jeudi 14 février 2013

Fresques murales romaines.



Loin de  Louis XIV, le comte d’Elbeuf trouva trois belles statues en creusant un puits du côté de Naples. Il les offrit à Eugène de Savoie, chef de guerre au service des Habsbourg.
Ainsi commencèrent  au XVIII° des fouilles après des siècles de pillages.
Le théâtre d’Herculanum fut découvert sous trente mètres de déblais de lave solidifiée alors qu’à Pompéi les cendres d’une épaisseur de dix mètres sont plus meubles.
L’allemand Winckelmann essaya de faire évoluer les pratiques des fouilles.
Il popularisa les sites des anciennes cités balnéaires où de riches romains vivaient jusqu’à l’éruption du Vésuve en 79 avant JC. 
Ces découvertes vont faire naître le  style néo classique aux lignes claires qui supplantera le rococo aux lignes courbes.
Si aujourd’hui les découvertes sont respectées, bien des œuvres de cette époque furent découpées, décollées, reconstituées loin des effluves marins originels.
Le conférencier Daniel Soulié distingue quatre périodes dans le style des fresques romaines avec des exemples pris dans d’autres demeures somptueuses telle que la villa Farnésina à Rome.
De - 140 à - 80, c’est la république. Influencés par les grecs, sur les murs des pièces communes, des panneaux représentent des placages de marbre que les propriétaires n’ont pas les moyens de faire venir de Libye.
De - 80 à -15, au moment de la révolution sociale, le style illusionniste imite des décors théâtraux, multiplie les plans. Les maisons ne comportent pas d’ouverture, la lumière vient du haut, alors des fenêtres en trompe l’œil  montrent des dieux à proximité et l’espace s’ouvre sur une campagne imaginaire.
De -15 à 64,  pendant la période impériale, les colonnes deviennent de simples liserés  qui partagent l’espace en champs distincts avec des couleurs vives dont le fameux rouge pompéien. Ce style ornemental met en valeur un grand tableau central entouré de deux plus petits.
De 64 à 79, la mode est au fantastique, à l’illusion, le stuc rehausse les peintures. Des mosaïques aux tesselles minuscules côtoient des peintures où la technique « a fresco » (dans le frais) qui impose de travailler rapidement, a laissé des témoignages picturaux d’une vivacité impressionnante.
La fresque est impressionniste, presque.
Les influences grecques, égyptiennes ont touché les dieux venus également de Syrie(Cybèle) ou d’Iran(Mithra) mais aussi les manières des peintres dans les drapés, les modelés, les représentations  de monuments. En croisant  des textes et les imitations romaines les spécialistes peuvent imaginer ce que fut la peinture… grecque.
La nudité était alors héroïque, bien que le conférencier se soit malicieusement interdit toutes les représentations grivoises qui ont abondé pourtant dans ces lieux.
Il a conclu la soirée avec une série de portraits, après s’être arrêté sur une scène énigmatique d’initiation, où le vent gonfle agréablement un voile, et des moments de la vie quotidienne : un banquet,  la maison du foulon, un boulanger qui vend son pain, la représentation d’émeutes qui valurent 10 ans d’interdiction de jeux aux manifestants. 
Le boulanger et la boulangère n’ont pas pris une ride.
« Dictes moy où n'en quel pays
Est Flora la belle Romaine 
Archipiada ne Thaïs 
Qui fut sa cousine germaine
Echo parlant quand bruyt on maine
Dessus rivière ou sus estan
Qui beaulté ot trop plus qu'humaine   
Mais où sont les neiges d'antan »!
F Villon repris par Brassens , c'est elle sur la photo qui ouvre l'article.
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 Ma collègue Colette a choisi trois mots de vocabulaire recueillis pendant cette soirée :
Le canthare : un vase pour boire avec deux anses.
Le thyrse : un grand bâton où s’enroulent des végétaux, attribut de Dionysos
Le Fayoum : région d’Egypte où furent retrouvés des portraits très vivants qui accompagnaient les morts.

mercredi 13 février 2013

Angkor. Thierry Zéphir


Aux amis du musée de Grenoble, Thierry Zéphir  responsable du Musée Guimet, un des lieux  de présentation essentiel de l’art asiatique, a donné une conférence concernant Angkor la capitale pendant six siècles de l’empire Khmer.
Celui-ci allait au-delà du Cambodge, au Sud  du Viet Nam, comprenait une partie du Laos, de la Thaïlande et de la Birmanie.
Si les  cours royales ont changé d’emplacement,  elles sont restées à proximité de la plus grande réserve d’eau douce de l’Asie du Sud Est : le lac de Tonlé Sap dont les eaux se déversent dans le Mékong. Au moment de la fonte des neiges himalayennes le sens des eaux s’inverse et le lac multiplie sa surface par trois, voire sept dans certains documents !
Dans cette aire riche de populations différentes, l’influence de l’Inde marchande est très marquée et les religions hindouistes et bouddhistes vont se mêler en toute tolérance.
Même si une occupation humaine est attestée dès la préhistoire, plus aucune trace des demeures végétales des mortels, par contre des habitats pérennes réservés aux divinités se découvrent encore.
Dès le VIII e siècle, un temple abritant la divinité protectrice Shiva préfigure les constructions qui vont se multiplier à partir du règne de Jayavarman II.
Les temples-montagnes  honorent les divinités protectrices à Prè Rup  au X° siècle,
Baphuon au XIe,  Angkor Vatt, le plus vaste monument religieux au monde, au XIIe  jusqu’au Bayon  au XIIIe : de Vishnou à Bouddha.
Les  toitures avec de faux étages de forme pyramidale donnent des airs montagneux aux constructions qui se devaient de reproduire les lieux familiers aux divinités.
Les architectures de plus en plus complexes reproduisent le mont Meru, demeure des dieux, les enceintes concentriques alternent avec des douves réservoirs qui servent à redistribuer l’eau.
Des systèmes sophistiqués d’irrigation permettront plusieurs récoltes de riz dans  l’année. La perte de la maitrise de l’eau expliquerait le déclin encore mystérieux de cette civilisation.
Après la brique, le grès permet la finesse des motifs et le sable compacté la solidité des édifices, même si les pierres ne sont pas jointoyées.
Une  végétation envahissante, les pluies violentes de la mousson, le soleil accablant de la saison sèche, des pillages, mettent à mal ce patrimoine mondial.
Les lingas, phallus en érection, symbolisent Shiva dont la représentation sous forme anthropomorphe est  aussi très fréquente. D’après les écritures il pouvait prendre 1008 noms : le personnage  complexe est multiple.
Les statues distantes, non individualisées, portent une éternelle jeunesse ; au bout de chacun des quatre bras de Vishnou, un disque, une conque marine, une massue, un lotus.
Quand les commandes ne sont pas royales, l’art khmer fait valoir encore plus son esprit dans des décors exubérants et variés. Des bas reliefs  très vivants peuvent compter jusqu’à 11 plans différents sur quelques centimètres d’épaisseur.
Parmi les gardiens qui encadrent pour l’éternité les entrées des sanctuaires, la coiffure permet de distinguer les bienveillants, des farouches : les uns avec un chignon bien cylindrique face à des chevelures en désordre au dessus d’yeux exorbités.
Une accumulation de noms de rois, de lieux ne dit rien quand il faut sur place plusieurs jours pour aborder cette civilisation, voir sur ce blog quelques "messages anciens" dans la rubrique voyages, sinon se remémorer d’immenses visages énigmatiques, dont la beauté ne reproduit pas celle d’un modèle humain, la multiplication des temples qui se juxtaposent puisqu’une fois sacralisés, ils ne peuvent être désacralisés, de belles histoires comme le mythe premier de l’hindouisme quand les dieux et les démons tirent sur un serpent et barattent la mer de lait,  et qu’un élixir d’immortalité en advient.

mardi 12 février 2013

Le néolithique c’est pas automatique. Jul.



Troisième volume de la série « Silex and the city » qui se lit en un souffle, jubilatoire.
Feu d’artifice à chaque case, clin d’œil à chaque bulle,  depuis que la vallée qui résiste à l’évolution essaye de conserver son triple A : « Arriérés, Anthropophages, Analphabêtes » au pied de son volcan EDF,  les habitants sont stressés, le conseil de discipline au collège Dolto est impitoyable,  mais le progrès est en route: les traiteurs  proposent des baguettes pour ceux qui ne savent pas se servir de leur pouce préhenseur. A la maison de retraite  les résidents regardent  la « guerre du feu de l’amour »,  et le collectif « pour un âge de pierre citoyen » connait  des dilemmes concernant les néanderthaliens en situation régulière :
«  - Quand ils sont venus chercher les organismes monocellulaires, je n’ai rien dit. 
Quand ils sont venus chercher les ichtyosaures, je n’ai rien dit… je n’étais pas un ichtyosaure. 
Quand ils sont venus chercher les diplodocus je n’ai rien dit, je n’étais pas un diplodocus. 
Quand ils sont venus chercher les mammouths je n’ai rien dit non plus, je n’étais pas un mammouth et quand ils sont venus me chercher moi il n’y avait plus personne pour protester…
-  Mais qui ils ? »
Les alternatifs proposent des lâchers de lucioles mais « les antispécistes radicaux ont soutenu que l’instrumentalisation des lucioles  était une dérive anthropocentriste inadmissible ».
Et tout à l’avenant avec « Flèches book » le réseau social où l’Association des Anthropophages Anonymes organise un apéro géant dont il y a toutes raisons de se méfier.
Le volcan va exploser mais il n’y a rien à craindre, « la flamme est l’avenir de l’homme ».

lundi 11 février 2013

Lincoln. Steven Spielberg.


Il est bon de se faire raconter des histoires, et se plonger dans l’Histoire, et quand les occasions d’admirer deviennent si rares dans le domaine politique, tant de courage éblouit.   
2h 30 sur le  débat autour du 13ème amendement à la Constitution permettant l'abolition de l'esclavage, nous rappellent une nouvelle fois ce que les victoires d’Obama ont d’extraordinaires quand on mesure l’évolution de ce continent  avec des républicains américains alors abolitionnistes.
Les idées les plus généreuses triomphent par le truchement de magouilles parlementaires :
« La plus grande mesure du XIXe siècle, obtenue par corruption, avec la complicité de l’homme le plus intègre d’Amérique. » 
Les blessures de l’homme qui remua les montagnes sont émouvantes mais il conserve également dans la sphère privée une grandeur, une douceur, un humour qui contrastent avec la violence incommensurable d’un temps où l’égalité n’était pas une évidence pour tous, où mourraient 630 000 personnes lors de la guerre de sécession. Quand l’évocation du vote des femmes révulsait une assemblée toute entière.
Depuis mes représentations je trouve que Daniel Day-Lewis incarne magistralement la légendaire figure assassinée en 1865.
Et je ne me suis pas empêché de faire le lien en plein débat sur le mariage pour tous, au vote des étrangers aux élections locales ou au non cumul des mandats.

dimanche 10 février 2013

Que la noce commence. Didier Bezace.



En lien avec la MC2 salle Juliet Berto, était proposé le film de Horatiu Malaele « Au diable Staline, vive les mariés ! ».
Cette comédie dramatique de 2008 a inspiré Didier Bezace qui  nous procure avec dix huit acteurs un bon moment de théâtre populaire.
Je pensais enrichir mon plaisir, j’ai terni la pièce vue dans la foulée du film qui avait le mérite de porter un regard original sur la résistance d’un village roumain aux ordres bureaucratiques.
Avec les couleurs, les sons, on ne peut s’empêcher de penser à Kustorica,  dans les deux propositions.
Mais à mon avis, les nuances entre les deux  formes de récits sont trop rares.  
La noce condamnée au silence, car Staline vient de mourir, offre des moments très drôles,  avec sur scène une dimension poétique supplémentaire : un hommage au théâtre justement.
Et la pirouette avec le matériel volé des reporters donne au dénouement un rythme qui a été défaillant à d’autres moments des deux heures et demie.
Bien des registres de l’humour sont utilisés : burlesque, grotesque, caricature, malice et spontanéité.
Appliqué à une situation où les « Camarades » n’ont pas vraiment le beau rôle entre ridicule et tyrannie sanglante, je touche du doigt que c’est finalement assez inhabituel que l’on nous présente Peppone massacrant son peuple. J’ai beau savoir les horreurs derrière les rideaux de fer, les accents de l’Internationale n’arrivent pas à me glacer, ils font partie d’un rêve jamais éteint, pourtant…
Le peuple se détourne d’un « chef d’œuvre » fourni par la propagande, il résiste avec ingéniosité, oppose son appétit, sa soif de vivre, d’aimer, sa fraternité, son insolence aux fantoches voulant les asservir qui parlent de paix mais ne la laissent pas à ceux qu’ils prétendent représenter.
Le rire contre la mort.
La mariée en robe blanche est devenue un fantôme noir errant dans les ruines.
« Pourquoi le Roumain est content ?
Parce qu'il aime être content et qu'il est Roumain. »

samedi 9 février 2013

La malédiction des colombes. Louise Erdrich.


La manière dont on lit influe bien sûr sur nos opinions.
A trop trainer, je me suis perdu parfois parmi les personnages, mais l’écriture de l’écrivaine américaine parmi les plus célèbres m’a fait reprendre chaque fois ce roman de 460 pages avec plaisir. 
Avec ses talents de conteuse, elle fait croiser les récits de quatre personnes qui reconstituent ce qui hante la mémoire d’une ville du Nord Dakota : un lynchage après un crime abominable. Son attention aux choses les plus infimes de la vie, aux tremblements de l’atmosphère,  constitue une prose poétique qui va trouver des saveurs jusque dans des vies mal parties.
Au-delà  du charme aux couleurs indiennes, elle nous fait aborder des mystères nouveaux, pas seulement les dramatiques mais aussi les loufoques. Elle illustre parfaitement l’expression pourtant trop rebattue : « elle réenchante le réel ».
« J’avais cru que je me sentirais joyeuse, mais j’éprouvais une peine confuse, ou peut-être de la peur, car ma vie me paraissait une histoire vorace dont j’étais la source, et avec ce baiser j’avais maintenant commencé à me livrer toute entière aux mots. »
Des moments épiques : par exemple quand celui qui doit prendre la succession d’un défunt  après avoir joué du violon que l’on vient d’extirper du cercueil, le brise !
Foisonnant  et chaleureux.
« Et il n’y aura rien d’autre qu’un bal éternel, la poussière venant s’ajouter à la poussière, où que l’on porte le regard.
 Oh là là ! Trop apocalyptique, me dis- je au moment de quitter ma maison pour rejoindre celle de Neve et aider mon amie à affronter une nuit sans sommeil. »

vendredi 8 février 2013

« Etats généraux de la république » avec Libération à Grenoble.



Le journal Libération qui est parfois plus concis dans ses titres a multiplié les accroches : « Partout en Europe jeunes débattez-vous » pour une édition nouvelle de forums que nous avons la chance de suivre à la MC2 à Grenoble depuis des années après d’autres « Etats généraux du renouveau ».
Bien des fois on a pu s’apercevoir en fin de discussion que la dimension européenne qui figurait pourtant dans l’intitulé avait été oubliée : un classique significatif.
Cette fois, le regret récurrent du manque de mixité parmi celles qui sont sur les estrades n’était plus de mise, alors que le souhait de voir plus de jeunes intéressés pouvait être réitéré, bien que le samedi ils aient été plus nombreux ; et  d’ailleurs, le vendredi, ne sont-ils pas en cours ?
Un autre lieu  a été proposé à la Villeneuve mais l’Espace 600 n’a pas connu d’affluence malgré la présence de Dhorasso ; fallait-il Beckam ?
Il y avait moins de monde cette année, mais sur deux jours et non trois, pour des thématiques moins nombreuses et hors échéances électorales. Un signe de plus des difficultés des politiques et de ceux qui les suivent ou les accusent  à penser hors de l’urgence.
D’autres formes ont été  expérimentées : un ring de boxe pour recevoir « les sujets qui fâchent » accueillait au moment où je passais une personne âgée - mon âge- qui regrettait qu’il n’y ait « pas plus de jeunes », alors qu’un jeune à côté d’elle attendait qu’elle lâche le micro dans lequel elle susurrait la scie d’une « info différente » dont la seule différence visible était de ne pas savoir parler dans un micro.
Les livres exposés par la librairie du Square pour prolonger les débats ont marqué  la réduction  de la production éditoriale à propos de la thématique écologique : riquiqui comme banquise.
Pour se substituer au terme épuisé de  « concertation », la nov’  langue propose « co-construction ».  Le mot « plate-forme » est souvent utilisé aussi et le terme « culture populaire » accolé au développement d’Internet ouvre des perspectives.
A deux reprises la question de l’abaissement de l’âge pour obtenir le droit de voter a été évoquée.
Par contre  que l’école soit appelée en renfort de toutes les insuffisances de la société est habituel. Pour les huit débats que j’ai suivis, sur les quartiers sensibles, les transports, Internet, le sentiment d’appartenance à l’Europe,  la famille, une économie différente, et au débat sur l’école idéale bien sûr, c’est de cette pelée de cette galeuse que le salut doit advenir. 
Personnellement je la chargerai de mes lacunes en économie qui me sont apparues béantes quand je béais aux explications de Patrick Viveret.
Chaque vendredi j’essaierai de rendre compte de quelques débats sur les trente six proposés, histoire de retriturer des réflexions qui  ont pris en général le temps de se déployer ; qu’elles nous dérangent ou nous confortent.
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Dans le Nouvel Observateur :