosanvallon « Raconter la vie », mais ceux qui disent l’humanité dans le quotidien, sans fermer les yeux sur les stratégies marchandes.
Elle fait l’historique de ses émotions en ces lieux de découverte de la modernité depuis Londres dans les années 60  jusqu’au centre commercial gigantesque des 3 Fontaines en passant par les escalators d’un Super M des années 70.
Dans nos villes où subsistent les décorations de Noël en plein juillet, le temps et ses rites sont surlignés dans les allées marchandes.
Elle remarque l’évolution de la place du rayon « bio », ou celui du « discount » :
"Ici le langage habituel de séduction, fait de fausse bienveillance et de bonheur promis, est remplacé par celui de la menace, clairement exprimée. Sur toute la longueur du rayon self discount, en bas, un panneau avertit en rouge Consommation sur place interdite. »
Pas de regard surplombant, ni posture poétique bidon : une écriture juste ni trop au ras ni trop loin.
Avec ses descriptions, sans appuyer, de quelques clients et travailleurs, nous sommes dans la file avec elle, à installer la barrette « client suivant » après avoir déposé nos achats sur le tapis comme geste de sociabilité.
Dans ces hangars hagards les caissières remplacées par des machines vont faire les courses à la place des affairés méprisant les foules, ayant perdu désormais l’occasion de croiser une dame qui pense nouer une conversation :
« Les sardines au piment, c'est pas pour moi ! »

vendredi 11 avril 2014

Une chose et son contraire

 - La croissance permettrait au chômage de reculer mais elle met en danger notre terre.
« Le Monde n’est pas seulement à habiter mais aussi à inventer » (Patrick Chamoiseau).
- Ayrault était évanescent/ Vals est trop présent.
« Hollande a trouvé le Manuel pour sa boîte à outils »( C dans l’air et sur Internet)
 - Vals nous a bien servis en éloignant quelque peu les soupçons d’angélisme  qui pesaient sur la gauche en matière de sécurité.
- Ceux qui chantaient l’Internationale, défendent aujourd’hui les lambeaux de la production nationale.
 « Les mystères sont irrités par les faits » (Norman Mailer)
- La droite a gagné bien des villes et ce serait un appel à plus de gauche ?
- Le président de la république doit-il parler au pays ou à son électorat ?
- Quant au secrétariat du PS !
- A Saint Egrève, sans préparation, le PS a évité de s’allier aux verts et aux partis de Gauche : échec.
- A Meylan : une candidature unitaire de gauche a été préparée sur le long terme: échec.
- Grenoble montre que l’électorat souhaite le renouvellement ; Marseille…
« Je suis pratiquant, pas croyant » (Eric Piolle s’exprimant  à propos de la religion) dans Libération.
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Dans "Marianne"

jeudi 10 avril 2014

Les dessins nordiques du musée de Grenoble.

David Mandrella qui a sélectionné 120 dessins, présentés jusqu’au 9 juin 2014  place Lavalette sous le titre « La Pointe et l'ombre » a tenu une conférence aux amis du musée.
Après des feuilles italiennes et françaises proposées au public 
cette fois il s’agit de dessins hollandais, flamands, allemands  du XVIe au XVIIIe siècle provenant du legs de Léonce Mesnard.
Paysages, scènes de genre, études d’animaux : les cabinets graphiques élargissent leur public et exposent depuis les années 80, dessins préparatoires, observations de la nature ou œuvres composées, à la pierre noire, à la plume, avec parfois des rehauts de blanc ou des touches très discrètes à la sanguine.
Les dunes, les côtes, les paysages calmes et harmonieux étaient déjà recherchés par les collectionneurs des provinces unies déchirées pour des raisons politiques et religieuses.
Si les flamands savent bien incarner les sujets d’histoire, les paysages d’Italie peuvent les faire rêver avec leur atmosphère lumineuse au milieu de ruines prestigieuses.
Les vues maritimes ou celles des canaux sont apaisantes et les paysages alpestres inédits.
Parmi la diversité des sujets présentés : dans le domaine religieux, la représentation de la vierge est fréquente à l’époque,  par contre celle de son mariage avec Joachim bien plus rare.
Salomé vient demander la tête de Jean Baptiste à Hérode en habit du XVI°et Saint Guy est mis à bouillir dans de l’huile.
Une figure orientale de Rembrandt qui n’effectuait pas de croquis préparatoires mais s’inspirait de dessins, représente sans doute un acteur à la sortie d’un spectacle consacré à l’Ancien Testament.
La délectation visuelle au Nord prime sur la réflexion latine nous a-t-on dit.
Figureront dans une base de données, bientôt en ligne, quelques dessins fragiles qui ne sont pas mis en lumière cette fois : le frappement du rocher par Moïse, Suzanne et les vieillards…

mercredi 9 avril 2014

Apocalypse. I. Clarke D. Costelle.

Des esthètes ont parait-il freiné l’inscription parmi les ressources mises à la disposition des enseignants de ces cinq épisodes de la guerre de 14-18 parce que les images sont colorisées : que de temps perdu et quelle incompréhension de notre époque où de jeunes cons trouvent que sur les tablettes le passé ferait mieux d’être arasé.
D’autres ont dit que ces émissions sur France 2 étaient trop scolaires : ce doit être pour cela que je les ai appréciées. Nous saisissons bien la dimension mondiale du conflit démarré entre souverains cousins et qui s’emballe très vite : les hécatombes arrivent au début : 20 000 tués le 22 août 1914, les dégâts collatéraux étant colossaux : le génocide arménien à motif religieux  a coûté la vie à 1 200 000 personnes. Dans le macabre décompte: 420 000 britanniques sont morts lors de la bataille de la Somme où l’artillerie a joué un rôle capital : le canon de 520 est capable d’envoyer un obus de 1400 kg à 16 km, les inventions pour tuer ne manqueront pas.
Les cinq épisodes sont remarquables qui mettent en cohérence des faits qui étaient disparates pour moi, bien que présentés comme toutes les séries par paquet de deux accentuant l’émotion du moment, mais leur portée en est amoindrie en réduisant  la diffusion dans le temps. Dispositif télévisuel à court terme qui agace les dents comme l’émission conclusive animée par Marie Drucker étalant son savoir tout neuf sur fiches, suivie de son people inévitable, cette fois Christophe Malavoy en promo avec un livre sur son grand père, au détriment des historiens remarquables http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/02/quelle-histoire-stephane-audouin-rouzeau.html . L’animatrice est toute contente parce qu’elle est dans la galerie des glaces à Versailles où ils se sont mis autour d’une grande table éclairée de néons rouges : nous sommes bien en 2014 bling, comme nous le rappelaient bien mieux les petites séquences intéressantes qui ponctuaient cette dernière émission (aspect des lieux aujourd’hui, où certains continuent à fouiller …).
Venaient après jusqu’à des une heure du matin, les épisodes concernant un certain Hitler qui s’était servi du traité de Versailles pour son ascension. 1918 n’était pas la date de la fin de la guerre.

mardi 8 avril 2014

La revue dessinée. Printemps 2014 n°3.

Un bon cultivateur : sur 230 pages sont développés agréablement en images pédagogiques les sujets les plus sérieux voire les plus ardus ou les plus inattendus.
Ainsi aurai-je mesuré l’importance d’un élevage de mouches pour les stériliser qui a rendu des services immenses aux éleveurs américains et mexicains dont les troupeaux étaient décimés par la lucilie bouchère.
Les enjeux autour des ressources énergétiques de la planète sont plus évidents, mais la mise en scène des tractations entre gouvernements est éclairante, comme sont bien exposées les solutions visant à remplacer le pétrole qui va venir à manquer.
Le rappel  de l’historique du conflit syrien est utile, et un tour dans une cession de formation du Front National bien documenté, un reportage à Berlin où le droit au travail est mis à rude épreuve remet en cause quelques idées dominantes.
Les rubriques habituelles traitent de Sun Ra, de la naissance de la Silicon Valley, de l’invention de la guillotine, des mots de l’armée :
« alors qu’un soldat français a été tué un peu plus tôt dans la journée, nous apprenons qu’un groupe de 15 terroristes a été neutralisé »,
 ou du vocabulaire de l’escrime.