mercredi 9 octobre 2019

En route vers Biarritz.

Après une nuit calme dans un RBNB à Saint Gaudens
et son serpent dormant dans un vivarium installé dans le couloir qui menait à notre chambre n’était pas franchement attractif, nous prenons la direction de Biarritz en évitant l’autoroute.
Bien nous en a pris, car intrigués par la silhouette originale de l’église d’Ibos, nous faisons halte dans ce village. Un bénévole chargé d’éviter aux voitures de couper le tracé du Tour de France nous renseigne aimablement.
Nous sommes en Bigorre. La commune plus étendue que Tarbes la voisine, est restée riche au croisement des axes Nord/ Sud et Est/Ouest, avec une zone commerciale conséquente.
Cela transparait dans l’habitat cossu en galets avec toits en ardoise et grands portails de bois à colonnettes.
La collégiale Saint Laurent comporte deux tours séparées par une courte nef.
Comme la chapelle saint Roch est fermée, nous ne pouvons qu’apercevoir deux fresques naïves récentes.
C’est la fête au village : de grandes tablées attendent les convives qui acclament la caravane publicitaire dispensant ses fraises Tagada et ses sachets de moutarde.
Au retour, notre planton nous confie quelques réflexions sur son village d’adoption où  bien qu’il ait été conseiller municipal pendant 15 ans, il est toujours considéré comme un étranger. Il n’a pu acheter de maison de caractère du pays, alors il s’en est fait construire une neuve selon la tradition. Il évoque aussi son grand-père explorateur au Brésil puis participant à la construction d’Agadir. Il nous indique le « restau des femmes » sur la route de Pau, malheureusement fermé pour congés.
Nous déjeunons à Soumoulou, repérant in extrémis un routier de l’autre côté du foirail : décoration basque, pâté basque et confit de canard  avec portions pour travailleurs de force, à prix doux.
Pour un samedi déclaré noir, nous ne voyons pas un chat sur les routes du Béarn. De hauts platanes en voûte bordent des chaussées rectilignes d’où l’on aperçoit des fermes aux toits de tuiles parmi les champs de maïs.
Nous arrivons à Biarritz à 17h et laissons notre Clio au parking souterrain de la plage.
Sous le ciel gris, les tentes bayadères ont été dressées et le sable accueille une foule dense et colorée qui profite de la douceur du moment et des bains de mer.
Nous longeons l’amphithéâtre que forme la plage pour visiter l’aquarium de style art déco situé en face du célèbre rocher de la vierge.
Sur quatre niveaux nous pouvons observer poissons et crustacés du golfe de Gascogne, nous informer sur les techniques de pêche à la baleine pour lesquelles les basques se battirent une solide réputation.
 
Nous passons des poissons locaux à des bassins de poissons aux couleurs toujours étonnantes provenant des eaux réchauffées par le Gulf Stream.
En terrasse des phoques font l’attraction lorsque le soigneur les nourrit en fournissant quelques explications aux spectateurs.

mardi 8 octobre 2019

Moi, BouzarD.


Le jeu de lettres en première page précède 62 pages d’auto dérision classique : panne d’inspiration et excuses bidon pour le dessinateur qui ne rend pas son travail à l’heure permettent de retrouver l’esprit de Franquin. Nous voilà rassurés avec les astuces habituelles concernant le Kouign-amann breton chargé en beurre et des voisins portés sur l’apéro. Le narrateur, testeur de pâté de foie à la façon Jacques Vabre s'immerge parmi un troupeau de cochons, et un personnage venant du futur pas vraiment folichon s’incruste chez lui. La vie de la rédaction de Fluide Glacial reprend les trouvailles du temps de Spirou l'ancien. Régressif à souhait. 
Mégabras. Toujours aussi impassible et parodique, le dessinateur fréquente cette fois quelques super héros comme lui : SuperGlinglin, l’Aspic du Marais poitevin, le Frelon asiatique... Lorsqu’il est en colère, une force démesurée le submerge pour un seul bras qui lui déchire alors sa manche, qu’il faut réparer. Il s’est trouvé un disciple, un voisin désœuvré. J’aime les gags lorsqu’ils se répètent et je goûte volontiers de ces sottes planches où les balourds nous reposent de tous les malins.

lundi 7 octobre 2019

Un jour de pluie à New York. Woody Allen.

On aime retrouver le drôle de créateur à la drôlerie singulière.
Les mots du créateur nous ont tellement enchantés naguère, mais cette fois, ils n’apparaissent que comme des pastilles sur une trame qui laisse indifférent.
La fille nunuche, le garçon blasé, ne m’ont pas paru sympathiques et même la nostalgie n’est plus ce qu’elle a été : New York n’est qu’un décor et le cinéma une occupation vaine.
Oui, nous avons été de ces naïfs qui voyaient le monde à travers des réalisateurs et l’amour par vedettes interposées, mais si le rock est devenu une musique pour EHPAD que dire du jazz ? Malgré son amour de l’Europe où les orangers sentent si bon, l’on n’écoute plus Woody qui rabâche en bout de table, sauvé récemment par le puritanisme américain qu’on aime tellement contredire. Il renouvelle les acteurs qui le représentent mais ces jeunes ont des comportements, des pensées d’un temps révolu. L’humour est éventé, toute surprise est absente, la verve est émoussée, il ne semble plus croire lui-même à ses scénarios, pour un dernier long tour de piste qui éloigne les bons souvenirs, les moments jubilatoires, la légèreté d’antan.



dimanche 6 octobre 2019

Brol. Angèle

« T'es tellement seul derrière ton écran
Tu penses à c'que vont penser les gens
Mais tu les laisses tous indifférents »
« La thune »
La jolie belge saisit les réseaux sociaux qui nous enserrent sans asséner ses convictions.
Ses bonheurs d’écriture,
« J'ai les yeux si rouges et bombés par la nuit » « Les matins »
sa voix voilée, ses musiques addictives amplifient le plaisir de la découverte d’un premier CD.
Décidément les belges ! Rien que dans le domaine de la chanson : qui depuis Stromae ? http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/09/stromae.html .
« La flemme »
« Ce qui m'manque c'est Bruxelles
Y a toute la fame, encore plus la flemme »
Le titre de cette livraison choisi par Angèle Van Laeken signifie « un joyeux bordel ». 
Et c’est le cas car au-delà d’Instagram et des histoires d’amours, un portrait de l’époque se dessine coloré, vivant, sympa.
« Balance ton quoi » ne prends pas ses auditeurs pour des imbéciles :
« Même si tu parles mal des filles je sais qu'au fond t'as compris »
et balance à son tour:
« Laisse-moi te chanter
D'aller te faire en hmm… »
« Jalousie » est toujours là :
« Mais c'est qui cette fille sur la photo?
Jalousie me dit qu'elle est belle, qu'elle est belle »
Alors il convient de « Tout oublier » et s’étourdir dans les répétitions :
« Le spleen n'est plus à la mode, c'est pas compliqué d'être heureux
Le spleen n'est plus à la mode, c'est pas compliqué »
La « Loi de Murphy », la loi de l’emmerdement maximum, est drôle,
« Ta reine » tendre pour celles qui préfèrent les reines aux rois.
Elle a beau être consentante, la « Victime des réseaux »  est seule, dans le « Flou » : 
« Les gens t'aiment pas pour de vrai
Tout le monde te trouve génial alors que t'as rien fait »
Dans la vie  « Nombreux »:
« Nombreux sont ceux qui dansent près de moi
Ils pourraient être les plus beaux
Tu sais que mes yeux ne suivent que toi »
Alors que virtuellement, peuvent se nouer d’autres relations inédites « Je veux tes yeux »
« Je veux tes yeux
Que tes beaux yeux
Seulement en photo
Je veux les deux
Je veux les deux
Sans sentir ta peau »

samedi 5 octobre 2019

Je dirai malgré tout que cette vie fut belle. Jean D’Ormesson.

Le titre provient d’un poème splendide d’Aragon que l’ancien directeur du Figaro admirait :
« N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle »
Pourtant j’ai encore dans l’oreille la colère de Ferrat qui avait popularisé le poète communiste lorsque Saïgon avait été rebaptisée Ho-Chi-Minh ville. « Ah Monsieur d’Ormesson ! » L’« Air de liberté », titre de la chanson qui écorchait le noble, soufflait alors. Il a depuis a perdu ses évidences. 
Ce roman autobiographique paru en 2016 est un hymne à la vie:
« C'est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midi d'incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes. »
Aragon
L’académicien suivant son père diplomate a connu avant guerre la Bavière, la Roumanie, et le Brésil atteint en transatlantique et tant de grands personnages quand il a eu des responsabilités à l’UNESCO, à la tête du Figaro ou à l’Académie.
Ses étonnements, ses admirations sont précieux en nos années essentiellement dénigrantes.
Il cite Jeanne Hersch par exemple :
«  N’importe quel tyran est capable de faire chanter à ses esclaves des hymnes à la liberté. »
Le procédé qui fait dialoguer son « moi » et son « sur-moi » est amusant un moment, puis lassant, avant que l’on s’habitue tout en regrettant quelques complaisances ;
« Moi : Parce qu’il vous arrive d’avoir du chagrin, perpétuel bilboquet ?
Moi : Je ne fais rien d’autre, maître des larmes et du rire. »
J’ai préfère ses anecdotes légères à foison que ses considérations sur le temps, la mort, bien que l’entrecroisement de la légèreté et de la gravité ait ses charmes :
«  Nous sommes déchirés entre notre petitesse et notre grandeur, entre notre misère et notre puissance. Il n’est rien d’impossible au pouvoir d’un esprit enfermé dans un corps destiné à pourrir et qui n’apparaît que pour se hâter de disparaître. Chacun d’entre nous est un roi très puissant, enchaîné, glorieux, misérable, voué à la poussière et dévoré d’espérance. »
Près de 500 pages avec suffisamment de substance pour goûter le passé sans s’y enfermer, et regarder le présent sans s’y aveugler. 

vendredi 4 octobre 2019

Ma maman.

Ma maman est morte cet été à 96 ans.
Au cimetière j’ai choisi ce texte de John Donne qui avait été lu pour mon père, il y a 16 ans :
« Nul homme n’est une île, un tout en soi. Si une parcelle de terre est emportée par les flots, c’est une partie égale à celle d’un promontoire.
La mort de tout homme me diminue, parce que je suis membre du genre humain.
N’envoie donc jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi. »
A l’église, pour ma part, j'ai dit ces mots:
« Parmi les hommes et les femmes qui demeurent sur la planète, les « gens de la terre », sont les paysans.
 « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain,
jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris;
car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. »
Ce sont les mots de l’église que nous avons choisis quand dans son étymologie, religion signifie : « relier », relier les vivants et les morts.
Maman avait la parole rare dans une famille où l’on aimait les adjectifs. Son mari avait le verbe.
Elle utilisait pourtant avec gourmandise un lexique d’expressions de chez nous : « ça ne va pas en prenant », et il convenait de ne pas « faire de manières », de devenir des femmes et des hommes « comme y faut ».
Elle a mené une vie « comme il faut », dignement, modestement, et si les mots ronflants ne lui auraient pas convenu, nous pouvons simplement trouver remarquable le sens de l’économie familiale - on parle « d’assurance-vie » - qui lui a permis de financer pendant 15 ans son séjour en maison de retraite. Sans que ce soit vécu comme un sacrifice.
De pensionnats jusqu’en Afrique, j’étais loin.
Pour elle, le bonheur n’a jamais pu se mesurer au nombre de pays traversés. 
Dans sa maison de la Seiglière, son jardin de fleurs donnait sur la route, quand les hirondelles retrouvaient chaque année leur nid dans l’étable.
 « C'est que, petit oiseau, tu voles loin de nous ;
L'air qu'on respire au ciel est plus pur et plus doux.
Ce n'est qu'avec regret que ton aile légère,
Lorsque les cieux sont noirs, vient effleurer la terre. »
Du côté des lieux voisins vers Mont Besset, nous avions un champ, on le nommait « celui du cimetière ».
Entre les murs de l’ultime enclos, elle sera la dernière de cette lignée des Chassigneux, nom familier des Terres Froides, elle qui venait d’un coin plus tempéré : Charnècles où sa mémoire la ramenait le plus souvent.
Le temps de son enfance avait été pourtant rude avec une mère Joséphine, veuve vivant chichement, quand un voyage en vélo jusqu’à Grenoble était un plaisir.
Au Pin, elle était nommée « la » Clémence,  comme on disait la « mère Suzanne », « le père Sissi », ainsi chaque habitant se distinguait. Joli prénom d’usage quand Juliette et Irmine figurent aussi sur les registres, alors que Noëlle était réservé à l’administration.
La femme du Roger était devenue « la mémé du Pin » après des années colorées à s’effaroucher pour ses enfants, puis balafrées de deuils irrépressibles.   
Celle qui fut une des doyennes du village au bord du lac a été appréciée à la maison de retraite de Vourey dont nous remercions les personnels pour les soins attentifs qu’ils lui ont apportés.
On use de la poésie à l’école et au moment des enterrements, alors peut revenir un livre pour les éternels enfants.
Saint Exupéry marche à côté du Petit Prince qui a rendez-vous avec le serpent:
« Cette nuit-là, je ne le vis pas se mettre en route. Il s’était évadé sans bruit. Quand je réussis à le rejoindre, il marchait, décidé, d’un pas rapide.
Il me dit seulement :
- Ah ! Tu es là …
Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore :
- Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J’aurai l’air d’être mort, mais ce ne sera pas vrai …
Moi, je me taisais. »
- Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là.
C’est trop lourd.
Moi, je me taisais.
- Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée.
Ce n’est pas triste les vieilles écorces. »

jeudi 3 octobre 2019

Mantegna et Bellini. Fabrice Conan.

Ou Bellini et Mantegna, les deux peintres, réunis en ce moment à Berlin lors d’une exposition, ont pu être confondus tant leurs deux ateliers ont travaillé de façon proche.
Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble a souligné leur singularité et leurs apports communs à l’histoire de la peinture.
Andrea Mantegna (M) peintre et graveur est né vers 1423 à Mantoue second foyer artistique après Florence. Il sera ici question de Giovanni Bellini (B) (1425 ou 1530 -1516)  fils de Iacopo et frère de Gentile et Nicolosia qui épousera Andrea Mantegna. Celui-ci apportera à son beau-frère né à Venise, toute la rigueur venue de l’antiquité, alors que lui, amènera plus de poésie, de moelleux dans ses œuvres.
« Saint Jérôme au désert » (B), retirera l’épine de la patte du lion, et sera réinterprété 40 ans plus tard. Il a gagné en plasticité, les rochers en vérité, le paysage en clarté.
Parmi les trois représentations du martyr de « Saint Sébastien (de Vienne)» (M), un cavalier figure dans un nuage derrière l’icône gay qui devait protéger de la peste avant que Saint Roch ne le fît. 
Une fois les flèches enlevées, restait une cicatrice semblable aux bubons.
Dans « Le sang du rédempteur » (B) le Christ, athlétique, est placé devant l’image de Bacchus en regard d’une scène de la nouvelle religion.
« L'Agonie dans le jardin » (M) pourtant de petite taille (63 × 80 cm) rend bien la densité des corps, celui du christ à qui des anges présentent le calice de la destinée, et ceux de ses disciples endormis aux raccourcis audacieux.  
Sous le titre«  Le christ au jardin des oliviers » (B) c’est bien la même scène qui est représentée avec la même force.
Une autre version de cette prière figurait dans la prédelle,
partie inférieure du « retable de San Zeno » (M)  encadrant à gauche
« La crucifixion »,
alors que sur la droite, « La résurrection » qui doit beaucoup à l’art de l’enluminure et de la miniature, surprenait les soldats.
Le parallèle est aussi appelé entre « Le Christ mort soutenu par deux anges » (M) 
et celui de Bellini.
Marie déborde du cadre dans « La présentation au temple » (M) de son fils à Syméon, le prêtre. Les broderies sont magnifiques. Le visage du peintre figure sur la droite et sa femme sur la gauche alors que Joseph, au centre du tableau, aurait les traits du beau-père.
Dans un jeu des sept erreurs pourrait figurer la même scène peinte par Bellini.
Entre Moïse et Elie, Le Christ apparaît sur le mont Thabor aux apôtres Pierre, Jean et Jacques dans « La transfiguration » (B) au dessus de l’inscription : «  Ayez pitié de moi mes amis ».
« La madone » (M) peinte « a tempera » (émulsion à l’œuf ou à la gomme arabique)  avait de bien douces façons, mais la peinture à l’huile a apporté plus de finesse, de subtilité.
Les profils de médailles sont passés de mode au début du XVI° siècle, le portrait du « Doge Leonardo Loredan » (B) est d’une grande intensité.
« L'Introduction du culte de Cybèle à Rome » (M) fut complétée par
« La Clémence de Scipion »(B) pour un récit commandé par la famille Corner s’inventant une dynastie.
« Les Triomphes de César » sont « la plus belle chose jamais peinte par Mantegna. »Vasari
« Profondément attaché à l'antiquité, son œuvre participe à l'invention de la perspective. Il s'en dégage un sentiment de gravité, de solennité et une puissance inventive qui nous saisissent encore aujourd'hui…»  Anne-Sophie Molinié.
« L’Ivresse de Noé »(B) est d’une grande humanité, Cham, le fils qui se moque de lui sera maudit.
« Avec Bellini, précurseur de la Renaissance, les sentiments humains se font plus doux, plus discursifs. S'extirpant de la gangue gothique, le fils de Jacopo Bellini inscrit son style dans un esprit de liberté, de sensualité des couleurs et d'ouverture au monde. » Philippe Ridet