jeudi 2 mars 2017

Le monde de Toulouse Lautrec # 2. Gilles Genty.

Avant de mettre en place une exposition Toulouse Lautrec à Martigny, le conférencier qui va poursuivre sa carrière au Canada, intervenait pour la dernière fois devant les amis du musée de Grenoble. Ce deuxième exposé autour de Montmartre de 1875 à 1905 intitulé «  Paris trottine » va traiter de « la rue qui flirte, qui rit, qui pleure, qui gronde ».
La rue, lieu de commémoration.
Paris effondré, éventré, vingt ans après 1870, porte encore les stigmates de l’empire mis à bas et de la Commune écrasée, dont on ne sait toujours pas le nombre exact de morts. Exposé au musée d’art et d’histoire de Saint Denis,  « Plaisanteries devant le cadavre d’un communard » d’un anonyme, réunit, prêtre, bourgeois et élégants devant le « partageux » gisant parmi les ruines.
L’exposition universelle de1878 et la multiplication des statues dédiées aux grands hommes qui ont fait la France doivent célébrer la renaissance du pays.
Le 30 juin est consacré à « la paix et au travail » et vise à conforter le régime républicain encore fragile. « La rue Montorgueil » de Monet, célèbre cette journée et non pas le 14 juillet qui deviendra fête nationale en 1880,
comme en témoigne Alfred Roll : « Le 14 juillet 1880, inauguration du monument à la République »
Sur « La Place Clichy » par Edmond Grandjean, le monument du maréchal de Moncey qui a résisté aux cosaques vient d’être érigé à l’emplacement  d’une ancienne barrière des fermiers généraux.
La rue, lieu de festivités. 
Des fêtes foraines décorées par des artistes s’implantent provisoirement où s’élevaient les  enceintes de la capitale désormais arasées. 
Signac faisait partie du groupe du « Petit Boulevard », il peint : « Le boulevard de Clichy, la neige »
Paul Chocarne-Moreau multiplie les scénettes comme celle  « Des bons amis ».
La rue, lieu d’investissement artistique.
Pour la publicité des affiches Verneau, « La Rue », où sont réunies quelques « trottins », la lithographie de Steinlen est composée de 6 lés tant la dimension est importante ( 2,38 m X 3,04 m). La fragilité des supports a amené des transpositions en carreaux de céramique, la rue devenant alors un musée en plein air.
La rue, lieu de transgression. 
La « Mascarade descendant les Champs-Elysées »  de Georges-Antoine Rochegrosse,  regroupe vivement et poétiquement des représentations de courants artistiques divers.
Toulouse Lautrec avait placé « Le père la pudeur » en fâcheuse posture devant « La vache enragée » qui est aussi le titre d’un journal, lors d’une « valchacade » comme on dit « cavalcade ». http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/01/le-monde-de-toulouse-lautrec-gilles.html
La rue, lieu de revendications.
« La grève au Creusot » des ouvriers de Schneider est la plus célèbre des toiles de Jules Adler, le peintre des humbles. Aristide Bruant chantait à cette époque:
« Pour gouverner, il faut avoir
Manteaux ou rubans en sautoir
Nous en tissons pour vous grands de la terre
Et nous, pauvres canuts, sans drap on nous enterre »
La rue, lieu de désirs, de regards, de transactions (illicites).
Toulouse Lautrec fréquente les maisons closes au moment de leur déclin, mais ses représentations ne sont jamais avilissantes.
« Le spectateur n’est pas un voyeur, mais un témoin ». « Au salon de la rue des moulins » l’attente est ennuyeuse.
Jean-Louis Forain est plus direct : « Le client » fait son marché. Degas dit de ce concurrent qu’ « il peint la main dans la poche » pour signifier qu’il emprunte volontiers aux autres.
L’exode rural a jeté sur le pavé bien des « grisettes » travaillant dans la mode et se prostituant occasionnellement. « Prostituer » signifie au départ  « mettre en avant, exposer au public » avant de tourner au péjoratif : « avilir ». Les artistes ont rencontré fatalement ce monde dont ils reflètent quelques facettes :
De « Madame Valtesse de la Bigne », aux airs printaniers, une grande horizontale, peinte par Henri Gervex qui aurait inspiré la Nana de Zola
à « La cocotte » de Van Dongen qui disait pourtant « la femme est le plus beau des paysages », on ne peut plus morbide.
Quand Félicien Rops y va carrément : «  À vendre »
la « Femme aux Champs-Élysées la nuit » de Louis Anquetin, apparaissait quand s’allumaient les becs de gaz, on disait « Belle de nuit ».

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