vendredi 15 mars 2013

Existe-t-il un sentiment d’appartenance à l’Europe ?


Il fait  bon voir de nouvelles têtes pour rallumer la flamme bleue d’un continent  vieillissant dont les dépenses sociales prennent le pas sur les investissements éducatifs : dire qu’Erasmus était menacé !
Les mots de crise envahissent les têtes : crise financière, budgétaire, monétaire, sociale et institutionnelle. Les rosbifs  sont rétifs  et l’Angela des länder en leader revêche ne fournit pas vraiment des ailes aux rêves. Pourtant le besoin d’un capitaine est évident pour sortir de la paralysie.
Est-ce que nous vivons un déficit de confiance des jeunes envers l’Europe ou l’inverse ?
Mélanie Gros étudiante à Grenoble de retour de Lituanie où elle a effectué un stage d’éducatrice avait choisi ce pays car elle n’avait pas d’à priori, elle apporte sa vision fraîche de citoyenne européenne qui souhaiterait une équivalence des diplômes.
Guillaume Klossa d’Europa Nova, plus politique, ancien collaborateur de Jean-Pierre Jouyet,   ne se prononce pas à propos de plus ou moins de fédéralisme mais rappelle les valeurs partagées  sur notre continent, à ne pas confondre avec l’Union européenne:
le respect de la dignité humaine,
le développement durable
la séparation entre vie privée et professionnelle.
Peter Matjasic né dans  un pays qui n’existe plus, en Yougoslavie, est comptabilisé comme  slovène,  en parlant six langues mais pas celle de bois,  il était taillé pour devenir président du Forum européen de la jeunesse. « Les frontières de ta langue sont les frontières de ton monde »
Au-delà des paroles attendues : « manque de coordination, manque d’information »,  j’ai aimé l’énergie de ces intervenants au forum 2013 de Libération qui font croire que les intentions ne sont pas que des mots creux.  J’ai le sentiment d’avoir aperçu un échantillon d’une nouvelle élite qui ne tromperait pas son monde en se disant européen tout en ne l’étant pas dans les actes.
Des solutions existent sur le papier  mais le courage politique bien limité en ce moment  ne favorise pas  la mobilité  qui sortirait de la cosmétique et entrainerait vers des horizons  plus exaltants  l’ensemble d’une génération et non une pincée.
Les britanniques jeunes sont favorables à l’Europe.
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jeudi 14 mars 2013

Les fresques de la Sixtine : de l’harmonie à la terrebilità.


Le pape Sixte IV (d’où Sixtine) et Laurent le Magnifique se sont réconciliés, alors les  peintres florentins vont à Rome embellir les murs et le plafond de la chapelle destinée aux conclaves.
Dans les décors de la Rome antique,  ils affirment la puissance de l’église. Ils individualisent les personnages qui sont saisis dans l’action parmi des paysages où la perspective est installée : un point d’arrivée de l’art du quattrocento.
L’ancien et le nouveau testament sont représentés : la vie de Moïse est  décrite  en parallèle à celle du Christ.
Botticelli décrit six épisodes de la vie de Moïse dans le même tableau, Pierro Di Cosimo un passage de la Mer Rouge audacieux, Ghirlandaio ne tresse pas que des guirlandes, il représente le recrutement de Pierre et André deux pêcheurs dont la vie antérieure est traduite en arrière plan. Le Perrugin peint  la remise des clefs à Saint Pierre  et coordonne les travaux.
Michel Ange Buonarroti combine platonicisme et christianisme dans une œuvre humaniste dont la restauration vient de prendre plus de temps que sa réalisation.
Lui qui avait sculpté une piéta géante dont la mère à la beauté idéale semble aussi jeune que son fils.
Lui, qui avait représenté aussi la Sainte Famille avec la vierge qui passe son fils à Joseph situé à l’arrière alors que des couples de jeunes éphèbes figurent au fond du tableau circulaire.
Le sculpteur du David, de la république Florentine, prêt pour l’action.
L’artiste, saturnien disait-on, capricieux, travaille pendant quatre ans sur 600 m2   .
A la Toussaint 1512 c’est l’inauguration.
« À travailler tordu j’ai attrapé un goître […]
Et j’ai le ventre, à force, collé au menton.
Ma barbe pointe vers le ciel, je sens ma nuque
Sur mon dos, j’ai une poitrine de harpie,
Et la peinture qui dégouline sans cesse
Sur mon visage en fait un riche pavement.
Mes lombes sont allés se fourrer dans ma panse,
Faisant par contrepoids de mon cul une croupe
Chevaline et je déambule à l’aveuglette
. »
Vingt ignudi androgynes aux postures sensuelles encadrent la genèse de l’humanité décrite en neuf séquences :
La séparation de la lumière et des ténèbres, des eaux d'avec la terre, la création des planètes.
La création d’Adam, celle d’Ève, leur expulsion du Paradis terrestre.
Le sacrifice de Noé et son ivresse, le déluge.
Le peintre qui est apparu comme celui des ténèbres aux générations qui n’ont pas connu l’éclat d’une restauration scrupuleuse, fait chanter les couleurs qui ne sont plus ternies par la suie des chandelles.
L’homme est au centre, Dieu lui donne le souffle vital qui le sortira de sa pose alanguie,  mais les corps d’Adam et Eve chassés du paradis portent le poids de « leur prison de chair » comme dit le conférencier Christian Loubet qui fait partager aux amis du musée de Grenoble les passions de Michel Ange privé très tôt de sa mère, révolté contre son père au point que jusqu’à sa mort il ne pouvait achever de visage masculins qu’il martelait.
Sur les côtés s’allient des sibylles et des prophètes,  les angles sont occupés par des héros du peuple élu : Judith, Esther, David et la légende du serpent d’airain.
Trente ans sont passés, le mur du fond sera peint après le sac de Rome et le schisme, c’est la fin des illusions de la Renaissance : les condamnés au moment du jugement dernier tournent autour d’un christ olympien, devant le soleil qui est devenu centre du monde depuis Copernic. Panique en ce jour de colère : les martyrs ont des mérites qui ne sont pas reconnus, Michel Ange a renoncé à ses pulsions, il se représente dans la vieille peau que tient Barthélémy. Dans ce moment dramatique, le génie devenu mélancolique, annonce le baroque.
Sur place se munir de jumelles, d’un miroir et si l’on veut échapper aux foules très denses, il parait qu’il y a des visites organisées hors des heures habituelles, plus chères où se faire cardinal et méditer les yeux au plafond.

mercredi 13 mars 2013

E-motion. Fondation Maeght.



Bernard Massini, chirurgien niçois nous présente dans la lumineuse fondation Maeght,  70 œuvres de 36 artistes contemporains jusqu’au 17 mars 2013.
« Est-ce que ce sont les mêmes hommes qui aiment, qui construisent des œuvres admirables, qui tuent ou se sacrifient ? C’est pour moi une énigme. J’attends de l’art qu’il m’aide à comprendre la nature ambivalente de l’être humain »
Si le nom de Garouste me disait quelque chose, nous nous sommes empressés de noter le nom d’Assan Smati qui a attiré notre regard par la force de ses sculptures et de tableaux dont la taille n’est pas la seule cause de notre émotion.
Sa tête de chien déchire, son « Hallali d’Ali » écorche, ses « Pink Flamingos » nous regardent droits dans les yeux.
Nous avons retenu aussi le nom de Djamel Tatah lui aussi de Saint Chamond dont les personnages dans leur chute, leur danse lente, en arrivent à l’apaisement.
Le titre de l’exposition n’est pas très accrocheur avec un « E » qui précède ordinairement bien des productions sur les ordis. On peut  alors s’attendre à  des vidéos, du numérique, eh bien de toile, il n’y en est que tendue sur des cadres à l’ancienne sous des formes novatrices mais intelligibles. Il y a aussi de la poussière recueillie par Markus Hansen à l’effet des plus ineffables.
« E-motion : être mu hors de soi pour se relier à l’autre ».
La signification du titre un peu laborieux est expliquée dans la plaquette d’accompagnement  pas très vendeuse non plus avec  la reproduction d’une tête sur fond bleu, ne laissant pas deviner la puissance de la plupart des œuvres présentées.
On peut aussi apprécier les Miro qui vont si bien sous les pins permanents, les vitraux de Braque… et un tableau de Gasiorowski qui subsiste d’une récente exposition qui lui était consacrée, juste pour nous faire regretter de l’avoir manqué.

mardi 12 mars 2013

Le visiteur du Sud. Oh Yeong Jin.



La Corée du Nord : Delisle, le canadien avait tiré, au sein  de cette contrée d’ennui, des pépites d’humour  subtil. Cette fois c’est un Coréen, du sud, qui tient la chronique de ses journées qui n’en finissent pas sur le chantier d’une centrale nucléaire au nord.
Le dessin vraiment raide s’accorde au vide des heures, aux difficultés de communication avec ses compatriotes du Nord.
Des pages informatives viennent se glisser au milieu des cases, où il ne se passe pas grand-chose, concernant les médias en Corée du Nord, le nucléaire, la marche de la grande souffrance dans  les années 90, le regard de monsieur Oh sur le parti ouvrier et l’art et les artistes.
C’est un manhwa qui signifie BD en Coréen, que des distinctions pour spécialistes séparent du manga. Comme à l’issue de certains films lents, nous pouvons ressentir un certain apaisement une fois arrivés au bout des 200 mornes pages. 

lundi 11 mars 2013

Wadja. Haifaa Al Mansour.



Le nom de Wajda Andrzej m’est revenu quand ce film est apparu à l’affiche.
Au-delà d’une homonymie approximative, le Polonais avait dénoncé bien des silences du temps du communisme et dans ce film tourné aux abords du désert en Arabie Saoudite, il est question aussi d’oppression et de mensonge.
Wajda est une petite fille qui se débrouille pour obtenir la bicyclette qu’elle convoite.
Le mérite de la réalisatrice saoudienne, la seule, est d’avoir obtenu un prix dans un festival  à Dubaï et ainsi de pouvoir faire apprécier cet éloge de la ténacité, du courage, de la liberté, aux premières concernées, aux premiers concernés.
L’histoire est limpide, l’école stricte : interdit de rire, le mari absent envisage de prendre seconde épouse, la maman se rend à son travail en taxi collectif conduit par un homme.
Quand sur le chemin poussiéreux de l’école, les fillettes sont enveloppées dans des voiles, des lacets de couleur peuvent être signe de liberté.
Les contraintes arrivent à imposer le silence jusque dans les moindres recoins des maisons qui ne manquent pas d’écrans larges pour les jeux de papa, alors les résistances les plus dérisoires prennent des allures réjouissantes de victoire. Toutes les femmes ne sont pas complices forcément de leur enfermement et  il arrivera même que la cérémonie de récitation du Coran soit  perturbée par un accès de sincérité.
L’attrait de ce film est de voir confirmée la volonté universelle de vivre libre, mais aussi depuis nos sociétés repues où les enfants ont tellement tout avant d’en avoir l’idée, la conquête d’un objet aussi banal qu’une bicyclette prend des allures d’épopée.
Nous pouvons retrouver des émotions premières quand au pays enveloppé de noir, les idées sortent du simplisme et le petit garçon laisse entrevoir que tout n’est pas perdu quand il a envie de se marier plus tard avec cette sauterelle sympathique dont il sait qu’elle ne se laissera pas dompter.  
La fillette est l’avenir du garçonnet et le vélo le véhicule de son émancipation.

dimanche 10 mars 2013

L’envolée. Stephan Eicher.



Sous la pochette chic, genre littérature enfantine,  12 chansons soignées.
Miossec  a fourni un texte et Djian  plus d’un, contrairement à ce qu’un critique distrait du magazine Marianne a écrit, même s’il ne chante qu’une fois en duo avec son complice.
La voix  singulière,  mélancolique, rapeuse est toujours caressante si bien que les mots s’apaisent pour un éternel « déjeuner en paix ».
« Et les bateaux déchargent
Leurs marchandises
Et les avions déchargent
Leurs cargaisons »
Le monde est là, et sa violence:
« Les hommes sont nés
Le mensonge à la bouche
Ils abiment ce qu’ils touchent »
Mais « fais une exception pour moi ».
La recherche de l’amour est persistante :
« donne moi une seconde » voire l’éternité.
Il suffit d’un sourire pour abolir les ennuis, et alors tout s’éclaire.
Les formats d’aujourd’hui imposent souvent une formule qui sera répétée:
« Tout doit disparaître » donne un effet puissant, surtout quand la vieillesse vous tracasse.
La joliesse des accords de blues, de rock, fait oublier un fond qui se dilue, si bien que l’on écoute les chansons en allemand comme celles  écrites en français, distraitement.
Le Suisse paye ses impôts en France.

samedi 9 mars 2013

Le peuple impopulaire. Alain Prévost.



Ce livre  d’Alain, fils de Jean Prévost l’écrivain mort au Vercors en 1944, dont le lycée de Villard de Lans porte le nom, développe le point de vue d’une trahison de Londres vis-à-vis des résistants du plateau par peur de voir les armes qui seraient parachutées servir  aux communistes après la libération. En attendant les maquisards ont été écrasés.
« Peuple impopulaire » c’est aussi dans Victor Hugo et dans les débats d’aujourd’hui où « populiste » est devenu une injure, au moment où le monde ouvrier devient  quelque peu étranger à la gauche.
« Moral de la population excellent mais se retournera rapidement contre vous si vous ne prenez pas des dispositions immédiates. Et nous serons d’accord avec eux pour dire que ceux qui sont à Londres et à Alger n’ont rien compris à la situation dans laquelle nous nous trouvons et sont considérés  comme des criminels et des lâches. Nous disons bien : des criminels et des lâches. »
C’était le message envoyé par Chavant  chef civil du Vercors dont un cinéma porte le nom.
Il n’est pas nommé ainsi dans ce roman historique paru en 1956.
Les personnages principaux portent aussi d’autres noms que les vrais hommes qui les ont inspirés et qui  ont vécu en héros. 
 Mais ceux-ci, avec mes yeux qui ont vu « Le chagrin et la pitié », m’ont paru agissant comme des archétypes bien que des doutes les taraudent parfois : l’intellectuel, le paysan, le communiste espagnol.
Le débat sur la perfidie de chefs de la résistance qui décidaient depuis leurs bureaux contribue-t-il à éclairer notre présent ? 
A Vassieux, l’extrême droite a fait 13% aux dernières présidentielles.