jeudi 23 février 2023

Keith Haring. Damien Capelazzi.

Le conférencier présente devant les amis du musée de Grenoble, le turbulent dessinateur qui voulait devenir « artiste en France », dès son enfance en Pennsylvanie où il est né en 1958.« Keith Haring, Autoportrait »
Ses formes stylisées, cernées de noir viennent des BD paternelles et de Dubuffet chercheur d’art chez les fous, du temps des surréalistes, « Ontogénèse ».
L’expressionisme naïf d’Alechinski, « Voilée comme une mariée », sa liberté de geste lui donnent confiance avec des vignettes commentant le motif central comme autant de « remarques marginales » ainsi que disent les typographes.
Il découvre avec Cristo, l’importance de l’art dans l’espace public.  
« Art is the message », la beauté n’est pas que pour l’élite.
Par ailleurs, « Running Fence », peut rappeler par son gigantisme (37km) que le sentiment de Dieu, ayant pourtant perdu de sa superbe dans les pays riches, vient combler les grands espaces de la patrie de Gerarld Ford.
Haring réalise des collages à partir de journaux au moment où l’épisode du Watergate a montré la puissance de la presse, il détourne des publicités. Il avait rencontré un des membres éminent de la « beat génération », William Burroughs adepte du « cut-up » avec des textes nés de découpages d’autres écrits, puisque la poésie est un bien public.
L’art conceptuel de « Marcel Duchamp en Rrose Sélavy », à la consonance juive,  
« Éros, c'est la vie », comme l’art abstrait apparaissent  finalement trop complexes.
Bien que les dématérialisations de Kosuth « Neon »
ou les panneaux de Jenny Holzer éclairent. « Protect me from what I want».
Mais c’est Warhol en refusant toute hiérarchie dans l’art qui va motiver toute cette nouvelle génération, en anoblissant les objets du quotidien comme le fit
Le Caravage avec les « putains ». « Campbell's Soup Cans ».
« L’amoureux de la culture la plus savante comme de la plus populaire » 
va renouveler le graffiti urbain, performatif et spontané. 
« Lichtenstein, Mapplethorpe, Schnabel, Rauschenberg, Basquiat, Haring » connectent street art, rap, hip-hop.
Avant sa première exposition chez Tony Shafrazi, il dessine à la craie dans le métro sur des espaces publicitaires vides.
Pendant cinq ans, il réalise 5000 dessins dans une urgence qui va conditionner son style.
Il a trouvé son public qui dans « The Radiant Baby », reconnait une énergie, une innocence, un optimisme dont la société a tellement besoin.
« Retrospect »
Son vocabulaire « simple pour les enfants et trop compliqué pour les adultes » est reconnaissable à ses dauphins, postes de télévision, masques, chiens aboyeurs protecteurs ou menaçants, serpents, anges, danseurs, soucoupes volantes...
où peut se retrouver l’allure des « Géoglyphes de Nazca » au Pérou.
Il organise des expositions et des performances au Club 57, au Mudd club fréquenté par Madonna, compagne de Basquiat, dans une effervescence digne des cabarets berlinois des années 20.
Il peint le corps« primitif et pop »  de Grace Jones chanteuse disco au Paradise garage.
«Ignorance = Peur», «Silence = mort»
Depuis toujours engagé contre le racisme, l’homophobie, le nucléaire, son dernier combat concerne le Sida dont il meurt en 1990 à l’âge de 31 ans.
Sa fondation lègue à l’Eglise Saint Eustache « La vie du Christ », triptyque réalisé sur argile puis fondu en bronze recouvert d’une patine à l’or blanc.
Il avait peint dans les toilettes d’Act Up : « 
Once Upon a Time »,
« An assortment of accessories from the Keith Haring x CASETiFY »
Dès 86 son Pop Shop permet d’acquérir ses œuvres « au détail », autrement dits des produits dérivés : vêtements, posters, mugs ... 
« L’art n’est pas une activité élitiste réservée à l’appréciation d’un nombre réduit d’amateurs, il s'adresse à tout le monde. » 

mercredi 22 février 2023

Sur la route d’Angoulême.

Une fois le réservoir rempli dans une station d’essence à Auchan, nous optons pour le chemin des écoliers à travers la campagne périgourdine en suivant un itinéraire alternatif du GPS.
Il nous dirige vers une route des cimes, puis vers Allemans où nous nous arrêtons pour admirer dans un bel espace herbeux, bien fauché  un ensemble  avec une église surmontée de son clocher du style de Saint Front et un manoir sans doute municipal aujourd’hui, mais clos dans l’attente de dons pour rénovations. Un village bien joli mais désert : Personne n’arpente les rues hormis une dame d’un certain âge regagnant son logis, aucun bar n’est ouvert pour accueillir les vieux retraités, le travailleur rural en pause ou le rare touriste désireux de siroter son café dans une ambiance « authentique ».
Nous quittons Allemans, sans la boisson convoitée et cheminons tranquillement  jusqu’à Angoulême. Nous y parvenons vers 11h30.
Nous traversons une ville avec des rues montantes et descendantes, sans gout ni grâce au niveau architectural, sans attraits particuliers, et tentons de gagner le centre-ville, alors que les panneaux municipaux nous dirigent invariablement devant la maison d’arrêt.
Mais soyons positifs, nous tombons ainsi au hasard devant quelques murs décorés avec des héros de BD : Angoulême, capitale du 9ème art !
Nous réussissons difficilement à dégoter une place de parking dans une ruelle par derrière la place de l’hôtel de ville, assez bien située pour se rendre à l’Office du tourisme.
Celui-ci réside dans une partie d’un château fortifié équipé d’une grosse tour qui sert aujourd’hui de mairie.
Mais contrairement à d’habitude nous n’obtenons pas beaucoup d’informations ni de propositions sur des opportunités touristiques ou saisonnières, l’employé suffisant camouflant ses manquements derrière quelques blagues pour séduire des ados accompagnés de leurs parents. Nous repartons avec quand même un plan et quelques prospectus glanés sur les étagères.
Nous nous éloignons vers les belles halles de métal et de verre dans lesquelles nous pénétrons. Tandis que nous baguenaudons entre les étals bien présentés, T et J, nos hôtes charentais nous téléphonent pour avancer notre accueil dans leur maison, embêtés mais contraints par des rendez- vous médicaux.
N’ayant pas décidés encore de notre emploi du temps, cela ne nous pose aucun problème  nous partons donc  pour Magnac sur Touvre. La maison des années 70 avec balcon en fer forgé  fait partie d’un lotissement  résidentiel dans une rue tranquille. T. entretient avec soin son jardin bien fleuri et riche de toutes sortes de plantes : agrumes (citrons), plantes grasses, plantes aquatiques... Notre appartement indépendant s’ouvre sur l’arrière de la maison, au milieu des arbres et de  la verdure, il est gratifié d’une terrasse et d’une table pour profiter de l’extérieur. A l’intérieur, l’espace se partage entre une chambre contigüe à une salle à manger/cuisine, et une buanderie permettant l’accès à la salle de bain. Ce logement fonctionnel avait été prévu pour loger les vieux parents des propriétaires aujourd’hui décédés. Une fois installés et sur les conseils bien avisés de T, nous partons déjeuner au p’tit Magnac en voiture car le centre du village n’est pas tout près.
Le restaurant dispose d’une cour intérieure ombragée,  étonnamment fréquentée,  avec un personnel zélé et agréable qui s’affaire à contenter la clientèle. Nous nous installons à une petite table contre le mur d’une ancienne galerie protégée du soleil. Nous nous régalons d’une salade périgourdine, d’un verre de rouge bordelais pour l’un, charentais pour l’autre, et d’un café gourmand. 
Pour digérer, nous nous promenons dans le village, jusqu’à la magnifique église romane du XII° dédiée à Saint  Cybard. Elle forme un joli ensemble avec le
lavoir, en contrebas au bord de la Touvre, qui fait face à des essacs et des anguillards, noms donnés à ces « installations autrefois destinées à capturer des poissons ».
Nous engageons la conversation avec un pêcheur placé au milieu du pont ; de là il épie son comparse immergé dans le lit de la rivière jusqu’à mi-cuisses pour la pratique de la pêche au fouet et commente les opérations du haut de  son perchoir.
Au cours de la discussion, il regrette la présence de la pisciculture que l’on aperçoit de l’autre côté qu’il accuse de polluer la « rivière réputée dans toute l’Europe pour ses truites ».
Pourtant, des cygnes blancs et noirs, des poules d’eau et autres oiseaux  investissent les lieux et s’y baignent, sans être visiblement incommodés par  une eau dégradée. Il dénonce aussi l’arrivée de foulques, il leur reproche leur bêtise et leur agressivité vis-à-vis des canetons ; il est vrai que les gastronomes de la région apprécient particulièrement ces derniers …. Une concurrence impardonnable.

mardi 21 février 2023

Apache. Alex W. Inker.

Un ancien de Cayenne et de Biribi remonte de sa cave quand une chignole avec chauffeur tombe en panne devant son rade, une poule débarque au comptoir pour s’enfiler un Picon citron pendant que son julot va suivre les courses de gayes à la TSF…
Nous sommes dans l’après guerre avec boxeur tatoué retiré des rings, histoire de pèze et anciens piou piou manieurs de rosalies (baïonnettes) au milieu des marmites(gros obus). 
Ils n’ont pas perdu leurs habitudes homicides.
Je livre un condensé de l’argot employé au cours de ce récit noir archétypal qui n’effraie guère, tant les personnages sont caricaturaux et le graphisme plaisant quoiqu’un peu raide, dans un format à l’italienne élégant.
Les 123 pages au scénario limpide sont vite lues. 
Une sèche, un coup d’eau d’Affe et au pieu !   

lundi 20 février 2023

Domingo et la brume. Ariel Escalante Meza.

Au Costa-Rica, Domingo, un vieux monsieur ne cède pas aux propositions de ceux qui veulent acheter sa maison pour construire une route. 
Le personnage évite d’être irréprochable dans le combat à coups de fusil, des pauvres contre les promoteurs.
Les vapeurs alcoolisées parfois, propices à l’apparition de sa femme disparue, envahissent la demeure.
Les brumes qui recouvrent les collines auraient été suffisantes pour donner une dimension poétique au film finalement assez peu politique mais sûrement soporifique malgré une bande son remarquable.

dimanche 19 février 2023

Starmania. La Seine musicale.

« Quand on arrive en ville » ainsi que le clame une des chansons entrainante de la comédie musicale de retour à Boulogne, le provincial a tendance à aller vers les lumières des succès immémoriaux de quarante ans d’âge. 
« Le blues du businessman » comme il est nommé dans Le Petit Prince fut chanté par Tapie et si «Le monde est stone »,
il y a toujours possibilité de se tenir «Les uns contre les autres » 
car «SOS d’un terrien en détresse »:
on a toujours «Besoin d’amour». 
L’œuvre quarantenaire vue par six millions de personnes peut être jugée prophétique, sans les stigmates du temps, même si Balavoine, Diane Dufresne, FabienneThibeault, France Gall, Maurane ne sont plus à l’affiche.
L’opéra rock de Michel Berger et Luc Plamondon en met plein les yeux et ses musiques évincent en les esthétisant la fascination face à la violence, voire les délices d’un abandon à son ravisseur.
L’underground aux obscurités attirantes n’est pas si loin des lanternes scintillantes du showbiz et les rêves de notoriété, les gourous, les manipulations sont toujours d’actualité. 
Les patronymes Zéro Janvier, Johnny Rockfort, Cristal, qui pourraient figurer dans quelque BD facile sont transparents et tous les chanteur.se.s ne sont pas à la hauteur de Marie-Jeanne, mais dans une salle de la taille d’un stade pour un spectacle de trois heures, on serait amené à dire qu’on en a pour son argent (75 € la place quand même).
 

samedi 18 février 2023

Le goût de l’adieu.

Ce livre mince d’un peu plus de cent pages écrites en petit est un grand livre.
Je savais que je trouverai dans ce recueil d’hommages rendus aux morts, le discours de Malraux en hommage à Jean Moulin qui à l’oreille ou en tournant les pages m’émeut  toujours au plus profond. 
«Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège.» 
D' impérissables plumes s’expriment avec Hugo bien entendu dans l’éloge funèbre à Balzac et à Georges Sand:
«Je pleure une morte, je célèbre une immortelle !» 
Plus inattendus sont les mots de Sartre à Camus auquel il n’adressait plus la parole et le poème de Mallarmé à Verlaine.
Martin Luther King avait prévu sa propre oraison et la dernière lettre de Marie Antoinette avant d’être guillotinée est poignante : 
«Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu’ils m’ont fait.» 
Villon était dans la même situation quand il a écrit la balade des pendus, mais a échappé à la pendaison. 
«Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !»
 
Commencées avec Périclès s’exprimant pour les soldats morts pendant la guerre du Péloponnèse :
«Les hommes éminents ont la terre entière pour tombeau.»
les interventions situées avec clarté dans leur contexte se terminent par « Salut ma poule ! » d’Attali pour Coluche.
L’oraison de Bossuet à l’égard d’Henriette d’Angleterre est un sommet, pas seulement d’éloquence mais d’émotion :
«Madame cependant a passé du matin au soir, ainsi que l’herbe des champs; 
le matin elle fleurissait; avec quelles grâces, vous le savez: 
le soir nous la vîmes séchée » 
Massillon inconnu à mon bataillon est à la hauteur pour Louis XIV : 
«Aviez-vous cru que les rois étaient immortels ? » 
Moravia pour Pasolini, Zola pour Maupassant, Anatole France pour Zola, Mauriac pour Proust, Zweig pour Freud, sont sincères et élèvent les qualités des morts au dessus d’une destinée particulière.  
Oprah Winfrey parle puissamment de Rosa Parks. 
Il ne pouvait y avoir qu’Obama pour Mandela et Fidel pour le Che, Cocteau pour Mistinguett et Pierre Bergé pour Saint Laurent : 
«C’est à toi que je m’adresse, à toi qui ne m’entends pas, qui ne me réponds pas. » 

vendredi 17 février 2023

Blog au bloc.

Lors d’une semaine où mes petits enfants ont essayé de mettre des étoiles au bout de leurs spatules, je me suis cassé un bras dans un escalier, loin des pistes, « bras cassé ».
Mon séjour à l’hôpital après une prise en charge efficace et des soins par un personnel aguerri aurait pu être l’occasion de quelques brèves de couloir pour aborder le sujet de la santé. 
Chaque intervenant accompagné d’une personne en formation dans cet établissement universitaire crédibilise la qualité et l’importance de l’enseignement français quand des cliniques canadiennes viennent proposer des salaires de 4500 € aux apprentis infirmiers. 
Ma recherche de témoignages authentiques s’en tiendra à une vigoureuse déclaration d’un brancardier complice en tant que supporter de l’OM: 
«Je ne vais pas te voir longtemps, mais je t’aime, toi ! » 
Un autre conducteur de lit à roulettes m’avait dit parcourir parfois 15 km dans les labyrinthes de cette maison abritant 9000 travailleurs où les gros bras ne sont pas les seuls à être tatoués.
Je ne retiendrai pas - irruption de la vie - les retrouvailles parfois bruyantes d’agents hospitaliers alors que le sommeil venait enfin sur le matin, pas plus que les regrets de certains de ne pouvoir guère se lier avec les patients : on n’est pas là pour se faire des amis !
Vu depuis mon lit, le service de traumatologie alimenté par les nombreux accidentés du ski, ne m’a pas semblé débordé dans cette période cruciale, malgré la présence de nombreux chirurgiens … sur les pistes.
Je ne saurai me hasarder à émettre quelques généralités à partir de bribes de réalité quand
Vladimir Jankelevitch parlait de « la vérité comme une fine pointe », bien émoussée en ces temps, mais il revient à mon secours : 
« La lueur timide, l'instant-éclair, le silence, les signes évasifs ; c'est sous cette forme que choisissent de se faire connaître les choses les plus importantes de la vie. »
J’ai apprécié d’un juvénile voisin de chambre, sa vitalité, sa détermination et constaté les performances d’une chirurgie lui permettant de persister dans ses projets, lorsqu’il s’est levé le jour suivant son opération de la colonne vertébrale.
J’avais remarqué aussi lors de la venue de sa famille que le second degré n’avait pas disparu de tous les lieux comme je le craignais, le nez trop collé aux écrans.
Celui qui l’avait précédé, arrivé en hélicoptère, était reparti à Clermont-Ferrand en ambulance : nous sommes bien assurés dans ce pays.
Fréquenter, à proximité du cimetière des Sablons, l’hôpital, beau lieu de défense de la vie, conduit banalement à reconsidérer certaines valeurs et apprécier le privilège de vivre en France.
Notre confort, à l’image de la Suède, jadis pays modèle qui connaissait pourtant le taux de suicides le plus important, conduit  parfois à l’aveuglement, quand des mesures avancées pour pérenniser la solidarité entre générations suscitent tant d'hostilité où se mettent en scène les fatigues démocratiques.
« A  propos de la répartition des sacrifices, n’oublions pas que nous avons collectivement, évité et le chômage massif pendant les confinements et la hausse du prix de l’énergie grâce au bouclier tarifaire en mobilisant massivement la dette publique. En 2020, l’économie chute de 8% et le pouvoir d’achat des ménages augmente de 1%. Cet écart considérable sans précédent dans l’histoire, ce sont les générations futures qui le paieront, pas nous. Nous avons mobilisé le futur pour venir au secours du présent. De ce point de vue, la réforme des retraites est un renvoi d’ascenseur, qui mobilise le présent pour venir au secours du futur. » 
François Langlet