lundi 24 décembre 2012

Ernest et Célestine.



Si les studios qui produisent des films d’animation font en général de l’œil aux adultes, cette adaptation d’une série fameuse de la littérature enfantine se consacre essentiellement aux petits sans les prendre pour des benêts.
L’amitié, thème finalement banal, se noue entre une souris artiste qui n’a pas l’intention de devenir dentiste et un ours gourmand et musicien.
Ils échappent aux conditionnements de leurs univers respectifs et  se construisent une amitié qui n’était pas acquise au départ.
Leur histoire célèbre la tolérance, sans lourdeur, et apporte quelques notations pas seulement amusantes.
Le roi du sucre ne veut pas que son fils consomme ses productions, et sa femme vend des dents de rechange à ses compatriotes dont les dents sont ravagées par les confiseries.
«- Mais Célestine une souris qui vit avec un ours ce n’est pas normal.
- Vous vivez bien avec une ourse.
- Hélas, oui. »
Les tons pastels cultivent le charme de ce récit de fête dialogué par Daniel Pennac tout en simplicité. Son rythme tranquille, nous repose des succès aux effets tapageurs et aux cadences infernales. La neige recouvre les maisons, les rouges-gorges se posent au bord des fenêtres, les personnages s’éclairent à la bougie dont la lumière convient  si bien à l’aquarelle.
Ernestine la souris, ne croit pas aux légendes où les ours sont de grands méchants, mais nous, nous aimons croire à la douce poésie de ce conte.

dimanche 23 décembre 2012

Un casse-noisette. Bouba Landrille Tchouda.



A la sortie  du spectacle « un » Casse noisette, « d’après » le conte d’Hoffmann, « sur la musique » de Tchaïkovski, une adulte se demandait si l’enfant qu’elle accompagnait avait pu tout comprendre : j’en douterais, mais qu’ai-je compris ?
En tous cas notre imaginaire avait de quoi se nourrir.
Porté par la dynamique de la danse et des musiques, je me suis laissé séduire par la cohérence de la représentation sans deviner par exemple où était l’armée de souris dont il est question dans la version originale.
Si d’habitude je ne goûte guère les costumes aux couleurs brillantes, j’ai trouvé qu’ils convenaient tout à fait pour évoquer la nuit magique de Noël dont la noirceur est  pourtant là derrière la porte.
Un bruit de noix qui se brise apporte une note d’humour dans un univers fantasmagorique ponctué par des plumes qui volètent.
J’ai repensé aux enfants tellement sérieux quand ils jouent, avec ce chorégraphe se coltinant « au passage de l’enfance à l’adolescence » quand « les forces du mal »  s’attaquent à l’amour.
Sans aller jusqu’à voir des femmes sous niqab dans les boites glissant sur une séquence de musique arabe, j’ai apprécié les innovations chorégraphiques.
Elles ne sont pas là pour frimer, mais enrichies des traditions, elles tonifient une œuvre patrimoniale qui avait attiré beaucoup de parents soucieux de transmission.
L’intention du natif de la Villeneuve, élevé au hip hop, de « rendre spectaculaire le plus anodin de chaque instant » est palpable, la petite fille dans son rectangle de lumière est émouvante. Les 75 minutes passent très vite.

samedi 22 décembre 2012

6 mois. Automne hiver 2012.



350 pages de reportages photographiques depuis des clichés de l’apartheid en 1985 par un américain dont le pays venait de donner le droit de vote à tous les noirs vingt ans auparavant jusqu’aux images de Syrie avec une vieille qui tricote des drapeaux et un combattant déserteur de l’armée qui brandit sa carte d’identité : elle n’est pas floutée.
Chaque sujet approfondi est passionnant mais la juxtaposition des « mangeurs de fer » qui dépècent les bateaux hors d’usage au Bengladesh et des détenus sur une île en Norvège accentue encore la distance de nos univers. Pour ceux qui opèrent sur la ferraille à mains nues dans des conditions dantesques, l’un d’eux qui refuse tout apitoiement dit :
« Parfois nous faisons exprès de mourir pour prouver que nous sommes encore en vie ».
La misère  me semble-t-il, est bien plus chez cette ancienne miss en Californie qui ne parviendra pas finalement à se faire construire la plus grande maison du monde que chez ce ferronnier qui saisit avec un petit appareil compact la vitalité de ses six enfants jouant dans la boue autour d’une maison sans électricité ni eau.
La biographie en photo de Dilma Roussef  qui dirige le Brésil est palpitante : quelle femme !
Une foire aux chevaux en Irlande, les destins divers de trois jeunes filles à Pékin, une école de moines bouddhistes en Birmanie, l’itinéraire d’un photographe russe qui a passé sept ans en Irak,  en sympathie avec ceux parmi lesquels il travaille, comme celui qui suit un vétéran jeune revenu d’Irak ou cette jeune femme revenue dans sa ville natale jadis capitale de la chaussure et des champions de boxe… Autant de points de vues font de ce numéro 4 un ouvrage que l’on a envie de partager.

vendredi 21 décembre 2012

Trop de foot tue le foot.



Il fut un temps où entre deux dimanches après midi, il y avait exceptionnellement un match de coupe d’Europe le mercredi et je l’espérais. Aujourd’hui les feuilletons - on dit série - se débitent par paire, pas d’attente, le téléspectateur va se coucher, gavé.
Désormais les matchs de championnat s’étalent sur trois jours et les coupes nationales et européennes se multiplient.
Six équipes françaises sont qualifiées et non plus une seule,  et comme à « l’école des fans », on se rapproche de la note 10 sur 10 pour tous qui dévalorise tout.
Ils jouent en semaine, les dimanches ont disparu.
Cette évolution commandée par les médias qui nous a fait lever le nez au-delà de nos frontières, a plus fait  pour se sentir européen que bien des discours. Mais la multiplication des images affadit les rencontres ordinaires : un Evian/Sochaux est un objet de dérision auprès d’un Barça/ Réal, et un match de village parait si médiocre que la pratique de ce sport de copains diminue. Les gradins se vident.
Comme l’ajoute un commentaire sur cet article que j’avais déjà posté sur Médiapart :
« mais il y a un plus : on peut parier. Et non seulement sur les résultats des matches, mais sur le moment où sera marqué le premier but...Progrès, non ?
Un ajout indispensable aux tirages et grattages de toute couleur ... et aux serials, et aux téléréalités, et aux "débats" où l'on parle d'autres choses, mais si bien...
Vraiment, vous en demandez beaucoup... »
La manne qatarie, qui bénéficie au PSG, déséquilibre la compétition et contrarie les amateurs. L’incertitude faisait l’intérêt de ce sport d’équipe où ce n’est pas toujours Toulouse qui gagne à la fin.
L’autobus de Domenech était un symptôme, comme le foot est un marqueur de l’état de notre société : fric et frime révoltent, dégoûtent, refroidissent. Les supporters les plus fervents ne croient plus guère aux joueurs qui ont l’occasion de passer deux fois l’an d’une équipe à l’autre : « mercato » veut dire marché. Sur ce terrain là aussi cherchez le modèle. 
Entre deux mimiques sur un écusson de circonstance, les  joueurs les plus talentueux se réservent  opportunément pour faire pression au moment des enchères.
Certes comme disait Lavilliers à propos de la rencontre OL/ASSE, la rivalité Lyon/Saint Etienne  est « une rivalité d'images d'Epinal » mais cela fait partie d’une célébration, d’une culture.
Ce qui devient lassant, c’est que les verts perdent toujours. Et le destin du GF 38 tourne au ridicule.
Le sport pour lequel les spectateurs les plus modestes font le plus de sacrifices est celui qui brasse les sommes les plus folles : les aficionados ont de quoi être accablé, quand de surcroit leur humeur est indexée sur les résultats de l’OM. Le blues à propos du maillot blanc peut conduire à quelques abstentions devant le match du dimanche sur canal, voire à l’indifférence.
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Dans les manifs pour le mariage pour tous, quelques slogans :
« Mieux vaut une paire de mères qu’un père de merde »,
« Machos, fachos, lâchez-nous le clito »,
« Jésus avait deux papas »,
« Liberquoi, égaliqui, fraterniquand »
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Dans le Canard cette semaine :

jeudi 20 décembre 2012

Mois du graphisme à Echirolles.


Ce mois durera deux mois puisque les expositions fermeront fin janvier.
Mariscal  le graphiste de la mascotte des jeux de Barcelone est présenté au musée Géo Charles dont les œuvres permanentes consacrées au sport  paraissent du coup un peu fades.
Les traits libres du Catalan, la variété de ses supports, son univers  très « Alegria de vivir », mettent des couleurs à l’hiver.
Ses inventions sur des alphabets divers sont mises en évidence à La Rampe.
Les passerelles de la salle de spectacle accueillent des productions d’étudiants d’école d’art sur le thème de l’Amérique latine où bien que mis à distance certains stéréotypes ne sont pas toujours dépassés. Les productions par leur variété confirment le plaisir attendu, quand les affiches tapent à l’œil et à l’esprit.
Aux moulins de Villancourt, se retrouve l’énergie de l’Amérique latine avec aussi des graphistes européens. Des photographies d’enseignes artisanales aux quatre coins du monde nous réjouissent.
Au musée de la Viscose, une salle était consacrée à des détournements d’affiches. L’association« Vie et partage » et le collectif « Un euro ne fait pas le printemps » inversent les codes et gardent les mêmes formes : l’affiche « Trois couleurs, un drapeau, un empire » avec les profils d’un asiatique d’un noir et d’un arabe devient sous trois visages contemporains « On est chez nous ».  Quand j’ai vu seule la version détournée dans Libé j’étais un peu gêné par la formule qui se trouve sous forme jouée dans les travées des stades genre «Mais ils sont où ? mais ils sont où ?… les Marseillais » plutôt que dans les maturations lentes d’une triade républicaine qui n’oublierait pas la fraternité.  Le schématisme de l’original on ne peut plus colonialiste pollue à mes yeux la parodie qui est une réalité indiscutable mais peut paraître  inutilement agressive dans un domaine où l’humour est à manier avec des pincettes. 

mercredi 19 décembre 2012

Arcachon.



Au XIX° siècle les frères Pereire, banquiers, avaient investi dans la ligne de chemin de fer qui menait de Bordeaux à La Teste.
Aujourd’hui, l’accès à leur station balnéaire est parfois difficile par la route au mois d’août. Les bouchons ne sont pas réservés aux bouteilles de Tariquet.
Au bord du  gigantesque bassin qui perd les trois quarts de sa superficie à marée basse, la ville connaît des configurations variées liées poétiquement aux saisons.
La ville d’été est celle des plages et des promenades au bord de l’eau.
La ville d’hiver aux rues évitant les angles droits et les courants d’air est celle des villas pour curistes riches qui venaient soigner leurs poumons. Les fragrances balsamiques des pins étaient bénéfiques avaient dit des médecins bordelais du temps de Napoléon III dont la venue fit de la publicité à la bourgade.
Les styles des habitations à véranda sont variés : mauresque, basque, suisse, anglais, néogothique, colonial… Les chalets  aux dentelles de bois ne sont pas masqués comme dans d’autres zones touristiques, ce qui accroit le côté aimable de la station.
La ville d’automne est réservée aux pêcheurs et celle du printemps s’est mise au goût du jour avec un centre de thalassothérapie. Le port fut le deuxième de France.
Le nom Arcachon vient d’arcanson, la colophane en gascon, produit de la résine des pins qui se frotte sur les archets des instruments à cordes.
Une  charmante petite tour métallique, placée sur les hauteurs, avec ce qu’il faut de ballant, permet une jolie révision. Eiffel passa dans les parages. Le bassin est célèbre pour ses huitres dont on peut voir des tuiles chaulées qui recueillent le naissain quand on prend le bateau pour aller vers l’île dite aux oiseaux, sans oiseaux, et ses villas tchanquées sur pilotis. Il vaut mieux se procurer les cartes postales prises hors saison de ces maisons de bois sur leurs échasses. La foule des petits bateaux à moteur qui les aborde éloigne un peu de leur poésie. On peut croiser de longues et étroites pinasses dont j’ai appris que le nom vient du pin qui servait autrefois à leur construction, elles sont utilisées pour la promenade et non plus pour la pêche ni pour les huitres.

mardi 18 décembre 2012

L’art de voler. Antonio Altarriba. Kim.



Voilà encore un récit désenchanté au temps de la guerre d’Espagne.
Son titre élève vers l’abstraction une trajectoire qui eut à se heurter à tant de murs de pierres.
Ces 200 pages sont prenantes, chaleureuses, intéressantes.
On a beau savoir des choses sur cette période, le scénario du petit fils au « chagrin réparateur », qui rend hommage à son grand père est émouvant.
Les dessins riches allègent parfois des duretés de la vie en jouant avec l’imagination, ils rendent le parcours fluide.
Eternel choc de l’idéal et de la réalité : sauf que les baffes sont bien réelles, le poids des conformismes à la campagne, à fuir. Les camarades tombent sous de vraies balles, les trahisons remettent la faim au ventre, le froid de la neige mord les espadrilles.
Depuis la voiture en bois de l’enfance, à l’Hispano Suisa qui traversa l’Ebre,  avec des camions qui transportèrent des denrées au noir, jusqu’à la chaise roulante d’un voisin de maison de retraite, Antonio conduit.
Il se jette dans le vide depuis le quatrième étage au bout d’une vie pleine.
Une fois encore je n’avais pas mesuré l’ampleur du silence s’imposant avec ce poids au moment du retour, après la résistance en France, le combat dans les rangs républicains, l’exil.
Alors le récit de cette épopée individuelle avec ses contradictions, ses faiblesses et une soif de liberté revigorante, est une belle illustration de la nécessité de remettre au jour des mémoires qui valent pour tous.