lundi 24 mai 2010

Festival de Cannes 2010 : mes palmarès

Oui, il y a la sélection officielle et vous connaissez le vainqueur à cette heure, mais nous ne nous sommes pas agglutinés avec mes amis cinéphages dans les files d’attentes pour des films que nous verrons probablement en salles. D’autres compétitions nous ont offert des occasions de nous émouvoir ou de nous décevoir.
Parmi les films de la liste « Un certain regard », j’attribuerais volontiers un trophée au réalisateur de « Mardi après Noël », très juste et fin sur un sujet rebattu pourtant : la séparation d’un homme et d’une femme.
Pour « La quinzaine de réalisateurs », « Benda Bilili » est le film le plus revigorant des 27 que j’ai vus cette année.
Pour la semaine de la critique, « The winner is : Armadillo » documentaire sur la guerre de jeunes soldats Danois en Afghanistan.
Dans la sélection ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion) : se distingue pour moi, « Fix me » où le réalisateur palestinien nous intéresse à ses douleurs intimes pour mieux évoquer les problèmes de son pays.
Et dans « Le cinéma des antipodes », c’est « Blessed », et ses enfants désespérés, le plus fort.
Je m’amuse chaque année à relever des points communs aux films proposés que j’ai pu voir.
Comme il y eut « l’année des pipes », la cuvée 2010 commença par des pannes de voitures dans « Chaque jour est une fête » et « Robert Mitchum est mort ».
« Benda Bilili », « Un poison violent » « Frères » « Le secret de Chanda » comportent des scènes de chorale.
Et si les enfants sont souvent voués à sauver les familles : « Boy », « Illégal », « Bi, Dong so », « Chanda », voire « Abel » ou « Sand castel », « Blessed », ce serait abuser de ramener ces films à cette seule dimension et en faire un système.
Des fosses sont creusées dans la terre pour enterrer les morts : « Armadillo », « Accidents happen », « Poison violent », « Secrets », « Nostalgie de la lumière », « Le secret de Chanda », « Boy », « Bi » et je ne compte pas « Home by Christmas » qui traite de la seconde guerre. Dans « Boy » un champ est défoncé pour retrouver un trésor.

dimanche 23 mai 2010

La Passion selon Jean

L’ambigüité du titre de cette pièce de théâtre peut laisser croire au récit d’une glorieuse dramaturgie : il n'est question que de l’attente d’un patient d’un hôpital psychiatrique et de son infirmier, au guichet d’une Caisse des pensions et des retraites, pour une validation médicale.
« Regardez docteur / je suis en vie je suis en vie / j’ai le certificat / j’ai le certificat / existence en vie / c’est écrit là / que l’Jean c’en l’est l’témoin / et il a signé pour moi / que lui me garantit / que je suis en vie / hein l’Jean que je suis en vie ? Hein ? »
Le sous titre de la pièce montée par Jean Yves Ruf est plus explicite : « mystère pour deux voix ». C’est bien de langue dont il s’agit : quand la poésie va du rêve énigmatique à la révélation de l’absurdité du monde. Les hommes souffrent et rejouent la montée au Golgotha. Des jeux dérisoires autour de l’interdiction de fumer et l’usage compulsif de la cigarette ont pu faire naître quelques rires dans la salle de la MC2 que je n’ai pas compris, tant la douleur, la solitude ne peuvent se dire mieux que dans ces répétitions, ces fuites, ces cascades. Un son ténu, lancinant, mécanique vient soutenir la tension née d’un texte subtil d’Antonio Tarentino bien servi par deux acteurs très crédibles. Nous entrons en empathie avec ces dérèglements, qui ne sont pas éloigné de nos murailles.

samedi 22 mai 2010

En revenant de la réunion GEStE

Proclamer « Ensemble » sur notre blason n’est pas qu’une ambition gentillette, elle nous oblige à la fois à la modestie et à des renoncements. Dans la famille fâchée de la gauche dans notre ville, se contenter de constater la permanence des problèmes de personnes ne pourra amener qu’à les entériner.
Dans une première phase nous avons réussi à travailler PS, PC, PG, non encartés, et puis nous nous sommes paralysés. Si les débats ont paru nous plomber, c’est aussi que les assurances sur le sens de l’action vacillaient et que les problèmes d’identité s’exacerbaient.
Le pari d’ouvrir une autre boutique pour aller inlassablement vers cette vieille lune de « la politique autrement » vient d’être lancé.
Si le compte rendu du Dauphiné Libéré de la première réunion satisfait la plupart des participants, j’aimerai me placer en contradicteur sur la priorité donnée aux préoccupations quotidiennes des saintégrévois.
Ce serait bien sûr présomptueux et imbécile de mettre de côté ce qui tourmente nos concitoyens. Mais parce que je suis un farouche amateur du débat démocratique, je ne me résous pas à ses caricatures, à ses dévoiements. Quand le débat essentiel concerne la densification de l’habitat, je suis du côté de ceux qui assument des positions courageuses et novatrices et non avec ceux qui flattent les égoïsmes. Belle âme contre démago électoraliste. Gauche baviarde contre aspirants perpétuels à la victoire aux élections locales-victimes-de-l’ingratitude-des-électeurs. Le respect de nos valeurs sera plus reconnu que d’hypocrites acquiescements à d’étroits intérêts. Chez les égaux, les égos devront composer : pour des camarades qui défilèrent poing levé pas loin les uns des autres, il doit être possible de se toucher la main.
Quant à notre organisation, elle devrait à l’image de notre projet, être souple, adaptable, à géométrie variable pour éviter de nous calcifier comme les partis qui nous irriguent et nous irritent.

jeudi 13 mai 2010

Lire les impressionnistes.

Le musée de Grenoble présente six toiles impressionnistes avec une mise en perspective pédagogique et attractive. Les cadres tarabiscotés qui cernent les œuvres nous rappellent l’époque où les toiles ont été exposées, il y a longtemps. Ce style de peinture serait-il devenu banal ? Il est bon de revoir et de découvrir encore ces tableaux. Avec ces tranches de lumière, les reproductions les plus fidèles, les numérisations les plus précises, ne valent pas la vision des touches pour de vrai.
Le jardin de Renoir a ses fleurs qui bouillonnent dans la lumière.
Monet, le peintre du temps qu’il fait et du temps qui passe, sort son chevalet pour saisir le froid de la Seine dans les glaces en débâcle.
Degas, le dessinateur des intérieurs, des légèretés superbement cadrées, nous livre une vue d’atelier mélancolique avec une poupée inerte dans le coin avec un de ses amis Henri Michel Levy.
Pissaro nous donne l’idée d’un siècle où les ombres d’un soleil d’hiver sont bleues. La route de Louvecienne n’était pas encombrée.
Manet peint un enfant accoudé à une murette, les mains dans les cerises, cet enfant qui travaillait à l’atelier du maître s’est pendu.
Van Gogh, peintre de nuit, le plus japonais des hollandais vivant à Arles conclut le circuit, il n’aurait pas été lui-même sans les autres.
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Je reprends mes articles sur mon blog, samedi 22 mai. J’ai le privilège de pouvoir m'abreuver de cinéma tous ces jours qui viennent dans les salles de la banlieue de Cannes. Merci à ma logeuse.

mercredi 12 mai 2010

J 32. Le lac de Tonle Sap

Il n’y a pas grand monde ce matin au petit déjeuner. Le garçon, Pala, s’exerce à la langue française, il a acquis quelques formules de politesse.
Sothy nous offre à chacun un CD de musique khmère. Dès le départ, lui et le chauffeur accèdent à nos moindres souhaits dès que c’est possible. J’aurai mes photos de charrettes avec zébus et buffles. Aujourd'hui nous partons pour 60 km à l’assaut du dernier temple de notre programme : Beng Meala, qui signifie l’étang de Méléa. Il fut construit comme brouillon d’Angkor Vatt et s’est effondré assez vite pour des raisons de matériel et de malfaçons. Jean Jacques Annaud a investi le lieu pour filmer « Les deux frères » et il a eu la bonne idée de laisser des rampes d’accès, complétées plus tard par des escaliers et autres passerelles indispensables pour appréhender ce temple en ruines d’une façon originale. Beaucoup de charme se dégage de ce chaos impressionnant de rocs moussus et verdissants entourés de quelques pans retenus par des racines qui continuent la démolition inexorablement. Le temple semble sortir de la jungle, comme s’il venait d’être découvert malgré les passerelles et la compagnie bruyante de touristes chinois. Il subsiste même une sorte de tunnel un peu mystérieux à peine éclairé par quelques ouvertures. Nous longeons l’extérieur du temple, loin des braillards où il reste encore quelques sculptures de belles femmes debout, et croisons sur le chemin de petits écoliers, cahier et stylo dans un sac plastique, très occupés par leurs ballons de baudruche.
Nous revenons à Siem Reap pour déjeuner. Nous prenons goût au gingembre. Nous discutons brièvement avec un couple d’un âge, très soucieux, de se débrouiller seuls et hors des sentiers battus.Nous partons vers le lac de Tonle Sap dans le prolongement de la rivière pour voir ses maisons flottantes. C’est la plus grande réserve d’eau douce de l’Asie du Sud Est, pendant la mousson sa superficie est multipliée par cinq et la rivière qui l’alimente inverse son cours. Les poissons viennent se reproduire dans les forêts inondées, mais certains pêcheurs utilisent des explosifs et menacent cette réserve précieuse. Le Toyota nous conduit jusqu’à l’embarcadère où nous attend un beau bateau en bois. Les vietnamiens sont très présents dans l’élevage des poissons et les compagnies d’exploitation des bateaux sont coréennes. Le Cambodge qui n’est pas indépendant sur le plan énergétique est exploité par ses voisins, la corruption n’arrange rien. Outre les bateaux flottants et les parcs à poissons, il y a aussi une église et une école sur l’eau. Les habitations sont misérables, les enfants se baignent ou naviguent dans des bassines en métal. Quand nous arrivons au lac, le ciel et l’eau se confondent dans un même gris laiteux qui estompe la ligne d’horizon, nous sommes comme dans un tableau où seules les coques des bateaux apportent des touches de couleur. Le moteur est coupé, le bateau tangue : le moment est étrange.
Panique à bord lorsqu’une fillette brandit un serpent à un bord, et sur l’autre côté un gamin conduit par son père soulève un boa en criant « one dollar ». Il s’éloigne sans montrer de signe d’animosité, ni faire mine de nous balancer ses bestioles devant notre refus.
Nous nous arrêtons au retour sur le ponton d’une maison flottante pour voir un élevage de poissons chats et de crocodiles. Ils sont assez petits, gueule ouverte, nous les surmontons seulement de l’épaisseur d’une planche souple, très souple ! Sur la même maison, une jeune fille exhibe son boa endormi dans un panier recouvert d’un filet. Drôle d’animal de compagnie ! Un petit musée avec aquariums a recueilli quelques éléments de la faune locale et montre en maquette des techniques de pêche. Notre bateau nous ramène sur la terre ferme et à notre grande surprise, voire stupeur, une gamine nous propose des assiettes décoratives en porcelaine avec notre photo en effigie au centre. C’est un choc, surtout de voir l’aspect sévère de nos bobines !
Pour terminer la journée, Sothy propose de nous conduire aux Artisans d’Angkor. Il s’agit d’ateliers d’apprentissage des arts khmers : sculptures sur bois, sur pierre, peintures sur soie, laques. Issus du compagnonnage, des français ont aidé à retrouver les techniques et leurs savoir faire à de jeunes villageois afin que ceux-ci puissent perpétuer leur traditions. Nous pouvons, guidés par une jeune fille parlant français, circuler au milieu des apprentis qui copient des modèles anciens. Des pièces posées sur les tables ont été vérifiées par les maîtres qui ont souligné au crayon les erreurs. Elles seront corrigées demain. Un magasin expose les œuvres achevées dans un grand souci esthétique grâce à une harmonie de couleurs et des éclairages bien adaptés pour mettre les œuvres en valeur. Michèle ne peut résister à l’achat d’une « female orant » (femme en prière) tandis que Dany se contente de couverts en bois de cocotier. A peine sortis de l’auto, sur le chemin de nos chambres les premières gouttes d’orage tropical s’échappent du ciel gris qui nous a accompagnés toute la journée! Comme les autres jours, le déluge ne dure pas plus d’une heure, il nous permet de nous reposer, de lire, d’écrire…
Nous testons un nouveau restau Petit futé : Arun, pas très loin de l’hôtel sur le bord de la rivière. Les prix sont tout à fait honnêtes, les menus présentés sous forme de photos sous- titrées en français et la nourriture très satisfaisante. Comme c’est notre dernier soir nous commandons en plus un ice cream au tarot et au chocolat, et l’alcool de riz ne nous est pas pleuré. Sur le mur un escargot de la taille d’une main s’étire sur un mur. Nous sommes bien, nous rentrons à pied pour notre dernière nuit cambodgienne peuplée d’insectes plus bruyants que les autres nuits. Il me sera rappelé que ce jour là j’avais oublié mon appareil photo sous l’auvent de notre chambre. Il était bien imbibé mais se porte toujours bien : chez A2C c’était du robuste !

mardi 11 mai 2010

La ligne de fuite. BD

Les dessins de Benjamin Flao permettent de s’interroger une fois encore sur la fin de l’existence d’Arthur Rimbaud, et cet énigmatique retrait d’un monde qu’il éclaira d’une façon fulgurante.
Les rues de Paris, les arbres du côté de Charleville, les rivages accablés de soleil d’Aden et les traversées maritimes sur des vapeurs propices aux apparitions sont l’occasion de croquis de voyage aux crayonnés vibrants, aux couleurs vivantes. Des phrases de Rimbaud élèvent le récit au-delà des anecdotes où la fiction vient au service d’une histoire bien documentée.
« Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons. »

C’est la fin du « Bateau ivre », la flache, c’est une flaque

lundi 10 mai 2010

White material

Claire Denis filme l’Afrique comme je l’ai connue et aimée et comme je l’imagine aujourd’hui quand la folie est la maîtresse. Non pas l’Afrique des herbes sèches, mais celle des collines rouges où pousse le café. Cette richesse, dont on accable le continent noir comme une calamité de plus, n’est pas ce qui fascine le plus Isabelle Huppert. La maigriotte s’agite pour nier la réalité : il lui faudra partir. Les enfants soldats joueront, son enfant jouera désespérément, les installations en tôle et parpaings se consumeront, la banderole « Dieu ne baisse pas les bras »aura beau être tendue sur le fronton de l’église abandonnée, elle aura beau s’accrocher à l’échelle du taxi collectif, rien ne retardera l’échéance. « On ne possède pas la terre, encore moins la terre africaine, c’est elle qui vous possède, comme un sort… »Film tendu et fort. « L’Afrique noire est mal partie » titrait René Dumont l’agronome, c’était en 1962, c’est devenu pire !
Sur le véhicule pris en photographie au Cameroun en 1995, était écrit" la technique ne meurt jamais"