mercredi 2 octobre 2019

Saint Gaudens.

3 h de route depuis Sète pour passer du premier port de pêche français en Méditerranée à la sous préfecture de Haute Garonne, capitale de l’ancienne région des Comminges.
Nous dégustons au restaurant « Le Français » place Napoléon, des chipirons sautés avec des légumes du jardin au menu pour 12,80 € où un serveur aimable répond «  avec plaisir » comme tous les interlocuteurs auxquels nous avons eu affaire de préférence au trop couru «y pas de soucis ».
La blonde collégiale Saint Pierre de style roman, restaurée de frais, édifiée bien sûr à l’emplacement d’un lieu de culte païen au XI° siècle a connu bien des vicissitudes au moment des guerres de religion et lors de la révolution française.
Saint Gaudens lui même  jeune berger a qui on demandait de renier sa religion fut-il massacré par les Romains, les Sarrasins ou les Wisigoths ?
Un petit cloître attenant possède de jolis chapiteaux avec des scènes bibliques ou des entrelacs de végétaux.
Dommage que la salle capitulaire soit fermée et que nous ne puissions voir le saint Michel annoncé par le syndicat d’initiative, que nous saluons habituellement lors de nos visites d’églises.
L’accueil du musée d’art de la céramique et des beaux arts est sympathique, nous sommes les seuls visiteurs à déambuler dans les trois étages.
Le savoir faire des artisans de la région a été reconnu, en particulier « le bleu Valentine » appliqué aux porcelaines.
L’ancien bureau du maire met à l’honneur un résistant et un artiste local.
Une exposition est consacrée au hollandais Sjel Van der Voort, peintre, aquarelliste, graveur qui a séjourné dans le piémont pyrénéen au moment de la première guerre mondiale.
Par contre le musée d’art contemporain dans la chapelle saint Jacques est sans intérêt. Une exposition intitulée justement «  La pause » offre une pause à toute émotion artistique. Nicolas Pincemin, un artiste participant, prend la pose :
«  Au détour d’une rêverie hypnagogique, dans cet état propice et intermédiaire, je cède alors volontiers à la tentation d’une peinture offrant le spectacle de son propre simulacre. »
Depuis le monument aux morts, la vue sur la plaine de la Garonne est magnifique avec les Pyrénées à l’horizon. Une des deux statues en bronze est triomphale, l’autre comme une piétà est interprétée par certains comme un hommage aux « fusillés pour l’exemple ».
A proximité, le monument aux trois maréchaux rappelle le souvenir de Joffre né à Rivesaltes, Foch à Tarbes et Gallieni en Haute Garonne.
On ne peut manquer de voir les fumées parfois incommodantes de l’usine de fabrication de pâte à papier baptisée « Fibre Excellence » rachetée par des Thaïlandais qui emploie plus de 200 personnes et induit 2500 emplois dans la région.
Dans le centre ville pourtant réduit se sont multipliées des devantures en trompe l’œil rappelant une fonction ancienne sans tromper sur le devenir de ces rues dont les places de stationnement sont faciles à trouver.
Nous nous rendons à Montmaurin à 20 minutes où  se visitent les vestiges d’une villa gallo romaine datant du premier siècle, une des plus grandes de France (1 hectare et demi).
Elle comportait environ 200 pièces aux fenêtres vitrées, dallées de mosaïques ou de marbre, chauffées parfois par le sol et alimentées en eau courante.
Des viviers d’eau de mer permettaient de conserver des huitres et autres coquillages.
Forges, atelier de tissage et fabrique de tuiles étaient à proximité ainsi que les habitations des quelques 500 ouvriers agricoles qui travaillaient dans domaine qui est arrivé à compter plus de mille hectares.
L’endroit est calme, seul un couple d’anglais chemine entre les murets. 
Un magnifique chêne a poussé entre quelques colonnes restantes.

mardi 1 octobre 2019

Le loup. Jean Marc Rochette.

Bien que le titre choisi suffise dans sa sobriété, me vient en guise de résumé de ces 100 pages, l’intitulé : « Le vieil homme et la montagne » pour rappel d’une mythique confrontation en mer par Hemingway où la conjonction de coordination est au centre du propos : « Le vieil homme et la mer».
Un berger, Gaspard un nom de là haut, surmonte faim, soif, froid et vertige pour une résolution héroïque, celle d’une vie.
La nature sublime, hostile, est tracée de main de maître par une des vedettes de la saison grenobloise qui nous avait déjà enchantés il y a peu http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/12/ailefroide-rochette.html ,
Les dialogues sobres, le scénario élémentaire laissent la place à la complexité, aux évolutions d’un homme déterminé. Le propos où jouent loup et moutons nous emmène au delà des oppositions manichéennes entre prescripteurs de la vallée et porteurs de fusil de là haut.
Depuis les cimes les plus escarpées, il est question des profondeurs de notre animalité, de notre humanité. Ce sommet de la BD se passe dans les Ecrins.
Cet été, une exposition concise, élémentaire, comme il faut, a été consacrée à l’artiste régional de renommée internationale au musée de l’Ancien Evêché.

lundi 30 septembre 2019

Once upon a time in Hollywood. Quentin Tarentino.

Me voilà partagé entre le plaisir du cinéma, les délices de la nostalgie et l'envie d'apporter la contradiction à une unanimité critique - en dehors de l’Huma et du Masque - que je trouve disproportionnée.
Dans le genre hommage à Hollywood, Lala land était bien plus charmant et les acteurs tout aussi convaincants que Pitt et Di Caprio qui tiennent ce patchwork de citations pour cinéphiles pendant 2h 40.
Les néons, les voitures, les cigarettes, les minettes, les musiques: la fin des années soixante a été délicieuse. On sent poindre la fin de l’innocence, voire l’horreur, qu’une astuce de scénario et la réussite de l’outrance pour déjouer la violence vont amoindrir.
A voir, ne serait ce que pour aiguiser son esprit critique.

vendredi 13 septembre 2019

Notre histoire intellectuelle et politique (1968-2018). Pierre Rosanvallon.

« C’est toujours dans les promesses non tenues de la modernité que s’enracinent les perversions régressives et les illusions mortifères.»
Etant passé de Dumont à Macron, ce retour sur nos cinquante dernières années par un acteur du mouvement syndical qui a attentivement étudié les libéraux, m’a concerné.
Moi qui opposais ses écrits dans "CFDT aujourd’hui" aux maoïstes que je croisais dans le temps, j’en ai conservé une proximité qui a duré un demi-siècle bien que son érudition, sa tranquille rigueur intellectuelle m’impressionnent et me dépassent.
Commencées par les mots du poète Michaux, qui me sont plus accessibles que ceux des économistes, autour de « l’exorcisme » produisant « une exaltation telle, une si magnifique violence, unies au martellement des mots… » les 430 pages reviennent sans s’appesantir sur la fortune du mot « autogestion » puis sur sa disparition entre 68 et 81. Un rappel du « Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations » peut dans le même mouvement nous réjouir et nous donner un sacré coup de vieux :
« nous ne voulons pas d’un monde où la garantie de ne pas mourir de faim s’échange contre le risque de mourir d’ennui. »
La deuxième gauche critique du social étatisme, déplorant les archaïsmes s’est évanouie mais il est des fondamentaux qui perdurent après 83 : 
« Il y avait pour moi dans le mutisme de la gauche une dénégation de ce qui constitue l’essence même de la démocratie : la reconnaissance de la capacité des citoyens à regarder les choses en face… »
L’analyse du fondateur de « La république des idées », se garde bien d’arrêter des positions définitives, car après avoir révisé les « enthousiasmes » de jadis et les « piétinements » qui s’en suivirent, il sait bien que les « tâches du présent » sont complexes, pour reprendre ses têtes de chapitre, où il donne à comprendre « un nouveau cours intellectuel et politique ».
Pour redéfinir l’émancipation :
« La partie ne pourra être gagnée que si elle s’inscrit dans un  projet positif et n’en reste pas à une seule politique de résistance ou à une simple perspective de restauration. »
Il donne à réfléchir autour des formules pourtant rebattues mais fécondes : «faire société », «  le long remords du pouvoir », «  entrepreneur de soi même » ou « le peuple est le pluriel de minorités »…
« Les inégalités résultent en effet dorénavant autant de situations (donc individuelles) qui se diversifient, que des conditions (donc sociales) qui se reproduisent. »
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Mon voisin Hubert entre deux mandalas, travaille aussi le béton cellulaire. Cette fois il s'est inspiré des statues de l'île de Pâques.
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  1. Je fais une nouvelle pause dans les publications de mon blog pour cause de voyage en Italie qui alimentera des articles à venir. Je reprends l'écriture de mes articles début octobre.    

jeudi 12 septembre 2019

Rencontres photographiques d’Arles 2019.

« Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui. »
La formule de Guitry s’applique à Avignon pour les rues qui paraissent plus que jamais comme des scènes à la sortie des salles de spectacles, à Cannes où le cinéma peut durer au-delà des projections.
A Arles, où c’était la féria, dans la ville minérale, chaque brin d’herbe prend la pose, 
bien que les 50 expositions pour les 50 ans des rencontres ne se soucient plus guère de joliesse comme il convient désormais à toute manifestation artistique contemporaine.
 
Même si en deux jours, nous n’avons pas tout vu, nous nous sommes  étourdis d’images, baladant sans vergogne un appareil  photographique qui dans cette cité ne parait pas encore totalement incongru.
 
Avec « Les vivants, les morts et ceux qui sont en mer », nous avons eu le temps de partager le monde d’Evangelia Kranioti, du Liban à Rio. Quand les humains font commerce, ils sont beaux, forts, pathétiques, amoureux.
Moins poseuse que Pixi Liao qui  se met en scène pour décrire les relations amoureuses « modernes ».
Moins triste qu’une tchèque ou une allemande de l’Est qui s’étourdissaient de nuit et d’alcool quand il y avait encore le rideau de fer.
Plus contemporaine qu’Helen Levitt prestigieuse photographe des rues de New-York dans les années 30 dont l’humour attendrit la rudesse de conditions sociales qui n’en sont plus à leur dévoilement.
Une autre exposition « Unretouched women » va chercher dans les strip-teases forains et les stéréotypes du quotidien, de quoi documenter le féminisme dans les années 70, quand même Marilyn n’apparaissait pas à son avantage.
Moins cérébrale que Valérie Belin dont on se demande traditionnellement s’il s’agit de photographies peintes ou de peintures photographiées comme Laure Tibergen qui refait du Rothko.
Ouka Leele qui rendait bien compte de la fantaisie de la Movida était plus éclatante.
Les productions de l’art brut s’édifient souvent en volume, quand elles forment des collages, des collections, les tirages qui entrent dans la catégorie photo/brut, touchent aussi à l’estomac.
La traversée d’un demi-siècle de l’institution arlésienne appelait les souvenirs du père Lucien Clergue qui avait dès le début déjà traité bien des sujets avec enfants, corps nus et oiseaux morts. Les photos en noir et blanc nous reposent, elles « font plus photo » bien que les images du passé ont dans cette édition submergé celles d’un présent qui a du mal à se dire.
La rétrospective de «  Variété » revue belge, qui fut d’avant-garde, pâtit de ses formats se prêtant plus à être feuilletés qu’à une mise en vitrine. Il en est de même pour les  clichés de Germaine Krull  sur le bateau qui emmenait Breton, Levi-Strauss, de Marseille à Rio, en 1941. 
Masques à gaz et machines à laver répertoriés autrefois par le CNRS nous paraissent poétiques à présent.
L’évocation de « La zone » qui s’était établie sur les fortifications à la fin du XIX° siècle autour de Paris s’acclimate parfaitement dans des pièces délabrées du site La Croisière,
 
comme à la Maison des peintres, les intérieurs des maisons britanniques de toutes classes sociales, « Home sweet home ».
A côté de la gare, de jeunes artistes étaient en compétition, mais je retiens le travail de Kurt Tong qui était exposé à côté. Alors que tout artiste se pose la question de son efficacité sociale, la mise à jour de la vie singulière de celle qui l’a élevé, littéralement hors champ pratiquement toute sa vie, prend tout l’espace. Elle était passée par le « rituel du peigne » marquant son indépendance vis-à-vis de sa famille et des hommes en se coiffant d’une longue natte et revêtant un costume clair, jeune fille à vie.
En plein air, parmi une végétation sauvage, Mario Del Curto est lui aussi parfaitement à sa place pour présenter les relations de l’homme à la nature depuis les premiers pommiers qu’il situe au Kazakhstan jusqu’aux cimetières et autres jardins urbains qui persistent.
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Supplément: Vue aérienne d'un élevage au Texas