mercredi 11 mars 2009

Livres pour enfants. Faire classe # 24

Certes le marché aux livres regorge de produits à la recherche d’un créneau, leur style court après la dernière mode et se démode ainsi « hyper »vite : ces clips de papier ne mènent nulle part. Sûrement pas à la littérature, celle qui nous élève au-dessus de notre ombre, de nos soucis immédiats, qui nous donne les clefs pour comprendre le monde, enchanter nos jours. (Bis)
Heureusement il est de belles réussites sensibles, attractives, où l’auteur ne prête pas systématiquement aux enfants ses « à priori » d’adultes.
Voici quelques romans appréciés au hasard de mes devoirs de vacances proposés par mes bibliothécaires. Oui, des romans ; j’ai choisi ce camp des littéraires censé apporter la nuance, la complexité, la contradiction dans un univers hygiéniste, technique, tellement sûr de lui.
Andrevon Jean Pierre : La dernière pluie
Cet ouvrage de science fiction doit son titre à la pluie continuelle causée par la pollution. Pour survivre, les hommes construisent une arche confortable: grand mythe remis dans le quotidien avec simplicité. La catastrophe change du train-train. Le message écologique n’est pas asséné et le livre incite à la réflexion même si l’auteur Grenoblois que nous avions rencontré s’était montré bien peu aimable avec ses lecteurs.
Ahlberg Janet et Allan : L’ours que personne n’aimait
Dans une atmosphère début de vingtième siècle, avec lessive à la main, guerre, classes sociales bien différenciées, un ours en peluche a besoin de réparations. Le lecteur peut se consoler des incidents de la vie. Ne pas être trop arrogant, unique et solitaire peut adoucir la vie.
Burgess Melvin : Billy Eliott
Nous trouvons une fois de plus le livre meilleur que son adaptation au cinéma déjà fort honorable, puisque nous partageons les états d’âme des protagonistes de l’histoire, tour à tour narrateurs et acteurs. Nous vivons l’histoire de l’intérieur et non comme une suite de péripéties. Livre chaleureux, sans candeur : de la légèreté, de la tendresse entre deux coups de poing dans la gueule. C’est la lutte des classes.
Cendrars Blaise : L’or
Livre des commencements. Des pionniers naïfs croient à une terre d’abondance. Ils auront rêvé. Le western appartient à un genre un peu épuisé, les enfants s’ intéresseront-ils à un monde qui se construisait en Californie ? La ruine débarque quand la fortune semble atteinte. Brutalité et civilisation.
Dahl Roal : Charlie et la chocolaterie
Ce scénario jubilatoire d’un auteur incontournable, débride les imaginations par des situations, des personnages vite croqués. Personne n’en ressort idéalisé, le délire sucré attend à chaque page : c’est pour du rire, pour du plaisir.
Fine Anne : Comment écrire comme un cochon
L’ambiance de classe éloignée du quotidien français déstabilise au départ quand les sarcasmes pleuvent dru. Mais finalement ce livre très moral, original, rythmé, fin, épicé, accède à une démarche pédagogique à l’opposé de toute mièvrerie, salutaire pour des enfants peu à l’aise dans l’école.
Houston James : Akavak
Récit élémentaire, au contenu essentiel. Ce roman d’apprentissage nous initie à la vie d’un jeune et son grand-père dans le grand Nord. La rencontre avec le printemps se gagne après des épreuves extrêmes ; des bricolages infimes assurent une survie toujours remise en cause. Profondeur sans chichi, hors des modes pour tous les âges avec le respect du lecteur.
Morgesten Sylvie : La sixième
L’originalité de cet ouvrage plein de fraîcheur tient au personnage principal bon élève dans une famille unie. Les relations sont subtiles, les profs pas tous ridicules et bornés. Son angélisme mis à mal, Margot partage ses impressions avec sa sœur et sa grand-mère.
Mourlevat Jean Claude La balafre.
L’auteur trouve le ton juste pour parler de ses doutes, de son environnement : rien de schématique. Une solitude irréductible s’installe, des personnages sympathiques se devinent au-delà de leurs apparences. Dans une réalité banale du fantastique s’installe.
Pennac Daniel : Cabot caboche
Les élèves n’ont pas manifesté d’emballement pour l’écrivain F.N.A.C alors que je pensais qu’une vie vue par un chien pouvait créer une connivence avec ce héros à poil qu’on aimerait recueillir, à partir de cadrages différents sur les adultes, …
Petit Xavier Laurent : Le monde d’en haut
La science fiction, ici adaptée aux enfants, amène à la réflexion sur notre façon de vivre. Bien écrit, le simplisme de certains archétypes modelés par une certaine culture américaine s’efface dans une conclusion qui n’est pas close, laissant la place au doute et à la possibilité d’évolution des personnages.
Quesemand Anne : La mort marraine
Dans ce conte, la mort, sans masque grandiloquent devient un personnage familier. Donne à réfléchir, à s’amuser, à consoler aussi : « l’appétit vient en mangeant, la mort en vivant »
Rodari Gianni : La tarte volante.
Ce bon vieux Gianni nous amuse et diffuse un message d’humanité sans lourdeur. Son écriture foisonnante dépeint des personnages cocasses, des situations loufoques. On en redemande sans risque d’indigestion.
Marilyn Sachs : Les retrouvailles
Deux sœurs se retrouvent au cours d’un repas et ne se reconnaissent plus : unité de lieu et de temps pour une pièce dramatique qui risquait d’être austère, et pourtant les sentiments sont vibrants. Des sujets forts traités subtilement, avec la fraîcheur, la sincérité de l’enfance: la jalousie, la différence de classe sociale, la fragilité, la mémoire, la réussite, grandir…
Marilyn Sachs : La maison en danger, La maison retrouvée, Du soleil sur la joue
Un vrai auteur plein d’humanité. La littérature enfantine atteint ici son sommet par la finesse de l’observation, le ton permet à la détresse de se dire sans en faire trop. L’abandon de l’enfance déchirant et passionnant s’accompagne de la compréhension des autres. Au bout de l’exigence naît notre plaisir.
Tillage Léon Walter : Léon
Un témoignage d’une force formidable sur la barbarie, nous transporte, sans pathos, au sud des Etats Unis.
D’autres auteurs permettent de stimuler l’écriture : Delerm (C’est bien, Surtout ne rien faire), Saint Exupéry (Le Petit Prince), Tournier (Pierrot ou les secrets de la nuit, Vendredi ou la vie sauvage), Rodari (Histoires à la courte paille). Des personnages tels que Poil de carotte, le petit Nicolas, Renart, Robinson, Robin des bois « devront dire quelque chose» aux enfants. Les « Contes de la rue de Broca » de Gripari recèlent encore des charmes comme « Le prince de mot tordu » de Pef réservé aux plus petits.
Et Titeuf.
Pour finir l’année « l’idée du siècle » de Pennac connaît toujours un vif succès quand le passage en sixième pointe à l’horizon.

mardi 10 mars 2009

Tu connais Sophie Marceau ?

« …Marcher dans le désert (…) Marcher dans les pierres (…)
Dormir dehors
Il faut un minimum
Une bible un cœur d’homme
Un petit gobelet d’aluminium… »

Alain Souchon
Le chameau* porteur du gaz, des pommes, de la quincaillerie, de quelques sacs privés s’est échappé à l’insu des trois chameliers mauritaniens qui devisent tout en tirant sur leur mini trompette de pipe. Trois silhouettes maigres, tuniques grises, ceintures de virilité, chèches noirs.
Votre servante juchée sur un des deux bestiaux restants (elle s’est fait une entorse avant de quitter la France : acte manqué, discours réussi !) alerte Mohammed, chef parce qu’il est grand, de stature et de gueule, fils d’un notable de Chinguetti, chef parce qu’il a trois épouses et toute la suite féconde qui va avec, parce qu’il parle français et triche à la belotte.
Petit Sidi, fait demi tour, vole comme un ange sur l’enfer du reg ! A mon avis on mangera froid ce soir et les deux quadras femelles du groupe qui suit pédestrement à quelques kilomètres se passeront de lingettes.
Je m’en fiche des bagages ! J’ai mal au derche sur ce foutu chameau qui navigue en galère : roulis et tangages m’envoient glisser à droite, à gauche et puis en avant et en arrière. Si seulement j’étais obèse, ça me calerait et je verrais le paysage ! Bof ! Y a pas de paysage.
Mohammed et Grand Sidi allument une pipe. Ils attendent, adossés à leurs chameaux tandis que je m’interroge sur la trousse à pharmacie. Aura-t-elle le baume salvateur ?
Grand Sidi, proprio de ma monture, me fait l’offrande d’une espèce de machin truc transparent qu’il a prélevé sur un épineux : « mâche, bon, Maritreize... »
- Gomme arabique, commente Mohammed.
Et zou dans le bec, ce cadeau du désert ! Maintenant, ma vieille, ton bec tu risques de ne plus l’ouvrir avant que ta langue ne finisse par user cette saloperie de plastique naturel qui te soude les mâchoires.
Mohammed a disparu le temps de trente coups de langue.
Il réapparaît tenant précautionneusement une jatte en bois.
- Tu en veux qu’il me dit, c’est du lait de chamelle. Tout frais, du campement là-bas.
- Méyapcamp ! Deux coups de langue.
Je refuse de la tête en me tapant sur l’estomac.
Mohammed avale ce lait bleu, si tentant… Mais les bactéries, hein !
Sa bête lape le fond du bol en battant de ses lourdes paupières décorées de cils en chiendent.
Mohammed est un chic type puisqu’il aime sa chamelle.
- Tu connais Sophie Marceau ?
- Fofaro ?
Trois coups de langues, toujours aussi tenace, cette saloperie !
- Quatre Toyota. Cinquante chameaux.
- … ?
- Si j’avais eu tout ça, je l’achetais Sophie Marceau. C’est la plus belle femme du monde.
- Auchiné ? Les coups de langues, les coups de gourde et les jets de salive commencent à faire les efficaces.
- Au cinéma ? Non non, en vrai. Je l’ai vue comme je te vois ! rétorque le polyglotte.
- Téailléenfranche ?
Courage, ça se décolle.
- Ben je voudrais bien mais non j’y suis pas allé en France. J’ai joué dans le film.
- Kéflim ?
- Tu te rappelles pas ? La Passe d’Amogjar. On a vu le fortin de « Fort Saganne » depuis la Passe. Juste avant Ouadane…
- Cha me reffient.
Que oui, ça me revient. Ce petit fort perdu dans le rien. Ce décors de film en dur religieusement préservé par les Mauritaniens. On entendait encore le violoncelle d’ Hyppolite Girardot sur le toit du fortin … Ah ! Depardieu et peuchère la pulpeuse Sophie, ces amours ensablées !
- Ainchi t’aféaKchteur ?
- Tous les rôles j’ai joués ! A cheval, à chameau, à fusil derrière les dunes, à couteau derrière les murettes ! Je suis derrière Depardieu quand il scie la jambe de son copain.
- … !!!
- Corneau m’a engagé pour les repérages. On a tout fait à cheval. Il est revenu plusieurs fois après le film. On a fait des virées autour de l’Adrar… Fou du désert ce type. Je me demande ce qu’il lui trouve au désert.
- Moi auchi !
Il rêvasse en se bourrant la pipette. Il a grandi de dix centimètres.
- Sophie Marceau, c’est bien la plus belle du monde !
Petit Sidi a rattrapé son chameau volage, attiré par quelque chamelle en chaleur. On mangera chaud la biquette morte qui pendouille au flanc du déserteur.
Au pique-nique, tout le monde se retrouve : les quatre sexas, les quatre quadras, dont deux filles et deux gars toujours affamés (dis, il te resterait pas une boîte de thon dans ton barda ?). Les sexas ont ce genre de ressource, ils le savent.
Pendant que les chameliers, guide et cuisinier s’éparpillent dans le rien rugueux pour prier, je raconte l’affaire Sophie Marceau.
- Nous, on doit valoir une chèvre, s’exclame Adèle, approuvée par les autres sexas. Elles rigolent en faisant encore baisser les enchères.
Sieste sous ce vent sournois qui vous recouvre vite fait d’un suaire de quartz.
- Je veux un autre chameau. La Er râhla* de celui-là avec sa peau de bique m’a écorché les fesses.
Grand Sidi défend son taxi et sa monumentale Er râhla. Je ne lâche pas le morceau.
- Si vous ne me donnez pas une autre monture, je pars à pied. Vous aurez ma mort sur la conscience !
- C’est parce que tu ne sais pas monter, persifle Adèle, approuvée par ces chiennes de sexas ! Tiens, j’ai envie de voir les choses (y en a pas, que je me réflexionne) de haut moi aussi. Je vais le monter ton chameau.
Cinq heures plus tard, sous les palmiers dattiers, oasis de carte postale, nous sommes comme des sardines sous l’abri de branchages qui sert aux habitants des villes ( ?) au moment de la récolte des dattes.
Dehors, clair de lune efficace puisque c’est à sa lueur qu’une sexa me badigeonne à la Néosine la zone martyrisée depuis trois jours et la toute fraîchement écorchée d’Adèle.
Vieille carne, et bien fait pour toi ! Ouais, beau clair de lunes.
Grand Sidi, ton chameau, personne n’en voudra plus ! Sauf les chèvres mortes et les bouteilles de gaz.
Tout le monde ronfle. Sauf votre servante qui tend l’oreille. A droite, les deux quadras femelles se parlent à mi-voix :
- Et tu sais ce qu’il m’a dit ce macho de Mohammed ?
- A propos de quoi ?
- Tu sais, le prix des femmes… Comme une conne je lui ai demandé ce que je vaudrais sur le marché ici. Il m’a regardée de haut en bas, a fait le tour de ma personne - tout juste s’il n’a pas examiné mes dents - et a déclaré… Ah, le salaud !...
- Ouais, alors, accouche !
- Une chamelle stérile et un âne !
- Quels goujats, ces types !
- Vos gueules ! ont hurlé les autres en se tournant tous en même temps du même côté.
Dans l’inconfort du lieu, je me suis rappelé qu’à l’hôtel de plein air, à Ouadane, le patron avait dressé une immense Khaïma *d’une blancheur éclatante pour recevoir Théodore Monod.
Nous n’avons pas rencontré le vieux navigateur du désert, celui qui cherchait une petite fleur bleue, et une météorite mystérieuse. Nous sommes partis faire les cons dans la beauté tragique du rien, la veille de l’arrivée de l’auteur de « Méharées ».
« On s’ennuie tellement, on s’ennuie tellement, on s’ennuie tellement
Alors la nuit quand je dors,
Je pars avec Théodore …
Dehors, dehors »
Alain

Marie-Treize

* En Afrique, il y a les dromadaires (une bosse) mais on dit toujours ‘chameau’
Les chameaux c’est en Asie. Deux bosses.
*Pour Er râhla (pas Elle râla) merci Google !
* tente mauritanienne

Gran Torino

Du cinéma : des dialogues âpres, des personnages typés, des destins problématiques, des questions essentielles, du rythme, des acteurs, une ambiance, de la nostalgie et un présent bien brutal. Du cinéma américain avec une conclusion qu’on aimerait plus elliptique, mais avec son efficacité : Clint Eastwood nous émeut et nous fait rire. Je me suis trouvé du côté de ce vieux ronchon qui n’apprécie pas que sa petite fille joue de son téléphone pendant l’enterrement de sa grand-mère, et il aura le temps de se racheter de son racisme caricatural du début. Les cinéphiles lisent cette œuvre comme une manière de testament ; ce qui fait la grandeur de ce film c’est bien le jeu avec son trajet singulier d’acteur et de réalisateur. Une entreprise qui nous concerne en tant que citoyen qui ne trouvera pas de réponse à ses questions sur la délinquance mais aimera ce moment d’humanité d’autant plus palpitant qu’il est haut en couleurs et fort en gueule.

lundi 9 mars 2009

35 Rhums

Une caméra entre assiette avalée devant le frigo et voies de RER aurait pu composer une vision originale des solitudes en banlieue, qui ont plus l’habitude de traîner, avec le cinéma français, du côté de Saint Germain des Prés. Mais le film de Claire Denis s’étire, nous n’apprenons que peu de choses sur les personnages tellement mutiques qu’ils restent énigmatiques. L’alcool est triste. La relation père fille, mise en avant par les critiques, ne m’a pas paru non plus très convaincante : pourquoi sont-ils attachés ?

dimanche 8 mars 2009

« Arrêtez le monde, je voudrais descendre »

La phrase au présent avait servi aussi de titre à Bedos pour un livre, et des émissions sur mai 68 ont utilisé l’expression qui rappelle « on arrête tout on réfléchit et c’est pas triste » des années 01. Ici pas de subversion dans cette succession de scénettes. Dans une cabane à l’extérieur de la MC2, la scène est circulaire comme chez les frères Forman qui nous avaient régalé avec Obludarium, dont les anciens compagnons de Bartabas de ce cirque Dromeko, se sont inspirés sans arriver à créer une atmosphère aussi originale. Il y a bien un orchestre sur la scène, des machineries apparentes, des animaux, un manège final et un coup de vin rouge à la sortie, mais nous l’avions déjà vu. Le rythme est alangui, et comme dans certains gags, les dialogues détaillant la prostate, il n’y pas que le papier toilette qui soit insuffisant. L’occasion de faire quelques clichés estampillés poétiques, mais rien de rare.

samedi 7 mars 2009

Aboiements dans la nuit.

J’ai croisé des souvenirs enfantins et des impressions d’aujourd’hui quand j’ai trouvé cette phrase : « les journalistes sont comme les chiens qui lancent des aboiements dans la nuit en pensant qu’ils la feront fuir ».
Même si nos paroles n’éclatent sûrement pas dans le silence ni l’obscurité, je trouve dans mes expériences associatives, politiques, bien des mots à connotations magiques.
Quand des marchands ont proposé les poupées de Nicolas et de Ségolène à piquer d’épingles, ils pensaient faire sourire avec cette transposition de malédictions vaudoues. Ils matérialisent nos impuissances à agir dans le réel, alors la parodie, le miraculeux déboulent. En flattant notre goût à moquer, plutôt qu’à approuver, ils participent aux clivages de la société qui se définit plus volontiers par ses oppositions que par ses adhésions.
Qu’ils sont collants, les prosélytes ! Ils font fuir le sympathisant, avec leurs manières de représentant à l’ancienne, du genre qui coince la porte avec son pied ou se présente en doublette Jéhovah avec ses patenôtres!
Mais je suis dans l’incompréhension la plus totale quand je constate, dans bien des groupes, des stratégies sophistiquées et têtues pour rester entre soi, surtout. Il y a bien sûr l’historique de l’assoc’ intouchable qui ne veut pas lâcher le manche, les si peu sûrs d’eux-mêmes que tout nouveau est un importun, les cercles qui se sentent toujours attaqués et qui n’osent plus entrouvrir une porte…
D’ajouter à chaque détour de phrase : « signe des temps », ne fait pas avancer les pratiques ni reculer la nuit. Pourtant avec les machines participatives que peuvent être les ordinateurs qui ont mail à partir, la montée des urgences écologiques, économiques, sociales, les engagements et aussi les bonnes volontés ne manquent pas. Mais il n’y a pas forcément rencontre, et les mots de Jean Prévost restent des mots : « il faut défendre avec violence des idées modérées ».
Les grincements, les soubresauts dans nos groupements peuvent signifier encore une manifestation de vie, est ce que ça ira jusqu’à la mise en mouvement ?
Teuf ! Teuf !

vendredi 6 mars 2009

Dominique Fernandez au Square

A bientôt 80 ans, l’académicien invité à la librairie du Square ( on dit encore « librairie U » voire « l’Université ») est bien vert. Quelle chance de pouvoir écouter le fils de Ramon, s’exprimant avec précision, élégance, humour, simplicité sur son dernier roman : « Ramon ». Histoire d’une famille haute en contrastes et en couleurs, où le père brillant spécialiste de Molière et de Proust, ami de Jean Prévost mort au Vercors, s’est engagé auprès de Doriot au PPF, aux heures noires de la collaboration. Ce mondain abandonnera la mère si provinciale. Dominique leur fils, en fouillant l’énigme de ces vies, décrit la singularité d’une époque, la complexité des liens, les mystères d’un homme, un peu les nôtres ? Duras résistante habitait au troisième étage de l’immeuble dont Fernandez le collabo occupait le quatrième. Le fils de Dominique, qui s’appelle… Ramon, est directeur du trésor, c’est un proche de Nicolas. Il ne nous lâche pas celui là.

jeudi 5 mars 2009

La lumière dans l’art contemporain

Rien que pour cette citation d’Hannah Arendt, la conférence des amis du musée valait le coût« Ces pensées figées, semble dire Socrate, sont tellement pratiques à l’usage qu’on peut s’en servir tout en dormant ; mais si le vent de la pensée, que je vais maintenant se faire lever en vous, vous arrache à votre sommeil, vous réveille pour de bon et vous rend plein de vie, vous verrez que vous n’avez que des incertitudes à quoi vous raccrocher, et ce qu’il y a de mieux à en faire, c’est de les partager avec les autres. »
Comme bien souvent avec l’art contemporain, un détour, cependant un peu long, s’imposait du côté des classiques avec Georges De La Tour, les hollandais du siècle d’or, l’or des icônes, Turner et les meules de foin de Monnet.
A partir de Soulages qui fait sortir les couleurs du noir, le spectateur participe au jaillissement de la lumière. Plaisir de revoir des œuvres comme les récipients en verre de Kounellis ou les projecteurs de Boltanski braqués vers la mémoire.
J’avais bien aperçu des néons dans les musées : ce sont ceux de Dan Flavin, figure majeure de l’art minimal comme dit Wikipédia, stimulant.
Et la pièce remplie de brouillard que j’avais traversée à Lyon, pourrait bien avoir été installée par Mathieu Briand créateur de mondes flottants et émouvants.
Claude Lévèque connaît maintenant la consécration avec le pavillon français à Venise après avoir mis du temps à être reconnu : ses lits au plafond qui ouvraient et concluaient la conférence disent la solitude et la mort.
Mais la révélation forcément fulgurante a été pour moi, la découverte de Walter Di Maria qui a installé dans une zone désolée et très orageuse du nouveau Mexique, 400 poteaux métalliques pour attirer la foudre. Quelle entreprise est plus ambitieuse pour essayer de saisir la lumière qui est le projet de tout photographe, de tout peintre ? Cette entreprise fait de l’artiste le concurrent de Zeus. Prométhée qui s’y était essayé avait mal fini, mais nous a laissé une belle légende.

mercredi 4 mars 2009

Lecture. Faire classe # 23

Il existait jadis dans les bibliothèques un lieu qui recueillait les livres interdits : l’enfer.
Il se paraît ainsi de tous les attraits.
Dans beaucoup de familles le même usage sévissait : il fallait avoir lu quelques classiques avant de dévorer en cachette le moindre Yan Fleming (c’était Bond).
Pour appâter le client, quelques rescapés de ces temps de frustrations et donc d’envies ont pensé mettre le polar à la portée des nourrissons.
Ces briseurs de tabous déjà morts, ces tueurs de fantômes de pimbêches moralisatrices d’un autre siècle, ont disposé en tête de gondole des romans prêts à penser : « ma sœur se drogue », « mon frère est homo », « mon père est ouvrier », « ma mère fait même la cuisine »,« mon grand-père est trotskiste »…
Ils ont été les premiers à souligner que Cendrillon participe à un conte cruel, et que le chaperon persiste en rouge mais ils n’ont jamais tant parlé de littérature enfantine que lorsqu’ils tentaient de l’assassiner.
Les modes d’emploi supplantent la poésie.
Les réponses arrivent avant les questions.
Les prescriptions trop précoces durcissent les consciences.
Si le paradis enfantin tourne parfois au vert, il ne se teint pas en noir total comme Yann Pavloff nous le décrit.
Lecture en CM2:quelques trucs, quelques tics, quelques traces :
- Donner un outil de repérage quantitatif des romans lus, cette liste est un moyen pour dialoguer avec l’élève, et mesure pour beaucoup le chemin parcouru. Il arrivait que des lecteurs en herbe dépassent une centaine d’ouvrages de plus de 100 pages dans une année scolaire. Le nombre de romans lus figurait sur le bilan trimestriel. Peuvent se relever, à part, sur un autre support, les titres des bandes dessinées découvertes. Cela concerne les livres de toute provenance (fond de classe, bibliothèque, maison…)
- A la fin de l’année scolaire dans la classe de CM1 qui passera en C.M. 2 à la rentrée, j’invitais à rédiger une fiche de lecture pour un roman, une sorte de devoir de vacances pour amorcer la liste de l’année à venir. J’exigeais un résumé en trois phrases maximum, différent de la quatrième de couverture, une argumentation pour justifier son choix.
« Comme un roman » de D. Pennac nous aide en donnant le droit de ne pas aimer un livre et de l’abandonner. Alors, il ne reste plus qu’à apprécier.
Il fut fort mal vu à une époque de lire des textes aux élèves et eux-mêmes se devaient de ne pas lire à haute voix. D’avoir traversé tant de modes qui se révélèrent ridicules, j’aurai tendance à cultiver le bon sens volontiers basique donc :
- lire des passages, des pages, des livres aux élèves.
Laissons pour les intervenants extérieurs d’autres taches que celle qui touche au cœur du métier. Nous sommes invités chaque jour à investir (cling !) des domaines nouveaux au rythme des engouements médiatiques d’un jour, et nous délaissons les bases. Tout floue le camp !
« Ah ! La brave petite chevrette, comme elle y allait de bon cœur ! Plus de dix fois, je ne mens pas, Gringoire, elle força le loup à reculer pour reprendre haleine. Pendant ces trêves d’une minute, la gourmande cueillait en hâte encore un brin de sa chère herbe ; puis elle retournait au combat, la bouche pleine… Cela dura toute la nuit. » A.Daudet
A quarante ans, nous sommes en mesure de juger par nous-même que madame Bovary peut accéder au titre de chef-d’œuvre alors que ce fut la bouche de Lagarde et Michard qui l’exprima à l’époque où il fallait émettre sur la question. La culture s‘édifie peu à peu, elle se constitue de beaucoup de reconnaissances, y compris de productions qui nous ont été indifférentes. J’écoute beaucoup mieux des musiques déjà entendues, proposées par des passeurs voire des repasseuses, professeurs à plein temps. Quel plaisir de s’appuyer sur des références, mesurer les évolutions ! Nos goûts présumés personnels se mitonnent avec les conformismes de l’heure.
De garder trop le nez dans les livres, « on se fait des films » où l’on se voit volontiers en tant que membre d’une caste en voie de disparition mais tellement distinguée. Si la fréquentation des librairies, des bibliothèques devient moins naturelle, nous perdrons de nos capacités à approfondir le temps, à peser subtilement nos connaissances des humains. Les brillances des écrans appellent la vitesse, les ricanements.
Dans des lieux dits d’expérimentations, les enfants apprenaient, disait-on, à cuire des gâteaux en classe alors que les parents étaient invités à installer l’apprentissage de la lecture après leurs heures de travail. Il leur était recommandé de montrer l’exemple de leur appétit de lecture. Est-ce que l’usage du livre, du journal est en voie d'épuisement chez les enseignants ? Où les intellectuels du terrain vont-ils aller pour happer des idées, des réflexions, des certitudes ?
Tragique impudence des mots quand nous employons le même terme « illettrisme » pour désigner les enfants dans le monde qui ne savent pas lire parce que leur pères achètent plus volontiers des armes que des crayons et pour les nôtres pour qui l’activité d’apprentissage est contrariante. Il faudra leur dire que le savoir est une arme. La corrélation entre le développement d’un pays et son taux d’alphabétisation n’est-elle pas assez évidente que le pourcentage d’enfants ne maîtrisant pas bien la lecture ne suscite pas plus d’indignation !
Pour notre zone hors les murs de la ville centre, le travail soutenu par les bibliothécaires assure une continuité entre l’école et ce pôle culturel du quartier. L’apprentissage du bon usage de la bibliothèque favorise les recherches personnelles, arase les différences sociales avec des animations inventives et riches, le suivi de prêts. Nous avons mené des défis lecture accélérateurs.
- Défi lecture : pendant une période de deux mois un lot d’une vingtaine de livres en double exemplaire est mis à la disposition des élèves séparés en deux équipes. Les compétiteurs doivent élaborer des questions pour leurs rivaux. Peut se jouer avec une classe parallèle, les correspondants…
Deux temps forts closent la période : l’un festif accompagné de sirop et bonbons présenté sous forme de jeu (« trivial pursuit », « question pour un champion »…) avec buzzer et applaudissements, les deux équipes s’affrontent collectivement en une mobilisation joyeuse.
L’autre dans les rites scolaires où s’évalue l’efficacité de lecture à travers quatre questions pour cinq livres (dont des B.D.). Chaque élève reçoit sa liasse de questions personnalisées.
La proximité de la bibliothèque intégrée à la maison d’école facilitait les demi-groupes propices à des entretiens individuels autour du livre que l’élève détenait pour l’heure dans son île.
- Chaque semaine amène son quatre pages de lecture silencieuse autour de thèmes liés au calendrier : rentrée des classes, Noël, 1er avril et 1er mai et des sujets abordés dans d’autres matières : les planètes, la poste, Napoléon, l’appareil photo… pour varier les types de textes : dialogues, recettes, documentaires, mode d’emploi, articles de journaux, récits qui engagent à des corrections tout au long de la semaine. Une corbeille reçoit tous les travaux exécutés dans un délai d’une semaine. Les questionnaires recueillis sont corrigés dès leur dépôt. Pour ceux qui ont attendu la dernière échéance et ceux qui n’ont pas apporté les réponses satisfaisantes : correction collective. Les autres bénéficient tranquillement d’un temps de lecture libre.
Des livres en lecture suivie s’étalent sur une quinzaine de jours voire un mois pour avancer au rythme de la classe : « L’œil du loup » de Pennac, l’inusable « Claudine de Lyon » de Marie Christine Helgerson captive toujours mes C.M. 2 : 1880 dure condition d’une petite fille de canuts, son désir d’école…
Quels livres pour les jeunes lecteurs ? :
Certes le marché regorge de produits à la recherche d’un créneau, leur style court après la dernière mode et se démode ainsi « hyper »vite : ces clips de papier ne mènent nulle part. Sûrement pas à la littérature, celle qui nous élève au-dessus de notre ombre, de nos soucis immédiats, qui nous donne les clefs pour comprendre le monde, enchanter nos jours. Heureusement il est de belles réussites sensibles, attractives, où l’auteur ne prête pas systématiquement aux enfants ses « à priori » d’adultes.
La semaine prochaine sur le blog une liste de livres pour les écoliers.

mardi 3 mars 2009

Derniers flocons

Les poètes ne sont pas pareils :
« Ah ! revienne l’automne, et revienne l’hiver
La mer déserte et grise
Avec ses îles nues
Et les nuages qui se déplacent
Dans un ciel sans éclat. »
Louis Brauquier
A la recherche de poèmes sur l’hiver qui s’est bien fait et qui s’en va, la question :
« Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir?" est de François Coppée (Non, pas Jean François !)
Le saule sur la tombe de Musset n’a jamais vraiment pris, et les laboureurs ont disparu, pourtant ces disputes atmosphériques ont de l’allure :
« Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire,
Bien que le laboureur le craigne justement :
L’univers y renaît ; il est vrai que le vent,
La pluie et le soleil s’y disputent l’empire.
Qu’y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;
C’est sa première larme et son premier sourire… »

Alfred de Musset

lundi 2 mars 2009

Combalimon

Le film de Mathié Raphaël va pâtir de la sortie récente de « la vie moderne » de Depardon, pourtant son reportage était visible un an avant celui du bourguignon au festival de Cannes. Un paysan de Corrèze a demandé au cinéaste de transmettre des images de son coin d’humanité qui meurt. Il avait bien essayé de sortir de sa solitude, et avait marié une camerounaise qui n’est pas restée. Chronique de la fin d’un monde. Des lumières, les chiens, et des questions éternelles au fil des saisons qui ne peuvent que tendre à l’économie de paroles.

dimanche 1 mars 2009

Cabrel : des roses et des orties.

Après le Souchon des villes, le Cabrel des champs.
Le meilleur vendeur français 2008 a livré un dernier album, bien accueilli, après quatre ans de maturation.
Quelques accents de flamenco, le troubadour gascon contente son public d’images simples :la vie est faite de roses et d’orties. A voir sur Daily motion, les clips de ses aficionados, type calendrier des postes où quand il est question de fruits, la corbeille est là, mon œil critique s’écarquille.
Et en même temps je m’en veux de ne pas me laisser aller à l’innocence des halos sur prairies fleuries.
« On est lourd, tremblant comme des flammes de bougies »
Je ne sais si je dois saluer la sincérité ou repérer la facilité.
La recherche de la rime peut amener à des tableaux enluminés, plus qu’à un réel qui risquerait d’être brutal
« Adossé à un chêne liège, je descendais quelques arpèges, par un après midi pluvieux ».
Humide et inconfortable, pourtant la mélodie vous embobine.
Nous avons besoin de ces accents nostalgiques où glisse « le manteau de l’enfance » même si l’image est mal ajustée. Ces « cardinaux en costume » indifférents au monde qui saigne, ce n’est pas nous, toutefois les illusions sont évanouies : « les chansons se fanent ».
« Les gens nous aiment et puis nous laissent
Et c’est sans doûte mieux »

samedi 28 février 2009

Main basse sur l’école.

Eddy Khaldi est venu présenter son livre écrit avec Muriel Fitoussi à l’amphithéâtre de l’IUFM à l’invitation du cercle laïque de l’agglomération grenobloise. Les cheveux blancs dominaient dans l’assistance, même si un des derniers jeunes professeurs des écoles stagiaires de retour de manif est venu préciser le sens de leur lutte en illustration de la gravité des attaques adressées à l’école publique.
Nous avons le tournis devant l’avalanche des réformes, mais c’est une stratégie qui vient de loin, pas de l’improvisation : une déconstruction cohérente du service public. Agir vite, pour échapper à la confrontation avec les enseignants tenus dans le plus grand mépris au plus haut de l’état (voir le Canard Enchaîné de cette semaine).
Sous le beau nom de « créateurs d’école » depuis 1991, la droite des héritiers du club de l’horloge, dans son identité la plus décomplexée, prépare la remise en cause de la carte scolaire.
La gauche, complexée, refuse le débat idéologique, et c’est ainsi que le seul thème de la présidentielle- même pas approfondi- concernant l’école a été : la carte scolaire.
L’école privée n’est plus une variable d’ajustement : dans notre région, autant de Lycées professionnels dans le public que dans le privé. Le modèle institutionnel du privé devient la référence. Où en parle-t-on ? L’état français finance un lycée Jean Paul II (ils osent tout) à Sartrouville alors que les lycées sont la prérogative des régions. Un exemple où l’état favorise ses concurrents. J’ai révisé quelques une de mes idées reçues, pensant que ce n’était plus un problème, les curetons se raréfiant, mais dans la galaxie des organisations qui ont préparé cette révolution, il y a l’Opus Dei. Il y a encore 500 communes avec une école privée et pas de publique, les effectifs dans le privé sont en général plus faibles et la taille des établissements plus petits. Alors que les établissements publics sont sommés d’être autonomes, le privé en réseau est réactif puisqu’il n’est pas soumis aux obligations du public. Certains vont offrir des préparations à la formation de professeur du public. On pourrait croire que les ultras libéraux baisseraient d’un ton dans la période, pas du tout, ils sont au cœur de l’état sarkozien, avec le secours des ultras conservateurs qui tiennent le discours vantant l’école d’antan.
L’ancien IA de l’Isère a été limogé, après avoir été déplacé. Tout est calme.

vendredi 27 février 2009

On n’y voit rien. Daniel Arasse

Je n’avais pas compris pourquoi dans l’édition de poche, le tableau de Picasso « les Ménines » figurait sur la couverture d’un livre consacré à Bruegel, au Titien , au Tintoret ; et puis lors du dernier chapitre où Daniel Arasse détaille à son tour les Ménines de Vélasquez, l’explication arrive avec évidence. A partir d’une image, chacun compose à sa manière une interprétation qui recrée l’original. Si certains discours peuvent obscurcir notre vue, cet ouvrage d’un spécialiste de la renaissance italienne nous aide. A la façon d’un magicien qui gagne encore plus de notre admiration en dévoilant ses tours, il nous conduit avec humour « Marie-Madeleine, la putain tombée en sainte » et son érudition nous semble accessible. Dans les musées j’évitais les étages consacrés aux peintures mythologiques car je n’avais pas assez de références ; désormais, j’essaierai d’y porter plus d’attention. Ces tableaux tellement bavards me semblaient muets. La sophistication des symboles, les intentions des peintres peuvent entraîner des sur interprétations mais ces exercices appliqués par exemple à l’interprétation de la présence d’un escargot dans une scène de la visitation, nous amènent à apprendre à débusquer sous les évidences du quotidien, un sens profond.

jeudi 26 février 2009

Jean Achard

D’avoir laissé son nom à un lieu dans notre chef lieu de département, le natif de Sassenage a émoussé peut être de sa faculté à se laisser découvrir. La place aurait pris la place de l’artiste qui fera école à Proveysieux. Le musée Hébert à La Tronche convient bien à ces peintures assez classiques d’une campagne idéalisée, où les artistes commençaient à venir sur le champ. Nous pouvons voir d’autres tableaux que ceux qui sont installés au Musée de Grenoble. Paysages de montagne mais aussi de Normandie ou d’Egypte où il rejoint des Saint Simoniens expatriés là bas. Pour l’anecdote, nous sommes surpris à l’étage par des dessins des uniformes de ces adeptes du philosophe socialiste qui rêvaient de la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme. Entrée gratuite et photographies sans flash autorisées.

mercredi 25 février 2009

« The » langue étrangère. Faire classe # 22

« Depuis la toute première enfance, l’enfant devrait avoir deux langues, ce qui rend impossible une certaine étroitesse d’âme, un certain dédain pour autrui. Mais c’est un idéal, une utopie. » G. Steiner.
Je glisse cette petite pastille de Steiner pour aérer une réflexion qui risque d’être plombée par des insuffisances personnelles tenaces. Un des charmes de notre métier réside bien dans la diversité des centres d’intérêt. Mais ajouter la cornemuse aux divers instruments de l’homme orchestre, ça use la mule.
Le débat sur l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école s’est accéléré après la bonne fortune du linguiste Claude Hagège à "Apostrophe", quand les prescripteurs n’étaient ni Ruquier (ha ! Ha !) ni Ardisson (hin ! hin !). Sa conviction s’était avérée tellement communicative qu’il fut approuvé par tous et même la machine éducation nationale, promptement, se bougea : nominations avec profil, stages, assistants…pour des résultats me semble-t-il anodins.
Mon échantillon de profs d’anglais en collège, qui n’a pas perçu de progrès notoires depuis que des cours existent en primaire, ne constitue pas un panel assez large pour en tirer des généralités. Cependant, la légitimité de leurs avis vaudra bien celle d’expérimentations jamais évaluées : par exemple les cycles qui habitaient les circulaires mais pas la réalité.
Sur le terrain ces enseignants n’ont rien vu de durable et regrettent plutôt l’affaiblissement des capacités des élèves à apprendre et à repérer des structures grammaticales. Ne pourrait-on former des soupçons vis à vis de ce zèle inédit de l’administration quand les horaires de langue en sixième sont au plancher puisque des professeurs des écoles agréés (en vitesse) ont déjà formé (si peu) les néos-collégiens ? Prof d’anglais, c’est un métier. Faudra-t-il attendre son exposition dans un écomusée à côté du rétameur pour le reconnaître ?
De mon expérience personnelle, je ne retiens pas beaucoup de progrès par assistants interposés, américaines ou mauricien, scrupuleux ou désinvoltes, avec demi ou grand groupe. Ce n‘est pas faute d’avoir exploré, échangé, multiplié les supports, valorisé le travail qui présentait tous les attraits de la nouveauté. L’évidence de la pertinence de cet apprentissage éclata lorsque la classe, dans un téléphérique en route vers la mer de glace, entonna « Old Mac Donald », il s’ensuivit un gentil dialogue avec quelques touristes britanniques. Cette année là, une prof débutante assura amicalement quelques heures seulement pour sensibiliser mes mômes à l’anglais : elle savait y faire, elle.
La sixième perd ce charme des premières fois sans que les timidités adolescentes se résolvent, quand ce n’est pas la loi du silence qui s’impose aux filles dans certaines classes de collège. Mais faut pas dire, c’est pas la faute du pape.
Le désenchantement et le sentiment d’impuissance gagnent le collège unique qui lâche ses jeunes sur les chemins de l'orientation où tôt ou tard intervient la question de compétences. L’école s’ouvre à tous mais tous ne peuvent pas. Il y a trop loin des ambitions à la réalité. Comment accepter encore de retrouver la langue de bois en lisant les programmes édités par le ministère sur les soi-disant acquis linguistiques des élèves du primaire ? Comment sortira- t- on de la démagogie ambiante ?
L’oralité doit primer nous dit-on ; la vache espagnole « is french ». Il y a tant de demeures dans la maison de l’Oncle Sam. "The" bon accent : ça se discute. « Tri roupies » détrône Shakespeare : « Moi Ronald » « Toi Bill ». Tarzan n’use pas avec Jane de beaucoup de circonvolutions langagières. Cet anglais règne sans partage. Quant au rital, il se consolera du carton abandonné d’une Pizza …Hut.
L’étrangère ne s’apprend pas comme la maternelle. Alors la formation continue s’en remettra aux rencontres, à des voyages recadrés par les logiciels à reconnaissance vocale. Cette rose vision échappe à l’éduc.nat.
La supercherie de cette priorité ne trompe personne. Dans une séquence au collège : une fois enlevé le temps de l’installation, de correction des exercices, restent 35 minutes pour faire cours ou court et inciter à parler donc en comptant large 20 minutes pour 30 élèves = 40 secondes par élève. Des élèves s’entassent parfois à trente en collège.
En primaire, qui bénéficie d’un instituteur capable d’émailler sa journée de tournures, de vocabulaire, d’établir des ponts ? Ces bienheureux peuvent prétendre entrer dans un processus enrichissant : cette chance existe. Se pose la question du suivi, ces bonheurs peuvent s’oublier ou diffuser.
L'initiation à l’anglais s’empile par dessus d’autres nouvelles missions de l’école, au détriment de quels autres apprentissages ? L’horaire destiné au français en pâtit d’autant plus que l’engouement pour ce nouvel espéranto débarque dans un contexte où la France-qui-décline ne croit plus en son destin ni en sa langue. Lorsque les « bleus » ont le « blues », la nation a mal au crâne : dans quel état sommes nous tombés ?
« Le Monde de l’éducation » en souriait, le « Diplo » déplore. Le « Monde 2 » fait la photo.
A défaut du luxe d’une salle dédiée à l’anglais, les chansons me semblent un support efficace pour inventer une frontière à franchir afin d’aiguiser les curiosités. La musique s’installe, les mots semblent moins étranges, les blocages s’atténuent.
A l’école :
- Vous ferez de l’anglais.
- Mais je n’ai pas de formation...
- Vous passerez des cassettes.
Au collège…
- Vous remplacerez ce professeur de mathématiques.
- Mais je ne peux pas préparer un cours du jour au lendemain pour une classe inconnue.
- Vous passerez des cassettes.
« Ma cassette ! » Molière.
Des machines. Les psychologues consoleront les élèves à console dans leur solitude.
Ils consulteront sur la toile. Ils iront au Fight- club pour le contact.
Encore une touche à l’entreprise de démolition du travail des enseignants.
Quand un clavier ou un mange-disque remplace madame, qu’est ce qui peut rester de l’estime de soi, de la conviction à transmettre quand sont méprisés à ce point les contenus apportés aux élèves ?

mardi 24 février 2009

Navarin d’agneau

Et non le Navarro d’Hanin (Gloire à la Comtesse, reine du contrepet dans le Canard du mercredi).
L'agneau convient bien au goût évident du navet injustement méprisé. Prendre de préférence du collier, à faire trancher, plus goûteux que l’épaule délicieuse qui vaut aussi pour la dextérité dont doit faire preuve le boucher pour la désosser.
Rouler les morceaux dans la farine, les faire dorer dans l’huile avec oignons et ail.
Au bout de 10 minutes, ajouter de l’eau dans la cocotte avec le contenu d’un tube de concentré de tomates, un bouquet garni, sel, poivre. Laisser mijoter ¾ d’heure. La dernière fois j’ai fait cuire à part les navets, carottes, pomme de terre, j’ai privilégié leur personnalité plutôt que leur fondant, tellement fondant quand on met tout ensemble, que les légumes peuvent disparaître. Les navets sont excellents dorés dans du beurre puis cuits avec un bouillon Kub, ils peuvent être réduits en purée de même que les carottes et les pommes de terre, ça rajeunit un peu le look de ce plat pépère.

lundi 23 février 2009

Slumdog millionnaire

Les « chiens de bidonville » ont les crocs, mais ce n’est pas tous les jours que leurs souffrances sont récompensées par un pactole à faire rêver. Le prétexte à la surexposition médiatique d’un porteur de thé, à l’occasion d’un jeu télévisé où les réponses aux questions étaient contenues dans les épreuves de la vie du candidat est un ressort dramatique original, bien que parfois un peu systématique. Les scènes revenant à l’enfance sont virevoltantes et plus émouvantes que celles de la quête amoureuse, malgré le charme des acteurs. La dernière scène nous fait oublier les invraisemblances d’un scénario trop chargé : il s’agit bien d’une fable colorée, punchy. Penchant un peu trop à mon goût vers les cadrages obliques, même si cette esthétique nous rend l’Inde « terre de contrastes », plus familière.

dimanche 22 février 2009

Grenoble sous l’œil des photographes

Vingt jeunes grenoblois, qui se sont rencontrés sur le site de partage de photographies fickr.com, exposent à la galerie 8, dans la rue des Bons Enfants qui débouche sur le cinéma Le Club. La salle est vraiment exiguë mais le projet est sympathique, des photos sont à la disposition des visiteurs. Entre 14h et 18h du lundi au samedi jusqu’au 28 février. Ces amateurs revisitent à leur façon nos lieux communs de la cité olympique aux trois roses, aux trois tours, capitale de la houille blanche, des Alpes, de la noix, du gratin et des bulles.
La photographie, en illustration, a été prise au restaurant de la gare de Lyon.

samedi 21 février 2009

Participatif présent

Ce n’est pas sans raison que le monde politique souffre d’apparaître comme coupé des réalités du quotidien, de l’élu toujours réélu au militant des causes perdues.
Je donne raison à ceux qui peuvent trouver que mon zèle de néophyte dans mon implication au P.S. est aggravé par mes disponibilités de retraité; mais militant de base, j’ai toujours du mal à concevoir un parti où les professionnels élaboreraient seuls la ligne. L’adhérent étant sollicité de loin en loin pour coller quelques affiches, qui n’ont d’ailleurs jamais bouleversé un scrutin.
A propos, je ne me suis jamais senti si solidaire des poissonniers quand Séguela formule : « les poissonniers sentent le poisson, les publicitaires sentent le bonheur » ; n’aurait-il pas marché dans ce qui porterait bonheur, du pied gauche ?
Le naïf peut être redoutable de maladresses, qui ne saurait distinguer une compréhension tronquée, d’une mauvaise foi, et prendre pour des pratiques aux airs féodaux, de sincères reconnaissances.
En cette période de carnaval, sous le masque du bisounours, je peux examiner mon lot d’inélégances à mettre sur le dos de ces profs incorrigibles distributeurs de notes, mauvaises.
Où est l’irresponsabilité ? Mettre le doigt sur des faiblesses qui s’accommodent si bien avec les renoncements et chercher à faire évoluer un outil qui doit faire son miel des paroles libres, ou se taire. Bien au-delà des débats de personnes avec une Ségo et d’autres candidats à la caricature, prêts pour le bûcher des vanités.
Passons à présent, au participatif.
En poussant un peu la réflexion à ce sujet, je vérifie avec délice mon peu d’aptitude à l’obéissance, et je révise ce qui a constitué la part la plus intangible de mon engagement pédagogique : le goût de faire s’exprimer les autres, avec leurs différences. Mes propres incertitudes y trouvent leur remède. Et nous sommes plus forts un fois passés au feu des critiques. Veiller à ce qu'une fois refroidie, l’odeur de frittage, soit évacuée grâce au respect que se doivent les hommes de bonne volonté.
L’affirmation de soi passe par la confrontation, sinon les soliloques, déplaisants par surcroît, débouchent sur des impasses ; le bois pour les langues n’est plus de mode.
C’est bien dans nos fondamentaux : l’inscription des individus dans le collectif est valable pour améliorer des conditions de travail et de rémunération, mais notre épanouissement personnel passe aussi par la confrontation et l’entraide.
Dans ce refrain légèrement désuet du « tous ensemble », nous sommes au cœur de la résistance aux solitudes, aux compétitions individuelles.

vendredi 20 février 2009

Encyclopédie capricieuse du tout et du rien.

Je suis passé par tous mes états en lisant la dernière production de Charles Dantzig : 790 pages. Exaspéré au début, tant mon attente était déçue après son « dictionnaire égoïste de la littérature française » qui m’avait enchanté. Je trouvais que le titre de celui-ci pleinement justifié, tant il m’a semblé que le chroniqueur de France Inter commençait par l’exploration du rien et du n’importe quoi. Les villes qu’il évoque d’entrée avec des listes à peine entamées sonnent le creux : le snobisme le dispute à la banalité. Et puis je suis entré dans cette quête de l’impossible, j’ai partagé cette folle ambition de vouloir tout nommer, du plus futile au sublime : angoisse et jubilation. J’ai retrouvé son originalité, son humour, son érudition époustouflante. On avance à pas de géant dans ce pavé qui se lit comme un carnet. C’est toujours quand il parle de littérature qu’il excelle, avec son sens de la formule qui enchante. Sa rigueur s’accompagne de fragilité dans cette somme inachevée tellement personnelle, qui laisse toute sa place au lecteur. Si « tout livre est une tombe » celui là est revigorant, il ajoute de la profondeur à notre regard, même s’il souffle sans arrêt dans les trous de notre mémoire ou de notre inculture. Il y a la liste des « bons titres avec dimanche », la liste des « choses qui paraissent éternelles : un après midi d’été sous un soleil immuable … »
Je ne respecterai pas son conseil relevé dans « la liste des règles que je me suis faites : ne jamais répéter une citation faite par un autre ».
« Bons ou mauvais, je n’aime pas les souvenirs. Les mauvais sont pénibles. Les meilleurs sont les pires. » Paul Valéry.

jeudi 19 février 2009

Boulet. Notes

La bande dessinée, quoi qu’en disent certains auteurs, a un goût d’adolescence prononcé et Boulet qui arrive à ses 30 ans en souriant ne fait rien qu’à jouer de la naïveté. Il reprend aux éditions Shampoing les chroniques de son blog, très populaire, dans une version papier de 220 pages.
En colocation, aux prises avec son ordinateur, de dédicaces à Aubusson (Creuse) en centres culturels en Afrique, il varie les traits : du rigolo, au dessin d’observation classique, en passant par ses fantasmes de manga dans un foisonnement tendre et bienveillant. Un Larcenet pas encore papa. Ce "théâtre de la rue" nous repose; son blog est très mignon également. http://www.bouletcorp.com/blog/

mercredi 18 février 2009

Histoire. Faire classe # 21

« Pourquoi notre mémoire est-elle devenue un Clémenceau, un porte-gloire désarmé, un encombrant à recycler, une impureté immorale et assassine, une périssoire ingouvernable qu’on aurait trop chargée et trop peu délestée ? » J.P. Rioux
L'irrésistible modernité ringardise le journal de la veille. Les gazettes se réduisent en objets pour cercles avertis de plus en plus restreints. L’info nous coule dessus en temps réel. En temps réel : si le temps devient réel, lui ; il semble que c’est la réalité qui prend des allures virtuelles.
Grand-père, pardon, Papy passe beaucoup de temps devant son ordinateur pour garnir l’arbre généalogique de la famille. L’arbre est joli, mais ne pousse-t-il pas dans des jardinets aux murs qui s’élèvent ?
Dans l’épais volume de nos histoires, de notre histoire, glissons quelques signets pour mieux percevoir les liens qui nous unissent à nos contemporains et aux morts, pour porter une lumière sur les objets de nos vies. Vivons l’humanité en ses jours de fête.
Comme un certain président qui avouait en direct ne pas comprendre un jeune, je n’ai pas accepté tranquillement que certains de mes spectateurs restent indifférents à mes efforts pour partager les charmes de l’histoire. J’ai eu souvent plus de chance avec les garçons dont les parents venaient du Maghreb qu’avec certaines petites filles maintenues au royaume de Barbie. L’histoire constitue l’épine dorsale qui va structurer le temps d’une année scolaire, le socle pour la créativité et les projets.
« Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre
Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés
On voyait des clairons à leur poste gelés,
Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,
Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre. »
V. Hugo
J’ai privilégié cette matière parce qu’un prof me l’a donnée à aimer avec son humour et sa conviction. Les toujours assis verront flamberge au vent bien pathétique quand j’essaye de transmettre le passé afin de ne pas reproduire les comédies en tragédie, j‘essaye.
Des débats ont agité les chercheurs, rien n'est venu effleurer le terrain. Aucune conférence ni stage n'a porté sur le sujet.
Les hussards noirs ont cessé d'être invoqués au pied des marronniers de chaque rentrée. Pourtant la guerre des mémoires se déchaîne, les souffrances entrent en concurrence : difficile donc passionnant de poursuivre le récit d’une nation. Le passé colonial de la France, l’esclavage ressurgit. A défaut d’infléchir le présent, certains s’attardent à refaire le passé : c’est facile, oui, mais n’est ce pas un peu vrai ?
Depuis quelques années sur quatre pages concernant l’époque de Louis XIV, une était consacrée au commerce triangulaire et j’avais emprunté à Tardi une de ses planches pour ne pas ignorer que les tirailleurs sénégalais se battaient au premier rang dans les tranchées de la première guerre. Ces regards renouvelés sur notre passé honorent une culture vivante qui sait reconnaître ses erreurs. Ce n’est pas infamant pour le citoyen d’aujourd’hui ; par contre le refus de connaître, la négation de la raison, la perte de l’humour, l’enfouissement de l’esprit critique conduisent à la barbarie. Liberté de parole ; ah le beau temps des lumières ! Nous avons à mener ce combat aujourd’hui, malheureusement. Même si je me trouve dans la position de ces vieilles badernes qui suivaient le combat de leurs troupes à la jumelle du haut d’une colline : je n’exerce pas dans un lycée de banlieue où l’obscurantisme religieux pèse sur les cours. Il faut reprendre le mot laïcité qui a même servi à sa négation lorsque quelque débat fut recouvert sous un voile. Pépé, les calotins se sont remis à croasser !
Pour les méthodes, des enfants de dix ans ne peuvent réemprunter les chemins de « l’école des annales ». Ils manquent encore de culture pour interpréter des documents bruts, et ne peuvent aligner que des banalités. Certains manuels ne formulaient que des questions, aucune information. Leurs auteurs se font secouer en ce moment. Très bien !
Comme en chaque domaine, il convient de prendre connaissance de ce que savent les enfants, de la façon dont ils se représentent l’événement puis d’assumer l’enseignement frontal en n’hésitant pas à mettre en scène. L’incarnation n’a pas nuit à toutes les religions : dialogues de sans-culottes s’attelant aux cahiers de doléance, lettres de poilus… Un peu d’épopée que diable ! Avec moult anecdotes, l’histoire mythique et puis ne pas hésiter à situer les controverses : les représentations de la terre à géométries variables, les cités lacustres qui remontent sur les berges, Galilée … Ces exemples illustrent la notion de vérité d’un instant, vérité relative, ils introduisent la complexité.
Multiplier des entrées :
- courte séance de vidéo
- diapositives
- grandes gravures type Rossignol
- textes courts où s’expriment des points de vue divers concernant le même événement
- dessins humoristiques
- musiques : Marseillaise, Pauvre conscrit du Languedoc, l’Internationale, Bella ciao, Le chant des partisans, Le temps des cerises, Les canuts…
- livres documentaires pour approfondir dans un coin de la classe.
L’histoire ne se vit pas que dans les livres
- objets de brocante à manipuler : soldats de plomb, casques, masque à gaz, ticket de rationnement…
- maquettes : villa romaine, immeuble en coupe du XIX ième siècle, avion biplan…
Ces pièces figuraient dans le musée de la classe, elles auraient pu appartenir à un fond commun à l’école avec son squelette grandeur nature, sa collection de fossiles, ses kaléidoscopes - un cabinet des curiosités.
Concrétiser la durée :
- En guise de révision chacun apporte son dessin au thème négocié pour une bande de couleurs variées qui traversera la classe : de la « crèche » de Jésus aux tours jumelles. Chaque élève contribue à cette fresque chronologique, surtout pas achetée dans le commerce.
Les magazines pour enfants Milan ou Bayard presse proposent dans ce domaine des dessins simples et rigolos. Ainsi peut-on renouveler cette appropriation des icônes de l’histoire autour par exemple des inventions du XIX ième, que chacun présentera.
Les débats d’actualité donnent l’occasion de fixer quelques repères historiques. Si le journal très prisé dans les écoles, « Mon quotidien » pourvoit en infographies séduisantes entre Britney Speers et une vedette jetable de la Star Ac, il ne peut substituer l’aléatoire du jour le jour à la cohérence d’une progression magistrale. A l’issue de la scolarité, une heure dédiée chaque année au 11 novembre apparaît sans doute un peu lassant et la guerre de 14 hors de la continuité, un peu en l’air, anecdotique. De même, la révolution française tous les cent ans de la maternelle au C.M.2 s’inscrit dans une durée légèrement longuette.
L’histoire palpite dans les pierres, dans les paysages, dans les cœurs.
Les connaissances abordées dans les classes précédentes se révisent avec un parcours dans la ville pour saisir quelques traces du passé moyenâgeux, renaissance et royauté, le rapport de la province à l’état, la ville et ses remparts et au-delà, quelques noms de rue. Les promis du tourisme culturel surlignent au fur et à mesure leur trajet sur une carte et lèvent le nez au-dessus des boutiques de fringues.
Le voyage de fin d’année nous conduit en pèlerinage dans le Vercors : dans les cimetières, monuments autour de la résistance, un spécialiste nous déploie in situ quelques affiches de l’époque et des photos ainsi en abîme. A midi au pique-nique les enfants prennent le maquis. J’ai eu la chance de pouvoir faire appel à d’anciens résistants qui savaient user de beaucoup de pédagogie pour parler de leur jeunesse : de grands moments.

mardi 17 février 2009

« Ce jour où ce qu’on sait est devenu inutile » J.B. Pontalis *

Parfois je me dis cette phrase, pendant une insomnie. Je me démène sous ma couverture. Je me sens grise comme un soldat avant la bataille. Je veille, armée.
Ces jours où je me dis que ce que je sais est devenu inutile, ces jours-là, j’ai peur. J’ai peur d’être trop vivante, constat inouï, angoissant.
J’ai peur de me lever, j’ai peur du jour nouveau qui pointe, j’ai peur des minuscules prisons des habitudes, ces petits cercueils.
Alors je reste gisante sous la couverture.
Des couvertures, j’en ai à foison. Des bleues, des roses et des noires. Des unies et des chamarrées, des laineuses, des cotonneuses, des soyeuses, des écossaises, la somptueuse en mohair, si légère.
A l’abri sous mes couvertures, je me répète ce que je sais, je me raconte mes vies : je vis à l’étouffé. Je tricote entre les vieilles images et les récentes des contes improbables. Etais-je heureuse dans ce champ où le photographe m’a surprise endormie dans la plénitude de mes trente ans ? Etais-je malheureuse sur cette plage où je ne souris pas, où je regarde des enfants qui s’éclaboussent.
Oui, je me raconte ce que je sais de ma vie, ces bribes, comme fibres végétales palpitant doucement dans le vent de la mémoire. Souvenirs fugaces, instables, insaisissables, du sable.
Tout ce que je crois savoir de moi et qui ne me sert à rien. Des écrans, des enveloppes, des tchadors. Je sue, le souffle en suspend, lasse comme un poisson pris dans la vase d’une mare desséchée.
Et puis je me lève, je rejette le linceul tissé par l’insomnie. Je retrouve l’eau froide, puis les vaisseaux bleus du Vercors défiant l’espace, le ciel et la vallée. Les premiers pas du matin sont chaque jour les premiers pas de la vie. Hier n’est que fumée et demain dans la brume. Un merle siffle sans vergogne sur la gouttière, la lumière brise les fenêtres. Le monde est terrible, vivre est terrible, être soi est une terrible énigme.
Il est des nuits merveilleuses où je brûle toutes mes couvertures. Le sommeil m’emporte comme une mère. Mes rêves me disent que je suis une inconnue, que la seule tâche, la seule qui vaille la peine qu’on s’y livre, c’est d’accepter de se perdre en cette inconnue corps et biens. Alors je ne peux me dire guérie, mais il arrive que je m’espère sauvée.
Philomène
J.B.Pontalis est un écrivain contemporain édité chez Gallimard.
Son œuvre est marquée par son travail de psychanalyste, mais c’est une empreinte légère, pudique, modeste.
Je n’ai lu de lui que des œuvres faites de fragments par exemple, « Fenêtres », « Perdre de vue », « l’enfant des limbes »
J.B. Pontalis m’étonne au vieux sens de se prendre la foudre.

lundi 16 février 2009

Noces rebelles

Le titre n’est pas bien choisi, tant la rébellion porte un sens politique, alors que dans cette réalisation de Sam Mendes, c’est d’un malaise existentiel dont il s’agit, genre « tu la voyais pas comme ça ta vie ».
« Fenêtre panoramique », titre du livre de Richard Yates, qui a inspiré le film aurait mieux rendu le dilemme de l’ennui et des rêves.
Les années 50 couleur sépia avec ses vagues d’employés en chapeaux, appartiennent désormais à une autre époque. La secrétaire de si peu d’importance, comme les enfants, disparaissent dans le décor. Il faut bien le personnage du fou pour révéler les impostures, les lâchetés ; le procédé est d’ailleurs facile malgré la puissance des acteurs. Petites vies; mais sommes nous supérieurs aux autres, différents ?
La cinématographie française s’est souvent sentie plus exigeante que les productions américaines, eh bien, en lancement, un film avec Sophie Marceau ne faisait pas le poids avec ses bribes rigolotes, avant la performance de Leonardo DiCaprio et Kate Winslet.
C’est le film hollywoodien qui pose des questions graves sur le sens de la vie.
Et tout le monde n’a pas la possibilité de débrancher son sonotone quand les cris se font trop stridents.

dimanche 15 février 2009

Bashung

Bien des critiques mettent au plus haut « Bleu pétrole » la dernière production de la « force tranquille du rock ». Ils apprécient la tonalité pop folk de ce CD, qu’il a concocté pendant 6 ans avec de multiples collaborations. Pour moi cette production agit comme j’imagine l’effet produit chez les derviches tourneurs pris par les sonorités envoûtantes. « Les tristesses surannées ». Je me suis régalé, même si je n’ai pas suivi assidûment sa carrière. Je venais d’essayer plusieurs CD de nouveaux chanteurs recommandés par « Libé », « l’Obs », mais le sexagénaire les enterre tous, d’autant plus qu’il s’approprie quelques titres majeurs : « Susanna » de Léonard Cohen qui lui va très bien, ainsi que certaines chansons de Manset, le chanteur culte de toute une génération, la mienne.
« Je t’ai manquée pourquoi tu me visais »
« Un jour je parlerai moins jusqu’au jour où je ne parlerai plus »
« J’ai des doutes sur le changement de l’heure en été…
Est-ce que vous avez des doutes des idées des rêves des douceurs éveillés ?
Le goût de changer de route à prendre ou à laisser ? »

Il traîne un cancer.
Le phrasé, la voix nous suivent, ses musiques soignées nous enveloppent, ses atmosphères ont de la gueule.

vendredi 13 février 2009

Les Bidochons en H.L.M.

Si le journal »Libération » ne m’avait pas envoyé l’album pour bichonner le lecteur de quotidien après un an d’abonnement, je ne l’aurai pas acheté. Le succès des personnages de Binet dont le patronyme est devenu commun ne m’emballait pas. De la même façon que les Deschiens me mettaient mal à l’aise, le mépris accompagnant souvent le terme « les gens » qui conduirait celui qui utilise le terme, au dessus de l’ordinaire, irrite le « beauf » en moi qui ne sommeille que d’un œil. Ces albums, finalement sont pour les Bidochons et venant de Libé qui m’agace encore parfois pour ses positions élitistes, ce cadeau ne constitue-t-il pas un signe d’évolution de la gauche vis-à-vis du peuple qui n’est pas forcément gibier à populisme ?
La défaite politique de la gauche s’est préparée dans ce fossé creusé entre les élites fréquentant Rolland (Garros), amateur de whisky, méprisant Rolland (Thierry) et le pastis.
Ces 50 pages sont drôles, et il y a de la tendresse, et de la vérité.
L’association pour la défense des locataires se constitue :
«- Donc sur 250, trois seulement se sont excusés !
- Quatre avec monsieur Travel que j’ai rencontré ce matin et qui m’a dit d'aller me faire foutre avec nos conneries !
- Celui-là ça m’étonne pas !
- Il sera le premier à venir gueuler le jour où il y aura un problème. »

Faits d’école

J’apprécie François Dubet car dans les débats concernant l’école, il sait situer tout en nuances sa place de sociologue et il exprime les positions aussi bien des profs que des élèves, sans asséner de leçons. Il sait que les acteurs du milieu éducatif retiendront ce qu’ils voudront de ses études. Ainsi le syndicaliste se servira de ses écrits quand il évoque la violence sociale extérieure mais ne semble pas avoir lu les lignes concernant la violence interne. Ce qui tranche avec les autres publications, c’est qu’il n’ignore pas les blocages, il ne les méprise pas, il les comprend, il sait reconnaître la pertinence d’arguments contraires à ses inclinations au sujet par exemple de la baisse du niveau, des vertus du redoublement, des répercussions de la taille des classes…
Les fonctions de l’école sont bien la distribution, la transmission, l'éducation tout en ménageant la nécessité de l’égalité et celle du mérite : vastes programmes pour Sisyphe au ministère.
Des questionnements stimulants : « à qui appartient l’école ? », des observations éclairantes : « le déplacement des tensions du système vers les individus ». En annexe la reprise d’un de ses articles dans Libé, où il défendait le collège unique contre la proposition de J.L. Mélenchon qui souhaitait rétablir des filières professionnelles dès la classe de quatrième ... en 2001.
Le temps d’un livre, on pense voir un peu plus clair, et il suffit d’un coup de ciseaux sur une joue professorale, et d’une pique jargonnante « des tendanciels systémiques » pour que les bras vous tombent. J’ai du temps pour me pencher sur ces papiers là, et je n’ai plus de bras, d’où ma molle lecture. Mais quand on voit le déni des travaux les plus documentés consacrés par exemple au rythme des enfants, le lecteur amateur peut avoir la tentation de replonger dans un recueil de poésies pour une efficacité égale. Ceux qui ont à épauler les jeunes vers l’avenir peuvent-il porter leur regard par- dessus la circulaire du jour, sont-ils condamnés à la défensive symétrique d’une volonté de rabaisser le débat au niveau des couches-culottes ?

jeudi 12 février 2009

Saul Leiter

Dans la jolie collection noire, "photo poche" chez Acte Sud, à un prix abordable, des photographies des années 50/60 en milieu urbain. Des cadrages encore originaux aujourd’hui : des reflets, des encadrements de magasins pour des lignes fortes. La vérité d’un instant peut se trouver à hauteur de semelle et la vivacité d’un parapluie rouge gagner à se situer en bordure. L’américain a fréquenté les milieux de l’abstraction lyrique et le nom de Rothko est évoqué pour le situer avec ses couleurs évidentes. Je viens de découvrir Saul Leiter et je reconnaîtrai sa patte.

mercredi 11 février 2009

Hiérarchie. Faire classe # 20

Nous étions si heureux, au milieu de la rue en chantant :
« La hiérarchie, c’est comme les étagères, plus c’est haut, moins ça sert »
Parfois nous pouvons penser que nous avons gagné en familiarité avec les têtes d’affiche, à défaut d’égalité.
Sur la toile, tout un chacun accède à l’expression.
Clic ! Clic ! : Finky, Ségo, Titinne se font alpaguer mieux qu’au coin de la rue :
plus de maîtres-penseurs, plus de maître, plus de…
Nous sommes à tu et à toi, à tue-tête. C’est le forum en mon fauteuil, la démocratie.
Et si l’on soulevait le voile, la toile ?
Dans le milieu enseignant, il me semble que le conformisme gagne.
Tout n’est pas perdu : nous nous épargnons quelque fatigue avec les pompeux persuadés de leur vérité. Les particularismes maintenant s’assouvissent en sites, en réseaux, mais en dehors des cohortes sonorisées, il n’y a plus trop de voix dissonantes dans les assemblées.
De mon temps les inspections se raréfiaient, les inspecteurs s’éloignaient, dans une nuée de paperasses. Dans ce domaine de l’encadrement encore plus qu'ailleurs, je ne sais mesurer l’étendue des dégâts. Mes collègues toujours sur le terrain pensent me consoler: « tu es parti au bon moment ! »
Il m’était arrivé de déplorer un acquis syndical demandant aux inspecteurs d’avertir de leurs venues. Pourtant jadis, j’avais même milité pour leur retour aux champs. L’illusion d’une inspection précédée parfois de répétitions ne trompe pas un œil averti. De toutes façons, la note est péréquée : tout va bien. Paradoxalement cette visite annoncée sacralise l’inspection. Tout le monde tremble lors de cet événement exceptionnel. Sommes-nous si fragiles, peu sûrs de nous que des instructions officielles changeantes nous agréent à tous les coups.
Il n’y a pas si longtemps, les inspecteurs exerçaient leur autorité sans excès. Maintenant l’ordre règne.
Les protestations visent parfois un ministre lointain, mais il est rare que l’on rétorque à son inspecteur, que l’on s’oppose à un conseiller municipal.
Il y a bien aussi le retour sournois des maîtres- directeurs, faute de directeurs. Des adjoints s’étant défaussé de leurs responsabilités tandis que d’autres soignent leur plan de carrière : bénéfice réciproque. Le chef trônera plus près de chez vous.
« Si je viens m’immiscer ainsi au milieu des…
Non, la ligne est barrée.
Si je peux me permettre de m’adresser à vous…
Non plus. Pourquoi ce ton contrit ? Mieux vaut une formule plus directe et plus ferme :
Monsieur, je m’adresse à vous en ma qualité de directeur de l’Ecole Universelle, et au nom d’un grand nombre des hommes de cette région…
La formule est plus fière, mon aïeul la conserve. »
A. Maalouf

mardi 10 février 2009

Expressions dauphinoises.

Concentrés de phrases inspirés du Petit dictionnaire des expressions dauphinoises de Christian Perrin Toinin 14€ aux éditions Arthéna, grand succès en librairie et en tabac journaux.
Pour les « magnauds » :
« Les bardelles se sont abadées.
Je suis fâché après mon belu de voisin et sa femme qui est un vrai cardon.
Je vais tacher moyen de retrouver ma cravate mais elle est à point d’endroit.
En patalant, le matru s’est pris un bon gadin. Il en a mais fait un rat pourtant ça l’empêchera pas de vionzer la prochaine fois.
C’n’est pas la peine de niouler, n’importe comment, si tu finis pas le gratin d’herbes et il va pas te reprocher, tu n’auras pas de salade de saramejou. »

Proverbe à propos des cheveux blancs :
« Peu importe qu’il y ait de la neige sur le toit pourvu qu’il y ait du feu dans la cheminée »

lundi 9 février 2009

Les trois singes

J’avais beaucoup aimé deux films précédents du réalisateur Ceylan : « Usak », « les climats ». Toutes les conditions étaient réunies pour présenter un film convaincant : des acteurs denses, le thème du pouvoir et du mensonge, une esthétique forte, mais la lenteur devient un système qui ne convient peut être pas à ce genre de film. Ce prix de la mise en scène à Cannes m’a laissé à distance.

dimanche 8 février 2009

"Tu nous as vus"

Cabaret Chromatic

Joli spectacle original à voir en famille ou avec sa classe : on peut s’amuser à reconnaître 17 tableaux de Bosch à Kandinsky animés par des artistes circassiens, des danseurs, des musiciens plein d’allégresse. Deux personnages sortis d’une bande dessinée de Gottlieb, dont Newton, nous servent de guides. Leurs bavardages disparaissent bien vite sous les vives couleurs de tambours de flamme qui prolongent « la forge » de Le Nain ou sous la virtuosité de l'acrobate au mât chinois du "Radeau de la méduse". Une Marianne échappée du tableau de Delacroix apparaît si fragile sur son fil. Little Némo se retrouve dans le lit géant de Van Gogh et la célébration de la terre croise les images de Millet et la puissance d’une danse aux racines africaines : un spectacle inventif.

samedi 7 février 2009

« La banque croûte et l’université jeûne »

Les slogans trouvent parfois la formule magique, et la postérité de 68 a tenu aussi à quelques bouquets de mots bien assortis. Cette phrase en titre prise sur une banderole de 2009 résume toute l’absurdité du système et son injustice.
Mais il n’en va pas toujours ainsi et bien des mots perdent de leur vérité.
« Maman, je t’aime, attache moi… » Les panneaux lumineux sur les autoroutes s’essayent à l’originalité, mais à afficher ainsi les sentiments les plus intimes ne les épuise-t-on pas ?
L’autre jour un chroniqueur s’insurgeait des développements culpabilisants concernant les places réservées aux handicapés : « si tu prends ma place, prends mon handicap » comme si une information ne suffisait pas.
Que de temps, de salive perdue à expliquer : « tu sais ce n’est pas bien de taper sur ton camarade ». Allons le dire dans les cours de récréation à Gaza !
Les mots n’ont plus de sens quand il faut mettre de l’amour derrière une ceinture de sécurité. Quand « enfoiré » est devenu un mot chaleureux ou lorsque Darcos dit valoriser le soutien scolaire quand il supprime massivement des postes de personnels spécialisés dans le soutien.
Dupliqués les clichés deviennent ridicules, ainsi jeudi dernier, l’expression« jeudi noir » compilée, propagée jusqu’à devenir transparente, a-t-elle suscité un petit additif le lendemain après le succès des manifestations : « jeudi noir…de monde » ?

vendredi 6 février 2009

« Où on va papa ? »

Se lit en un éclair et vous traverse comme une flèche. Jean Louis Fournier est le papa de deux enfants « pas comme les autres », il en parle avec amour, humour, noirs. « Je me moque moi-même de mes enfants. C’est mon privilège de père ». Terrible. Je n’avais pas tout apprécié de cet auteur qui avait un peu allongé la sauce dans sa grammaire impertinente mais dans ce livre où l’objet transcende tout jugement, je me mettrais volontiers de son côté contre les critiques de certaines belles âmes. Il a eu le prix Fémina et un grand succès de librairie. Un des deux enfants est mort : « Maintenant Mathieu est parti chercher sa balle tout seul. Il l’a jetée trop loin. Dans un endroit où on ne pourra plus l’aider à la récupérer ». C’est tout le long comme cela : intense, essentiel.
J’ai trouvé sur un site cette vidéo dont il est l’auteur, en ayant lu le livre, ce qui est drôle dans cette petite histoire prend une dimension poignante.

jeudi 5 février 2009

Musée Géo Charles

Le seul musée en France qui associe l’art et le sport se trouve à Echirolles.
La veuve de l’écrivain collectionneur a légué des œuvres de Derain, Delaunay, Léger que son mari avait acquises lors de sa vie dans le Montparnasse brillant des années trente.
Des œuvres contemporaines alimentent des expositions temporaires.
Le corps et l’esprit, les pieds et la main, les intellectuels s’encanaillent dans les tribunes populaires, l’encre et la sueur, PSG et NRF.
Un lieu familier avec des œuvres originales et un point de vue qui me convient complètement.
Même si je n’étonne plus grand monde, j’aime bien répondre par exemple, au questionnaire de Proust revu par Pivot :
- Quel personnage pour illustrer un nouveau billet de banque ?
- Yohan Gourcuff !